'Ml H ' ; U dVof OTTAWA 39003013112-156 Digitized by the Internet Archive in 2010 witii funding from University of Ottawa littp://www.arcliive.org/details/lepaysdusoleildeOOducli LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT CALMANN LÉVY. ÉDITEUR DU MÈMK Âi;Ti:rH ./AFRIQUE OCClDliNTALK. - Nouvel!.. av,.ulnr..s ,1,- cl,a>M. 1 d. voja.. • ^_ 1 M volmue iu-S", illustre d. ^ravuros dans lo t.M. H hors toxio U,.|iu.T U.ilo :iv,'c f.M-s si.,ViauN, do.v snr Iranchr Un ..■•>•> 1111 X. .<■••.. Il i^l: iivfiii~viiiii> iiii l'uii" «••-•j (I 8 IMUIUUE SAUVAGE. - Nouvoll.s oxawsums an pays .les Âslmugos l.u vllu," in-80, illusU-éde .ravures dans l,- tox... .. hors lexl., et o,ué de caries 1 0 oO Reliure Iode, avec fers s|,.H-iaux, dore sur Irauclie VOVVCESET AVENTUHES DANS LAKIUQUE ÉQUATOHIALE. - Mun.rs ,., ,..u„„nos des hal.ilauK - Chasse au p.ille, au léopard, a elepi,anU i, l-hippopoUune, etc., avec dlusUalions ..t carie. In beau vohune 1„ s ^^ uraiid iu-S" ; ' ', oii „ Demi- reliure cliauriu. plais loile, dore sur Iranclie -" l'MUS. • IMl'. '"■ Muril.l.OT. nl-M Vni.TMKi;. Ib, - 2:W70 Alt LE PAYS nu SOLEIL DE MINUIT VOYAGES DÉTi; EN SUÈDE, EN NORVÈGE, EN UAPOME ET DANS UA EUNI.ANDE SEPTENÏRIONAUE PAUL DU CHAILLU ai 1^ M U R E C 0 K R E s !■ O N I» A N T U E LA SOCIÉTÉ 1 1 K ri (. H \ T' H I (J U K DE N E W - \" O H K . DE L \ SOCIÉTÉ D* H I S T O I R K N A T !■ R E L L E DE 1! O S T 0 N ET n E LA SOCIÉTÉ E T K S O t. R A I' H I IJ U E A il É 11 I C A I N K OUVRAGE ILLUSTRÉ D U N ( i R A N D N 0 :>! B R U D !•: VIGNETTES DONT 31 nous TEXTE PARIS CALMANN LÉVY, ÉDITEUR ANCIENNE MAISON MICHEL LÉVY EUÈRES 3 , ni" i: A L' B E R , 3 1882 '^ WBllOTMèQîJfS i - 'il. ■ . ■ ROBERT WINTHROP, ESQ. DE .NEW-YOUK. A \oiis, mon cher AViiilliro|), qui, en toute circonstance, avez été un ami tidèle et constant, je dédie cet onviaj;e : /'■ Paijs du soleil de minuil^ en témoignage de la liante estime ([ue je professe poui' votre caractère et en souvenir reconnaissant des heures délicieuses que nous avons passées ensem- hle à votre heureux foyer, toujours embelli par l'accueil hospitalier do votre aimable femme, et par les acclamations joyeuses de vos clicrs enfants. (Juel que soit mon sort, dans mon pays ou à l'étranger, votre souvenir et celui des vôtres sera toujours cher à PAUL DU CIIAILLU. .New-Yorli, ftvricr tSSI. PRÉFACE Le récit contenu dans ce vdlume sur la pénisule Scandinave et sur la \ie de son piHiple est le résultat d'une série de voyages exécutés à différentes époques, de 1871 à 1878, embrassant un séjour d'environ cinq années. Mon intention, en l'entreprenant, a été d'écrire quelque chose de plus qu'une simple relation de voyage : je me suis proposé d'élutiicr le caractère physique du pays, et d'observer attentivement les mœurs et coutumes de ses habitants, en participant à la vie domestique de toutes les classes. J'étais certain qu'une telle descri[ition ne pouvait être lidèle que si je parvenais à obtenir ralïeclion et la confiance des indigènes, que s'ils me considéraient comme un des leurs. Pour atteindre ce but, j'ai acquis une certaine connaissance de leur langue, sachant bien qu'il n'y aui'ait de sympathie véritable entre la population rurale et moi, et que ji' n'obtiendrais aucune connaissance réelle, que si je pouvais converser avec chacun d'eux. Afin d'acquérir une connaissance familière du pays, j'ai voyagé d'une façon irrégulièie, par des roules qui bien souvent s'entre-croisaient, et, à différentes saisons de l'aimée, soit de la Baltique à la mer Polaire, soit de l'est à l'ouest. J'ai observé toute la côte deiiuis Ilaparanda jusqu'au point extrême nord-est de la Norvège, distance de 3200 nulles; en outre, j'ai navigué sur presque tous les liords, dont les bords ont, au total, une étendue de 3000 milles et même davantage. J'ai porté mon attention, tout |uuticulièremenl, sur les âges préliisloriques et sur celui des Vikings; j'ai mis à profit les recherches les plus récentes des archéologues norvégiens et suédois, ainsi que les illustrations dernièrement publiées pour élucider ces sujets, car leurs restes jettent beaucoup de lumière sur le caractère et les mœurs des habitants actuels, — probaiilcment les plus indépen- dants, les plus honnêtes et les plus loyaux de tous les |ieuples européens. l'dur mes informalions, je ne me suis lié qu'à mes ojjservations persomielles. IV PREFACE e\ le lortoiir peut rtii' sùf (iiii' iiiPs dcsniplioiis desiiKeiirs primitives ne provieiiiu'iit pas (l'oiiï-diie, mais reproduisent ce que j'ai mi de mes projn'es veux. Sur les points scieiitiliques, j'ai consulté les plus hautes autorités locales La plupart de mes illustrations et tous les poi'traits viennent de photographies (|ui ont l'ti' prises exclusivriiicnl pour ic livi'c Celles ipii ii'pri'sentent des scènes d lii\er eu Laponie sont l'ieuvre d'un artiste su('dois, liasse Bergman, qui a xisité le p:i\s. Le titre lie cet ou\rai;e di''ii\i' d'un des |ilus reiiiarqualiles plir'uoiiièues du nord du pays, idiéuouièiie dont, eu iiieu des occasions, jai i't('' ti'uioiu avec étonuement et admiration. J'ai adopté Tortho^îraiilie usitée eu ciiaque contrée pour ce qui a rappiul au\ noms de lieux et de peuples, etc.; mais comme les langues suédoise et norvégienne se resseml)leut beaucoup, et ([ue toutes deux sont maintenant dans tm état de transition et arriveront graduellement à haser leui' orthogiaphe sur uu modèle conuuun, nulle conrusiou ne résultera de ce plan. Je soumets cet ouvrage au puhlic, dans l'espérance qu'il jiarlagera avec moi l'intérêt qui s'attaciie au peuple Scandinave et à sou curieuv ]iays. l'ALL DU GHAILLU. N(.'\v-Yi rk, ffviicr tSSI. «ffiBi .''.^i?-^— LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT CHAPITRE PREMIER Traits caractéristiques de la péninsule Scandinave. Il est au loin, vers les régions glacées du Nord, im beau pays, un pays admirable, avec des montagnes couvertes de neige, audacieuses et magnifiques; des vallées profondes, étroites et bien boisées; des plateaux et des pentes abruptes ; des ravins sauvages ; des lacs limpides et pittoresques; d'immenses forêts de bouleaux, de pins et de sapins, dont la solitude est faite pour calmer l'esprit agité de l'homme; d.e grands et superbes glaciers sans rivaux en Europe ; des bras de mer, appelés liords, d'une extrême beauté, s'avançant dans l'intérieur au milieu d'une vaste perspective ; des ruisseaux sans nombre dont les eaux cristallines varient de nuances, selon qu'elles sont frappées par les rayons du soleil pendant leur course vers l'océan, roulant en innom- brables cascades et rapides, remplissant l'air du bruit de leurs chutes ; des rivières et des courants qui, dans leur marche précipitée depuis les sommets jusqu'à l'abîme, plongent en énormes torrents, si beaux, si blancs et si chastes, tpie le spectateur ne se lasse pas de les regarder; 1 2 LK PAYS DU SOLEIL DE MINUIT c'esl pour lui comme une vision t'iiclianleresse à la réalité de laquelle il peut à peine croire. Ils onl pour contraste d'immenses étendues de terres stériles et désolées, souvent couvertes de rocs empilés çà et là en masses épaisses; des landes el des marécages si lugubres, que l'étranger en éprouve un sentiment de malaise aurpiel il tente en vain d'échaj)per. Il y a aussi des paysages exquis et sylvestres, si calmes et si pitto- resques, de la mer et des lacs, des montagnes el de leurs ram|)es, des rivières et des clairières, que l'on se délecte à errer au milieu d'eux. Des terres cultivées ou des vallées fertiles, bordées de bois et de rochers, avec des fermes el des cottages autour desquels jouent des enfants, offrent le tableau fidèle du contentement et de la paix. Tels sont les traits caractéristiques de la péninsule Scandinave, ceinte presque de toutes parts d'une côte sauvage el austère. La nature, en Norvège, esl infiniment plus hardie et plus majestueuse (pTen Suède ; mais certains endroits de la côte, le long de la Baltique, présentent des vues enchanteresses de paysages ruraux. Dans la partie .septentrionale de ce pays, depuis les derniei's jours de mai jusqu'à la fin de juillet, le soleil brille jour et nuit sur ses montagnes, ses fiords, ses rivières, ses lacs, ses forèls, ses vallées, ses villes, ses villages, ses hameaux, ses champs et .ses fermes; c'est pour cela que la Suéde et la Norvège peuvent s'ajjpeler « le pays du soleil de minuit ». Pendant cette période de jour continuel, on ne voit pas les étoiles, la lune esl pâle el ne verse point de lumière. L'été est court : il n'accorde que le temps bien juste aux fleurs pour pousser, fleurir el se faner, et à peine assez au cultivateur pour rentrer sa récolte, qui est quelcpiefois compromise par une gelée hàlive. Peu de semaines après qne le soleil de miiuiil a passé, les heures solaires déclinent rapidement, el, à la mi-aoùt, l'air devient piquant el les nuits plus froides, quoique pendant le jour le soleil soit chaud. Alors l'herbe jaunit, les feuilles changenl de couleur, sèchent et tombent; les hirondelles el antres oiseaux migrateurs s'envolent vers le Sud ; le crépuscule reparaît ; les étoiles se montrent une par une et scintillent comme des escarboucles dans le ciel d'un bleu pâle; la Inné redevient la reine de la nuit; elle éclaire el anime les longues ASPECT GENERAL DE LA SCANDINAVIE 3 et obscures journées de l'hiver Scandinave. Le moment arrive enfin oit le soleil disparait entièrement; les cieux se montrent dans un flamboiemeni de lumière et de gloire; les étoiles et la lune s'effacent devant l'aurore boréale. 0 Scandinavie! j'ai souvent erré sur les montagnes neigeuses, sur tes collines, dans les vallées, sur les lacs et tes lleuves glacés; et lorsque le renne, ce rapide coursier du Nord, m'emportait dans un galop vertigineux, il me semblait entendre une voix murmurer à mon oreille : « Ta as parcouru des contrées où l'on ne connaît point l'hiver et oii les fleurs s'épanouissent toute l'année ; mais as-tu jamais vu des nuits aussi splendides que celles-ci? » Et, silencieusement, je répondais : ry/«nv//^(,-, fabriqué avec du renadt et une addition d'iiuile d'orange amére et de quelque chose de doux; ^i finkelbrânvin, ou esprit de vin non purifié. Autour des carafes étaient rangés des petits verres, et les messieurs burent l'une ou l'autre de ces boissons pour exciter l'ap- pétit; les plats et les liqueurs m'étaient également étrangers. Tout était disposé avec goût sur une nappe aussi blanche que la neige; les assiettes, couteaux, fourchettes et serviettes étaient placés comme pour une collation; mais, lorsqu'on ma qualité de convive, on m'in- vita à me servir le premier, je ne sus comment m'y prendre ; on mangeait debout. Voyant mon embarras, l'hôtesse vint généreuse- ment à mon secours en prenant une tranche de i)airi (|u'elle couvrit de beurre, et choisissant ensuite de bons morceaux avec une four- chette. Je liai conversation avec mon hôte, mais j'observai con- stamment les manières de faire, afin de savoir comment m'en tirer ensuite; on se servait en commun des couteaux et des fourchettes. Je commençai par du pain beurré et de la viande de renne, que je trouvai fort bonne, et, voyant chacun se jeter sur le graflax, je résolus d'en goûter; mais à peine avais-je mis la tranche dans ma bouche, que je regrettai vivement d'avoir tenté rexpérience. Il était trop tard; il me fallait manger; pas moyen d'y échapper. Mon estomac se soule- vait, et pourtant la seule chose à faire était d'avaler le morceau ; un petit verre de renadt, que je bus aussitcM après, me sauva. Je ne renouvelai pas l'expérience du graflax ce jour-là, ni bien d'autres après. Le saumon fumé était un progrés sur le graflax, mais je le trouvai assez mauvais; la sillsallat, qui est considérée comme une chose extrêmement délicate quand les harengs sont gras, me parut agréable; j'aimai beaucoup les divers autres mets, et les poitrines d'oies fumées me semblèrent particulièrement succulentes; mais je n'oublierai jamais ma première impression du saumon cru. Plus tard, je devins très amateur de la sillsallat et même de (ont ce qui était U) LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT sur un smôrgâsbord, excepté du graflax, tjue je puis manger main- tenant, mais je doute (pi'il mo fasse jamais plaisir. Les Suédois le regardent comme une friandise, et. comme les premiers saumons pris au printemps sont chers, le grallax est considéré comme un objet de luxe. Cepenil;uil le smorgas n'était qu'un piélirainaii-e du diner, lui apé- ritif. Nous nous assîmes à une grande table et l'on m'assigna la place d'honneur. Le diner et les vins ressemblèrent à ceux des antres pays. Au commencement du repas, l'hôte, /e verre en main, souhaite la bienvenue à ses invités, puis il salue l'hôtesse, et, pendant le diner, l'hôte, l'hôtesse et les invités, le verre en main, se saluent aussi les uns les autres et sirotent leur vin. Il est de coutume pour tout cava- lier de ramener au salon la dame qu'il a conduite au diner; puis vient la mode charmante et invariable pour cha(pie invité de serrer la main de l'hôtesse en disant : Tack for maten (merci pour le repas), à quoi elle répond : Wâlbeliommet (à votre service). La même céi'é- mome se répète en honneur de l'hôte et du reste de la famille ; les enfants viennent ensuite et, de la même façon, adressent des remer- ciements à leurs parents; ainsi, dés leur jeunesse, on leur enseigne à être reconnaissants envers leurs ascendants. Siiil alois un échange de politesses, souvent accompagnées de poignées de main et de révé- rences des convives les uns avec les autres, et un temps considérable se passe avani que l'on serve le café. J'étais, je l'avoue, en peine de savoir ce que signifiaient ces étreintes et je ne pensai ni cà remer- cier ni à tendre la main. Donc, dès le premier jour, je commis deux bévues : j'avais assisté au diner sans babil de soirée, et je n'avais pas exprimé de remerciemenis poiu' l'hospitalité reçue. Le temps était délicieux; on proposa une promenade. « Il faut que vous voyiez notre petit parc, » me dirent l'hôte et l'hôtesse; et vrai- ment leur éloge de ce joli lieu de plaisir n'était pas exagéré. C'est le rendez-vous d'été favori des habitants de Gôteborg. Il est disposé avec goût; des sentiers serpentent à travers des arbustes le long des bords d'une petite rivière et des fleurs émergent en profusion de toutes parts; on paye peu de chose pour l'entrée, mais les voilures en sont exclues. On prétendait que le printemps était en retard d'une semaine ou deux ; cependant, l'aubépine commençait à fleurir ; les lilas , les pom- LES CHEMINS DE FER EiN SUÈDE H miers et les marronniers étaient en pleine floraison; les penpliers, es ormes et les tilleuls se couvraient de boutons, et les chênes venaient de laisser percer leurs jeunes feuilles; l'herbe était verte et la scène olïrait un tableau charmant. Sous un pavillon central, une bande de bons artistes faisaient de la musique; des troupes de moineaux apprivoisés gazouillaient alentour; sous l'ombrage des arbres, des centaines de visiteurs flânaient, se promenaient ou conversaient en prenant des rafraîchissements à de petites tables préparées pour cet objet, en échangeant les courtoisies caractéristiques de ce peuple. Voilà comment se passa le premier jour de ma visite en Scandi- navie. La charmante famille, (|ui m'avait reçu comme son invité, exigea ma promesse de venir lui f.iire une autre visite lors de mon retour à Guteborg. Le railway de Gôteborg à Stockholm a été consiruit jiar le gouver- nement et sous sa direction ; c'est la route principale de l'ouest à l'est; elle se relie avec le nord et le sud et autres points de la Suède, de même qu'avec Christiania; ce chemin et le grand railway du sud sont les deux plus belles artères de la Scandinavie. Le lendemain, 13 juin, à six heures du malin, je faisais route pour Stockholm, distant de 42,6 milles suédois. Les wagons sont sem- blables cà ceux en usage dans toutes les contrées de l'Europe; un voyageur n'a droit qu'à soixante-dix livres de bagage et le [loids qui dépasse cette limite est sujet à des frais très élevés. On ne me permit pas de prendre mon fusil avec moi; c'était contre les règlements, et il dut rejoindre mon bagage. En quittant Gûteliorg, la scène me rapiielait de temps en temps la Nouvelle-Angleterre. En maints endroits, le pays paraissait stérile et rocheux, et bien des champs étaient entourés de murs de pierres, précisément comme ceux que l'on élève communément en Amérique; d'autres n'avaient pour cloluic (pie des planches. De petits lacs, des bois, des marécages, des champs cultivés me passèrent successivement sous les yeux; les maisons de fermes étaient peintes en rouge. Plus nous avancions dans l'intérieur tlu pays, plus la végétation semblait en retard, et la scène devenait particulière- ment suédoise : des collines de granit poli prouvant raclion des gla- ciers; des forêts de sapins, de pins et de bouleaux, alternant avec des pièces de terre arable, des landes et de longues étendues de ma- 12 LE PAYS DU SOLEIL DE MINIIT rais; çà et là des terres sableuses, couvertes de inerrailles ou d'arbres rabougris. On a évidemment apporté de grands soins à la construction de la route, qui a été faite sous la surveillance des employés du gouverne- ment et avec les meilleurs matériaux. On a consulté l'économie pour l'aménagement des détails; des monceaux de fer de rebut sont entassés le long de la ligne, et chaque pièce est conservée pour la refonte ; le graissage même des machines et des roues de wagons est exécuté de façon cà empêcher toute perte de graisse. Les stations sont tenues dans un ordre parfait; le nom de chacune d'elles s'étale sur la façade en gros caractères, avec la distance de Stockholm et de Gûteborg; presque toutes sont entourées de jardins et le bien-être des voyageurs est admirablement entendu. Les agents du chemin de fer sont très polis ; les chefs des stations, les conducteurs, les commissionnaires et autres employés portent invariablement l'uniforme. A des distances d'environ trois milles, de petites maisons rouges ont été bâties pour les gardiens qui surveillent le chemin ; elles sont numérotées consécu- tivement, et chaque gardien est tenu de ])arcourir la moitié de l'espace de haut en bas pour voir si tout est bien en ordre ; à chaque chemin de traverse stationne un gardien, les règlements formulés par le gouver- nement exigeant que les compagnies prennent toutes les précautions possibles pour assurer la sécurité générale. Dans l'après-midi, nous fîmes halte à une station appelée Katrine- holm, l'un des meilleurs buffets des chemins de fer de la Suède. En entendant le cri de « Vingt minutes pour dîner ! » je m'élançai du train et courus en toute hâte à la Dintxal (salle à manger), car le grand air m'avait mis en appétit. Me rappelant mes expériences sur les routes ferrées de l'Amérique, je pensai qu'il n'était pas impro- bable que la limite slipulée de vingt minutes en signifiât dix; de là mon empressement. Mais, quand j'entrai dans la salle, je fus hon- teux d'avoir coudoyé mes compagnons de voyage aussi bnilalement que je l'avais fait; tout était calme, bien ordonné, propre, et je m'arrêtai pour jouir de ce spectacle qui m'impressionna ]iar sa nou- veauté. Au centre d'une chambre spacieuse, au parquet immaculé, une grande table, couverte d'une nappe fort blanche, portait toute une variété de plats tentateurs, comprenant de grands poissons des UN BUFFET MODÈLE 13 Incs, (lu roast-beef, de rtigneaii, du poulet, de la soupe, des pommes de terre et autres légumes frais; différentes sortes de pain; des puddings, des gelées, du lait doux, de la crème, du beurre, du fromage, et l'immanquable lait de beurre, que beaucoup de per- sonnes mangent d'aliord, même avant la soupe. Les aliments étaient cuits à point. Des piles d'assiettes chaudes, avec des couteaux, des fourchettes et des serviettes se trouvaient à portée du voyageur. L'as- pect de cette salle était engageant, gai et appétissant ; on aurait pu croire qu'un banquet avait été apprêté pour la réception d'une société particulière. Le télégraphe avait annoncé aux pourvoyeurs le moment exact de notre arrivée, et, comme les trains sont ponctuels, à moins d'être retardés par de soudaines tempêtes de neige ou des accidents, tout était piêl i)our nous. J'observai avec beaucoup d'intérêt les manières des voyageurs : point de confusion ; on faisait le tour de la table centrale, chacun choisissait le plat qu'il préférait et, après avoir pris des couteaux, des fourchettes, des cuillers et des serviettes, on s'asseyait à de petites tables de marbre espacées dans la salle. On se servait soi-même quand on voulait quelque chose. Je remarquai particulièrement la modération de chacun ; la portion d'aliments pour une personne ne dépassait pas celle que l'on aurait servie à une table privée; chaque voyageur semblait se dire que son voisin aussi pouvait avoir envie du plat qu'il avait choisi. La vente des spiritueux étant défendue par le gouvernement dans les stations de chemins de fer, on ne pouvait se procurer que de la bière ou des vins légers, que servaient des jeunes filles alertes et avenantes. Les voyageurs prenaient eux-mêmes du café à une grande urne posée sur la table ; on pouvait avoir du lait sans augmentation de prix. Le dîner terminé et la période de vingt minutes étant expirée, nous passâmes à la caisse pour })ayer notre écol, que recevaient les jeunes filles. Le i)rix demandé pour cet excellent repas était, y compris le café, de un rix-dollar et 25 ôre '; il est maintenant de 5 rix-dollar et 50 cire. On avait ajouté au total la modique somme de 25 ôre, pour la bouteille de bière. Le compte donné par chaque voyageur 1. Le rix-dollar s'aiipcllc iiiaiutPiiaut kruiia; il est divisé en lOU cire, el équivaut il 26 cents américains, ou I fr. 30 c. 14 LE PAYS DU SOLEIL DE MINLUT pour la quantité de viu, bière ou café qu'il avait consommée, clail accepté sans observation, et personne ne se tenait à la i)oile pour surveiller ceux (pii sortaient. Eu quittant la salle à manger, je me sentais plus que jamais enchanté de la politesse inépuisable de ce peuple. La scène était devenue de plus en plus belle, même avant d'avoir atteint Kalrineholm, le railvvay côtoyant un lac éiidit el pittoresque, bien boisé de pins, de sapins, de bouleaux et de chênes dont les bran- ches s'étendant au loin donnaient un caractère particulier au paysage. En approchant de S|)arholm, le spectacle devenait plus beau encore : champs superbes, bocages, forêts, lacs et rivières passaient rapide- ment devant nous et formaient un panorama charmant. A six heures, nous atteignîmes Stockholm, et je ne tardai pas à m'étalilir conforta- blement à l'hôtel Rydberg, sur le S(|uare Gustave-Adolphe, d'où j'avais la vue complète du palais royal et de la plus jolie partie de la ville. Le lendemain matin, surpris de voir le domestique poser une note sur ma table, j'en tirai la conclusion naturelle que l'on s'attendait à ce que je payasse tous les jours, et, en conséciuence, je lui tendis la somme nécessaire pour faire face à celte obligation ; mais, tout en s'excusant avec politesse, il refusa de recevoir l'argent et m'expli(|ua que l'on avait l'habitude de présenter chaque jour sa note à tout hôte avec un mémorandum du montant de la précédente journée, f ii de corriger immédiatement les erreurs s'il s'en trouvait. Les maîtres d'hôtel des autres pays de l'Europe feraient bieu d'imiter cette cou- tume, qui est avantageuse pour tous. C'est une honnête mesure, et elle a servi à fortifier encore davantage ma bonne opinion de ce peuple. CHAPITRE III Stockholm. — Première impression. — Giaiidc politesse. — .Sociabilité du peuple. — Vie exté- rieure. -- Charmantes dames. — Longs crépuscules. — Parcs. — Magnifiques faubourgs. — Dimanche. — l'n établissement d'instruction. — Institutions libres. — Écoles. L'étranger fiui, par une belle journée de juin, entre dans la pitto- resque et charmante ville de Stockholm, éprouve une impression délicieuse. Bâiie en i)arti(' sur huit îles, reliées par des ponis traver- sant la ()etile rivière rpii sert d'écoulement au lac Mélar, cette ville possède un cachet romanliijue diffèrent de celui de toute autre capitale. Le massif palais, les siiuares, les musées, jardins, bibliothèques, institutions scientiliques, écoles, églises et ponts; les quais splendides qui forment le plus beau trait de la ville et le long desquels les navires chargent et déchargent des marchandises ; les nombreux ba- teaux à vapeur qui font Toffice d'omnibus et transporlenl les |)assager9 d'un lieu ou d'une île à l'autre ; les preuves surabondantes de bon gou- vernement et de prospérité ; tout se combine pour faire de Stockholm une des villes les plus attrayantes de l'Europe. La longueur du lac est d'environ soixante-quinze milles; il est constellé de plus de qtinlorze cents îles; ses bords profonds et dente- Il) LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT lés sont éraaillés de villes, de villages , de hameaux, d'églises, de ruines, de châteaux, de vieux casleis, de modernes villas, de fermes et de prairies alternant avec d'énormes masses de rochers, des forêts sauvages et silencieuses et des rivières limpides, pendant que ses eaux sont sillonnées par des steamers et des navires à voiles se diri- geant vers la mer ou en venant. La Baltique se déroule à travers un archipel congloméré, cl Inriiic im cliarniant liord marqué des traits caractéristiques d'une scène suédoise. La ville couvre un grand espace, à cause de ses places, parcs, larges quais, et de l'eau qui court rapi- dement entre les îles. Beaucoup de rues sont étroites, sans trottoirs, pavées de cailloux, avec des cassis dans le milieu ou sur les côtés au lieu d'égouts; cependant, la ville est propre. La plupart des mai- sons sont liantes 'et plâtrées, à peu près comme celles du vieux Paris; mais quelques quartiers sont ornés de belles résidences. Le plus an-, cien quartier est bâti sur l'île de Stadsholmen ', nii le i)alais royal domine de beaucoup les maisons environnantes. C'est une noble et vaste construction contenant une grande bibliotiièque, beaucoup d'objets de curiosité et une belle galerie de tableaux; le malheur est que, dans son voisinage, se trouvent quelques-unes des rues les plus laides et les plus étroites de Stockholm. L'Opéra possède un très bon orchestre, qui serait en honneur à Londres ou à Paris, à Berlin ou à Vienne. Les divers théâtres et autres lieux d'amusement sont quelquefois fermés en été. Il y a aussi des jardins d'été ou parcs , dans lesquels on a du plaisir à voir circuler la foule et à entendre de la mu- sique. Kungstrâdgarden est un très beau square, avec de grands arbres et de nombreuses variétés de fleurs; il est oi-né d'une superbe fontaine et des statues en bronze do Charles XII et Charles XUI. Le parc Berzélius est un charmant endroit, avec une statue de gran- deur naturelle de l'illusln' cliiniisle dont il a l'honneur de porter le nom. Strômparberren, agrémenté de Heurs et d'arbres, est délicieu- sement situé au pied du pont Norrbro, la rivière coulant rajjide de l'autre côté. L'étranger ne manquera pas de visiter la colline i . Les huil iles sur lesquelles est bâlie la ville s'appellent : Kungsliolinen, Riddar holuien, Helgeandshnlnien, Stadslinlmon, Sld'ppshnlnipii, Kaslellhulnicn, Stnimsborg et. Djiirgaiïlen. STOCKHOLM. l'ItEMIKIiH I M rUKSS I( l.\ 17 .Mosfliackc, du t^omiiiL'l de lai|iiL'lk' ou u une admirable vue de la ville et des environs. Stocklidlni uliri' au voyaiieiu' (|uel(|ues liiands liolels avec des l'iianibres edulorlables el bien meublées; leurs [)v\\ sont modérés. Le plus moderne, le (Irand-HiMel. n'esl pas silné aussi agréable- ment (jue le Rydberi;, mais eesl le seul (jui ail un ascenseur et des liains. Les maisons particulières ont rarement des chambres de bains, et, comme dans presrjue toutes les villes d'Euro|)e, les gens doivent aller dans des établissemenls publics pour l'aire leui's aldu- lions. L'étranger ipii parcourt les rues de Stockholm remanpie de nombreux écriteaux poitaut ces mots : « Hum for resande », ce qui excite rétoiuiement du voyageur, |)arce ({uil prend ces établissements poui' des débits de boisson; mais ces écriteaux annoncent seulement (pie ce sont des d chambres pour voyageurs ». Les Suédois (pii viemient à la ville y logent généralement par mesure d'économie. Le contraste des communautés commerciales de Gôleborg et de Stockholm est très frappant. Dans la j)remière de ces villes, les négociants suivent strictement leurs alïaires pendant les heures de Inireau; mais, dans la seconde, les boiitiipiiers manquent souvent à leurs établissements pendant ces heures, beaucoup passent trop de temps dans les cafés. Bien des magasins sont tenus par des femmes tpii dirigent par- iaitement leurs alïaires el sont des modèles d'économie; dans d'autres cas, les femmes et les fdles viennent en aide à leur mari ou jjère; en un moi. à moins d'être riche, chaque laendu'e d'une famille conli'ibue à son entretien. Ma surprise fut grande de voir la propreté des appartements de la plus humble classe de bouti(juiers et autres gens; tous s'elTorceid de sauver les apparences et ont généralement quehpie rafraîchissement à olfrir. soit une tasse de café, soit un verre de vin. En suédois ou en norvégii'u. //('/■/■ correspond à notre mot mou- sieur, el frt/, à madame. Quand ou s'adresse aux jeunes dames bien élevées, on se sert du terme fiv/a'/t; autrefois, ou ne l'appli- (juail (pi'aux filles nobles. 11 y a trois titres de noblesse eu Suède : f/refre. comte, est le plus 18 IJ-: l'AYs Dr s()Li:i[. dk mixlit élevé, fjrefciiuui, comiosse; friherr(\ li.irini; frilicrriiKi, liîiroiiiie; on se sert iiussi dos mnfs li;irnn cl iKii'tiiiiu'. Le ileniiei' degié de noblesse iTii [loint de lilre;en s'iidressanl aux personnes de eelte classe on dit ; icâlhontc lirrr (lU fni. Les noms des antres [tersonnes ayant nu tili'e i|ni'lc()n(|ue doiveiil rire |ii-i''ri''dés île ee litre; ainsi licrr (hirtar on Iwn' profcssor, ou t(Mit autre grade civil ou mili- taire. De même (jue partout, sur le continent, les lils liériti'nt du titre de nol)lesse de leur père; ipiand les tilles mililcs é|iouseid un li(uanie non titré, elles peuvent ajouter le titre de leur père au n(un (prelles pi'ennent. Cliose étraune! Le mut iiKintscll, corruptidn iln français mademoiselle, est usité poin' les personnes de la classe la plus hnudile. On se sert du mot ji'ni/fi'ii (piand on pai'le aux lilles de rermiers ou u des servantes. l'Tir/.K est le terme général pour lillettes; tjcnxtfricha, servante, drainj. donn'stiijue niàle. Les [lersonnes jolies ne se servent (pie de la ti-oisième personne lorsqu'elles interrogent. « Heri'A... veut-il venir avec mius? HerrW... ne |iense-t-il pas ipie le temps est orageux? » La lYnine persimnelle Hi (vous), est mainli'nanl plus usitée. On se sei't de du (tu, toi). entr(! amis. Quand deux gentlemen désirent employer ce terme entre eux. ils (lisent : " Skola vi lâgga hort tillarna? (nous servirons-nous de nos litres?) » Us s'olîrent un verre de vin et disent : » Skal hrotlicr (à la santé, frérei; » ils le vident jusipi'au fond et ajoutent : " ïlianks (merci). » U y a chez, les femmes de Stockholm et de la Suède une mode qui est vi'ainu'nl cliai'mante. Non seulement les jeunes dames nobles et riches sont parfaitement élevées, mais encore on leiu' enseigne la simplicité dans les manières et la toilette. Iiabilndes (prelles con- sei'vent dans leurs années de niatiuat('' et (pii leur doinieni ini air de modestie et de raffinement vraiment inii(pie. Elles ont peu de bijoux, et encore ceux (pi'elles nn'tleni sont de la siute la plus simple. Elles portent rarement des robes de soie. et. en général, p,is avant leni' entrée dans le monde. Les Suédois, COninie Ions les peuples de l'Eiu'ope, ont un failde pour les décorations. Cela Halte leur vanité; Les militaires lienneut à endosser leur nniloriue en toute occasion. La prennére impression (pie reçoit un voyagein' en arrivant dans ce pays, c'est iju'il est régi SOCIABILI'I'I-: 1)1 l'i;i l'I.K l'j par tiii liuiivenit'meiil (l('s|i(ili(|iii'. cl i|(ir rélémeiil civil esl sui.iui- duiiiié au pouvoir militaire; il iirii esl rien lieureuseraenl, et le pays ne gémit pas sous une lelli' iiialriiiclion. La liliciii'' de la parole et de la presse est entière; ou peu! disrulei- librement rabrogation ou la modification des lois, et la législation est conçue de façon que les libertés du citoyen ne puissent être à la merci du roi, ou d'un pouvoir arbitraire; il n'y a point de police secrète, sauf celle qui est nécessaire pour arrèler les malfaiteurs. Pas un peuple en Europe n'est plus libre que le peuple Scandinave ; on ne ilcmandc de passe port à personne, que l'on vienne dans le pays on (jue l'on en parte. Les habitants des villes portaient ili's vêtements de deuil comme manine de respect pour la reine défunte. La toilette des dames était noire avec un col blanc, des manchettes blanches et une ruche blanche sur la (été; on porte aussi nn laldier blanc, mais les gants doivent être noirs. Presque tous les hommes avaient nn cré[ie au chapeau, des gants et des cravates noirs. Heaiicon(i étaient en grand deuil. Une des [tarticnlantés les plus curujuses de la vdie, c'est l'air de contentement et de satisfaction (|ui distingue les manières de ses lia- liilants. Dans les mes. les corniaissances se saluent continuellement; les messieurs restent la tète déconverli' en parlant aux femmes de la classe la plus humble. Une politesse et une amabilité extrènu's sont les signes caracté- ristiques de la nation, et se retrouvent dans toutes les classes: le pauvre salue le riche, et le riidie salue le |(an\i-e. On voit nn ralli- nement de manières même chez les (lomesti(pies; ils soid ti-aités avec considération, et nn senlinieid amical réijne l'nhe eux et leurs maîtres. Les Suédois observent strictement réli(pietle; on rend in\ariable- meid le lendemain les visites d'un étranger. Comme nation, les Sué- dois soid les plu? polis de l'Europe; s'ils ne sont pas démonstratifs, rien ne leur coûte pour rendre service. La sociabilité de toutes les classes est remart|nable. Des fanlilles entières ou des sociétés d'amis dînent ensemble dans les restau- rants des faubourgs, des grou|)es de tout genre s'amusent dans les parcs. Des négociants invitent leurs connaissances à passer la joiu'iiée dans Irais |iilli)i't'si|ii('s villas (|iii (lniiiim'iil les eaux ilii lac ou ili's fiorcis; c'est souveiil l'occasion d'ini passc-lciiips siinplc cl sans prétentions. Onand une sociélr nondiicnsc es! inviltM' à diiicr. les l'onvivcs ninn^Pid soil dehonl, soil assis, avec leurs amis parlicnlicrs à de petites tables placées dans les coins du salon on sur les i^aleries. L'Iiùlesse et ses tilles l'ont les honnenrs avi'c i^ràce el simplicité, servant l'un, on invilanl l'anlrc à veinr s'asseoir à ime lahle. Puis ai'cive liénéi-alenienl nn pelil discours de l'In'ile. ipii propose de lioire à la sanli'' d'une ou de plusieurs personnes de la C(unp,iiinie. Ces diiiers ont l'avanlaiie d'être sans cérémonie. Les Suédois bien élevés parlent au moins une el souvent deux langues étrangères; lors(|u'avec le liMups ils ne réussissent plus aies parler couramnu'nl, ils les lisenl cependanl el les écriveid toujours bien. A[)rés les Russes, ce sont les meilleurs liniiuistes de l'Kurope. Quoiiiue la currespondance officielle se fasse en français et que bien des personnes des cercles comme il faut parlent cette langue mieux que les autres, j'ai renianpié chez la nouvelle génération une tendance à étudier davantage l'allemand el l'anglais. L'été est la saison la plus |iropice pour visilei' la ville. Le mois de jinn, et surloni ses di'iw derniéri's si^niaini'S. est répo(pie de l'an- née la plus agréable, parce (pie bien des gens ne sont pas encore partis pour la campagiu'. Riches el pauvres passi'nl leurs heures de loisir au grand air; l'après-midi et le soir, les jardins d'agrénu'nt el les parcs regorgent de monde; des bandes d'arlisles l'on! de la mnsiipie, les citadins el les étrangers les écouleid, assis à de petites tables sur lesipii'lles on leni' sert de la bière, ilii calV'. des sodas, du punch el autres rafraîchissements. JJes l'anulles eidières, (lére, mère, enfants, oncles, lantes. cousins ou amis, y passent leurs soirées. Chacun est propremeni vèln et l'on ne voil ni rudesse ni vnlgarilè. [.a rupture du long hiver ouvre le blocus glacé ijui inlerceplail la roule vers le nord ; les docks s'animent et chargeid ou di''cliargent des navires frétés pour les poris de la Ralliipie, le golfe de Rolhiue, Saint-Pétersbourg, la Norvège, l'Allemagne, l'Angleterre el la France; la navigation des canaux el des lacs reprend dès le velour de la sai- son chaude; des steamers j)arlent jonrnellenu'iit pour les côles méri- LONGS CltKl'CSraLRS 21 (lionales et septentrionales, donnîml ,111 Iniirisle l'drcasion d'iillcr oi'i lion lui semlile. Les plus longs jours dans le snd de la Suède sont alors venus. Le soleil se lève à Storklnilni, du 17 au 21 juin, à deux lieures ([narante-cin(| miiiules du malin el se couclie à neuf lieiu'cs di\-si'pl du soir. PeiidanI un rerlain Icnips, il n'y a puiiil (ridiscuriié el le crépuscule ne dure (pi'eiiviron Iniis lieincs, Alms les jours raccour- cissent d'une minute le malin el iWtiw niinnle le suir jusipi'à la fin de juillel ; le dernier joui' i\i' ce mois, le soleil se lève à trois heures quarante-tpiatre el se couche à huit heures vingt-sept. En août, les jours dimiuneni [iliis ia|»idement, et, le 31, le soleil se lève à quatre heures cinipianlc-cimi minutes et se couche à sept heures quatre minutes; le 30 septembre, il se lève à six heures trois minutes et se couche à cinq heures trente-cinq. Au premier aliord, l'absence de nuitsendile liés éliange. Les (piais où sont amarrés les steamers s'animent de la vie des aÛ'aires, les navires livrent ou reçoiveni leurs cargaisons, un ucnnhre incalculable de stévedores (portefaix) a|)p(nlenl les colis à boiil des baleaux. A une heure du malin, le nombre des |ii(nueneurs diminue sensible- ment dans les rues, et, à deux heures, on ne voit [ilns (|ue (piehpies rôdeurs; les volets des l'euèlres sont fermés et les rideaux soigneuse- ment tirés alin d'exclure la clarté; la ville est silencieuse. De li'ni|is à autre, se l'ail enlendre la v(jix des veilleurs (pu, des clochers des églises, crieni l'heure de la nuil, vieille coutume encore régnante; les agents de |iolice fout leurs battues, el les pas des quelques soldats qui vont relever la garde résoiuient dans les rues. Sur les (juais. les douaniers veillent pour voir si personne ne fraude le fisc, el. là seulement, des signes de vie sont visililes durant lonle la rniil. La ville renh'rine inie |iopiilaliiin de cent soixanle-ipialorze mille habitants; elle esl eu lalitude a 'M)" 21', et située à r(q)posé du grand et large bras de la Baltitpie, en l'orme de fioid, a|ipelé Finskaviten (baie de Finu) (jui conduit à Sainl-Pétershourg. Quoiipu' à :!.'> milles plus an sud (pu' la capitale de la Russie, son climat est de 3 ou 4° plus frais en élé, et de 6 à 8° |)lus chaud en hiver. Celte dilférence provient de ce (pi'en été les vents soufllent sur la lialliipie et le lac Mélar. el ipTeu hivei' Sainl-Pélersbourg est exposé aux frimas du 2-2 I.K l'AY^i DL' SULKII. DK MINLIT pays. Il l'sl Mrs l'.irc (in'a Stdrklinlm le llicriiiiiiiirlic inmili' au delà (le 88". iiii i|iic. |H'iiilaiil les [iliis i^raiiils IVuiils, il ilrsccmle à 2^". Les mois les plus diauils smil juillcl cladùl ; la Iciiiiirralun' uinycniio varie de 02 à 00°. La lempéi'alui'e onliiiairc ilc l'ainK'e limiue uu lernie moyeu de il à i-i" '. Les faubourgs de la vilh^ conslilueul son liiaml diarmi'. Ou peu! passer îles jnurin'i's à rxplni'cr les cuNiniiis |iar ran et |iar li'rre. le paysage esl pai'liui! d'uu caraclrre |niriMueiil Mirilois cl syl\cslic. Sur les liiH'ds di's liiirds, des baies el des ilcs. les riMdu'rs alliMiicul avec des buis de elièiies, de tilleuls, diirmis, de bvues, ;al eu Europe. Il ocrupe une île d'environ 18 milles de eireouféreuce, portant des villas, des promenades romantiques, des avenues délicieuses, des sentiers à liavers li's (dairièi'es, des tVu'èts d arbres ma^uiliques. des lacs et i\r^ masses de ro(diers. On y trouve des sujets d'amusement, des calés et des restaurants; l'en- droil le i)lus populaire et le jilns l'réipieuté est Hasselbacken, où chaque jour vieiuieiit des foules de dineurs. Le parc est d'im accès facile; on y arrive par de petits vapeurs ipii, à de courts inter- valles, vieuueni de Xonbi-o el d'autres points, ou par un pont qui y ciiiidnil en ipiehpies minutes. Le jietil |ialais de lidsendal, aussi cliarmanl ipie peu préten- tieux, liaiiil('' alors par la reine douairière, es! situé dans ce jiai'C. Cette délicieuse reiraile es! presque cai In'e par les arbi'es. DevanI la maison s'étale nu inagnitiipic \ase en pinphvie. sortant de la niauufacliu'e d'Elfdal. eu Dal(''c.frlii'. Il \ a encore plusiein's antres |)arcs et jialais dans les l'anboiu'iis. Cariberg-Fark. avec ses grands tilleids. ses ormes et .ses chênes, est un reuilez-vous favori eu i''ti''. Le palais a i''lé Iransfoiam'' en école I. Il s'ngil ii'i lin llicriiKniirtrc r:ilin'iili('U. m:s i>Aii(;s i;t les faib(ii kcs 2.'i niililaiie. Los autres sont : Morichcrg, sur l'ilc de Kun!<;sliolinon. (|ui a uue école supérieure (rartillerie ; Bellevy, pi'osiiuc ou l'ace de Haga, avec des arbres admirables; le palais do l'i'lriksdal cl son beau parc. Droltuingholm est le palais le jikis importaut prés do la ville; il est situé sur la Lofôu. l'une des ilcs du Mélar. N'oublions pas nou plus Svartsju, Rosersbori^, Uyditoliolm, et rccomuiaudons uue promenade à la voile sui' le fiord et le Mélar. Ce (pii snrprcnd suiioul rclran;4er. c'est (pie dans l(>s l'ésidonces royales il n'y a ni clolures, ni murs, ni soldats, ni policemeu. Per- sonne ne touche à rien; les visiteurs se promènent dans les parterres, auprès des portes et sous les fenêtres, même quand la famille royale est au château; si elle est absoute, le public pont visiter tous les palais en demandant simi)lemont la permission à un des domes- tiques. Il régne uue si grande liberté, et les gens do service sont si peu nombreux, t[\\r ce bravo et boiuu"'to |)ciqile, (pii no comprend |)as l'éliquetlo, se trompe souvoiM, et, vn eulranl ilans un |ialais. est tout étonné de se trouver on face dn loi. On aj)erçoil des villas et îles résidences d'été dans tous les coins et recoins dos bords rocheux. Les maisons, à piui d'oxcoptions prés, sont en bois, bien [leinles. cl siin\enl enloni'i''es di' massifs de llours. Toutes ont des débarcadères où les sleameis dé|iosenl on preinienl des passagers; des bains et souvent des hangars [loin- les baleaux. L'eau est le seul moyen de communication pourbeanconp de ces villas. Do petits vapeurs ont cliacnn h'ur route j)articuliére ; ils vont à la ville el l'u vii'nnonl journellement, s'arrètant aux diftérentos slalions. C'élail poiu' moi une soince di' [ilaisir inépuisabh'. pendant mes différentes visiles à Slockhobn, (|ne de faire des excursions snr ces bateaux. A clia(pie débanpu'inent, les femmes et les enfants accouroid au-devani de leurs maris et pères; des amis accueillent d'auli'os amis; tous somldi'ul Joyeux el lieurenv de se souhaiter la bienvenue. Ailleurs, c'est inie dame et sa bonne, revenani du niaiché di' Slockliolni, avec ini énorme (lanier rein|ili de pidvisions |)onr mut semaine. Le pays, Imil \r long des nnites, est dans ini elal île cnllure snfierbo et^ de loin en loin, ini voit un clianii» de labac. A Stockholm, le diman(die. on fernu' les magasins el on snspoiid 24 LF, l'AYS nr S(tl>KIN DK MIMIT les affaires. Penilaiil le service divin, les aiiberiies el cafés doivent être clos; mais, comme chez d'aiilres nalioiis prolestanles de l'Euroiie, c'est aussi un jour de récréation pour le travailleur (|ui se repose. Quand le service du m;ilin est terminé d.ins les éf(lises, les hihliolhéques el les musées se remplisseid (rindnslriids i|iii ndnl pdini d'anlre jour à consacrer au rejios ou au perl'ccliDnni'nu'nl inirliccincl. Les parcs sont ouverts aux familles d'artisans et de marcliands; les pères et mères prennent part aux jeux de leurs enfanis et jouisseni des beaux jours d'été. Ces tjens ap|iarliennent en majeure [)arlie ;i l;i classe ouvriéic, ou sont des houticpuers qui n'ont point de maison de campagne p(nn' y passer leurs moments de loisirs, point de villes d'eaux |)our aller s'amuser, poini d'ar^cid |Miur des objets de lii\e cl ipn se senlcnl heureux quand vient l'aprés-midi du dimanche. Après l'office du malin, ils vont avec leurs femmes et leurs enfanis res|iirer l'air ]un' el forli- iiant, (jui leur infuse une nouvelle vie, avani de relourner s'enrcimer dans les manufactures où ils sont occupés |)end;inl six jours jiar se- m;iiiie. L'iidluence salul;iii'c des parcs dans les villes n'a |tas èlè, je crois, suffisammeni ,ip|irt''ci(''e; ils l'onl iicancoiqi de bien; main! ;irli- san, an lieu de passer des heures à boii'e, ir;iil di' i^rand c(enr avec sa famille jouir de cet innocent plaisir. C'est le comble de l'égoïsme quand des iicns qui viveni à la c;nu- pagne, ou (pii on! Ions les conioris de la vie dans les villes, ou (pii peuveni s'absenler à leur gi'è et assister aux fêles. Iroiivenl mauvais que la population ouvrièiM^ s(U'le le (liuiaiiclie pmn' forlifier son corps on perfeclionner son esprit. Je viiudrais (pie ceux ipii pensent ainsi fusseni à la place de ce pauvre |ieuple, el muis verrions ce (ju'ils diraient d'iui si'joiu' dans les chambres d'iuie maisiui. sur les uuu's bn'dants de h'Kjuelle le soleil de juillet a darii('' l(Uile la jinnaièe ses rayons enllammés. La ville est le siège de plusieurs grandes maisons de banipie. La plus iiuporlanle est la Riksbaid^en. sous le contrôle de la diète ; puis rEuskilila-IJank de Slocklidini, lnndèe eu llS.'iO. Le directeur herr \V auquel je suis |-e(li'\able de bien des obligeances, et iloid j'apprécie hautement l'aniitiè, est connu cnuiuie l'un i\i'^ liiiaui'iei's les plus capables du pays. Il repr(''seute StdciJmIui à la diète, comme mi'Uilu'e de la preiuière chambre. Sa vie a f''t('' aussi acci- INSTIT[ TinX>; SCIK.XTIFiniKS KT Ml'^KES 2^ dentée (|iie celle de loiil linmnie du nouveau-monde. Fils d'un évè(|ue lulliérien, il parlil cuinnic mousse sur un navire américain. Élanl jeune homme, il avail aidielé à Xew-York la Familij Lihnin/ (liildiollièque de famille) de llai|(er, qu'il a conservée avec soin ri (|u'il m'a montrée avec orgueil comme l'un de ses amusements, en me faisant remarquer (|u'il l'avait payée de ses économies et avec liien du mal. II s'intéresse tort aux alïaires américaines; en politique, il compte parmi les liliéi-aux et ap|)arlient au parti de la Réforme. Il a été l'un des premiers, sinon le premier, dans les trois royaunn^s Scandinaves, à appeler l'attention publique sur la nécessité de prendre l'or ]iour étalon. Dés i8."j3. il essaya aussi de faire adopter le système décimal des poids et mesures. C'est lui qui. le premier, a employé les femmes dans les banques dont il est directeur, et quelques dames y occupent des emplois de grande responsabilité ; il est d'avis qu'il faut étendre le clianqi d'occupation des femmes, et il dit (pie, dans bien des cas, leur éducation les met à l'ahri des tentations auxquelles sont exposés les hommes. La capitale de la Suéde n'est pas seulement une ville de plaisir et de commerce; c'est aussi un grand centre de savoir et de science. Ses musées, hôpitaux, institutions scientifnpies; ses nombreuses écoles et son dévelo|ipement général d'éducation, lui onl valu une société liau- temenl spiriluelli\ raflinéc, délicieuse, ipii- cmilribne à en l'aire une des villes les plus cliarnianles de rEur(q)e. Professeurs, ddcleurs, riches négociants, personnes engagées dans toutes les branches de l'art, de la science et de la littérature, hommes de loisirs et hauts fonctionnaires, réunissent en eux les plus b(dles (pialités du pi'uple, et sont toujours prêts à rendre service à ceux (jui vienm'nt visiter leui' ])ays. L'Académie des sciences est un gi'and liàlinienl, sans pi'élenlions architecturales; mais elle possède une belle bibliotliéipie et une vaste collection minéralogique et géologi([ue qui passe pour une des plus remar(|uables de l'Europe; les spécimens de bolani(pie et de zoologii- sont aussi très précieux. Parmi ses rares cui'iosilés. il fini citer de nom- breux aérolilhes de joules (ailles, dont l'ini est le plus giand ipie l'on ait jamais li'onvé; il a élé découvert par le prol'esseiu' Xonliuiskiôld. (pie sesexploralionsaunord onl rendus! clier,'( la science : le poidsilecel :ier(t- 26 JJ-; PAYS Dr s(»ij:ii. dk mi.nl it litlie dépasse qiiarnnlo-nouf mille livres. Dniis runedos salles nfi onl lien les séances ré^'iiliéres de l'Académie. (|ne }iréside souvent le loi, on voit le lont; des murs les porlrails des premiers académiciens, donl quelques-uns ont laissé îles noms impérissables dans les annales de la science; entre autres, eenx de Linnée et de IJerzélius. L'inslitnl Caroliii a une hibliolliéipie, ini laboratoire de rliimie et de iirécieuses collections; l'instilnl tecbn(jl()!.;i(pu^. est un antre éilitice publie ipi'au- cun étranger ne mampie de visiter. La Lainllbrnks Akademien (.\cadémie d'auriculture), est uiu' institution ayant une ferme (n'i se font les expériences agricullurales. Le séminarium, collège oii \\\\\ enseigne aux dames lesbrancbesles pins hautes dn savnir, est une splen- dide péj)iniére d'institutrices privées et publi(pies; les professeurs de r.\cadémie des sciences font des cours réguliers et des conférences dans cette institution et dans les autres écoles; l'observatoire, les écoles, et l'hôpital sont également dignes d'un examen attentif. Le musée national, snpei'be consirnclion, cuntient inie galerie de Imhis tableaux et des statues. l'I une précieuse collection de un)nnaies, la plu|iart trouvées en Suéde et dont (|uel(pies-unes sont foit lares; on peut y admirer aussi des ornements en t>v d'une anli(|uilé reculée et des ustensiles appartenant aux âges de la pieric.dn bronze et du h'r. lue exposition extrêmement intéressante est la collection historiipie de vête- ments anciens ; il s'y trouve la chemise (pie poilait ('iusla\e-Ad(dphe ;i la bataille de Lnizi'u; des taches dénotent les endroits teints du sang de ce héros; le costume de Charles XII et son chapeau troué par la balle qui le tua ])endanl qu'il élnit seul dans la tranchée dev.int Fredrikshald, à faii'e des observations lopographnpies ; le domino ipie portait Gustave III (piaiid il lui assassiné; et. de plus, des boucliers, des cas(pies. et anlivs attirails gneri'iers diuil chacini a sou hislitire. Les églises sont en gi'auii inunbre, uiais anciun' n'a de pi'éienlion architecliu'ale. La plus intéressante est J'église de Uyddarholnieu. avec sa llêclie en fei', haute de plus de 300 jtieds. Cette église est chère aux Suédois, car c'est le mausolée où rej)Osenl leurs plus grjuids honinu's. C'est ici (pie se trouve la tombe de Guslave-.\dolphe. h' héros de la guerre de Trente ans. le champion du pidlesliintisnie. Sur le .sarco|)hage on lit ces mots : Mor/c/ts /rl/n/i/i/n/ri/ ; h c('ité de lui est couchée s;i l'enniie. I.i reine Miirie-Mléonore. L;i It.isiliipie contient LE^! ÉCOLES PrOMorES 27 aussi li'S tombes do Charles X et île Charles XI avec leni's (■■[loiiscs, ainsi que celle de Charles XH et de plusieurs autres guoriiei's illus- tres. Le sol est couvert de dalles sous lesquelles gisent les vestes de maints grands hommes dont les noms ont rempli le monde, et qui sont }a gloire de la Suède. Ce n'est pas seulement par ses souvenirs his- toriques (pie la Riihlarluis est intéressante: c'était autrefois la maison où la noblesse, comme l'un di's (piaire coips cnnstiluanl la diéle, tenait ses sessions. Elle est ornée d'un grand nombre d'écus, por- tant les armes de la noblesse suédoise, dont bien des familles sont aujourd'hui éteintes. A l'ouveriiu'e ou à la clotnie de la diéle, l'étranger peut voir que toutes les classes du peuple sont re|)rés(>ntées dans l'auditoire, depuis la simple servante avec son mouchoir sur la tête, jusqu'au plus no- ble et au plus riche du pays. A moins (pi'il n'eu soit empêché par la maladie, le roi en personne ouvre et ferme généralement les sessions. Cette cérémonie, que l'on exécute avec toutes les formalités voulues, n'est (pi'nne mascarade dont les Suédois sont les premiers à se mo- quer. Le souverain est entouré des chevaliers de l'ordre des Séra- phins, fondé il y a bien longtemps; tons portent i\i's costumes vrai- ment grotesques. Les écoles publii|ues sont nombreuses et l'inslruclion est obligatoire. Le nombre des enfants de Stockholm en âge d'allei' à l'école (de sept à (pialorze ans), d'après le recensement de 1870, était de 1(),843. Noml)rp (les assistants h l'école tous les jours 12, 849 — — ilïiiis (faiitres écoles ^î.Sl.t — dans les all'aices ou à i'ouvraire '.170 — (les incapaliles par malailies I Iti — n'allant jias à r(''coli' oit.") Sur celte quantité de l.'j. 102 écoliers, .T,19i j)ayaient le prix entier de l'écolage, 2,313 n'en payaient (pi'une partie, et T.O.'io ne payaient rien ; cette dernière classe suit les cours des écoles du |)euple (foIÂ- s/,ul(ii)]\\\{ ville paie pour rinstriiclion l8o,79o 38 kronor, ou 24,26 (")re pai- enfant. Il y a 208 prol'esseiirs masculins et féminins avec une moyenne de 38,8 enfants iiour chacun; la moyenne d'âge des éco- liers est de dix ans. Sur les 7, 6.3."î élèves gratuits. 99,0 pour cent a[ipre- m i.K l'AYs Di" som:ii. dm mimit naioiil If catécliismo, le suédois, r;uilliinéliini(' et l'écriture ; 02,6 pour cent îipprenaienl en sus Tliistoiie et la géogia[)liie ; 57,6 |)oni' cent l'histoire naturelle, o2,7 pour ceiil le dessin; 9 poui' cent la géomé- trie; o6 pour cenl le cliant et la gynuiastiipie. Parmi les tilles, 2,180 apprenaient à coudre, etc. Ceux rpii s'absenleni de l'école à une épo- que ou l'autre n'étaient que 9,6 pour cent; les absents pour rai- son valable 3,2 pour cent ; sans raison 1/2 ou 1 i)our cent ; par paresse, 4 pour cent; par pauvreté, 1 pour cent. Ainsi, pendant l'année, les enfants ipii oiiL manipié à l'école étaient de 721. Ceci parle liaule- ment en faveur du peuple et de l'efficacité des lois sur les écoles. 11 existe une classe d'écoles, appelée Hur/ro EJementar larorerk (Hantes classes élémentaires), où l'on enseigne les langues mortes et étrangères, eu même temps ipie les branches avancées de la science; on y prépare aussi les étudiants ipii veulent entrer dans les universités. Us n'onl qu'une faible somme à |)ayei' pour leur instruction et ceux ipii n'en on! jias les moyens la reçoivent gratuilcmenl. Des gymnases sont attachés à ces institutions. La Slodjskolan est une écide industritdle lilti'e, dans laipndle les étudiants apprennent la pratiipn» des matliémaliipies; construction géoméiriipie ; dessin d'oi'nemi'iii, linéaire un d'après la bosse ; méca- iiiipie; architecture; gravure; scidptni'c ; peininre ; lilliograpliie ; langues suédoise, bancaise, anglaise el allemande ; tenue des livres ; les élèves soid surtout des ouvriers des deux sexes. Celte splendide école, (pii fait tant d'iioinieur à Siocklndui, était fréipientée en 1871 par l,7(i.") élèves, 992 gai'cons el 77.'^ filles. Outre les (dasses du soir, il y a encore celles iln jour; mais ces dernièi-es ne sont ((ue |ioni' les lillcs (pii payent (diacinie .'iO ("ire par lUdis. Un y donne une instruclion spéciale en dessin, peininre, monlagi' en terre el en cii-e, lithogi'apliic. gravure sur liois el sur cuivie, lenue des livres, arilh- mèliipie, géométrie, langues française, anglaise et allemande. Ces classes étaient suivies par 791 élèves, formaid pour toute l'inslilulion un hilal de 2,."i.")() élèves. On a du plaisii' à traverser ces nom- Iti'enses salli's el à (diserver ces hommes el ci's h'mmes, humbh/s mais initdligents. dunl loiiles les ènergii's semblent tendues vers leur perh'ctionnemeiil iiihdiectiiel. Ci'lle ècide est oiiverle du l" (ic- lobre au l" mai. IXS'riTI T CKNTItAL DK (iV.M.NASTlni K -2'.) Liiiii' lies iusiiliiliiiiis les jilus iiii|M)il,iiilcs es! le " Koiigliga Gym- ii.'istika ceiiti'al Iiisliliilcl » (Royal insliliil ci'iilial ilc ,uyiiiiia5;li(|iie). (|ui (lovrail (Mi'c iiili'oiliiil en tdiis |Mys. Stm Inil csl de (lt'vt'li)|)|M'r la nymiiasliiiiii' |)i'alii)iu', di' [jrrpari'i- îles ('linliaiils en iiitMlecinc ri (Irs instructeurs pour toutes les écoles, et eiiliii de liaiu r les maladies qui exigent un exercice iiliysii|iie ; les cures elVecluées sous celle forme sont souveul reiuar(|ualiles. On enseigne aussi l'anatomie, aliii de douuei' la connaissance du système musculaire. Le uoiubre moyen d'élèves (jui suivent ces cours est d'environ 1.500. rpii, en majorilé, sortent des écoles |inMii|ues. Une académie libre des beaux-arts pourvoil à rinsirnclion de la |ieinture. de la sculptm'e, de rarcliileclnre, elc. Une académie royale de uuisique enseigne gralnilemenl la mnsi(ine el le cliani; le nombre des élèves des deux sexes esl d'environ 2oO. La statisti(|ui' se jiroiuuice eu faveur de Slockliolm et de ses liabitauts, et les autres pays tiouveraieul toul avantage à copier maintes de ses institutions. Nulle nation n'est plus prés de sa décadence (pu' celle dont l'orgueil se refuse ;ï accepter les amélio- lalions et les inventions îles autres, parce (pi'elles ne lui sont ]kis par- ticulières, ou (pii iiicubpieà sa jeunesse qu'elle lient la lèle de la civi- lisation et iiue le monde doit suivre sa dii'ection. CHAPITRE IV Cliiiiles W, nii (Ir Siiùde et de Nuivi'gc. - Sun iii'cut'il amical. -- Convcisaliuii sur dilVcreiils su- jets. - Sa syiii|i.Uliie |iour les l"i'an(;ais. — Il est oiiposé à la jieiiie de iiiorl. — Lnc \isili; au [lalais Ulriksdal. - CioiUs de Sa Majesté. — Le parc Haga. — l'n ilinianche eu Suéde. — Palais de lioselidal. --l'n visiteur niatinal. — l'Iiolograpliies. — .Murt du rui Charles. — Regrets sur sa perte. Ihi s(|ii;ire (liislavL'-Adol[ilio, cli icgaidaiil |)ai-ik'sslis Noirbio, un voit II' massif palais royal; à sa di'oite vient se raltacliei' un petit ('(ii|is (le liàliiiieiit. Les "'oiits simjjles el sans (islentalidii île Charles XV. lui uni rail clioisir poiiili.iiiilaliini celle |)arlie modeste de ce vaste bâtiment; les grandes salles de l'aile principale ne servent qne dans les occasions solennelles et ponr les cérémonies officielles. Dés mon arrivée, je désirai voir le roi, non |iai' cniinsilé ni vaniié, mais pour otïrir l'hommage de mon respect an souverain dont j'al- lais parcourir les Etals. .\prés m'étic reiisi'iuné. je m'aperçus ipie la chose n'était pas facile. La cour pnriail le diiiil de la reine décédée ijuekjue temps avant mon arrivée, el le roi, (|ni relevait à peine de maladie, n'haliilait pas Stockholm à celle époque, .le lis néanmoins une demande régulière d'audience, et, à ma grande surprise, le mi- nistre d'Amérique recevait le lendemain la lellre suivante, écrite en français : EXTHKTIEN AVEC LE HOl DE S CÈDE 31 <( Le iniiiistie des affaires étraiii;ères a le |ilaisir (raiiiioiwei- à .\L Ainlreus. iiiiiiislie résidant îles Elals-l'iiis irAiiiéiiiiue, (|iie sa Majesté le roi recevra M. Du (liiaillu en auilieiice privée, tleiiuiin samedi, à onze heures ilLidii matin, dans les petits appartements de Sa Majesti', au palais de Stockholm. ■1 Le couite de Walchnieiuster prolite de cette occasion pour [iiésenter à .M. Andrews l'assurance de sa considi'ratlou la plus distinguée. '• StocKliolm, l(i juin IST I. u Non seiilciiiciil laii ivqiit'le avait été agréée sui-lc-chamii, mais encore Sa Maje.'^lé me l'aisail i'iioiineur de venir à Slocklioim et de m'accorder iiin' audience privéi'. .l'.irrivai ;i la modeste entrée des a|i[)arlcmenls |iailiculiei's trois nu qiialre miiiules avant le moment li\é |i(inr ma réc('|ilion; nu t'aclioimaire gard.iil l;i porte extérieure, mais lie nn' demanda i»as où j'allais. Accomi»agué diui (lomesli(|ue de riiôlel. (|ui était venu pour me montrer le cliemiu, je montai les esca- liers et j'arrivai auprès de deux valets eu demi.. le demandai le roi; ils ouvrireid Hue pnrlc c( m'iulroduisirenl dans une liildiolliéipic l'iirl sim|ile au centre de laijuelle se Irouvail uu lu'll.ird; les livres élaieiil reliés sans luxe, évidemment dans rinli'iilioii de s'en servir, el nou pour être seulement regardés. J'étais à peine depuis trois minutes dans cette j)iéce. loi'S(|u'un gentleman, vêtu avec grande simplicité, entra vivemeul, suivi de deux officiers. Il me souhaita le bonjour, el passa dans la chandire vdisine. dont il ferma la porte. Il avait tra- versé si rapidemenl. (pi'il ne me laissa })as le temps de lui rendre son salul. Les officiers revinrent, et, après s'être inclinés devant moi, me dirent: " Le roi est prêt à recevoir M. Dn Cliaillu; » puis ils m'introduisirent dans la chandire du souverain, avec le(|uid ils me lais- sèrent seul. Charles XV vint à moi. me (eiidil la lu.iiu el me dit ([u'il était lieuri'ux de nu' voir en Suéde. Son accueil amical, sou re- gard franc et ouvert el l'alisence totale de cérémonie éveilléreut ma plus vive sympathie, el je me sentis tout à l'ail à l'aise. Le riii était grand el élancé, de teint brun. Quiii(|u"il piul'il sur la ligure des Iraces de sa récente maladie, je ne m'éloimai pas (pie. (|liel(iues années plus tôt, il eût passé pour le jikis beau des souve- rains existants. Je remerciai Sa Majesté, au nom des liltéi'ateitrs et îles voyageurs américains, d'aVoir bien voulu m'accorder une loidi e. el j'ajoutai ■^■2 lA'] PAYS DU SULE1I> D K MIMIT (|uo, clioz iiniis. ;m\ Etals-Unis, on le cuiHKiissait cominc iioèlc cl arlisle, ti (juc Imis. nous l'admirions surloul cuniuie monai'(|uu d'un pays librt'. " Oui, répondit-il, nous sommes libres, car nous avons un tiduvcnicnii'iil constitulimiiici. Je suis lieiiirux ii'a|i|)i'endre i|ne vous allez viivauer en Suède et en Norvèi;e, et nous voir tels nue nous sommes. » .le répartis cpie j'avais riutenlion d'explorer eutiére- menl la péninsule Scandinave d'une extrémité à l'anire, [lendaid pln- siciu's aimées, piiin- bien connaître le penjile. .le ne savais ipie 1res |ien de chose aliirs des jiolitesses et courtoisies de tout i^enre qui m'allendaienl parlonl. — Asseyons-lions, dit le roi eu m'iiidi(|uanl une (diaise au- près d'une petite taille devant la IVnèlic ; et. liranlunètui de sa |(oclie, il m'ollrit iiii cigare. En ap|nenaid (pie je n'avais jamais l'unie ni prisé de ma vie, il me dit. avant d'allumer sou cigare : — La l'iimée vous gèue-l-elle? — En aucune façon, répondis-je. — .le suis étonné qu'un voyageur comme vous ne fume pas, reprit le roi en lâchant une forte boiilTèe de fumée ; vous ne savez pas ce que vous perdez. — L'ignorance, en ce cas, est un bonlieur. ré|iliipiai-je. — Nous vous connaissons en Scandinavie, ajoula-l-il. IMusieurs de vos ouvrages ont été traduits en iiorvèi^ieu l'I eu suédois; vous verrez que vous n'êtes pas un élraiiger pour nous! — Votre Majesté veut-elle me faire l'Iionnenr d'accepter mes œuvres en anglais? — Avec plaisir. Voyagez bien ; visitez nos écoles en Norvège et en Suéde, nos universités, nos institutions scienliftipies; tous nous croyons en l'éducation. Voyez nos raihvays, nos canaux ; oltservez chaque cliose. Vous ferez probablement connaissance avec beaucoup de nos savants (pii, je n'eu doute pas, seront enchantés de vous moiilrer nos collections. Nous parlâmes agriculture. — Avant d'élre l'oi, dil-il. j'étais feiinier. .l'aimais beaucoup celte vie, mais je dus la (piiller; inaiiileiiaiil, il ne me reste point assez de temps; car j'ai beaucoup d'occupations. Puis il jiarla des progrès (pi'avaient lait la Suède et la Norvège en éducation. — Il faut r-pipinii-s; sçj-^'- ^i "^ fVSSflSWÏ'*" J ENTUETIE.N AVEC LE UUl DE S LE DE 35 qiu' ri,uiioi"iiil suil parlielleinciil iiisiruil. N'uus avons uiil' lui l'xci'l- lenle; chaque entant est tenu (l'aller à réeole. Et ses traits s'animaient à mesure qu'il (larlait. — Je suis très heureux, répondis-je, de voir i|ue Votre Majesté n'est pas un de ces hommes ipii. étant insiruils. croient (|ue les autres doivent demeurer ignorants; un de ces hommes (pii s'op- posent à l'éducation générale, mais (|ui ne voudraient pas (pie hnns enfants fussent mal élevés. Ensuite la conversation roula sur les lélégiaphes. les chenuns de fer, les manufactures. — Il faut, reprit le roi, (jue nous ayons i)lus de chemins de fer, plus de capitaux et plus de peu[)le; car notre pays est vaste, et, s'il était complètement perfectionné, nous pourrions entretenir nue plus nombreuse population. Nous conversâmes sur la Laponie et le nord de la Suéde. — J'ai beaucoup voyagé en Laponie, me dit le roi, j'aime \eé voyages. Jetant les yeux sur la collection ('X(piis(> d'autiipiités, d'armures, et de curiosités anciennes qui garnissait la chambre, je demandai la permission de l'examiner. — (cCertainemeid, » ré|)li(pia le roi ; et il prit grand intérêt à me montrer et à m"explii|uer l'histoire des spécimens précieux amassés par lui. Revenus anjirès de la table, nous causâmes politique, de l'état de la France, de la guerre désastreuse dans la(|uelle elle s'était plongée elle-même et ipii venait de finir. — J'ai appris, lui dis-je, (pie Votre Majesté est opposée à la peine de mort. — Un homme n'a pas le droil de prendre la vie de son sem- lilalilc. lit-il tristement et d'un Ion rêveur. J'ai été obligé de signer un ou deux arrêts de mort, c'est parce (pie je ne pouvais réagir contre l'opinion publi(pie du pays, i'uis, consultant sa montre, il dit: " Vous savez ((lie je suis en deuil; ma santé n'est pas bonne et je ne demeure pas à Slockholm. Venez demain (dimanche) à Ulriksdal où je réside maiiilenani, ce n'est qu'à une courte dislance de Slockholm. » Il eiil la iMnilé de m'indi(juer la roule poui- m'y rendre en bateau el il ajdiila; » Je vais vous écrire sur une carie cominenl vnus devez vous y [irendre, dans lii crainle 36 LE PAYS UU SULEU, DE MINUIT que vous puissiez l'oublier. » N'ayant point de papier, je le priai d'écrire sur une de mes cartes de visite; son crayonne marquait pas, je lui prèl;ii le mien: juiis il se leva, ce qui signifiait qu'il étail temps de partir. Sa Majesté me donna une cordiale poignée de main, me dit: » A demain! » el je me relirai après une audience d'une heure. Une charmante navigrdion de deux heures me conduisit au point de débanjuement de ri'lriksdal. Le p;d;iis est délicieusement situé sur les rives de l'Edsviken [rihvn. haiei. il 0(cu|)e trois côtés d'un quadrilatère et a été construit par le grand capitaine Jacques de la Gardie. Le roi Bernadotte, grand-père du roi actuel, s'en servait comme de caserne ; Charles XV l'a Inuisl'ormè en belle résidence d'été et il y demeure pendant la saison chaude. Du délKirc;idère au palais, je n'aperçus pas un soldai, pas un policcrnan. |ias même un domestique en livrée; les promeneurs allaient et venaient. Les portes conduisant aux différents escaliers étaient ouvertes, ainsi que les fenêtres du rez-de-chaussée, par lesquelles chacun aurait pu facilement entrer, et des pécheurs jetaient leurs iilets en l'ace de la résidence royale. Je m'arrêtai au pied du i^rand escalier, mais je ne vis personne; je me dirigeai vers un autre sans plus de succès. « N'y a-t-ii persoime ici? » m'écriai-je alors. Un homme, se penchant sur la balustrade de l'étage supérieur, me regarda d'un air qui voulait dire : « Que désirez-vous? — Le roi est-il chez lui? demandai -je. Non, fut la réponse. — Il y est, repris-je; il m'a invité à venii! » A ces mots, l'individu disparut ]iour reparaître au liout d'un instant au bas de l'escalier: il me fit une profonde révérence et me montra le chemin. En atteignant le |»remier étage, il m'expliqua (jue Sa Majesté se tenait au bout d'une suite d'appaitements oij j'entrai. Dans la quatrième chambre, je vis le roi en train de jieindre. Dés qu'il eidendit mes ])as, il mit son habit en s'écriani : «Soyez le bienvenu à Uli'iksdal, Monsieur Du Chaillu, » el me donna une poignée de main. « Comme vous voyez, continua le roi, je peins, je finis un jiaysage; » en même temps, il me présenta à son professeur. — Pourquoi Votre Majesté prend-Elle la peine de reineltre son UNE VISITE AU PALAIS D'I^LRIKSDAL 37 liabit? ilemandai-je ; Elle ne pourra pas peindre aussi aisément. Mais le roi garda son frac, cl nous entrâmes en conversation. — J'ai eu grand'peine à trouver Votre Majesté, lui dis-je, car ni soldats ni policiers ne veillent sur Elle, el les domestiques n'em- pêchent personne de s'inlrodiiire dans le palais. — Di^s soldats pour me garder! s'écria le roi en souriant; en Cliaiii^s XV. eiï'et, il n'y en a poini. Les soldais sont pour le pays, et non pou/ moi. J'aimerais mieux renoncer à être roi, si j'étais obligé d'avoir des soldats pour veiller sur moi. Nous sommes tons libres ici. Voilà ce qu'était la simplicilé de manières de Charles XV. Le peuple semble si bien connaître les convenances, qu'il s'abstient d'im- portuner un homme et de le suivre à la piste. Itien que ce soit un 38 I-E l'AYS Y)V SOIj;]L DE MINIIT souverain. On janil allribuer ce peu ilf euridsilé à ce qirou voil le roi parlout, comme tout autre citoyen, et qnc le peuple s'accoutume à sa présence. Je priai Sa Majesté de continuer sa peinture. « Non. ilil le roi; je veux vous faire voir les curiosités (jue j'ai réunies dans ce palais. J'aime tant cet endroit, que j'y passe toujours une giande partie de l'été. » Il me pria de garder mon cliapeau. et, 'se Icoillanl lui-même d'un feutre mou à larges liords, il me conduisit de cliamltre en chambre, me montrant avec fieilé sa belle et rare collection d'ameu- blements, de porcelaines, de tapis des Gobelins, de vieilles poteries, de vases, de coupes à boire, de cornes, etc. ; la plupart de ces objets 1res anciens et de grande beauté, quebpu's-uns d'un |iuissaut iidérèt his- torique, et tous témoignant de son goût artistiipie. Nous entrâmes ensuite dans sa propre chambre, où il unvril une cassette dont il sortit quelques-unes de ses pliotograidiies. Il me demanda si je les trouvais bonnes et m'en donna une sur laquelle, à ma requête, il mil sa signature. Puis, prenant un album contenant des autographes de personnes illustres, il me dit à Ijrùle-poui'point : « Faites-moi l'amitié d'y inscrire votre nom, » ce ipie je lis, un peu malgré inoi. » Quand sonna l'heure du dépari, il descendit l'escalier el m'ac- comitagna jusqu'à la porte pour me dire adieu. Il me serra la main très alïectueusement. me souhaita santé et succès pendant mon voyage au Nord et ajouta : « Ne manquez pas de venir me voir à votre retour. Le lendemain matin, une ordonnance m'ap|)orta un |ia(pui (pii conienail dru\ lithograpldes représentant la salle à manger de l'L'lriUs- dal que m'envoyait le roi, et une lettre de l'un des chambellans accom- pagnant le cadeau, avec les meilleurs souhaits de Sa Majesté pour mon voyage. Telle fut ma première connaissance de cet aimable monarque. Plus je le vis ensuite, plus j'apjjréciai ses senlinienls alTecluenx envers moi, et. comme ses concitoyens, j'appris à admirer les nobles traits de sou caractère. On le voyait souvent dans les rues de Stockholm et de Christia- nia, visitant les magasins comme un simple particulier, et. lorsqu'il I.K BON M(il CHARLES 'M était recoiuiii. cli.icmi sciilail ijuo le souverain avait, comme toute autre personne, le droit de se promener dans les rues sans être suivi ou regardé. On se conlenlait de le saluer; mais celte coutume est si générale, que tout liomme conini n'a pour ainsi dire lien à faire rpie saluer ceux qu'il rencontre. J'ai vu (pieli|uelois le roi descendre de voiture pour parler à des gentlemen et y remonter une fois l'entretien fini, prouvani ainsi (pi'il était fidèle an\ rèijles de la politesse. Sa ponctualité dans Ions ses rendez-vous élail pi'overhiale. Il mouiiil le \H seplemlire 1872 et fui pleuré d'un boni à l'autre de la Scandinavie. Dans les plus humbles chaumières, où son por- trait était suspendu aux murs, j'ai entendu exprimer de sincères regrets de sa perte. On l'ajjpelait « le bon roi Charles ». Ses meilleurs amis furent les paysans et les gens de la basse classe; bien des Suédois m'ont dit qu'ils croyaieni (pie, depuis lesWasa, aucun souverain n'avait élé autant regretté (pie lui. On l'aimait malgré ses défauts; Jamais il ne rechercha la poi)ularilé, car il éiaii iiulépendanl et délestait les façons cérémoniales ; celle indépendance même le rendait cher aux masses; elles aimaient la simplicité de ses manières, la bonté de son cœur, sa tVanchise et même sa brusquerie. Il y avait dans son main- tien un cerlain magnétisme ipii attirail l(>s gens. .l'ai entendu certaines personnes censurer ses habitudes de simplicité, et déclarer (pi'il aurait dû être plus l'ormaliste. Il eiil des défauts, — (pii n'en a pas? — mais ses grandes (pialités les faisaient oublier. Sa lille unique est mariée au prince royal de Danemark. Il a eu pour succ(^s- seur son frère, aujourd'hui Oscar II, qui, sous bien des rapports, ne lui ressemble pas. Le roi actuel est un savant accompli, bon musi- cien el poète, et homme de grand tact. Il |)arle plusieurs langues et s'exprime parfaitement en anglais. Je ne puis que lui souhaiter longue vie et prospérité, et une popularité comme celle dont jonirenl son père Oscar I" et son frère Charles XV. CHAPITRE V Appareillage vers le soleil de minuit. — Navigation à vapeur dans la Baltique. — Caractéristique des passagers. — .Arrangement. — Aspect de la cote. - Débarquement. — Fêtes à bord. — l'n liame.iu. — Haparanda. — Manière de voyager. C'est à l'extrémité nord du golfe de Bothnie, sur la rive droite de la pittoresque rivière Torne, qu'est située Haparanda, la ville la plus septentrionale de la Suéde, où les touriste.s se donnent rendez- vous pour voir le soleil de minuit et observer la côte. Pendant les mois d'été, de confortables steamers (piitlciil toutes les semaines Stockholm pour celle partie de la Suéde, et s'arrêtent à ditïérenis points. En prenant un de ces bateaux, vers le 13 ou le 18 juin, le voyageur peut faire une petite tournée agréable, et jouir sans efl'ort de la vue du soleil de minuit. La traversée dure environ trois jours, mais il ne faut pas manquer de retenir une cabine à l'avance, car ces bateaux sont souvent encombrés. Le seul désagrément consiste dans le bruit que l'on l'ail aux différents lieux d'arrél en déchargeani ou en recevant la cargaison, ce qui empêche de dormir. Il y a deux manières d'entrer dans la Baltique en quittant Stock- holm : l'une par le liord et l'autre par le Mélar, qui est relié à la mer par le canal Sôdertelge. La côte, de chaque côté du fiord, est SUR LA BALTIQUE 41 littéralement ourlée d'îles, dont beaucoup ne sont que de simples rochers émergeant de l'eau; quelques-unes sont grandes, cultivées ou couvertes d'arbres conifères, tandis que d'autres sont habitées par des pêcheurs. Par une de ces belles matinées, si communes en Suéde en cette saison, je partis pour le Nord, au moment où le soleil levant dorait de ses rayons le sommet des collines. Le bateau passa devant Waxholm, qui défend les approches de Stockholm; tous les ans, on augmente ses fortifications. Les îles succédaient aux îles; la scène devint graduellement plus sauvage et le rivage plus stérile : des sapins, largement espacés, couvraient les rochers ; parfois on aper- cevait un moulin à vent, ou une maison de pêcheur, ou quelques vaches appartenant à une petite ferme paissant auprès de l'eau. Après avoir navig.uè quatre heures, nous prîmes par le travers de l'île d'Arholma, sur laquelle on voit un vieux sémaphore, que ses bras en saillie font ressembler à un moulin à vent. Plus loin, nous passâmes entre la terre ferme et l'île d'Aland; nous entrâmes dans le golfe de Bothnie, et peu à peu nous perdîmes de vue la terre. Notre steamer, lourdement chargé, ne faisait pas plus de dix milles à l'heure. La mer était unie comme un miroir; les vents nous arri- vaient de la Suède, apportant les émanations des forêts de pins et de sapins, et des prairies; point dr houle, à peine une ride sur l'eau sombre formant un contraste singulier avec le bleu pâle du ciel. Je fus particulièrement frappé de l'absence d'oiseaux aquatiques; nous ne vîmes ni canards, ni mouettes, ni goélands. Nous voguions en droite ligne, en nous tenant éloignés des nombreuses îles (|ni constellent la côte. La Baltique et le golfe de Bothnie sont riches en poissons; le long des bords et dans quelques îles, la [lêclie est d'un grand rapport. Notre bateau n'avait pas beaucoup de passagei's de première classe ; cela tenait probablement au petit nombre d'endroits oii nous devions toucher, et à la crainte d'être arrêtés par les glaces. Parmi les personnes qui occupaient la cabine, se trouvaient la fenime du capitaine et une jeune dame d'environ dix-huit ans, très polie et extrêmement réservée. Elle parlait un peu l'anglais et le français, revenait de Stockholm, où elle avait été à l'école, et retournait chez 42 LK l'AYS 1)1 Sdl.KII. DK MlNl'lT elle, au Non! luiiilaiii ; il y av;iil encore une autre dame qui voyageait avec son mari. Parmi les hommes, on complaît un jeune employé (les douanes qui se rendait à Ilaparanda pour occuper son posic pen- dant la saison de la navigation ; c'était un aimable et gai compagnon, aui|uel je dois encore ajouter un actein' el deux négociants. Tous étaient très polis l'un pour l'autre et surtout pour moi. Le capitaine me présenta à sa femme et celle-ci aux deux autres dames. Ainsi que cela est habituel sur les navires, les hommes firent con- naissance sans savoir comment — chose bien facile en Scandinavie, — et bientôt nous fûmes bous amis. Les passagers dn ]»oiii étaient nombnMix. C'a toujours été une source de plaisir pour moi que d'observer ces braves gens à bord des steamers norvégiens ou suédois: car ils olïrent toutes les particula- rités de la vie campagnarde. Il est très rare qu'un fermier, même l'iche, prenne un |)assage de |ircmière classe; })0ui' Ini. l'argent dépensé pdui' une traversée est perdu sans reloni'. Ils s(nil toujours joyeux et contents; aucune t\{'<. convenances de la vie élégante ne les tronble; ils crient, ils sautent, ils rient, ils se bappeid sur le dos; la liberté légne dans tout ce qu'ils font, et ils s"inquiétent peu de savoir si le citadin petit-maître en serait choqué. Il y a dans leurs manières une géniale boulé el une innocente gaieté (pii font plaisir à voir. (]es gens paraissaient les jdus heureux de tous ceux qui étaient à bord; évidemment ils tenaient à voyager au meilleur marché pos- sible, ne payant que leur passage; car ils emportaient avec eux leurs victuailles dans des cofl'res en bois ou en écoi'ce de bouleau. Leurs provisions consistaienl en hareng salé, beurre, fromage, etc., et en pain noir. Ils en avaient une sorte appelée f'f(//////,(//,n/\ |iain plus noir encore ipie le knâckebn'id et tellemcnl dnr. (|u'on éprouve de la difficulté à le manger; on le conserve des mois entiers, passé dans des perches au moyen d'un trou fait au ceidre. De temps en temps, de vieux amis ou des connaissances nouvellemeid faites se régalaient d'une bouteille de bière sur le comptoir (bar), on plus souvent d'ini verre de bivlnvin. (pi'ils liraient d'une liole soigneuse- ment empaquetée dans leurs collVes. ou mise en snrelé dans une de leurs poches. Qnand arriva flieure de dormir, le spectacle devint réellement I,ES PAS^^AiiElis DK 1/ Kul I l'Aii !•; 4;î plaisanl : ils cliorchèrcnt à se faire de la place et des lits le mieux possible, au milieu des caisses, des sacs et de toute sorte de mar- chandises; ils prirent des poslures liétérocjiles, qui auraient riscjué de cliiiipirr la sensihililé de gens un peu lrn|) [hikIcs. Maris et femmes, IVim-cs cl sihui's. mcnic les amoureux, durinaicnl dans les bras l'un de l'aulrc, s'inijuii'l iiil loil )ieu de ce ([iie d'aulies en (tiiui'raienl penser. Queli|ues-tnis se |)lacèrent côte à côle, se blollissani dans des coiiveriures pour avoir chaud, ou dans des coins, ou sous des prélaris. Ceux cjui étaient assez niallieureux pour n'avoir pas de cpioi se couvrir, s'endormaient juscpi'à ce (pie le froid les réveillât et les obligea! à se donner du mouvement pour se récliauiïer. Les nuils étaient glaciales, (pioitpie pendant le jour le soleil fui vraiment chaud. Ces passagers du pont ont parfois à endurer de grandes privations, cjuand la traversée dure plusieurs jours et quand le temps est ora- geux , comme c'est souvent le cas à l'automne ; mais , plutôt que de payer un supplémeni, ils préfèrent être mouillés, et souffrir du froid. J"ai toujours été frappé de la politesse des capitaines, et de tous les ofliciers à Itord des steamers norvégiens et suédois. Je crois qu'il n'existe j)as une contrée où ceux cjui commandent un vapeur de la marine marchande, montrent aulant de courtoisie et paraissent si bien élevés; ils parlent toujours une langue étrangère, généralement l'an- glais , souvent le français el l'allemand , el quelquefois les trois langues. L'alTabililé de leurs manières tient probablement à ce que la plupart a|)par(iennent à la flolle ou lui ont apparlenu. Ce qui me plaisait particulièrement, c'était de voir comme les passagers de seconde classe et du pont étaient bien traités. Chacun à bord est civil pour eux et l'on ne bouscule pas leur bagage ni rien de ce qui leur appartient. Us sont sûrs d'obtenir une léponse polie à leurs questions, et l'on ne se permet pas de termes licencieux. La cabine, bien aménagée, était chauffée par la vapeur; tout était propre et notre couchage excessivement couforlable; il y avait un bon jiiano dans le salon. Je ne m'étonnai pas que cli npie chose fût sii convenablement tenue, car tous les domestiques à bord des slea- mers de la Haltique. y compris les cuisiniers, sont du sexe féminin, el sons la surveillance d'une intendante, qui a la charge du dépar- A/t i>E PAY^i nr >()i,i:ii. de mixtit fcnK^nt ru1iiiaiie\ On dit (|iii' r(>t|p cnutiinip (remployer des femmes comme servantes date du temps de Charles \ll, aidrs que ses guerres eidevèreiit la population mâle. La salle à mander était sui' le puni, liiand avaiitai,'e pour Navigaliiin vers le sulril de minuit. nous qui n'avions pas ainsi l'odeur de la cuisine comme dans la cabine ; on servait trois repas par jour : — déjeuner, dîner et souper, — avec de la bière et du vin de liiiiuie qualité. Les repas n'étaient |ioinl c(uiipris dans le coùl de la traversée. La cuisine me parut lionne, le service excellent, et le tai'if 1res modéré. A bord de ces steamers, réiiue une coutume (pii démontre la grande honnêteté du peuple. .\ la lin de chaque repas, ces messieurs écrivaient quelque chose dans un grand livre déposé dans le salon. Le second jour seulement, après avoir été aux renseignements, j'appris que tout passager devait, une fois le dîner fini, écrire son nom avec ce qu'il avait ciuisommé, et surtout les extras en vin, soda- water, café, liqueurs, bière, cigares, etc. ■v wi ^ ■■T'-'^'^m^-v. \ \ \ 'i I.A CAHTI': A l'AÏKIt 47 J'étais cmelk'iaeiil eiiibiiiTassé ; car, 110 coniiaiss.iul pas cette règle, je n'avais rien écrit et lie nie ia[i|)i'lais plus ce (|iie j'avais demandé ; je savais seulement i|iie j'avais i^m'ilé à lous les plats et régalé mes amis, comme ils l'avaient- fait avec moi, de café, de cigares, etc., surtout d'ct ae/era. Je priai un de mes compagnons de route de m'aider à sortir de ce dilemme ; nous appelâmes l'inten- dante, el. après avoir rassemblé nos souvenirs, hiut renlr.i dans l'ordre; lorsipi'il y ciil doiilc.je lis inscrire le maximun. Tout étant ter- miné au mieux, je recommandai à la servante d'écrire dorénavant mes commandes, et de ne point se fier à moi, allcndii (pie je suis 1res oublieux. Son regard, lors(|u'elle me répondil oui, disait clairemeul (|u'elle s'amusait fort de mon ignorance. Quand le voyageur est sur le point de quiller le steamer, il appelle la lille. cl lui donne son nom ; elle inscrit alors le prix decliaipie ronsoinin.ilioii. fail raddiliim el meten |iOclie l'argent (pi'elle reçoit ; (piand le poids de la monnaie devient trop lourd, elle !a sort sans comi)ler el la donne à la maîtresse. On offre alors une petite gralificalion à la lille. ce dont elle parait très reconnaissante, en disant : Tavknr aidra ud)iijii/iust l — « Je vous remercie infiniment; » et cela si sincèrement, que l'on regrette de ne pas lui avoir donné davantage. Le restaurateur court ([uelque ' risque ; car un voyageur [leut oublier d'inscrire tous les détails de sa consommation; néainuoins, on se fie à riioiinéteté des gens, et cette confiance rend chacun très scrupuleux. La côte suédoise, depuis le Sund Aland du côlé nord jusipi'à la ville d'Umea, l'orme le fer à cheval, et entre ces deux points on perd de vue la lerre. Nous rencontrâmes de grands amas de glaces dans le détroit de Qvarken; un labyrinthe d'îles qui s'éle- vaient du cùté fimiois les arrèlail. el le vent d'est en poussait des masses vers le bord. Sur un champ inunense se prélassaient des phoqties en grand noml)re. Nous dépassâmes le phare de l'ile de Norrskâr el plus loin le phare fiottant , ap[)elé Snipan , (|ui prévieni le marinier du danger. Après une excursion de trente-deux heures depuis Slockholin, nous cinglâmes entre la terre ferme et un groupe d'îles dont la plus im- portante est Holmon, en face de la jolie petite ville d'Umea, mais à assez bonne dislance de la côte. Là, nous trouvâmes un nombre 48 LE PAYS DU SULKIL DK MIMIT considérable de grands ke-floes (bancs de glace), poussés de la côte finnoise vers le liord suédois. L'hiver de 1870-71 avait élé excessive- ment rigoureux, et l'on reiiconira des champs de glace jusqu'aux der- niers jours de juin. La température était très h'aîche, et sur le pont on endossait le |)ardessus avec plaisir ; le petit vent qui nous poussait souillait du nord. De larges glaçons passaient toujours près de nous, el, par moments, le lliemiumélre descendait à 42°; ]uiis, en qmdques minutes, il renniutail h oO' ou .ïl" ; juMiilanl la nuil, il se liiil cnlre 41° et 46°. De nombreux haleaux, spécialement construits |)our la chasse aux phoques dans la Baltique ou le gtili'e de Bothnie, se voyaient dans toutes les directions. Ils sont d'une forme toute particulière : l'avant monte graduellement du centre vers la poujje ; la pointe est arrondie et s'élève au-dessus de l'eau, de sorte ([ue le bateau peut franchir les masses de glaces, ou dèbar(pier l'éipiipage sur les ice-lloes, pour per- mettre aux chasseurs d'appiocher des phoques. Avec un bon vent, ces bateaux voguent extrêmement vite. Plus nous avancions, plus l'eau devenait sombre el fraiclie;car, ■à cette époque de l'année, la mer reçuil des ipiaidités immenses de neiges fondues (|ni descendent des montagnes de l'intéiieur. La côte était basse, monotone, n'olFrant à la vue (pie des pins, des sapins el des bouleaux. Quand le steamer approcha du débarcadère de la station, nous aperçûmes des fermes, des hameaux et des scieries. Chaque dé- barcadère a un caractère (jui lui est pioiire ; ipielques-uns ne sont que de simples avant-postes de villes ou de villages et ont l'air aban- donné. Pour l'étranger qui erre dans leurs environs, les foiéts pa- raissent solitaires, et la petite taille des arbres lui donne une pauvre idée de la végétation, car les plus grands ont été abattus. Les rochers sont couverts de lichens, el des blocs erratiques sont visibles dans tontes les directions. Partout où l'on s'arrête, on hisse un tableau noir sur lequel est inscrite l'heure de départ du bateau ; c'est un avertissement pour les passagers. Trois coups de siftlet stridents, poussés à de courts inter- valles, rappellent tous ceux qui soUl allés à terre, et le steamer part LE (lULFE DE BOTHNIE 49 peu après le dernier signal. Ici, nous déposâmes el nous reprimes des passagers, dont le nombre croissait, ;i mesure que nous marchions vers le nord. Quoi(pie la saison fût assez peu avancée pour (jue le golfe de Bothnie chariiàt encore des glaçons, un grand nombre de navires à voiles étaient déjà venus pour charger des bois de charpente. Un air de tristesse est répandu sur toute la contrée ; heureuse- ment, elle est égayée par le bleu profond du ciel (|ui caractérise la claire atmosphère de la Scandinavie. Des forêts d'arbres nains, con- sistant en pins et en sapins, bordent les roules, tandis ipie,ç;iet là, des prairies, des champs d'orge, d'avoine et de seigle tempèrent la monotonie du paysage. Les fleurs sauvages poussent en abondance ; quelques [tapillons voltigent autour d'elles, et île loin en loin une pie ou un corbeau vient troubler la solitude. Rarement on voit un chariot sur la route. Ce fut un vrai charme |)our moi de cueillir à minuit, au grand jour, de jolies violettes et des boutons d'or (pii poussaient sur les rochers ou sur les côtés des chemins, et d'entendre par moments les in^tes du coucou. L'air était si viviliant, la scène si neuve, que je n'eus pas la moindre envie de dormir. A terre, il faisait beaucoup plus chaud; les rayons du soleil étaient assez |)nissanls pour qu'à midi la chaleur atteignît (pielquefois 70 °à l'ombre. La végétation faisait des progrés rapides ; les pins et les sapins portaient déjà des rejets longs de quatre pouces. Les petites villes étaient bien tenues, quoique n'ayant point de trottoirs; les mai- sons de bois reposent sur des fondations eu pierres; on eu voyait de très grandes, à un et deux étages, et presque toutes bien peintes; des roses, des œillets, des géraniums et d'autres Heurs en plein épanouissement égayaient les fenêtres. Personne en haillons; pas un mendiant. Les hommes avaient l'air indépendant; les femmes portaient coquettement des mouchoirs sur la tète, et, jusqu'aux plus pauvres, joutes étaient proprement vêtues. Des petits garçons et des petites filles, tête et pieds nus, heureux comme le sont les enfants, remplissaient les maisons d'école. L'église ihunine les autres bâtiments. Quand notre bateau abordait à l'une des stations principales, toute la population accourait pour nous saluer. Notre arrivée était 30 LK l'AYS DU SOLEIL DE MINIIT pour eux un tiiaiid événement . el à [)eine étions-nous amarrés au (juai que tout le monde grimpait à bord. Quel admirable accueil font aux premiers steamers de la saison les habitants du Nord lointain! Qu'ils sont lieureux lorsque le blocus glacé est rompu! car avec cette rupture la clarté du soleil est veiuie ; alors la grande loule des mers du globe leur est ouverte ; leurs rivières transportent les arlii'es (|ui ont été cou|)és pendant les mois d'hiver; leurs scieries fonctionnent; des centaines de vaisseaux viennent charger leurs immenses quan- tités de bois de construction qui attendent l'embaniuement; leurs amis arrivent les visiter; des familles, qui redoutaient le voyage par terre durant le long hiver, se rejoignent, pendant que d'autres vont à Stockholm, on dans le sud ensoleillé di^ la Suéde, ou sur le continent; les commerçants reçoivent les marchandises nouvelles ; les objets de luxe d'une latitude plus chaude se font voir; la saison de la pêche s'ouvre ; le saumon afflue dans les cours d'eau et le cultivateur affairé nourrit l'espérance d'une bonne récolte. Ici, les steamers sont des sortes de restaurants flottants. Pendant (pie l'on charge et que l'on déchaige les cargaisons, les hommes viennent à bord pour boire et manger, pour goiiteraux radis, asperges, salades, aussi longtemps (pie le navire demeure dans le port. Les uns s'en vont, les autres restent jusqu'au dépari ; il n'y a point de luiit et tous les visiteurs sont bien décidés à s'amuser après leurs repas; mais, au milieu de toute cette gaieté, on n'enlcnd ni grossièreté, ni vulgarité. Le pont était encomliré; la salle à manger regorgeait de monde; ce fut un grand jour [tour notre excellent restaurateur; son heureuse face rayonnait. Point de repos pour les servantes; elles volaieid d'une place à une autre, riaient aux compliments (|ue leurs adressaient leurs nouveaux admirateurs, et s'occupaient strictement de leur atlairc; point de sommeil poiir elles; elles avaient ;i travailler. ([n'importe depuis conibi(Mi de temps elles n'avaieid pas dormi I bien (pie fatiguées, elles étaient lestes, toujours de bonne humeur, el se souvenaient de cha(|iie commande. Personne ne pouvait résister à la vue de tout ce festin ; le seiUimeni que chacun devait manger ou boire de\eiiail irrésislible ; el, entre l'Iiilarilé générale et le bruit causé par le débanjuemeut de la cargaison, je vis bien ipi'il ne m'au- rait servi à rien d'essayer di^ dormir. FETES A BUHD 51 Tout en regardant autour de moi, j'observai un groupe de (|ualre ou cinq gentlemen devant une bouteille do vin. Tous se linrenl debout après que les verres eurent été remplis; un des leurs les avait invités à boire à la santé d'un ami préseni qu'il n'avait pas vu définis longtemps. Il fit une pelile allocution, [tarla des années écoulées et de la vieille amitié; cela dura liien de dix à quinze minutes. Tous s'inclinèrent et vidèrent leurs verres. Celui qui avait été l'objet du toast remercia, puis les verres se remplirent et se vidèrent de nouveau. Ailleurs, des amis sur le poini de se séparer buvaient à leur pro- chaine rencontre, et, cette l'ois encore, un discours s'ensuivit; là, d'autres riaient et s'amusaient, le vin et le punch suédois ayant évidemment surexcité leurs esprits. Us semblaient prêts à s'embrasser les uns les autres. Une société prenait du café et tous parlaieni d'affaires. C'étaient bien certainement des marchands (pii Irnilaienl des questions d'argent avec l'espoir d'en lirer des bénéfices. Cette allégresse dura toute la luiil, jusqu'au départ du bateau, (|iii s'etTeclua à cinq heures trente minutes du matin. Après le dernier coup de sifflet, un mouvement général se produisit; les consommateurs payèrent en hâte et remirent quelque meiuie monnaie aux servantes aimables, qu'ils avaient lennes éveillées (ouïe la nuit. Ceux qui préconisent l'abstinence seront jieut-ètre scandalisés de cette description ; mais qu'ils essayent de faire des remontrances, el on leur répondra simplement (jue de tous les peuples, les Suéilois el les Norvégiens sont ceux qui vivent le plus longtemps. Après une belle scène de gaieté, le prochain lieu d'arrêt pouvail être un bord solitaire, ou quehpie fiord avec un débarcadère en bois et un hangar, sans une seule maison en vue. Mais il ne faut pas se laisser abuser par cette apparente solitude ; souvent, à peu de distance, entre les collines rocheuses ou derrière les forèls, on trouve des fermes, des hameaux, des scieries, à une faible distance de la grande roule. Lorsque notre voyage toucha à sa (in el (lue nons approchcâmes de l'extrémité supérieure du golfe de Bothnie, le crépuscule avait disparu et une heure à peine s'écoulait entre le coucher et le lever du soleil. Nous arrivâmes à Strômsund. noire dernier point de Uesiuintion S2 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT avant t quelque peu au-dessus de l'eau, on aperçoit une croûte de glace de plusieurs pieds d'épaisseur, qui per- siste quelquefois pendant toute l'année. L'eau de ce puits est déli- cieuse. Une foire se lient à Ranea au commencenu^nt de juillet,, et beaucoup de maisons vides, en bois, non peintes, (jui sont utilisées en ce seul moment, donnent à l'endroit un aspect d'abandon. De temps en temps, on voit se mouvoir un lioninic on une femme. LE FIORD RANEA 33 comme pour attester que le hameau n'est pas entièrement livré à lui-même. Le médecin du village était chez lui et me reçut avec beaucoup de bienveillance; il me dit que l'hiver avait été très rude, que le thermomètre était parfois descendu à 40° et 45° au-dessous de zéro, et qu'il y avait encore de la neige sur le sol le 2 juin. Mais mainte- nant, dans les jardins, les pois avaient déjà deux pouces de hauteur et seraient bons à manger à la fin d'août ou an commencement de septembre. Le parquet, en sapin poli, était si jiropre et si blanc que j'avais peur de marcher dessus. La modeste bil)liothéqne contenait des ouvrages scientifiques et médicaux, ainsi ipie des volumes en anglais, français et allemand; chaque objet était simple et confortable, les chambres grandes et les fenêtres garnies de pots de fleurs. Il m'invila gracieusement à dîner; mais, dans ma crainte de man- quer le bateau, je refusai. Cependant, l'hospitalité du bon docteur ne me permit pas de quitter sa maison sans prendre quelque rafraî- chissement, et, si j'avais été fumeur, sans allumer une pipe ou un cigare. Revenu à Sfrômsund, j'y trouvai une animation générale. J'étais stupéfait. D'oii pouvait venir tout ce monde? De nombreux chariots étaient arrivés de différentes parties du pays pour prendre la cargai- son débarquée par le steamer, savoir : de la farine de seigle et d'orge, un appareil à va[)eur complet pour une scierie, des barils de tabac à priser, des caisses et des pièces de vin de Bordeaux et autres, des pots en fer, des boîtes de clous, des articles séchés de toute sorte, des sacs de café, de sucre, en un mot tout ce qui convient à un magasin de la campagne. Un autre vapeur, chargé d'hommes des districts de l'intérieur, ve- nait d'aborder, et il fallait ajouter ces deux cents individus à ceux déjà venus. Tous étaient des fermiers ajjpartenant à la bewàring, l'une des organisations militaires, qui allaient faire l'exercice et manœuvrer pendant plusieurs semaines, sous les ordres d'officiers compétents, sur un point de la côte plus au sud. De la rivière Rane , la cote , qui forme la i)ointe du golfe de Bothnie, court à l'est et à l'ouest. Un trajet de peu d'heures conduit à l'embouchure de la rivière Thorne; mais, à cause de la barre et du 54 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT peu de profondeur de l'eau, les navires sont forcés de s'arrêter à quelques milles au-dessous. Un petit vapeur vient alors prendre les passagers pour Haparanda, queUjues milles plus haut. La ville est au 60° 31' N. en latitude, et à 41 milles au sud du cercle arctique et renferme une population d'environ mille âmes; les haliilants, pour la jdus grande partie, sont Finlandais. Haparanda est à 1° 18' plus au nord ipTAn'liangel et à la même latitude (pie la partie la [ilus septentrionale de l'Islande. Le soleil se lève le 21 juin à 12 11. 01 du matin et se couche à 1 i h. 37 du soir. Du 22 au 25 juin, le voyageur peut jouir de la vue du soleil de minuit depuis Avasaxa, montagne de 680 jiieds de hauteur, éloignée d'environ 43 milles, de l'autre côté de la rivière; et, quelques jours plus l;ird, en s'avaiiçaiil au nord sur la grande route, il peut encore trouver l'occasion de le voir. Haparanda est une ville en pleine prospérité, avec de grandes mnisons bien peintes; elle a des magasins et 'une sorte de dépôt commercial pour la population du nord plus lointain; elle exporte principalement des bois de charpente et du goudron. Elle s'est élevée à ses dimensions actuelles depuis que la Suède a cédé la Fin- lande à la Russie. Autrefois, le siège du commerce était dans l'ile de Tornéa , presque en face. Elle a deux églises , une école supérieure où les étudiants peuvent se préparer aux universités, et où l'on enseigne le français, l'anglais , l'allemand et les langues mortes; des écoles publiques pour l'instruction primaire, et même un jom'iial. C'est la dernière station télégraphique au nord de la Suède d'où l'on peut envoyer des messages dans toutes les parties du monde. Les télégraphistes sont des hommes instruits qui ont passé un examen sévère et qui sont obligés de comprendre l'anglais, l'allemand et le français. Les mêmes règlements sont imposés aussi en Norvège. Le système de télégraphie postale a toujours existé dans les deux pays et le tarif des taxes es! uniforme, que la distance soit courte ou longue. 11 y a un bon hôtel où les chambres sont confortables et la nour- riture excellent I' ; on ne trouve que très peu de villes, entre Stockholm et ce iKiiiil, (iji l'un soit aussi bien traité. L,i forte taille du maître DEBARQUEMENT A HAPARANDA S5 (le riiôlel el celle de sa honne et nimable femme pailoiit hautement en faveur de la nourriture el du climat du pays. L'annonce de mon arrivée se répandit bientôt dans la i)etile ville. Le juge, le pasteur, les employés de la douane, le maître d'école, le maître de poste, le banquier et d'autres personnes, vinrent à l'hôtel pour me voir et me souhaiter la bienvenue. Quoique vivant au nord lointain, ils avaient la politesse de leurs concitoyens des districts plus populeux du sud. Quand je leur eus appris que j'avais l'intention d'aller au nord aussi loin que je le pourrais par terre, ils semblèrent < Ils ne voyaient pas comment je pourrais aller si loin. « N'allez pas au delà de la grande route, et revenez; » tel fut leur conseil. « Non, repris-je ; je veux pousser jusqu'au cap Nord. » Me voyant résolu à partir, ils prirent autant d'intérêt à mon projet que si j'avais été un de leurs parents les plus chers; ils me procurèrent un excellent guide et semblèrent enchantés d'avoir pu m'en trouver un qu'ils savaient être un honnête homme. Ils ne se trompaient pas. Ce guide s'appelait Andrews Jacob Josefssohn. C'était un grand Finlandais d'une bonne figure, qui avait habité la Californie un certain temps et qui parlait un peu l'anglais. Revenu en Suéde pour revoir sa fiancée et l'épouser, il aurait désiré retourner en Amérique, mais elle ne le voulut |ias, et il s'était établi ici, au foyer de sa femme. Le grand charme d'un voyage en Scandinavie, c'est de le faire par les stations de relai appelées en Suéde ffâstffifva?'effa?-d. Le véhicule dont on se sert est un char ap|ielé lârru, tiré [)ar un seul cheval, voiture légère à deux roues, dont la caisse et les brancards ne font qu'un, généralement sans ressorts, avec un siège assez large pour deux per- sonnes et un bagage modéré. 56 I.E PAYS DU SOLEII. DE MlNllT II y a plus de seize mille milles de routes en Suède, toutes avec des stations de poste, au nombre de 1 ,500. Ces routes sont de quatre sortes : les lamgsvâfj (routes royales), les plus belles ; les hâmdsvâg (routes de pays), presque toutes bonnes; les sockenvâg (routes de paroisses), pas aussi bonnes et souvent mauvaises , et \es bf/vâ(/ (routes de villages), étroites et très cahoteuses. On peul jiar çonsèiiui'iil juger s'il y a beau- coup à faire pour celui qui veut voir le pays et le connaître à fond. Dans les districts peu habités, quelques-unes des stations sont très modestes; mais le voyageur est heureux d'y arriver après une journée de fatigues. Karra avec ressorts altadiés au sièare. La dislaiice entre cliaque slalido csl en t,'éiiéral d'im mille et demi suédois, rairmciit moins d'un milh^ on jiliis de deux milles, bien que, dans l'crlaiiis districls, les inlei'valles soient plus grands à cause de la population clairsemée. La phqiart de ces stations sont des fermes, où l'on lient a von' logement et nourriture ; beancoup sont très confortables, si)éciaiement sur les grandes routes qui relient les villes ; mais, dans les districts éloignés ou peu fréqueidés, la nourriture est e.xtrème- menl pauvre, et un étranger ne s'habitue pas facilement à ce régime. Les gens (pii les tiennent reçoivi'ut généralement une subvention du gouvernement ; mais le montant qu'on leur paye est proportionné à MANIÈRE DE VOYAGER S" rétendiie du trafic. L'État prend ces arrangomeats avec les fermiers les plus solvables de chaque district et s'assure ainsi un bon et loyal service. A chaque station est déposé un registre dans lequel les voya- geurs inscrivent leurs noms, leur destination, l'endroit qu'ils ont quitté, leur profession et le nombre de chevaux qu'ils prennent. Sur la cou- verture de ce livre sont transcrits les lois et règlements relatifs aux routes ; le nombre d'heures pendant les([uelles le voyageur est obligé d'attendre se règle d'après le nombre de chevaux qu'il a pris précédem- ment. Le tarif des prix d'une station à une autre est indiqué avec la plus scrupuleuse précision, afin qu'aucune erreur ne puisse être commise. Généralement le taux est d'une krona et vingt ôre par mille suédois, à la campagne, et d'une krona et soixante ôre dans les villes. Tous les mois, les employés du gouvernement relèvent les notes, et si un voyageur a une plainte à formuler, il l'enregistre et ajoute sa signature. En Suède, tous les fermiers, à une distance spécifiée, sont obligés de fournir des chevaux sur la réquisition d'un maître de station. Cette loi semble rigoureuse, mais c'est sans doute le seul moyen praticable pour atteindre le but désiré. Aussi les stations sont-elles établies dans des endroits où l'on peut constamment obtenir des chevaux de renfort. Le voyageur est tenu de verser une somme additionnelle pour l'usure des véhicules et harnais ; le taux usuel pour le traîneau ou le char est de trois ôre par mille pour un char sans ressorts, et de six ôre pour un char avec ressorts. Le maître de station fournit le conducteur. Le péage des lacs et des ponts est à la charge du voyageur. Le montant du poids alloué est de quatre cents livres y compris le passager; mais il n'y a jamais de difficulté, à moins que le voya- geur n'ait une quantité extraordinaire de bagages ; deux voyageurs ensemble ne payent que pour un et demi. Un conducteur est mis à l'amende de vingt-cinq kronas lorsqu'il est convaincu de surcharge. Si le voyageur blesse le cheval en le faisant aller trop vite, il est responsable du dommage. La vitesse accordée par la loi est d'un mille suédois pour une heure et demie ; mais on va plus vite, et la moyenne est d'un peu plus de cinq milles anglais par heure. Quand on envoie un fôrbud (c'est-à-dire quand on fait retenir d'avance un S8 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT cheval) soit par messager ou par lettre, si le voyageur vient trop tard, il doit payer vingt-cinq ôre par heure, et le conducteur n'est obligé d'attendre que quatre heures. Quelquefois l'administration des postes doit changer les stations, soit parce que les fermiers refusent de les garder plus longtemps, ou parce qu'ils ne les tiennent pas bien. CHAPITRE VI La contrée en dedans du cercle arctique. — Je quitte Haparanda. — Une station finnoise. — Les moustiques. — Conducteurs féminins. — Bonté du peuple pour les bétes de somme. — Fermes confortables. — Un hameau. — Le soleil de minuit. - Sattajârvi. — Désir d'aller en Amérique. La contrée qui s'étend du golfe de Bothnie à rextrémité septentrio- nale de l'Europe est presque entièrement dans le cercle arctique et présente une végétation qu'on ne voit pas ailleurs, à des latitudes aussi élevées. De vastes étendues sont couvertes de forêts de pins et de sapins; ces derniers prédominent, et les hauteurs se cachent sous de blancs bouleaux jusqu'à leurs sommets. On peut traverser de longues distances par eau, car on trouve des stations de bateaux sur les bords des lacs et des cours d'eau. Un coup d'œil sur la carte prouve combien cette contrée est bien arrosée; le saumon pullule dans les rivières, et les lacs regorgent d'autres poissons. La Lule, la Kalix et la Tliorne sont les principales rivières de ces régions. La Kemi coule à travers la Finlande. La Thorne est la rivière la plus longue et la plus septentrionale qui se jette dans le golfe de Bothnie; elle forme aujourd'hui la frontière entre la Suède et la Finlande russe. Sa branche septentrionale, la 60 LE PAYS DU SOLEIL DE MINllT Muonio, sort du lac Kil|iij;irvi, 69° N., à trois cents milles de la mer, tandis que l'Alteny, la Tana et d'autres rivières moins importantes, coulent vers le Nord, dans l'océan Arctique. Les niontngaes sont en pente douce de ce côté, mais, vers la Norvège, elles sont abruptes el à pic. Le trajet de Haparanda à la mer Arcti(iue est extrêmement intéres- sant, en été comme en hiver; la distance à vol d'oiseau dépasse cinq degrés de latitude à l'extrémité la plus méridionale du pays; mais la route qui va du cap Nordkyn au détroit de Stagero est d'environ cinq cents milles. La contrée est habitée i)ar des Finnois qui cultivent le sol. Les Lapons parcourent le pays avec leuis troupeaux de rennes. L'été, le climat est délicieux, et. pendant la jiéiidde de jour continuel, on peut, si on le veut, voyager toute la nuit. Mais il y a de grands mécomptes : de la fin de juin jus(pie vers la fin d'août, la contrée est infestée de moustiques fort gênants. La nourriture est grossière, et, pour celui qui n'en a pas l'habitude, elle est loin d'être agréable. De Haparanda, la grande route se dirige vers le nord, aussi loin que Pajala et Kengis, à une distance de plus de dix-sept milles sué- dois, traversant parfois un beau pays el parfois des forêts, des maré- cages et des régions désolées. Il y a onze stations postales où l'on change de chevaux et oii l'on peut obtenir la nourriture et le loge- ment. On fera bien de ne se munir que d'un mince bagage pour cette tournée. Nous allons quitter pour im certain temps les bords du golfe de Bothnie et pousser vers le nord, afin de faire connaissance avec le climat d'été de ces régions. Le jour de mon départ, la cour de l'hôtel ofl'rait une animation inaccoutumée. Le juge, les em])loyés de la douane, le bauquier et autres amis s'étaient réunis pour boire à ma santé et au succès de mon voyage. Ils tinrent des discours et recommandèrent à mon guide, Josefssohn, d'avoir bien soin de moi. Quand mon cheval se mit en mouvement, tous levèrent leur chapeau en l'air et poussèrent trois hourras. Je les leur rendis, et, après avoir fait claquer mon fouet, nous partîmes; comme je tournais la tête pour leur jeter un dernier regard, ils crièrent encore et agitèrent leurs chapeaux. Le cheval prit le trot UNE STATION FINNOISE €1 sans que j'eusse besoin de le toucher du fouet. Nous passâmes devant deux ou trois maisons de fermes, bien peintes, avec de bonnes clô- tures autour des jardins. La Tliorno et ses nombreuses îles apparais- saient de temps en temps; au loin, s'élevait TAvasaxa; des bois, des prairies, des champs cultivés, des maisons peintes et des collines éloignées complétaient un charmant paysage. Le temps était délicieux, l'atmosphère sèche et fortifiante; peiidaiil le jour, le thermomètre mar- (piait de 68° à 70°. La soirée était avancée (piand je fis halte à une station de poste où la famille parlait suédois; le hameau consistait en quelques fermes éparses. Au premier moment, les gens de la station se montrèrent défiants; mais, après qu'ils eurent appris que j'étais Améri- cain, ils devinrent tout à fait confiants, car plusieurs personnes de ce district avaient émigré aux États-Unis. La ferme se trouvait à vingt milles à peu près du cercle arctique. La disparition du soleil au-dessous de l'horizon dura peu et son coucher fut très brillant. Le soleil levant, qui suivit immédiatement, était d'une beauté indes- criptible. Pendant le grand jour de la nuit, }ibisieurs chariots entrèrent dans la cour. Les hommes dételèrent leurs chevaux, les mirent à l'écurie, leur donnèrent du loin qu'ils avaient apporté et de l'eau ; puis ils entrèrent dans les maisons où ils pouvaient se reposer et dormir; car, dans cette partie du monde, les portes des habitations ne sont pas fermées à clef. Les uns ne s'arrêtaient que pour faire reposer leurs chevaux et les autres demeuraient i^our se livrer au sommeil dont ils avaient besoin. La plupart de ces chariots étaient chargés de mar- chandises variées (pi'ils transportaient dans les boutiques des villages et des hameaux; d'autres avaient des sacs de farine russe, l'appro- visionnement de la ferme étant devenu insuffisant. Après un déjeuner composé de viande de renne fumée, de beurre, de fromage et de pain dur suivis d'une excellente tasse de café, je quittai la station. La femme voulut d'abord refuser tout payement, parce que, disait-elle, j'avais donné aux enfants des pré- sents qui valaient plus que ma dépense. A ce moment de l'année, les hommes sont très occupés, soit dans les champs, soit au ilottage des bois, soit dans les scieries. A chaque station, j'eus une jeune fille pour conducteur, et ces 62 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT enfants iln Nord ne senibhiient pas avoir la moindre peur de moi. Ma première conductrice s'appelait Ida Catharina; elle me donna une bague d'argent et fut enchantée ipiand elle la vit à mon doigt. Je promis de lui eu ;ipporter nue en or l'hiver suivant, et je tins parole. Elle parut heureuse ([uaud.à la lin du relai, je lui remis une pièce d'argent en sus de la taxe. Une autre conductrice de douze ans se nommait Ida Caroliua. La liaiide d'une de nos roues s'étant défaite, elle se montra à la hauteur de l'événement. Descendant de voiture, elle'cala la roue avec une pierre, alla dans une ferme où elle emprunta des clous et un marteau; puis, avec l'aide du fermier, remit les choses en bon état eu fort peu de temps ; elle ne paraissait pas le moins du monde troublée par l'accident. Elle causa tout le temps, bien que je ne comprisse pas ce qu'elle disait, car je ne con- naissais pas encore la langue finnoise. C'était une petite beauté avec de grands yeux bleus, une épaisse chevelure et des joues rosées. Dès leur jeune âge, on apprend aux enfants à ne compter (|ue sur eux- mêmes. Niémis était la station la plus rapprochée; la petite ferme isolée avait l'air assez pauvre ; il s'y trouvait (|ualre ou cinq bâtiments bas, aux toits couverts de gazon. La maisonnette destinée aux voyageurs reluisait de propreté, mais n'avait qu'une chambre avec deux lits, quelques chaises, une table, nu inii'oir cl une armoire, dans Lupielle la famille enfermait ses richesses; à côté de cette chandjre, un petit cabinetoù l'on conservait le lait. La maison d'habitation, contiguë à la |»récédente, était humble et sale. Un vieillard aux cheveux longs, hérissés et noirs, sa femme, et une nièce, jolie fdie à la belle chevelure, nommée Kristina, l'occupaient. Immédiatement après mon arrivée, Kristina se lava la figure et les mains, peigna ses cheveux, passa une chemise blanche, ajusta sur sa tête un mouchoir propre, et sa toilette fut complète. On mit ensuite sur le feu le ])ot à café et l'on m'en versa une tasse. La vieille femme avait le teint brun, les cheveux presque noirs, traits qui n'étaient assurément pas ceux des Scandinaves ni des Finnois; elle me rappelait Une gipsy. Quand cilr cul ap|iris d'où je venais, elle me serra dans.ses bras et m'embrassa; je lui rendis sa politesse, sans eu redouter les con- séciuences, car j'aurais pu me méfier de ses cheveux. En me voyant prêt à partir , le vieux qui était mon conducteur , endossa son LES MOUSTIQUES ET LES CUUSINS 63 meilleur habit , lequel avait probablement vu le jour vingt ans plus tôt. La station subséquente, le meilleui' lieu d'arrêt entre Haparanda et Pajala, se nommait Ruskola. Le fermier et sa femme parlaient le suédois et tous deux comprenaient ce que c'est (pie le confort. La feime était vaste et productive. A une courte distance, se trouvait le hameau de Matarengi, avec une église rouge d'un aspect étrange, très vieille, ayant un beffroi séparé et le presbytère à côté. Quelques boutiques campa- gnardes me rappelèrent celles des petits villages d'Amérique. Maintes fermes avaient l'air d'être bien tenues ; de grands morceaux de terre cultivée et de belles prairies les entouraient. Nous étions dans la socken (paroisse) de Ofre Tornea, laquelle renferme une population d'environ 2,700 âmes. Le voyageur f[ui ne serait pas parti à temps pouvait s'avancer jus- qu'à Pajala, et, du haut des collines, de l'autre côté de la rivière, il au- rait joui de la vue du soleil de minuit quelques jours plus tard. Combien semblent étranges à ceux qui vivent dans des latitudes plus méridionales ces crépuscules du soir et du matin qui se fondent insensiblement l'un dans l'autre! comme on s'étonne de voyager dans un pays qui n'a ni nuit ni étoiles, où la lune ne projette point de lumière, et, en allant plus au nord, où le soleil brille continuellement! Dés l'abord, le voyageur ne sait pas quand il doit se mettre au lit, ni quand il doit se lever; mais les gens du pays connaissent l'heure du repos par leurs montres, ou par le soleil. Je tombai dans un profond sommeil, et, quand je m'éveillai, l'astre du jour brillait dans toute sa splendeur ; toutefois, cela ne voulait pas dire que la journée fût avancée ; et, en effet, il n'était que trois heures du matin. .le me rendormis. En me réveillant, tout était si tranquille dans la maison, que je repris mon somme. Après m'être réveillé pour la troisième fois, je vis que ma montre était arrêtée; je passai dans la chambre voi- sine, où l'horloge m'apprit qu'une heure de l'après-midi venait de sonner. La famille se mit à rire ; tous s'étaient tenus tranquilles pour ne pas me déranger. Dans ces latitudes, à peine la neige est-elle fondue, que les mous- tiques apparaissent en essaims innombrables et que personne n'a plus de repos, ni jour ni nuit. Ils s'étaient déjà montrés et leur nombre augmen-^ 64 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT tait journellement; ils devenaient de i)lus en plus voraces, et leur mor- sure plus douloureuse; dans les districts boisés, ces insectes sont une vraie peste pendant le mois de juillet et jns(ju'au milieu d'août; après eux arrivent les cousins. Ceux-ci mordent très fort pendant le jour, mais au moins ils vous laissent en paix la nuit; car jamais ils n'entrent dans les maisons. Les derniers qui viennent sont des espèces de moucherons qui sont aussi fort désagréables. A un tournant de la route, je fus tout surpris de voir un nuage noir, composé en apparence de mouches Mlaiiucs par les niunsti(|iies. minuscules. Celait un essaim de moustiques, tellement épais, que l'on ne voyait rien au delà. Je poussai le cheval en avant, quand soudain il s'ar- rêta, et j'aperçus travaillant sur la route trois hommes (jui, au iiréaiahle, avaient été invisibles. Ceci peut sendiler incroyable; c'est cependant la vérité. Josefssohn se mil à rire et nu" dil : » Nous avons ici un dicton qui prétend qu'un voyageur peut écrire sou nom sur un lil de moustiques, et qu'il le retrouve s'il revient l'année suivante. » Nous passâmes rapidement à travers le nuage; mais une partie de ces animalcules nous suivit comme des oiseaux de jiroie. Ils nous entouraient par myriades et leur bourdonnement était loin de nous char- BONNES GENS ET BONNES BETES 65 mer. Je n'avais pas encore vu d'essaims aussi immenses, ni rencontré quelque cliose de ce genre dans les marais des États du Sud, dans le New-Jersey, ou dans l'Afrique équatoriale. On devrait jiorter un voile autour d'un chapeau à larges bords pour proléger la ligure. Les natifs supportent cette peste avec une apparente sérénité. Ces moustiques sont d'une espèce distincte, lourds et faciles à tuer, n'ayant point d'ailes comme les variétés mieux connues ; leur morsure est moins douloureuse que celle de la sorte commune, mais elle est agaçante. Je fus obligé de mettre des gants; car, après en avoir écrasé des milliers, le nondjre de mes assaillants grandissait d'instant en instant. Partout j'ai remarqué la bonté des gens pour leurs bêtes de somme. On ne peut pas i)ousser les chevaux dans un pays montueux. quoique je suppose que cela arrive quelquefois lorsijue l'homme est sous l'inlluence de la boisson, ou (ju'il a un mauvais cœur. Dès qu'un cheval arrive au \)\ei\ d'une côte, il s'arrête afin de laisser aux per- sonnes assises dans la voiture le temps de descendre; il tourne la tête pour voir si chacun a mis pied à terre, puis il commence l'ascension. Si tous ne descendent pas, il attend encore, et, (piand on l'excite de la voix ou par un léger coup de fouet, il parait tout étonné, et souvent, pendant la montée, il se retourne conune [xiur dire à ceux qui sont restés sur le char : » Pouripioi ne descendez-vous pas? » Les fermiers et leurs familles montent invariablement toutes les cotes à pied; c'est pourquoi les chevaux sont désagréablement surpris lorsque leur poids n'est pas allégé et particulièrement quand on les touche du fouet. D'une station à l'autre, le conducteur s'arrête souvent, coupe sou pain noir en petits morceaux, les donne à son cheval qu'il caresse, y ajoute une poignée de foin, puis continue sa route. Ce bon traitement ne parle pas seulement en faveur du jjcuple, il rend aussi les chevaux doux et dociles ; on en voit rarement de vicieux. Les poulains sont très dor- lotés; ils viennent jusque dans la cuisine, où on les caresse et où on leur donne du sel, ou autre chose qu'ils aiment. La station où je m'arrêtai pour la nuit était pauvre. Le bâtiment destiné aux voyageurs n'a qu'une chandjre; les hommes dorment sur des peaux étalées par terre, et d'autres sur des bancs dans leurs vêle- ments ordinaires. Une vieille femme, sa fdle et son balty couchaient dans un lit, un vieillard dans l'autre, et tout paraissait malpropre. Je ne pus 66 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT trouver pour me rassasier que du poisson froid ; l'un des liomraes m'offrit d'aller en harponner un: mais je me décidai à manger ce qu'il y avait et à dormir ensuite. On jeta de la paille fraîche sur le jjlanchcr, on la recouvrit de deux peaux de renne, d'une peau de mouton, et ma couche fut ainsi complète. Le touriste est surpris de rencontrer tant de fermes confortables, avec de vastes demeures qui, y compris la grange et la vacherie, sont les trois bâtiments essentiels. Il y a, en outre, plusieurs autres maisons, telles que hangars, magasins, ateliers de forgerons, etc. Dans la cour, qu'entourent généralement trois corps de bâtiments, se trouve le puits à la vieille mode, avec son levier portant un seau à l'nne de ses extrémités et une pierre à l'auti'e. Du puits, une auge communique avec l'étable des vaches. Cette structure est particulière : le plafond est bas, les fenêtres sont très petites et ne donnent que peu de jour, le sol est iilanchéié et des parcs sont bâtis de chaque côté; le long de ceux-ci un chéneau recueille toutes les déjections que l'on conserve avec grand soin, car l'engrais est rare. Le bétail ne couche pas sur de la paille ni sur du foin. A l'une des extrémités, il y a une maçonnerie dans laquelle est enchâssé un pot de fer de trois ou quatre pieds de diamètre sur trois de profondeur, servant pour la cuisson de la nourri- ture du bétail ; cette nourriture est généralement grossière ; elle con- siste en herbe des marais, mélangée de poussière provenant du nel- oyage des grains; on se sert aussi de ce pot comme baignoire et cuve de lessive. Quand les moutons sont nombreux, on leur construit un abri ; sinon, ils sont parqnés dans un coin. Les chevaux ont une écurie séparée. Le bâtiment d'habitation, saufquehpies exceptions, consiste en un seul étage contenant habituellement deux chambres, une de chaque côté. On se sert de l'une comme de boulangerie et de cuisine, et aussi comme de chambre à coucher ; dans un coin, on a établi une cheminée, structure étrange de six ou huit pieds carrés, en dalles de pierres, généralement plâtrées par dessus. On place le bois dans ces espèces de fours, et, quand il est consumé, qu'il ne reste que des tisons, on tire une trappe de fer ipii i^upêche la chaleur de s'échapper. La chaleur ainsi produite est tellement forte pendant les premières heures j que le séjour de la chambre devient insupportable pour ceux STATION DE MATAHENGI 67 qui n'oiil i);is riiabiliulc de cette atmosphère, laijuelle j)ersisle sou- vent pendant deux ou trois jours; dans une section du bàlimeni, on a consliuil une cheminée ouverte pour la cuisine. Des lils sont pla- cés le long des nuu's en nombre suffisant pour la famille. Ces lits sont des esi)éces de coiïres à tiroirs, de sorte qu'on peut les faire de diverses largeurs selon que le besoin l'exige; on les remplit de foin ou de paille, et on les garnit de couvertures ou de peaux de mouton, (juehiuefois aussi d'édredons en duvet d'eider, et d'oreil- lers. Le malin, on ferme ces coffres et l'on s'en sert comme de sofas, sur lesquels on se repose pendant le jour. Toute la famille, y compris les domestiques mâles et femelles, dort dans celte chambre. De l'autre côté se trouve la pièce réservée aux hôtes, qui sert aussi de cliambre à coucher. Un ou deux bois de lit remplis de plumes d'eider et garnis de couvertures, forment la jjartie principale de l'ameublement. Il y a beaucoup de pauvres et petites fermes oii une nombreuse famille a fort à faire pour tirer sa subsistance du sol ; dans ces demeures malpropres et étroites, la fièvre typhoïde fait souvent de grands ravages. Les fermes sont presque toujours sur les bords des rivières ou près des lacs ; car la terre y est meilleure et le poisson abondant. Le revenu que l'on tire du sol, dans celte région septentrionale, serait Itien modiipio sans le poisson (|ne l'on prend dans ces eaux et sans le gibier qui abonde. L'argent que procure la vente de ces objets et les produits de la laiterie constituent souvent les seuls revenus du fermier. Depuis Matarengi, la roule monte le long d'une montagne à pic, hors de vue de la rivière, et, pendant plusieurs milles, elle passe par un pays désolé, que l'incendie des forêts rend i)lus Iriste encore. Entre les stations de Kunsijârvi et de Ruokojârvi (en liniiois, jârvi signifie lac), nous traversâmes le cercle Arclique à 66° 32'N. ou 1408 milles géograi)hiques au sud du pôle, où le soleil brille [MMitlaid un joui' entier le 22 juin ; l'observateur le verra au-dessus de riidrizoïi à niiimit et exactement au nord. Après celle date, en se dirigeani an nord par une moyenne de dix milles par jour, on continuera de voir le soleil de minuit jusqu'à ce que l'on atteigne le pôle. Le 22 septembre, le soleil 68 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT descend à l'horizon, où il demeure, pour ainsi dire, toute la journée; le lendemain, il disparaît jusqu'au 22 mars. En redescendant vers le sud avec la même vitesse, le voyageur continuera de voir le soleil de minuit sur l'horizon, jusqu'à ce qu'il atteigne le cercle Anii([ui' où, pendant un jour seulement, comme nous l'avons liil, l'astre est visible. A minuit, le soleil est toujours au nord de l'oliservateur en raison de la position de la terre. Il semble l'aire le tour d'un cercle, exigeant vingt-quatre heures pour son acconqdissement; à midi, il atteint sa plus grande élévation et, à minuit, sa plus basse. Au i)ôle, son ascension et sa descente sont si imperceptibles et ses variations si légères, qu'il s'en- fonce très lentement au sud. et sa disparition au-dessous de l'horizon est presque immédiatement suivie de sa réapparition. Je vais essayer maintenant d'expliquer le phénomène du soleil de minuit. La terre tourne autour du soleil dans le cours d'une année et fait sa rotation sur son axe toutes les vingt-quatre heures. L'orbite de la terre, ou coiu's décrit }(ar elle dans sa révolulioii annuelle autour du soleil, est, jtour ainsi dire, un cercle un iieu allongé, ajjpelé ellipse. L'axe, autour duquel la rotation quotidieimc a lieu, est une ligne droite cjui passe par le centre de la terre et dont les extrémités s'appellent pôles, un au nord et l'autre au sud. L'axe n'est pas per- pendiculaire au plan de l'orbite; il est incliné à un angle de 23°28', lequel angle est appelé obliquité de réilipti([ue. Par conséquent, la terre, en se mouvantautour du soleil, n'est point verticale, mais inclinée, de sorte que, dans les dilïérenfes parties de sa course , elle pré- sente toujours au soleil une moitié de sa surface, mais toujours une moitié différente, qui sera plane. Deux fois dans l'année, le 21 mars et le 21 septembre, l'exacte moitié de la terre le long de son axe est éclairée. Donc, à ces dates, chaque point sur la surlace de la terre est, pendant une rotation de la terre sur son axe, la moitié du temps dans la lumière et la moitié dans l'ubscurilé , c'esl-à- dire que le jour et la nuit sont de douze heures chacun sur tout le globe. Par cette raison, on appelle ces dates équinuxes. Le 21 mars est l'èquiiioxi' du i»riiilemps, et le 21 septembre l'équi- noxe d'automne. Pendant que la terre se meut sur son orbite après le 21 mars, le pôle nord incline de plus en plus vers le soleil jus- AU CERCLE ARCTIQUE 69 qu'au 21 juin; après quoi, il s'en éloi<;iie lentement. Le 21 sep- tembre, le jour et la nuit sont encore une fois égaux sur toute la terre, et, immédiatement après, le pôle nord se détourne entièrement du soleil et ne reçoit plus sa lumière qu'au mois de mars suivant. On voit ainsi que, de l'ècpiinoxe de printemps à celui d'automne, le pôle nord est dans la lumière du soleil et qu'il a un jour d'une durée de six mois. Plus le pôle nord incline vers le soleil, plus la région autour de ce pôle s'éclaire, et c'est pourquoi chaque point de cette région est, pendant vingt-(piatre heures, plus longtemps dans la lumière que dans l'obscurité, et son jour est plus long que la nuit. Plus le point est près du nord, plus longue est la durée du jour. Consèquemment, le nombre de jours de soleil constant dépend de la latitude de l'observateur, et plus il se trouvera loin du nord, plus ce nombre sera grand. Ainsi, au pôle, ou voit le soleil pendant six mois, au cercle arctique pendant un jdur, et à la base du cap Nord, du 15 mai au V août. Au pôle, l'observateur semble être au centre d'un grand mouvement spiral du soleil, ([ui, plus biin au sud, prend la place du nord. Nous venons de parler comme si l'observateur était de niveau avec l'horizon; mais s'il gravissait une montagne, le soleil, cela va sans dire, semblerait plus haut; et si, au lieu de faire quinze milles vers le nord, il s'élevait chaque jour de 220 pieds au-dessus du niveau de la mer, il le verrait absolument de même que s'il avait été au nord; par conséquent, si, au cercle Arctique, il se tenait à cette élévation, et qu'il eût une vue sans obstacle de l'horizon, il apercevrait le soleil un jour plus tôt. S'il grimpait à une hauteur plus grande encoi'e et qu'il ait la même vue sans obstacle, il verrait le soleil de minuit pendant plus longtemps. C'est pourquoi, de Haparanda, les touristes préfèrent aller à Avasaxa, montagne de 680 pieds au-dessus du niveau de la mer, d'où, bien qu'à 8 ou 10 milles au sud du cercle Arctique, ils peuvent voir le soleil de minuit pendant trois jours. L'éclat de l'orbe splendide varie d'intensité, comme ceini du lever et du coucher du soleil, selon l'état d'humidité de l'atmosphère. Un jour, il sera d'un rouge foncé, teignant chaque chose d'une nuance rosée et produisant un elfet soporifére. En certains moments, les changements de couleur entre le lever et le coucher du soleil peuvent 70 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT être comparés aux variations d'un feu de charbon, brûlant d'abord avec une incandescence d'un rouge vif, puis s'évanouissant et se rallumant avec un plus grand éclat. Il y a des jours où le soleil a un aspect pâle, blanchâtre, et ui'i l'on peut le voir pendant six on sept heures avant niiuuil. A l'approche de cette heure il devient moins éblouissant, il change graduellement en ombres plus brillantes lorsqu'il s'incline vers le point le plus bas do sa course. Son mouvemenl est très lent et, pendant quelque temps, il suit en apparence la ligne de l'horizon et semble fidre une pause comme quand le soleil atteint midi. Il est minuit. Durant quelques minutes l'éclat du lever se mêle à celui du coucher, et l'on ne peut dire leipiel prévaut; mais bientôt la lumière devient lentement et graduellement plus brillante, annonçant la naissance d'un autre jour — et parfois, avant qu'une heure se soit écoulée, le soleil apparaît si éblouissant que l'on ne peut le regarder à l'œil nu. La grande route finit subitement au liamraii de Pirliniemi, sur les rives d'un petit lac; elle coiilinae sur le bord (qqiosé. On aperçoit quel- ques fermes, mais le voyageur doit faire provision d'une bonne dose de patience avant de eontiiuier son chemin ; les chevaux ont été lâchés dans les bois pour y chercher leur pâture et il faut du temps pour les retrouver. Arrivés sur le boni, nous traversâmes le lac sur un grand bateau plat qui pouvait contenir deux cliars et deux chevaux; il était gouverné par deux vieilles femmes, donl les vigoureux coups de rames prouvaient qu'elles connaissaient leur affaire ; nous mîmes dix minutes pour traverser du côté septentrional, où se trouvaient plusieurs fermes. Les bestiaux étaient pour la plupart de petite taille, mais très beaux; je remarquai aussi un su[)erbe troupeau de vingt-six vaches ])resque toutes blanches. Ma conductrice, une fdle de treize ans, ne sendjlait pas avoir peur de moi, quoiqu'on ne rencontrât pas une âme sur la route et que Jûsefssohn fût loin en arrière. Je lui donnai un petit morceau de candi ; elle en fut si enchantée, qu'elle me prit par le col et m'embrassa. Le trajet continuait d'être monotone, mais j'aimais à m'arrêter' dans les différents hameaux. A Sattajârvi, dernière station postale avant d'atteindre Pajala, jeunes et vieux m'entourèrent, et Josefssoliii linl con- versation avec eux. Ils s'émerveillèrent quand ils apprirent ipi'il avait KRISTINA 71 élé en AmiMiquo, ot, me désignant, ils s'écrieront : « Parle-lui en américain! » Puis ils demeurèrent silencieux ])our nous écouter. Les enfants arrivèrent en foule se joindre aux précédents. Je crois cjue je n'ai jamais vu un tel rasseml)lement de beaux jeunes gens. Leur alimentation grossière parait leur convenir, car ils reluisaient de santé. Les filles ont de forts jolis noms : Ida, Kristina, Lovisa, Marga- rita, Eisa et Helena. Elles étaient belles avec leurs cheveux blonds, leurs yeux bleus, leur teint rosé et leur peau satinée; elles faisaient un con- traste frappant avec les vieilles femmes, qui semblaient usées et por- taient les traces d'un rude travail. En Scandinavie, les fdles ne sont mises à un ouvrage fatigant qu'après leur confirmation. Leurs jeunes années se passent à l'école; mais elles se développent de bonne heure, car elles ont à remplir les devoirs du ménage, à traire, à soigner le bétail, et à travailler un peu dans les champs. Tous ces travaux tendent à leur donner de la santé et h renforcer leurs muscles. Elles sont extrêmement belles entre quinze et dix-sept ans; mais elles se fanent vite, et, dans l'âge mûr, leurs traits grossissent. Je demandai à quelques-unes si elles aimeraient d'aller en Amérique, et leur réponse était toujours un enthousiaste « Oui ! » J'en remarquai spécialement une, nommée Kristina, d'environ seize ans, qui, en compagnie de beaucoup d'autres, me suivait par- tout où j'allais. On aurait pu croire que je l'attirais; elle me prenait la main, et causait avec animation. « Vondriez-vous être ma conduc- trice, et venir avec moi en Amérique? » lui demandai-je. « Oui! » dit-elle en fixant sur moi ses beaux yeux bleus. « Oui! » dit aussi la mère. Toutes deux disparurent soudain et je crus les avoir effrayées; elles étaient allées préparer mon dîner. Mais une aventure m'attendait. Au moment où nous allions quitter cet endroit, je fus étonné de voir Kristina venir à moi avec toute sa for- tune — un paquet de vêtements — enveloppée dans un mouchoir. Son père, sa mère, ses sœurs et ses frères se tenaient h ses côtés. Toute la population de Sattajârvi était venue pour dire adieu à la jeune fille. Elle avait revêtu ses meilleurs habits, comme si elle se mettait en voyage. Quand je montai dans le char, elle me suivit et tous s'écrièrent : erches, el ci'lle sorte de radeau, (pie l'on conlie an couranl, atteint sûrement sa deslinalion. Ue grandes quantités de goudron des- cendent ainsi les rivières du Nord. Dans certaines années, la Suède en exporte plus de cent mille barils. :t...-j..'^.\.èlùi.^'. ].ES FOriiMlS SCANDINAVES 83 Dans; mes courses en forêt, j'ai rencontré souvent plusieurs espèces lie IVniiniis, et parmi elles la formica rufa^ appelée en suédois stack- mi/ra, commune même aussi loin au nord. Un sentier bien battu con- diiil aux fourmilières, lesquelles ont enviiou deux pieds et demi de haut, coustniili's avec de petits morceaux de bois. Les fourmis venaient en firand nombre de toutes les directions, chacune portant sa brindille (|u"ellc dé[)osait sur le monticule. Quand elles gravissaient la montée, les brindilles do bois cédaient sous elles, mais jamais elles ne quittaient leur t.iclie sans l'avoir accomplie. Quand je démolissais leur fourmi- lién', j'arrivais à une profondeur d'un pied avant de les trouver. Beau- coup emportaient des œufs, et, si je plaçais un bâton devant elles, elles se levaient sur leurs pattes de derrière et le saisissaient, montrant ainsi leur bravoure. A douze milles et demi de Pajala , nous arrivâmes aux ra[)ideâ de Muoniokoski, auprès dcsipirls un niiséralde liameau, appelé Muonio- nalusla. possède nue cliapeUe oii l'on ne cèlèlire le service divin qu'à certains dimanches désignés à l'avance. Ici, mes bateliers quittèrent la rivière, el a[)rès une marche de quatre milles sur un terrain très maré- cageux, couvert de pins et de sapins, nous nous trouvâmes tout à coup devant une belle ferme. Au-dessus de la porte on lisait ces mots : KUNGL POST STATION. C'était Muoniovaara. .b' fus reçu de la façon la plus cordiale par Ilerr Forsslrom, lecjuel était Suédois, el par sa femme. Deux aimables, moilesles et timides jeunes filles, portant les noms suédois de Hilda et de Hedda, et trois fils, Gustave, Jean et Oscar, composaient la famille de ce conforlalde foyer septentrional. La fermi' dominail la Muouio, qui était ici large comme un lac; les prairies s'étendaient jusqu'au liord de l'eau. Auprès de la maison, un anlin potager dans le({uelles pois avaient environ deux pouces de crois- sance, avec des carottes, des pommes de terre et de l'oi'ge déjà avan- cée; mais les pâturages et la fabrication du beurre étaient l'industrie principale ; car, dans celte région, la récolte du grain est incertaine, et c'est à i»eine si les fermiers en sèment assez pour leurs besoins, préfé- rant acheter leur farine. De l'autre côté, en Finlande, se trouve Muonidniska . ipn a une église'. 84 I.E PAYS DU SOLEIL DE MINUIT et qui est la résidence (riiii ecclésiastique. Là, comme en Suède el en Norvège, le peuple est lulliéiien, et depuis l'acquisilion de celte pro- vince par la Russie les elïurts du gouvernement n'ont pas réussi à détourner les Finlandais de leur croyance proteslante pour les amener à l'Église grec(iue. Herr F... était maître de poste ; la malle apporlail les lettres et les journaux deux, l'ois par nu)is. Leur seule société était le pasteur et le lânsman de Muonioniska, car les l'ernuers n'ont }ias assez d'éducation pour pouvoir vivifier leur solitude; pour toute récréation, ils n'ont qu'eux-mêmes et les journaux. La ferme était fort bonne et les (|iunze vaches laitières ijue j'y ai vues sont, sans contredit, les plus belles (\n nord de la Scandinavie; la laiterie méritait d'être visitée et un grand troupeau de rennes paissait sur les montagnes. Les jeunes filles, très liabiles dans l'ait dn tissage, confectionnaient les vêtements de la famille, llerr F... avait en pins un magasin, en tout semblalile à ceux des petits pays dans lesquels les gens du peuple trouvent les choses dont ils ont besoin; il était largement achalandé pend.iiil riiiver parles L;qi(ins, ipie, cependant, on ne voit pas sur les roules dur.inl l'été. La maison pourvoyait aux besoins des voyageurs, el, en considérant la distance que les articles avaient à parcourir pour y arriver, les prix étaient fort modiques. L'ecclésiasti(pie fui invité à venir partager notre bonne chère, et je m'amusai beaucou|> à voir l'Iiole el le bon pasteur fumer d'énormes iiijies. toni en sirotani leui's grogs. En cet endroit éloigné de la mer, à plusieurs milles du 68" N., tonI (ihjel de luxe doit être transporté en hiver depuis le golfe de Bothnie. La Muonio,à partir de Muoniovaara, vers le nord, [irend une direction plus occidentale; la population devient plus rare; on parcourt de vastes espaces sans voir une maison. L'ascension de la rivière est laborieuse, car le couiant n'est sonvent (|n'nne succession de rapides, (hml le plus formidable est le Kelokortje, sur le(piel il fini tirer le lialean. Lue rnde besogne de quatorze heures nous amena au Palojoki (yo/v, en finnois, rivière); les bateliers étaient épuisés; nous avions franchi vingt rapides et la chaleur avait été excessive, le mercure s'étant élevé de 77° à 82°, et à six heures dn soii' il manpiail encore 70° an soleil, à sept heures, 68, et à neuf lienics Irenle minutes Gi°. Le li,iini';iii de Palojoensa, ou LA PALOJOKl 83 P.'ildjoki, composé do huit ou dix fermes espacées, esl silné à l'embou- cliiire de la rivière; les habilaiils semblent provenir d'un croisement de Finnois et de Lapons. L'herbe qu'ils peuvent récoller est à peine suffi- sanle pour leiu's bestiaux, qu'il l'aul nourrir avec du lichen et du foin; l'orge et les pommes de ferre croissent encoit", quoi(pi(' la lalitiide soit au-dessus du 68° nord; mais leur récolte est incertaine à cause des gelées qui arrivent souvent on août. Les habitants possèdent des trou- peaux de rennes, pâturant eu ce moment sur les montagnes. Une cliam- lire, dans une des fermes, servait d'école; un instituteur vient prendre ici sa résidence pendant la durée de son service. La station se trouvait dan.s une des meilleures fermes. De Palojoensa on peut prendre deux voies pour aller au nord; l'une, en continuant la montée de la Muonio, célèbre par la beauté de sa [lartie supérieure jusqu'au lac Kilpisjârvi; l'autre, en s'arrètant à Karesuando, à cpiatre milles suédois plus haut, et de là en suivant la voie de terre jusipi'au village la|ion deKautokeino. Je me serais décidé pour celle-ci comme étant la i)his dii'octe si je n'avais appi'is par des villa- .geois, qui avaient été pêcher dans les lacs de l'intérieur, qu'il yen avait une bien meilleure, presque entièrement par eau, et remontant la Palo- joki. Tous furent d'avis que je devais prèféroi' cette dernière. La Palojoki, l'un des aftluents de la Muonio, est une petite rivière qui coule au nord, et a dans son cours un grand nondire de ivqiides. Les bateaux dont on se sert [)our sa navigation sont plus petits que ceux de la Muonio, mais construits d'après le même principe, avec quatre planches solidement jointes et une lourde quille pour résister aux coups qu'ils reçoivent. On a besoin de deux bateliers, et l'on ne peut prendre que doux passagers. Cette route avait pour moi un grand avantage, celui de n'avoir jamais été fréquentée par aucun Suédois ou Norvégien, ainsi que je l'appris de Herr F... lors de mon retour à Muoniovaara l'hiver suivant , 1872-1873. Mes bateliers étaient favorisés des noms de Jean-MaUiias Bass et de Eric-Gustave Laïgula, ou quelque cbose d'approchant. La rivière était basse par suite d'une longue sécheresse. Lorsque j'arrivai sur ses rives et que je vis les blocs dans le courant et le peu de profondeur de l'eau, je m'imaginai que nous ne pourrions jamais la remonter, malgré la grande habileté des bateliers de la Muonio. Notre 86 LE PAYS DU SOLEIL DE MIM IT bateau, cependant, lui à la hauteur de l'occasion; il bondissait do roc en roc comme un bouchon de liège ou une balle de caoutchouc; nous réus- sîmes à franchir le premier rapide, et, pcndanl un certain temps, nous voguâmes en eau profonde. Nous avions gravi une courte distance quand nous entendîmes une clochette résonner dans le bois, et au bout d'un instant apparurent douze rennes courant vers la rivière et qui s'arrêtèrent pour nous regarder. Ils avaient reconiui la voix do leur maître et sem- blaieid heureux de le voir: quelques-uns entrèi-ent dans l'eau pour le joindre. Ce furent les premiers rennes que je rencontrai. Leur proprié- taire m'apprit qu'ils valaient vingt-sept kronors chacun. Le rivage était bordé de forêts de sapins et de bouleaux. Le bruit de l'eau bondissant sur les rapides me ravissait. Quoique si loin au nord, on entendait le coucou ; des bandes de canards s'envolaient à notre approche, et quelquefois une oie sauvage s'enfuyait et quittait ses petits. De temps en temps nous passions devant des nids bizarres, construits sur des arbres, variant de dix-huit à vingt-quatre pouces de longueur, sur huit à douze de diamètre, les uns creusés dans les arbres, avec le faite et le fond couverts d'écorce, elles autres entièrement en écorcc. Ces nids devaieid servir à attirer de certaines espèces d'oiseaux aipiatiques qui déposaient leurs œufs dans le creux des arbres; au centre, on avait percé un trou assez large pour qu'un homme pût y fourrer la main et en retirer les œufs. Quelques-uns de ces oiseaux déposaient une vingtaine d'œufs et plus, dont s'emparait le i)ropriètaire de ces nids. Ces sortes de maisons d'oiseaux étaient le seul signe de voisinage humain que nous aperçûmes. Un peu plus loin, la rivière s'élargit et est bordée de jirairies (pii four- nissent beaucoup de foiu. Les forêts étaient lapissces de mousse de renne, d'un blanc verdàlre, la plus belle (pie j'aie vue dans mes voyages en Scandinavie. Le o juillet fut la journée la plus chaude que j'eusse en«)re passée ici; la température, à sept heures du matin, marquait 67° à l'ombre et 109° au soleil: à neuf heures du malin, 72° à l'ondire; entre midi el une heure, 82° et 1 18° au soleil. Une pluie d'orage ipii suivit ne rafraichil p;is l'atmosphère : à trois heures trente miiades, nous avions 82° : à (|iiahe heures trente minutes, 70°, cà six heures, 78° h l'ondire et 98° au S(jleil. A l'un des rapides, où les hommes durent hisser le bateau avec une corde, je gravis le bord sableux et abrupt d'environ ipiaire-vingts à cent FEMMES SOLITAIRES 87 pieds de haut, afin d'observer lepays. C'était une région immense, légère- ment ondulée, entièrement couverte de lichens, qui auraient pu four- nir de la provende à des troupeaux de rennes ; de petits bouleaux noueux se montraient de distance en distance, ainsi que des sapins soli- taires. On apercevait des plaques de neige, et la contrée offrait un aspect aride et désolé; elle avait évidemment été sous l'eau autrefois. Je fus assailli par des myriades de moustiques; d'où venaient-ils? je ne saurais le dire, car on ne connaît point de marécages dans les environs. Parvenus un peu plus loin, les hommes retirèrent leurs perches et s'arrêtèrent sur la rive gauche du courant, au pied d'un sentier. « Nous allons passer la nuit dans une ferme non loin d'ici, dit Mathias, car nous sommes brisés de fatigue. » Je ne m'en étonnai point ; nous avions re- monté plus de quarante rapides, ramé pendant environ quatre milles et demi et durant quatorze heures. Ils tirèrent le bateau sur le bord, et lais- sèrent tout mon bagage dedans. Je fus quelque peu inquiet pour la sa- coche qui contenait mon argent; mais, apparemment, mes bateliers ne craignaient par les voleurs. Après une marche de vingt minutes à travers un bois de bouleaux et de grandes pièces de lichen, nous atteignîmes un bel endroit, sorte d'oasis dans ce désert, sur deux [petits lacs, appelés Leppâjârvi et Sarjârvi. Les maisons, en bûches de sapin, étaient basses, avec des toits couverts de terre, sur laquelle poussait l'herbe; elles ne brillaient pas par la propreté, et les vêtements des habitants reluisaient de crasse ; deux ou trois habitations ayant de petites fenêtres affichaient i)lus de préten- tions. Quelques filets de pêche séchaient et les hommes s'occupaient de les raccommoder. Les bâtiments étaient considérablement séparés : bonne précaution contre le feu. Tout était de la sorte la plus primitive : assiettes, plats et cuillers en bois; seaux et écopes servant de vases à boire; les fourchettes étaient inconnues, ou, s'il y en avait, on ne s'en servait pas. Les tasses à café constituaient les seuls objets en faïence que je vis. Je préférai un banc au lit (pie l'on m'olïril; quant à mon guide et à mes bateliers, ils prirent possession du plancher malpropre. La saison était en retard à cause de la sécheresse persistante, et je me demandais comment la moisson pouvait être mûre vers la fin d'août, mois après lequel on est sûr de voir apparaître la gelée. Ce fut la dernière 88 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT orge qui frappa mes yeux, car nous étions alors à plus de 08° 3o' N., et ce grain ne mîiril pas plus au nord. Les bouleaux sont nombrenx et les habitants ont du bois en abondance pour chaufïer leurs demeures. Le docteur le plus rapproché d'ici est à deux cents milles en arrière ; l'église se trouve à Palojoeusa, mais ces gens ont toujours chez eux des livres religieux, ou la Bible, ou un volume de psaumes et d'iiymnes, ou ([ii% postilla (collection de sermons). L'argent est très rare, el dans les saisons où la lècolie ne réussit |ias, les habitants manquent de nourri- ture; ils raclent l'écorce du bouleau qu'ils pétrissent avec de la farine, ou bien ils cuisent de la mousse de renne avec du lait, et, en y ajoutant de la farine, ils en font un plat supportable. Cet établissement possédait vingt-deux vaches. L'une des vacheries était basse, longue, étroite, le toit couvert de plus d'un pied dr terre sur laquelle l'herbe (qu'ils récoltent) était ah irs verte. Des cloisons en planches séparaient les étables, et, derrière, ou avait disposé un chenal pour recevoir les déjections des bêtes, car l'engrais ici est aussi précieux que l'or, la terre étant pauvre. Le sol était planchéié ; à une extrémité se tnmvait l'épaisse structure en pierres habituelle, siqiportant un énui'uu^ pot de fer servant à cuire l'herbe ou le lichen poui' le bétail. Les gens paraissaient sains et forts; je vis plusieurs vieillards dont l'un venait d'atteindre quatre-vingt-dix ans. Hommes, femmes et jeunes tilles fumaient; cette habitude règne aussi dans bien des parties de la Suède et de la Norvège. Après avoir passé plusieurs rapides et ramé deux heures depuis Lep- pâjârvi, nous entrâmes dans le lac Palojârvi, d'où sort la rivière Palojaki ; nous avions remonté le courant k une distance de cinq milles et demi. Palo- jârvi est un des lacs sur la pente du plateau, formant le déversoir méri- dional des eaux, à onze cents pieds, je crois, au-dessus du niveau de la mer; une chaîne de collines sablonneuses, couvertes d'arbrisseaux, flan- .que les bords occidentaux; en regardant vers l'est et le nord-est, je pus voir une haute colline, appelée Isticconâra, encore blanche de taches de neige. Il y a quelque chose d'impressionnant dans la solitude et le silence do ce pays septentrional, dans ces lacs silencieux et solitaires, dans le murmure des rivières serpentant au milieu des rochers qui obstruent leur course, dans l'atmosphère étonnamment claire, dans le ciel d'un bleu pâle et dans l'air fortifiant. Souvent] j'étais saisi d'un indescriptible PKCHEUHS FINLANDAIS 91 sentiment d'isolement, ot. en même temps, du ilrsir de pousser pins loin. En traversant le lac, je ne pus voir tpi'iine ferme où séchaient des fdets en grand nombre. Les demenres solitaires dans le nord lointain sont généralement situées près des lacs, foisonnant de poisson, qui, avec le lait aigre, forme la principale nourriture des habitants pendant les mois d'été. On sale et on sèche des quantités de poisson pour l'hiver. Un elïort d'une demi-heure nous coiiduisil à une rivière èlroile et tortueuse, — la Rastajoki; nous la remontâmes i)endant un mille dans la direction du nord, et nous prîmes terre. Après deux heures de marche à travers une contrée stérile, parfois marécageuse, couverte en grande partie de mousse de renne et de ])Ouleaux nains, nous arrivâmes sur les bords d'un petit lac, appelé Givijârvi, à environ cin(j milles de Palojarvi, formant la limite entre la Finlande russe et la Norvège. Dans le trajet, j'avais vu, au pied d'une colline rocheuse, un grand nombre de pierres rondes de deux fois la taille d'une orange â trois fois celle d'une tète d'homme; elles semblaient avoir été mises là par des mains humaines, il y a bien longtemps. Depuis que nous avions quitté Lep});'lj;u'vi, je n'avais aperçu qu'un arbre conifère; nous venions d'atteindre la région où ceux-ci ne croissent plus, mais les bouleaux étaient abondants, quoique petits. Sur une ile, un grand amas de neige, que la chaleur du soleil d'été ne parvenait pas à fondre, atteignait le bord de l'eau. Des spires de fumée ondoyant au-dessus de deux huttes pointues et conlipies nous apprirent cpie l'Ile était habitée. Nous trouvâmes un vieux bateau en mauvais état, avec lequel nous devions atteindre l'autre bord; il était aussi sec ipi'un morceau de liège et tout disloqué; heureusement, un seau en bois était auprès de là, et il nous servit pour le réparer. Nous fîmes une voile avec des branches feuillues de bouleau et ce fut tout; j'essayai de gouverner avec un bâton et les hommes pagayèrent avec des morceaux de bois; il nous fallut une heure pour franchir une dis- tance d'environ trois milles anglais. Quand nous abordâmes, deux hommes, qui surveillaient notre approche, vinrent nous invitera entrer dans les huttes que nous avions vues depuis l'autre côté. D'environ douze pieds de haut surhuil ou dix de diamètre, elles étaient construites 92 LI-: PAYS DL' SOLEIL DL MINUIT l'ii iiKillcs (le g.-izoïi, Sdiilciiucs (Ml ilt'iliiis })ar un châssis forriK'' de lirnii- l'Iics (l'iii'lin's. L'iiil(''rii'iir cl les ;ib(ir(ls chiiciil rc])(tiiss;iiils ilr s;ilcli''; (les ciilr;iilles cl dos tèlcs de ii(iiss(3iis gisniciil de hiiis C(il(''s cl deux hai'ils reni]dis de pdissdii s;d('' ié|iaii(laiciil une ddeiu' de pduni i|ui donnait des naus(''cs. Les lilels, (|ue les Injuinies i"ac(Mimni()(laicnl. Iiai- naient sur la lerre et devaient ('tre tondus le soir mémo. Au centre de la hulte l)ridail un fou dont la fumée s'ocliaitiiail par l'i'clicurs du lac Givijarvi. l'ouvcrlure d'en haut; les lits se composaient iriicrbo et de boue, et les couvertures en peaux do mouton avaient depuis longtemps perdu leur blancheur première poiu- devenir noires et malpropres. Je n'osais pas entrer. Un chaudron de calé suspendu au-dessus du feu et une vieille lasse constituaioiil les seuls ustensiles du ménage; le poisson formait la nourriture nniipie. Ces doux occupants de l'Ile étaient couverts décrasse; leurs che- veux emmêlés, (pii tond)aionl sur leurs épaules, les protégeaient contre les mousli(|nos , mais, selon toute apparence, ils contenaient bien dos choses encore pires. Leur laille ne dépassait pas la moyenne; hMiis liomuielles saillanles et le type de leur face révélaieiil un mélange du sang linnois avec le sang lapon; ils jiorlaient des pantalons, des che- mises de laine et des bottes, mais ils paraissaient bons et insisléronl pour (pie je prisse une tasse de café. Do Ciivijarvi, la roule de terre ipii se dirige au nord jiasse par une contrée lugubre et conduit à Aitij/irvi. Parfois la marche devenait fali- LA MAISON DE REFUGE 93 gante et ne s'animait que par instants ; on voyait de petits lacs ou étangs dans toutes les directions. Les moustiques faisaient de nouveau des leurs et, quoiiiu'uiie boiuie brise soufflât, leurs essaims nous suivaient et nous einiuyaient terrible- ment. Le plateMU seniltle être la ligne de division i)Our le tléverscnicnt des eaux des lacs vers le sud et le nord ; les bouleaux étaient devenus nains et la courbure de leurs branches démontrait la force et la direc- tion des vents hivernaux. La station de refuge à Ailijârvi nous [)arul très solitaire lorsque nous jetâmes un coup d'œil sur les bâtiments, depuis le haut de la colline; en un peu moins d'une heure et demie, ;i partir du l.ic, nous atteignîmes cet endroit. La ferme était destinée à servir de lieu de refuge. Dans ce district, l'un des plus stériles et des plus froids de l'Europe septentrionale, où le thermomètre descend jusqu'à 4.5° au-dessous de zéro, son abri doit être le bienvenu pendant l'hiver, lorsque les tempêtes menacent le voyageur fatigué. La maison était confortable et pnqire: il y avait deux chambres — une pour la famille, et l'autre pdur les voyageurs; on ne s'attache pas au luxe des lits mollets et du beau linge dans celte partie du monde. Deux vaches et quelques moutons étaient tout le bétail de ces lieux, les rennes se trouvant alors au pâturage. La station est située au bord du petit lac d'Aitijârvi et sur la rive de la rivière Sitc;ijoki, tout pi'és du point où leurs eaux se mêlent; avant de tombenhiiis le l.ic le courant forme un petit rapide sous lequel se trouve un îlot couvert d'herbe, le sol ayant été bien pourvu d'engrais. Le labou- reur et sa femme, les seuls êtres à la maison, nous accueillireid cordia- lement. Adam Triumf était un beau vieillard de taille moyeime, avec de longs cheveux noirs mélangés de lils d'ai'gent tombanl sur ses épaules. Sa feninie Kristina lui ressenibl.iil , nialgr('' son Imnni't uni et bien ajusté; ses cheveux noirs, longs et luisants tombaient sur ses épaules, et quoi([ue les rides qui sillonnaient son visage prouvassent qu'elle était avancée en âge, à peine lui voyait-on un cheveu gris; [lour compléter le portrait, elle avait aux pieds une paire de bottes de son mari, et Ions deux pori.iienl des vêlements tissés chez eux. De[)uis vingt-six ans ils vivaient ensemble et avaient eu dmize enf.inis; l'un des lils demein'e avec eux, mais il était absent pour le moment. 94 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT Le gouveriiemenl iiuivégieii subventionne ces vieilles gens d'inie somme annuelle délerniinée pour garder la place; en hiver, ils sont moins seuls, car leurs enfants les visilciil el les Lapons vont et viennent. Adam Triumf el Kristina onl lieanconp à l'aire pendaid la courte saison d'été; toutes leurs journées sont occu|)ées dans les iièclieries. Ils salent de fortes riuantités de poisson pour l'hiver; mais, outre la iiêche, il leur faut encore faucher et empiler le foin, se procurer du bois, rentrer des approvisionnements de mousse de renne que l'on dispose en énormes tas; on les enlève l'hivei' sur des traîneaux, afin de subvenir à l'alimen- tation du bétail. La récolte de la mousse est une chose fort importante el (jui doit être faite pendant que la terre est libre de neige. La laiterie demande aussi des soins, car le beurre et le fromage tiennent une grande place dans l'alimentation. Peu après notre arrivée la femme nous apporta une grande jatte en bois pleine d'un lait délicieux, du beurre, du fromage, du pain noir sortant du four, et nous dit avec bonté : « Vous devez avoir faim? » Je demandai un bateau ; mais Adam me répondit qu'il devait d'abord aller visiter ses fdets et prendre le poisson, ce qui fut aussitôt fait que dit. Ces deux bonnes gens nous laissèrent l'entière possession de la maison, oili rien n'était sous clef; ils ne craignaient pas (pie nous vou- lussions nous emparer du café ou du sucre, ou des provisions ajjporlées du bord de la mer. Au bout de deux heures ils revinrent, rapportant de belles truites — dont les unes avaient de vingt à vingt-(|ualre poiu'es de longueur el qui auraient réjoui le cœur d'un pécheur à la ligne. Kristina en lit cuire immédiatement quelques-unes; puis, les met- tant sur un plat de bois, elle me dit: « Mangez, étranger; mangez autant que vous pourrez, car vous avez une longue roule devanl vous. » Puis elle remplit de lai! le bol en bois el lit du café; (piand je pi'is congé d'elle, je lui glissai deux kronois dans la main. Le temps devenait {dus chaud tous les jours; à neuf heures, le ther- hiomètre marquait au soleil 100°; la température de l'eau indi(piail GO", ce (pii prouvait que la neige avait fondu. A onze liemvs. (|iiand nous nous arrêtâmes pour nous reposer, elle élait, à l'ombre, de 72°, au soleil': de 105°; celle de l'eau de G2°. A une heure nous finies halle de nou- veau, car les hommes étaient presijue éimisés; bien que nous fussions à une latitude de 07° 30', le lhermonu''lre marquait 7i° à l'ondjre et 109° KAUTOKEINO 95 au soleil à midi. C'était la seconde journée la plus chaude (juc j'eusse expérimentée. Le 5 juillet, à une heure du matin, je (|uitl;ii Ailijârvi. Adam Triumf assista à notre départ et nous souhaita un heureux voyage; il me donna une poignée de main et me dit avec cordialité : « Revenez bientôt! » Givijârvi et Aitijârvi sont situés sur la partie méridionale de la rampe que nous avions gravie après avoir quitté Palojarvi, et maintenant l'écoulement des eaux se faisait au nord vers la mer Arctique; nous descendîmes le courant, en glissant sur de dangereux rapides, jusqu'à Kautokeino, à quatre milles norvégiens. En regardant vers le sud, la lune était visible très loin; le soleil se montrait dans la direction opposée; l'une pâle et sans lumière, l'autre brillant de tout son éclat. Le temps était superbe et le ciel sans nuages; le thermomètre marquait 57° et la rosée couvrait abondamment le sol. Au départ, la rivière nous parut étroite, pas très profonde, la largeur moyenne n'excédant pas cinquante pieds; des bouleaux bordaient les deux rives. Depuis mon départ de Stockholm je n'avais pas encore entendu tant d'oiseaux chanter après niiiiuiL et jouir du printemps. Je ne pus que m'étonner du peu de sommeil dont ils profitaient pendant un jour si continuel; à certaines époques ils ne reposaient que d'une heure à deux et, d'autres fois, ils semblaient toujours en mouvement; les hirondelles qui avaient atteint cette latitude extrême au nord ne restaient qu'une couple d'heures dans leurs nids. Les arbres étaient courts en proportion de leur grosseur; les feuilles venaient de s'ouvrir et les troncs blancs avec leurs branches languissantes contrastaient avec la frondaison d'un vert clair. La végétation était plus en retard que celle de la rampe méri- dionale et l'on voyait (juehiues plaques de neige. La rivière olïrait la lim- pidité du cristal, et là où l'eau était tranquille notre bateau semblait glisser sur un miruir verdâtre. En nous i)orlant au nord nous passâmes rapides après rapides; le bateau frémissait lors(iu'il coupait les Ilots. Les bateliers connaissaient chaque courbure de la rivière, chaque récif dangereux, chacjue rocher caché sur lesquels l'eau bondissait; l'écume de l'onde leur indiquait par où ils pouvaient sûrement passer. Souven nous défilions à un pouce ou deux d'un bloc qui menaçait de nous mettre en pièces mais par une manœuvre adroite de leurs perches mes hommes lui échappaient et se laissaient flotter jus(|u'à l'approèhe 9G LE PAYS DU SULEIL DE MINUIT criiii autre rapide. Un faux mouvenieiil ou .une erreur île jugemeiil nous aurait élé fatal. La dextérilé de mes bateliers était extraordinaire. L'émotion causée par la descente fut liieii autrenienl grande que pendaiil la nioidée de la Muoiuo. Après une navigation de ciiKi heures nous arrivâmes à une ferme, la première sur notre route; l'habitation était très sale, bien que le fer- mier fût dans une bonne jiosition, puis(|u'il possédait douze vaches el deux cents rennes; il avait plusieurs enfants et la famille portait le cachet d'une exiracliou laponne. Sur une table j'aperçus leNouveauTestament. Autour de la maison on avait disposé des meules de lni]i de dix à douze j)ieds, protégées contre la neige par de longues perches ^ yeux l'édiicalion, les bonnes manières, et j'entendais parler trois langues étrangères. Mon luMe était membre du Storthing (le Congrès norvégien) pour Vestfinnmarkcn; sa famille el lui me tirent l'accueil le itius cordial et DKS(:ENTE VKHS la M1:M AltCTIOlE 103 me soulinitr'cent la bienvenue. Ils insisléicut tellemeiil pour m'avdii' à dîner que je ne pus refuser. Bosîkop se compose de l'ennes espacées, avec inic ('lilisc , une l'CDle. quelques magasins, el une auiierge confoilalile, tenue par une veuve el sa fdle; c'est le siège d'une IViire, et, en hiver, les Lapons s'y donnent souvent rendez-vous; il s'y trouvait aussi une cour de justice. Il y a une petite société de gens bien élevés, comprenant les familles dnjnge, du Slortliingsmaud, du pasteur et d'autres. J'étais arrivé un dimanche après midi, et le dimanche est considéré parles norvégiens comme un jour de récréation el de repos. Après le dîner, deux dames m'invitèrent à me joindre à une réunion de jeunes gens. Nous partîmes tous ensemble pour l'auberge où se trouvait mon bagage. — Lorsque je descendis l'escaliei', vêtu de mon mieux (ce qui n'est pas beaucoup dire), je trouvai dans le parloir une douzaine de charmantes demoiselles, quelques gentlemen qui m'attendaient ; je leur fus présenté. Mes guides, désirant retourner chez eux, me demandèrent de les payer; un nuage passa sur mon front el je dus expliquer ([ue j'étais obligé de les faire attendre. Un de ces messieurs offrit île m'avancer la somme nécessaire. J'acceptai; mais à peine avais-je soldé mes hommes, que la boiuie femme du fermier se présenta. Elle avait fait toute la route à pied i)our me rapporter ma sacoche, ne voulant la confier à personne, croyant qu'elle contenait nue forte somme. Elle refusa la rémunération (pie je lui offris, en disant qu'elle n'avait pas besoin d'être payée pour demeurer honnête; mais je finis par l'emporter et elle accepta mon présent. Toute la compagnie parlait anglais ; quelques-uns môme s'expri- maient en français et en allemand. En peu de temps leurs manières amicales me firent oublier que j'étais étranger. Le lendemain, plusieurs dames vinrent me voir et m'invitèrent cour- toisement à me rendre chez elles, en disant qu'elles désiraient me faire passer un moment agréalde, afin de conserver un bon souvenir de ma visite à Bosîkop. Je fus assez heureux pour rencontrer ici le [tnilesseur Théodore Kjèrulf, de Christiania, l'un des st/ra/its les plus distingués de la Scan dinavie; ses ouvrages sur la géologie de la Norvège lui assurent une renommée durable. Il s'occupait alors d'éludier la formation du pays. Il s'étonna du peu de bagage que j'avais emporté avec moi. lequel con- lOi LE PAYS DU SOLini. DE MINUIT sistait, disait-il, i)riiici[jaiemenl en j)apier à écrire et eu cartes. Mes souliers aussi attirèrent son attention, à cause du peu d'épaisseur de leurs semelles; je les préfère ainsi lorsque j'ai à faire de longues marches, ou quand le terrain n'est pas trop pierreux ni humide. Après une amicale conversation nous allâmes dans un petit jardin dont le pavillon était orné de branches de bouleau et qui contenait une table couverte de rafraîchissements. On fit i)asser à la ronde de la linio- nade, des gâteaux, elles jeunes gens se mirent à jouer au /w/ pendani que les personnes âgées les regardaient. A onze heures du soir, sous les rayons brillants du soleil, la société me reconduisit en me souhaitant une bonne nuit et tous rentrèrent chez eux, me laissant enchanté de leur simplicité, de leur innocence et de leurs manières aimables. Toutes les familles que je visitai m'avaient accueilli à cœur ouvert, aussi voulus-je doinier, dans h; parloir démon hôtel, une petite fêle aux personnes qui m'avaient invité chez elles. A un moment donné je vis mes convives se regarder et chuchoter entre eux; ils avaient évidemment tramé un complot, car quelques dames, conduites par le professeur Kjeruif, me demandèrent, au nom de la société, d'être assez bon pour leur dire quelque chose sur mes voyages en Afrique et sur les gorilles. Je n'avais pas soufflé mot de mes explorations et je fus presque peiné d'avoir été reconnu : c'est là le désavantage de porter un nom peu com- mun. Impossible de refuser; et ce fut ainsi qu'au 70° de latitude nord, dans le parloir tranquille de l'hôtel de Bosikop, je tins une conférence sur les régions équatoriales de l'Afrique et sur le gorille devant une assemblée de personnes aussi aimables que l'on pouvait le désirer. Non loin de Bosikop, sur le fiord Kaa , il y a une mine de cuivre , la plus septentrionale qui ait jamais pu être exploitée avec succès ; elle produit un minerai de la meilleure qualité et donne de l'ouvrage à environ cin(| cents travailleurs. Dans les cinq dernières années bien des mineurs ont émigré en Amérique pour chercher fortune au nouveau monde sous la conduite de deux de leurs compagnons de travail qui étaient revenus au pays et avaient fait des récits enthousiastes sur les bons salaires que l'on reçoit en Amérique. La mine appartenait à une compagnie an- glaise, et le directeur, un Anglais, l'administrait depuis quarante-trois ans, ce qui parle éloquemment en faveur du climat. Les mineurs, tous Finlandais, recevaient en moyenne 40 à 50 cents (environ 2 fr. 50) LE PIORD ALTEN lOo par jour; beaucoup étaient mariés et avaient des familles nombreuses. Le directeur me dit qu'il avait promis d'être parrain du vingtième enfant d'une femme de Pajala; mais elle s'arrêta au dix-neuvième et mourut k soixante-dix ans. Les Anglais viennent pécher jus(iu'ici. Leduc de Roxburgli, (pii loue la rivière d'Alten, (piille tous les ans ses domaines pour jouir du plaisir de dormir dans une hutte en bois, de prendre du saumon, et d'être dévoré par les mousiiques. Le peuple [)aile de lui avec respect et amour, et loue son bon cœur ainsi que ses manières bienveillantes; on dit que jamais le pauvre n'est renvoyé de chez lui les mains vides, et bien des familles nécessiteuses peuvent témoigner de sa bonté. .le ne con- nais point d'autre Anglais plus estimé en Norvège. Depuis plus de vingl ans il vient pécher ici et il est connu dans tous les coins du pays. Dans une heure malheureuse le bon duc a été volé parle fils de son intendant, au grand chagrin de tous les gens de cette région, qui, paraît-il, sont absolument exempts du vice de vol. Je crois que le montant dérobé s'élevait à 20,000 dollais, dont presque tout a été recouvré. Le voleur, qui n'avait encore jamais vu tant d'argent, ne sut qu'en faire : la vue des billets de banque l'avait fasciné et séduit. Nulle part sur notre globe, à une si Juiute lutitiide^ la végétation n'est aussi développée qu'au fiord Altea. Aufiord Kaa, l'un des bras de l'Alten, auprès de Bosîko|), la rhubarbe, l'orge, l'avoine, le seigle, le navet et la pomme de terre poussent parfaitement ; les carottes attei- gnent une longueur de cinq à sept pouces; les fraises de jardin mûris- sent à la fin de juillet ou au commencement d'août, si la saison est chaude; les groseilles prospèrent et les framboises arrivent à maturité au moins une année sur trois; les pois produisent tous les ans; je les trouvai avancés de dix à quinze pouces le 10 juillet et près de fleurir, quoique plantés seulement depuis quatre semaines. L'herbe est riche, et, en moyenne, quatre gallons' de lait donnent une livre de beurre; l'avoine et l'orge sont récoltés neuf ou dix semaines après les semailles. La saison la plus chaude dure depuis le commencement de juillet jusqu'à la mi-aoùt; le thermomètre monte quelquefois à 85°. Le temps s'était rafraîchi à Bosîkop, la température la plus élevée pendant mon séjour ayant été de 63° à l'ombre, et la plus froide de o5°. 1. Le gallon équivaut à 4 litres 54. 34b mill. 106 LK PAYS Dl" SUI.EIL DE MINLIT Le mode liabiluel pour aller plus au nord est de prendre le steamer hebdomadaire de Bosîkop à Hanimerfest. Le lialeau touche à un grand noml)re d'endroils; a|)rès avoir (piillé le liord, nous passâmes entre les îles, el une course de Ireize heures nous eoiiduisil à Hammerfest, à l'extrémité nord-ouest de Kvalù, ile très rajjprochée de la terre ferme, à une latitude de 70° 40'; on dit que eelte ville est la plus septentrio- nale qu'il y ait au monde. Ces ports de mer norvégiens sont cachés par de hautes montagnes et généralement ils frappent soudainement les yeux. Je fus surpris de voir à une si haute latitude une ville aussi commerçante; plus de cin- quante navires, principalement des schooners, étaient à l'ancre. Les pavillons anglais, russe, norvégien, suédois et allemand s'y trouvaient représerdés; deux steamers se préparaient à partir; ici un navire anglais déchargeait du charbon, là un russe, d'Archangel, s'allégeait de sacs de farine; d'autres prenaient des cargaisons de morue séchée ou salée, d'huile de l'oie de morue, etc. On voyait des bateaux, des allèges et des barques de pèche amar- rés au quai en bois, auprès ducpiel on a construit des magasins: le port est abrité el les navires y sont en sûrelé; la ville a une population d'en- viron di'ux mille cinq cents habitants. En parcourant les rues et le long (les (piais on aperçoit des capitaines russes avec leur longue barbe, des pêcheurs et des matelots, des Finlandaises et des Norvé- giennes mises à la deriuère mode, car la crinoline, le chignon et le chapeau « tuyau de poêle » ont réussi à s'iidroduire même ici. Il y a peu de villes au monde — s'il y en a toutefois — bâties sur un lieu plus stérile ou entouré (riiii jiaysage aussi triste, aussi désolé; l>as un arbre, rien que des lochers luis et sombres. Aucune route ne conduit hors de la ville, car il n'existe point de fermes plus loin, et la contrée environnante ne fournit i)as de bois; les rues sont étroites. Tar- ière principale suit le bord de la baie; ipielques habitations soni grandes et commodes, el l'on est frappé du nombre considérable de magasins de tout genre. Le sens olfactif de l'élranger est désagréablemeid affecté par l'odeur du poisson (|ui prédomine par toute la ville, car les habilants fabri(}uenl l'huile de foie de morue, particulièrement de la sorte brune, dont la senteur et la fumée n'ont rien de réjouissant; mais, ainsi que LE FIORD ALTEN 107 me le fit ohsoiver un des marchands les plus importants, la fumée qui produit de l'argent n'est jamais désagréable. On entretient ici un nombre considérable de vaches, que l'on nourrit do poisson, de mousse de renne et de foin. Le port n'est jamais fermé par les glaces; car le Gulf-Slream lèche la côte slérih' et désolée, qui, à certaines saisons de l'année, four- mille de poisson; : sans la pêche il n'y aurait point de Hammerfest. Sa position géographique est excellente; elle communique directement par télégraphe avec Christiania, et ainsi avec le reste du monde. Elle a trois journaux et un petit hôtel qui fournit des chambres com- modes et une excellente table. Les écoles sont bonnes et fréquentées par tous les enfants, l'instruction étant obligatoire. Un vice-consul américain réside dans le port. Dès que je lui eus fait ma visite, le pavillon aux bandes étoilées fut hissé sur sa résidence, et j'appris, à mon grand étonnement, que mon nom était coniui dans cette partie extrême du monde; en elfet, mon Afruftc équatoriale avait été traduite en norvégien. On me montra cette traduction ainsi que l'ori- ginal en anglais. J'avais été pourvu de lettres de recommandation pour l'un des plus grands négociants de Hammerfest, Herr F..., qui me pré- senta à ses amis, et je fus admirablement accueilli dans plusieurs mai- sons, notamment chez le vice-consul américain. La vie est très confortable à Hammerfest. Le poisson, l'un des prin- cipaux articles d'alimentation, abonde; le bœuf et le mouton viennent du fiord Tromsôel de la province méridionale la plusvoisine; en hiver, le gibier et la chair de renne foisonnent. On trouve ici du café, du thé, des épices et autres ol)jets de luxe ; on y donne des dîners qui ne seraient pas indignes de villes moins éloignées des centres de civilisation. Le bois est cher parce qu'il faut l'apporter des fiords environnants; le peuple brûle du charbon qui vient d'Angleterre. Cette année il ne coûtait que cinq dollars la tonne, bon marché qui m'étoniia. Toute cette partie septentrionale de la côte de Norvège est acces- sible en été et en hiver. Les steamers viennent à Hammerfest de diffé- rentes villes de la cote et de Christiania; le voyage exige quinze jours de navigation, parce que les bateaux s'arrêtent dans bien des endroits et la distance dépasse deux mille milles. Il y a aussi une ligne semi- mensuelle de steamers norvégiens depuis Hambourg. Ces bateaux sont 108 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT les plus grands et les plus conforUibles; aussi les touristes qui veulent voir les scènes de la côte ou le soleil de minuit les prennent-ils de pré- férence. Cette ligne apporte des marchandises de toute sorte, et ramène en retour les produits norvégiens. Des coteaux sourcilleux, doiil h' plus haut s'élève à mille trois cent trente cinq pieds au-dessus du niveau de la mer, forment l'arriére-plan et laissent à peine delà place à la ville pour s'agrandir; leurs crêtes semblent étonnamment aiguës et quol(|ues-uns des blocs qui reposent sur elles ont l'air de vaciller au iioint de faire croire qu'une légère poussée les précipiterait le long des rampes. En regardant du côté de la terre, je pus distinguer de petits lacs disséminés sur le désert aride ; au loin sont les îles stériles de Sorô et de Seland, cette dernière s'élevant de trois mille quatre cent huit pieds au-dessus du niveau de la mer, et portant le glacier le plus septen- trional de la Norvège. Du sommet des collines on peut voir le soleil de minuit dans la même saison qu'au cap Nord, mais la scène produit une liirii moindre impression. 'i;i:'^';'iiîi:j|);l''ii. '%m 'n|,*| '"" Il ' l' 11" CHAPITRE VIll L lie lie Mageri'l. — Gjaesver. — Saleté des maisons de ijèclieiirs. — Charmant foyer septen- trional. — Bétail Carnivore. — Temps pluvieux et changeant. — Fiord verdoyant. — Ascension du cap Nord. — Paysage désolé. — Un oiseau errant. — Le soleil de minuit. L'île de Magen") esl. In plus sepleiilrionale de l'Europe; elle est séparée de la terre ferme par un canal j)ri)l'oiid — Magerôsound — large de plus d'un mille. C'est un plateau élevé, ayant des rampes très abruptes et dentelé de baies bien abritées et de fiords. Son alti- tude est de mille sept cents pieds au-dessus de la mer; le cap Nord con- stitue son extrémité septentrionale. Si l'on veut voir le soleil de minuit de son sommet, il faut prendre terre soit à la station de pèche de Kjelvik, ou, ce qui est meilleur et plus aisé, à Gjaesver [f/jaes:, en norvégien, oie), (|ui appartient à un groupe de petites îles rappro- chées, sur le côté occidental de Magerô, et aborder prés du cap, quand lo temps lepermet. Le 21 juillet, un jieu après minuit, par une pluie battante, accom- pagné du consul américain, du receveur du port, et de Herr F , je m'embarquai dans un petit bateau pour me rendre au steamer. Ces mes^ sieurs voulaient me recommander spécialement au capitaine et lui faire des observations en ma faveur. Le passage devait être peu récréatif par ce temps brumeux el pluvieux, avec le thermomètre à V6°, Ii2 Li: PAYS DU SOLEIL BK MLMIT Quatre vaisseaux russes, d'Archangel, à l'ancre devant Gjaesver, .'illf'iiil.iiciil leurs cargaisons de poisson; noire steamer fut obligé de jeter l'ancre à cause de la violence du courant. Passagers, malles et marchandises furent jetés pêle-nièle dans un Itatelet, et la population entière, accourue sur le rivage, et comptant environ vingt personnes, attendait notre débarquement, avide d'apprentire des nouvelles. Cet établissement consistait en i)uei(|ues maisons de pèclieurs. Les environs n'étaient rien moins qu'attrayants : des entrailles de poissons, des barils de foies de morue, du sang et de la saleté, c'est là tout ce qu'on voyait, et l'odeur infecte qui s'y ajoutait inspirait le dégoût. A l'intérieur 'des huttes régnait une malpropreté (|ne je n'avais pas encore vue ; des poêles remplaçaient les cheminées, car il fallait être économe dans l'emploi du chauiïage. Un seul ap|)arfenient serv;iil de clLunlire à coucher à toute la famille; les lits et les couvertures se composaient de duvet d'eider; quant aux draps, c'étaient probablement des articles inconnus. L'ile avait un marchand dont la maison faisait un contraste agréable avec les autres; partout la propreté, le confort el le goût; un piano se prélas- sait même dans un des parloirs, et les tables étaient couvertes de jour- naux et de livres. L'hôtesse, dmil le niai'i. pdur le(|ui'l j avais une lettre d'introduction, était à Hammerfest, me reçut avec grande bonté. Charmante demeure, en vérité, telle (]n'nn étranger ne pourrait jamais rêver d'en rencontrer une semblable en cet endroit, et i)0urtant on en trouve beaucoup sur cette cote, la plus stérile de la vieille et glo- rieuse Norvège. Autour de la maison ou avail élevé des communs pour l'emmagasinage du bois, du poisson, el des piovisions. Il y avail riii(| petites vaches, mesurant seulement trois pieds deux pouces à trois {lieds quatre pouces en hauteur; quelipies moulons et beaucoup de chèvres, ces dernières friandes de l'herbe ipii croît eidre les rochers; mais comme la pâture ne suftisait pas, on les nourrissait deux fois par jour de... poisso/i! .le lus ébahi lors(|ne, ponr la première fois, je vis des vaches, des chèvres et des moulons aulour d'une cuve remplie de mor- ceaux de poisson en i)artie cuits et souvent crus, les dévorant avec voracité. Il serait intéressant, au point de vue darwinien, de constater si, en nourrissant des créatures herbivores avec des substances ani- males, d'année en année, pendant un temps considérable, on arriverait à modilier leur appareil digestif; si l'on rendiail les molaires ]ilus HABITATIONS DKS PECHEURS 113 étroites et plus traiicliaiiles, et si les canines et les incisives supé- rieures apparaîtraient; si les trois premiers eslomacs de l'animal rumi- nanl seraient moins développés et si le ipialriéme deviendrail pareil à l'estomac digestif de la créalure Carnivore ou omnivore; et si le long canal intestinal appartenant au ruminant se rapprocherait de l'inteslin court du Carnivore à la digestion prompte. Pendant la saison de la pèche on fait sécher en grand nombre des têtes de poissons que l'on garde pour doimer l'hiver au bétail et que l'on fait cuire avant de les lui servir. Même ici, des pies, apparemment appiivoisées, volaient de place en place, mais on ne voyait |iiiiiil d'hirondelles ; les canai'ds et les goélands étaient innombrables. Le beau temps (pii m'avait suivi jusipi'au fiord Alten venait de finir. Les chances du touriste qui pousse jusipi'à une aussi haute latitude pour voir le soleil de minuit ne sont pas souvent grandes : des mers atlrenses, des tempêtes de neige, des pluies et des brouillards arrivent en hiver, tandis (pi'cn été ce sont des allcmatives de chaud soleil, de pluie, d(^ brunie, de vents froids et de brouillards ; régulièrement le climat d'été est incertain, car les veids du nonl l't du nord-est amènent du brouillard et un temps humide. Celle année, dn il au 23 juillet, on n'a eu que deux jours secs, deux avec du soleil et de la pluie ; le reste a été ou orageux, ou brumeux, et souv.ent avec une mer difticile. La température la i)lus chaude s'est produite à Hammerfest, où le mercure s'est élevé à 59°, mais seulement un jour ; la moyenne dei>uis lors avait été de 44° à 43°, et à Gjaesver ou l'avait vue plusieurs fois descendre à 41° et 40°, la variation n'étaid |ias |ilus de o° ]ien(iant le jcuir. ,Ie connnençai à craindre dt; ne pas revoir le soleil de minuit du haut du cap Nord, car le temps était nuageux et menaçant. Le 20 juillet, le bateau futprêt. La matinée était charmante et même ce lugubre paysage semblait sourire aux rayons du soleil, ipii s'était tenu caché pendant plusieurs jours ; la mer, d'un vert foncé, pas très salée, était si claire, (pie l'on pouvait en voir le foml de sabir à une grande profondeur; les falaises qui, à distance, olfraiiiit ini air abrupt, semblaient maintenant descendre vers la mer par un angle de 30° à 40°. Des goélands en nombre immense volaient au-dessus de nos tètes, nous prenant pour des jiècheurs ; les canards aussi étaient nombreux. 8 s lli LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT Quelf|iios-uiis se montraient défianls, mais on aurait dit (|ue les eiilers savaient i|ue personne ne les molesterait, et qu'il est défendu de les tuer. L'île de Fruliolmeu, à 71° 3' N., planait au-dessus de l'eau lorsque nous entrâmes dans un petit liord à Fonesl de Ma<îer("», laissant au nord une autre île qui faisait l'ace à l'enlrée. Quand nous atteignîmes la pointe t\u liord, un changement remarquable s'était produit dans l'entier aspect de la nature. En prenant terre je vis une herbe verte, ])oiiilillée de boutons d'or, de dents de lion, de violettes et de myosotis dont les tiges avaient pins d'un [lied de long ; le bouleau nain et le saule abondaient, de même ipic Ir pLmlaiu {plantarjo ntajor). Parlunl, dans mes voyages en Scandinavie, j'avais vu cette derniéi'e plante, mais je lus surpris de la houvcr si loin au nord ; je ne crois pas (|u'il en existe une autre qui vive dans une latilinle aussi étendue ; elle csl commune sous l'équateur en Afri(pie et elle |)rospère an 71° nord. Des sources et des ruisseaux semblaient jaillir de leiie, cl les rayons du soleil versaient des torrents de lumière et de chaleur dans l'étroit vallon, qui est le coin \i\ plus vert ipi'il suit possible de trouver à l'extrême nord ; (piehpies petits oiseaux s'y étaient même acclimatés. La nnjnlée devenait par moments si raide (pie je fus obligé d m'arrêter plusieurs fois pour respirer avant d'alleindre le sonunet ; le thermomètre indi(juait 48° et l'ascension me donniut chaud. De la cime je pus apercevoir notre |)e(il balcui, (pii à cette^ distance ne paraissait pas plus gros (ju'un poinl ; deux hommes étaient restés à bord, et les trois autres m'accompagnaient. Il n'y avait point de sentier, mais la marche était généralement boime, le sol étant dur et pierreux ; nous traversâmes de petits cours d'eau, d'épaisses phupies de neige, et beaucoup dt> |)elits élaiigs encore couverts de glace flottante. Après avoir marché plusieurs milles, je m'arrêtai sur le poinl extrême du cap Nord, à une lalilude de 71° KJ', à \\m[ cent (pialre- vingls iiieds au-dessus du niveau de la mer. Gel audacieux promontoire est luie énorme masse de micaschiste, sortant majestueuse et sombre de la mer. Devant moi, aussi loin ipie r(eil |)onv;nt alleindre, se développait le bleu foncé de la nier Arcliqiie. disparaissant à l'horizon septentrional ; ASCENSION DU CAP N(tlîD 113 (.'Ue éti'iil aussi calme que le vent qui l'el'tleui'ail à [)eirie, comme s'il craignait de réveiller sa fureur, et de troubler un de ces jours rares, limpides et délicieux du nord i^lacial. (|ui jouissait aidrefois d'un climat aussi tempéré que celui de rAnglelerre aujourd'hui. Je ne [louvais voir le soleil, car à ce moment du jour il coidinuait sa course derrière moi, c'est-à-dire autour du [loinl où je me tenais. Au loin par delà, c'était celte région inconnue, gardée par un mur de glace cpii en interdit rap[)roclie et déjoue les elîorts de tous ceux qui essayent d'en [lercer le mystère et d'atteindre le pôle nord ; derrière moi. c'était l'Europe avec ses climats ensoleillés et l'Afrique aux déserts hrùlauls et aux marécages malsains; à ma droite, l'Asie; à ma gauche, l'Amérique, improprement nommée le nouveau monde. Partout où je regardais, je voyais une nature nue, lugubre, désolée"; grandiose certainement, mais triste. Le sol était couvert de fragments qui avaient été détachés des couches rocheuses par l'action de la gelée et du temps ; pas une habitation humaine, pas un arljre en vue ; tout autour de moi d'immenses falaises qui m'étourdissaient. Sur le côté occidental du cap, quatre larges fissures déchiraient les nuu's de rochers ; au delà, la terre formait une anse dont le côté opposé était compa- rativement bas et arrondi, descendant doucement à la mer. Il y avait un ilôt rocheux, sur lequel se brisait le ressac, et sur ses bords gisaient les troncs échoués de deux grands arbres que les vagues cherchaient à reprendre ; peut-être avaient-ils poussé dans le nouveau monde et avaient-ils été entraînés ici par le Gulf-Stream ! Un peu plus loin et faisant sallie vers le nord, c'est Kuivskjœlodden ; mais cet îlot n'a pas la grandeur du cap Nord. La vue s'arrêtait aussi sur une ligne de côtes élevées, dentelées et déchiquetées de })récipices, paraissant surlir brusquement de la mer ; tandis que plus loin encore — et sans doute la dernière terre visible — se montrait le cap Nordkyn, le point le plus septentrional sur la terre ferme d'Europe. Tout 1(> long du rivage les vagues battaient sans cesse contre les rochers (pu les arrêtaient, et se brisaient en une continuelle frange blanche sur la base des falaises. Ce n'est (|u'à distance ipie le cap. comme la côte, semble vertical ; ([uand on longe les bords en bateau, l'apparence du promontoire change beaucoup. Ainsi que le montre la gravure, la pointe tomlie dans la mer en pente douce. IIG LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT Une ;iliii()s|ih(''i't' de liisli'ssc llollt' sur ce paysaL;!' (l(''Si)|r,(|iii a laissé dans mon souvenir une inipivssidn indéléliile; je voulaisie quitter alors, car l'oppression m'avait saisi, et j'essayai eu vain de la chasser; mais j'avais fait un long voyage expressément pour voii' une dernière fois le soleil de niinnil du sommet de ce roc élevé, barrière de l'Europe sep- tentrionale et je n'avais plus ipie dix lieures à attendre. Prenant nnin marteau de niinéi-aldgisle, j'allai au point extrême du cap (pii lomhe à pic dans la mer. Je me couchai à jilat ventre pour regarder par-dessus le bord de la falaise, et pendant (pi'un de mes guides me tenait solidement je jjarvins à détacher un morceau du rochei' en micaschiste, atin de le conserver comme souvenir de mon voyage'. Je jiensai alors à la saison d'Iiivei' et combien doi\i'nt èti'e lerrilianles les tempêtes qui balayent les falaises; avec quelle fureur les venis doi- vent hurler, combien la neige tondie éjiaisse, et avec quelle rage l'océan vient battre les murs gigantesques (pii lui font obsta(de, précipitant ses vagues en masses immenses d'écume ! Même pendant ce beau jour d'été le tenqts était froid, bien que le soleil fût éclalanl ; le Ihi'iiuométre, à deux heures trente minutes après midi, denieuiait à 4(i". Malgré sa force, le soleil était si pâle qu'il paraissait presque blanc, et le ciel, d'une teinte bleuâtre et brumeuse, se nuançait de blanc vers l'horizon. Derrière le point extrènu' du capNord et descendant doucement jus- (pi'à lui, il y a un tertre un peu plus élevé; puis une dépression traverse toute la largeur du promontoire de l'est à l'ouest et se relie avec les deux anses de cha(|ue côté. La seconde cliaine de collines est pins l)ierreuse que la première avec ses marécages, son cours d'eau et son étang; ici, l'herbe étant protégée contre le froid et le vent, était verte, et des lleurs sauvages y poussaient; la troisième chaîne est encore plus rocailleuse (|ue la seconde et demeurait couverte de plaques de neige. A la pointe extrême du cap avaient germé (piehpies brins d'herbe. Un peu plus loin siu' la terre ferme apparaissait le bouleau nain, plus grand lors(ju'ii était abrité, mais si petit d'abord (pi'on le voyaità peine: il n'atteint (|u'une hauteur d'un pied avec un diamètre d'un ipiari à uli 1. A iiiiiii irhiiir à (.liiisliiiiliii, iiiiiii ,iiiii 11" iinil'i'ssrHr KjciuU' me di'iiuuiiia iiii iiior- ceaii ilii iiiilicr, |ioiir Ir ilr|iiisi'r :ui iiiusruiii de l'I'iiiveisité. LE SOLEIL DE MINI IT d17 tiers (le |ioiic(', ci nir'iiif il lui faut une géïK'ration ou deux [Kiiir niTivci- à ces dimensions; il ne iimlc pas siin sommet vers le soleil: il se lapil sur la terre, et s'y cramponne comme ime |)lante rampante, alin île n'èlie pas mis en pièces par la force des vents. Bien des fois depuis lors, en traversant des chaînes de montagnes, j'ai oliservé le même phénomène. En marchant, pour tuer le temps, au sud du cap, j'aperçus une arai- gnée, un bourdon et un petit oiseau; j'avais épaulé mon fusil pour le tirer et le conserver comme un souvenir du cap Nord ; mais, en voyant la petite bestiole voltiger effarouchée, je n'eus pas le courage de lui prendre la vie. Elle sautait de place en place, ses cris aigus prouvaient son anxiété; évidemment cet oiselet n'était pas chez lui. .le me dis alors : « Je ne le tuerai pas ! car, comme moi, c'est un vagabond dans ces climats de l'extième Nord. » A |)eine cette pensée m'était-elle venue qu'il prit son essor et s'envola vers le sud. Je commençai à devenir inquiet car, depuis une heure, des nuages s'étaient amoncelés de l'est au sud, s'èlevant lentement, mais de plus en plus. A onze heures, une grande portion du ciel était couverte, mais vers le nord il restait clair; si la masse noire n'avançait pas vivement dans cette direction, je pouvais cncdie voir le soleil. L'astre [s'enfonça de plus en [)lus lentement, et, quand approcha l'heure de minuit, il sembla pendant un certain temps suivre la ligne de l'horizon; à cette heure il brillait magniliipiement sur la mer soli- taire et sur le pays lugubre. Lors(|u'il dis|)arnt derrière les nuages, je m'écriai au liord du précipice : « Adieu, soleil de minuit! » Je l'avais vu depuis le sommet des montagnes, éclairant un pays stérile, désolé et couvert de neiges; je l'avais contemplé montant et descendant au-dessus de pittoresques rivières, ou traversant des lacs solitaires; j'avais vu maints paysages, des champs fertiles, des prairies verdoyantes, de grandes et vieilles forets, teints de sa lumière assou- pie; je l'avais suivi du golfe de Bothnie à la mer Polaire, et je ne pouvais aller |)lus loin. Je retournai donc jusqu'à l'endroit où j'avais laissé notre petit bateau. Les hommes nous attendaient; la pluie commençait à tomber, et lorsque nous atteignîmes (Ijaesver j'étais miuiillé et transi, avec les pieds glacés. Je me sentais épuisé, car j'avais passé vingt-deux heures sans dormir; mais j'avais vu ces falaises sombres et câpres, ce paysage 118 LE PAYS ni" SOLEIL DE MINLIT Irislf cl silencieux, celle iium' .\ivlii|iic srins repos, ol ce beau soleil de iiiiiiiiil liiillaiit sur le loul. A celle lieiue. j'entends encore le murmure des vagues liatlant le solitaire cap Nord'. .Te reviendrai en hiver dans ces régions sepleulriunales, pour errer avec les Lapons et leurs reiuies sur les montagnes neigeuses, et le long des vallées et des rivières glacées, afin ^de voir les côtes Inuellées par les mers tempétueuses et enveloppées des lempêles de neige aveuglante. L Los tiilili'aux siiivanls dimiiciil les dalos ilc ra]i]}arilion et ili' la ilispaiilinii ilii pnli'ij lie iiiiiniil en il^dans du cercle Aiitiiiue. NUIT CO.NTINUELLE Oii l'on voit le soleil en rli'i'iiier. Rodo (li'-ccuihro ITi Karasjok nuvembre 20 Trùinso — 25 V.irdo. : — 22 Ilaiilinorftst — 21 Cap Nunl — 18 Où l'on voit le soleil en premier. iiiidu di-i'cinlji-o «S Karasjok janviiT 16 Ti'omsi Vardu Hammorfcst . Cap Nord . . . 17 20 21 24 JOUn CONTINCEL Ou l'on vfiit fn prcniior Ii^ rioli'il (li> IllilUlit liuilo Karasjok .. . TroiiiS'j Vardo Hauitnorf. s! Cap Nord . . Ri-Ijord supériour Jii;[l mai juin mai On l'un voit en ilrrnîer lo soh'il Uf minuit lio.l. Karasjok.. Tromso , . . Vardo HaniuK'rfi? Cap Nord. juillet 8 — 21 — 22 — 26 — 27 — 30 juillet 10 — 22 — 24 — 27 — 28 — 31 Rebord supérienr jnillellS — 23 — 25 — 28 — 29 août 1 CHAPITRE IX Fiisiuii (iii levfr et du rouclier du suleil. — Bodô. — A travers hi piMiinsulc scandhiave. - Vensct. — Vallée Saltdaleii. — Roguaii. — Mes voyages ai'rieains en Xorvè!,'e. — Gens simples et con- tents. — Race ]irimitive. — Haniean abandonné. — Hospitalité. — Filles du village d'Almin- dingen. — Diner de famille. — Storjord. — Légendes de la cote. — Le précipice Kvaen et la baie de rilonime mort. — Orage arclii|ne. — Lang-Vang. — Pnces Scandinaves. — Skjônstuen. — Fagerli. — Ferme de Larsen. — Camli. billnn et baisers. — Moulins à blé. — Préparatifs pour traverser le pays. — Mon bagage et njes provisions. Dans les iltTiiitTS joins de juillet je naviguai le long de la sanvage et superbe côte méridionale de TronisA. A onze heures la couleur des nuages se changea en une teinte dorée (ini nous ]irévenail (jiie l'heure de minuit approchait et que le soleil allait se lever; hieiitôl les nuages devinrent d'un rouge intense, tandis que le soleil demeurait caché; puis ils changèrent de nouveau, leur couleur devenant graduellement plus éclatante, comme si une nouvelle vie leur était infusée. Lorsqu'ils furent teintés des nuances du soleil levant, l'éclat du coucher se mêla à celui du lever; le crépuscide du malin el ceini du soir se loiidiri'iii riiii dans l'autre. Les montagnes et les collines à l'est prirent une teinte rosée qui contrastait singulièrement avec leur base plus sombre ; la mer bleue et calme reflétait les images de la terre et du ciel, et, à mesure que le jour avançait, les nuages se changèrent en une blancheur flocon- neuse. 120 LE PAYS DU SOLEIL DE MIM IT Le lenfleinniii. j'nlioi'dni dons la ville de Bnrlo — G7° 20' lai. — petit port sur la côle iiorvéii;ieniie du Nonlland. Celte place a un aspect incomplet el doil son importance à ses pêcheries; c'est une slation régulière où viennenl fairi' du idiarhon les steamers pour Hammerfest. L'église, très ancienne, est consiruile en pierres et l'on a conservé l'autel catlioli(|ue; on y voit quelques tableaux bizarres et des armoiries du peu|)le danois, maintenant oubliées; sur le mur extérieur il y a une dalle (pii porle la date de loOO-lOUG. Bien que la ville ne renferme (|ue (pielipies centaines d'habitants, elle a ses journaux et sert de rési- dence à V(n/i//t/a/i/l {'J!,on\i'\MPnv de la pi'ovince). Mon but, en venant en cet endroit, élail de traverser encore une fois, avant ([ue l'été fut j)assé, la péninsule Scandinave et d'atteindre la ville de Lulea — Go° 40' N. — en Suède, sur le golfe de Bothide, traversant ainsi un des disiricts les plus sauvages et les moins habités de la Suède et de la Norvège, en longeant le gi'and glacier de Sulitelma. J'avais une lettre de recommandation poin' l'ini des principaux mar- chands, l'inlVirmant de mes plans et le priant de faire tout son possible |)our m'aider, et, en eftet, il me fut très utile. Il ne me fallut pas longtenqjs jiour acipièrir des amis parmi ces gens aimables et hospi- taliers, qui me reçurent comme un des leurs. A l'exception d'une commission d'officiers suédois et norvégiens, désignée il y a (pirli|iics années poni' établir la tVoiitiéi'c cnti'c les deux pays, j'étais le premier (pii eût tenté ce voyage. Pour la j)lus grande partie du trajet il n'y avait |)oiiit de routes ni même de sentiers ; le pays était très sauvage el, pendant de grandes distances, comiilètement inha- bité; il était nécessaire de trouver à la pointe des fiords, quehpies-uns des Lapons (|iii, en été, traversent les chaînes de montagnes de la Suéde avec leurs troupeaux et descendent vers la côte en visitant les fermiers sur leur chemin. Herr K... décida que je prendrais cette route et que je m'arrêterais à un endroit nommé Venset, où demeurait un de ses cousins, avec lequel je conférerais sur la meilleure manière d'exécuter mon voyage. Nul ne doit entreprendre la lâche de franchir les montagnes dp Qvickjock à moins d'éli-e robuste et habitué aux longues marches et aux privations, car, en cas de mauvais temps, le péril est grand. A l'entrée du fiord intérieur de Salten, appelé le Skjaerstad, ce A TiîAVEHS LA PKN INSC LE SnANDINAVE 121 ilcriiier l'uriut' un iiuiiiciisc h;issiii ;ill('iii;ilivi'iii('iil vidé et rempli par les marées; IVau se précipite dcliois ou dedans ]tar le canal, avec une iorce si lerrilile (pi'un iialean secail infailliblement englouti jtav les vagues. An retour de la marée, le passage est sûr. Ouand nous atteignîmes Venset, le capitaine me montra le gentle- man pour lequel j'avais une lettre d'introduction. Il en prit lecture et, en me doiuiant la cordiale poignée de main cariictéristique des Norvé- giens, il me souhaita la bienvenue en disaid (pie je ferais mieux de laisser partir le steamer , car il désirait causer avec moi et réfléchir au meilleur plan pour me procurer des guides. Nous nous rendîmes à sa grande et commode habitation, en passant par des champs d'orge, de seigle et de jjommes de terre, et par des prairies, car il était non seule- ment marchand, mais encore propriétaire d'une vaste ferme. Auprès de la maison il y avait un jai'diii potager oi'i ahiindaient les fraises et les groseilles; j'y constatai de beaux navets, des pois, des carottes et d'autres légumes. Herr K... s'excusa de ne pouvoir me recevoir conve- nablement, à cause de l'absence de sa femme ; mais le dîner fut pré- ])aré, la bière et le vin servis, et, en buvant le café, nous discutâmes sur mon voyage. — .le suis venu, lui dis-je, |ioui- ex|ilorer la partie la plus sauvage de la Scandinavie; je suis accoutumé aux privations, et, quant à la nour- riture, je puis manger de tout. Ma santé est excellente et j'endure la marciie pendant plusieurs jours consécutifs. — .levons enverrai à Fagerli avec deux fidèles bateliers qui vous mettront dans les mains d'un excellent l'eruuer et lui diront de vous garder jusqu'à ce qu'il ait trouvé des Lapons ([ui vous feront traverser les lUDUtagnes de la Suéde par le chemin de Sulitelma; vous verrez des gens sim|»les, honnêtes et bons, ipii vous mèneront d'abord à Saltdal et attendront votre retour. Vous dormirez cette nuit chez moi et demain vous partirez par bateau, .h' vais envoyer chercher mes hommes ; en attendant, nous fennis un tdur de promenade. La vue est belle à Venset, mais je ne |)us voir le pic de Sulitelma, parce qu'il était couvert de nuages. La vallée de Saltdal. une des plus fertiles de la côte norvégienne du Nordland, est étroite, llanquèe de chaque côté par des montagnes couvertes de pins et de bouleaux jusqu'à leur sommet ; en quelques 122 J.E PAYS ni" SOLEIL DE AtlXllT piidroils. récoulenicnt des eaux nvail mis le roc à nii. iinnivanl ainsi qu'il n'était cniiverl que d'iine mince couche de terre, sur Inquelle les arbres avaient poussé. L'avoine, le seitile, l'orge et les raves poussaient avec exubérance. Les fermes sont situées sur les belles terrasses de l'ancien niveau des eaux, s'élevant en amphithéâtre à la base des montagnes. La plus haute des terrasses avait envh'oii soixante-dix pieds au-dessus du lit actuel de rivière; la à un certain eiidroil, une masse énorme de rocher s'était écroulée quelques jours plus lot, en suivant directement son chemin le long de la colline, brisant les arbres dans sa course , laissant derrière elle un sillon profond ; elle s'était arrêtée auprès du sentier. L'église n'est ])as loin de la mer; c'est la seule dans la vallée. Quel([ues hangars à bateaux, avec des fdels sécliant alentour, et des habitations clairsemées, fornient le hameau isolé de Rognan. Peu après mon arrivée je me régalai d'un bon repas au }tresbytère, où je fus bien accueilli par le pasteur et sa femme, (pu parlaient tons deux un peu anglais; ils me moidrérenl quelques traductions de mes récits de voyages en Afrique, ipi'ils venaient de lire dans le Shilliurj Magazine; ils avaient a))|iris par les journaux de Christiania ipie j'allais voyager dans leur pays. La fenune surtout paraissait prendre grand intérêt aux travaux des missionnaires, et avant son mariage elle avait rêvé d'aller dans le .sud de l'Afrique travailler au salut des Zoulous. Le pasteur me pressa d'accepter sa propre carriole et son cheval; mais je refusai son otïre amicale, ayant déjà retenu des moyens de locomotion. Les habitants de la Saltdal comptent parmi les plus primitifs en Norvège. Ils sont séparés du leste du monde, avec lequel ils necommu- ni(iuent que par le cours d'eau qui se rend à la mer. L'agriculture est leur principale occupation; beaucoup d'entre eux n'ont jamais été plus loin que l'église de Rognan, et la jduparl n'ont pas vu de ville plus grande (jue Bodô. Quoique virtuellement séjiarés de leurs semblables, ils paraissent contents; ils n'ambitionnent pas la richesse, car ils ne savent pas ce que c'est; la somme de leurs désirs terrestres est d'ajou- ter une pièce de tei're à leur ferme, ce qui est fort difficile ; d'avoir un plus grand nombre de tètes de bétail, un joli cheval, ou une voi- ture pour aller à l'église; de bâtir une maison neuve et d'économiser un |)eM d'argent poiu' la tVimillc. l'élever leurs enfants dans la crainte du A TRAVERS [.A PENINSULE SCANDINAVE 123 Soignour osl un des soins itrinripaiix des paroiils ; l;i jeunesse est iiisfniite religieusement, cl dii npprenil à lire aux enfants avant même qu'ils aillent à l'école. Leurs [)laisirs soni en pelit nombre et simples: une danse de temps à autre le {limauche 'soir, des visiles de socirté, un moment de gaieté à l'occasion d'un mariage, des solennités à la Noël et autres fêtes, voilà rpiel est à peu près le catalogue de leurs amusements. En été, les hommes Iravaillenl aux champs, [tèchenl, construisent des maisons, elc; leurs femmes et leurs filles suivent le bétail, moutons et chèvres dans les montagnes, font du fromage et du beurre, et viennent en aide aux hommes pendant la moisson. En hiver, elles fdent et tissent du chanvre et de la laine, se vêlissant ainsi elles-mêmes des produits de leurs champs et de leurs troupeaux, pendant que les hommes vont dans la forêt couper du bois. Quoique les habitants soient uniforménieul pauvres, qu'ils ne tiennent point de comptes de ban(pi(', ipi'ils n'aieni pas d'argent placé, pas un d'eux ne paraît émncié par la faim ou grelottant de froid; si elle est grossièi'e, leur nourriture est saine, et leur aspect prouve qu'ils sont en bonne saidé. Il y a une prison, mais il se passe souvent des années sans que personne delà population fermière y soit enfermé; le peu d'offenses (pi'ils commettent sont liabilufllcmenl d'iuie naliu'e insignifiante. Il existe une route carrossable pour une distance d'environ vingt milles et un senlier pralrcable à cheval, conduisant à quebpies milles plus loin jusqu'aux dernières fermes. Les' principaux hameaux sur cette route sont Niestby, Medby, Sandby, Braende, Drageide et Qvale. En Norvège, les s/,i/f/.ss/,a^'er (hommes des stations) qui sont fer- miers sont obligés, par une convention avec le gouvernement, d'avoir dans leurs écuries un nombre slipulè de chevaux, selon les voyages ou le trafic sur les grandes voies où ils demeurent; ils reçoivent en retour une certaine somme annuelle. Les lois et règlements sont à peu près les mêmes que ceux de la Suède. . A cause de l'élendue de la nature montagneuse de la contrée et de la population plus clairsemée, il n'y a }»as aulanl de grands chemins que dans ce dernier pays, mais quehpies-uns de ces chemins sont sim- plemenl superbes, et l'on voyage pendant desceidaines et des centaines de milles sni des roules (pie l'on peut comparer à, celles des plus beaux \-2i LE l'AYS DU SOI.KII, DE MINTIT |i;ircs dans It's villes. Lé véliiciilo en iisni^e est la caniiile à deux roues, avec un siège pour uni^ seule personne, (|ui pose ses jambes en dehors, et un coflVeà l'arriére pour le bairagedu ronducleur; ee bagage doit être de peu d'importance ou bien il faut ])rendre un second véliicule. Dans certains districts les l'einiiers se servent aussi du « karre », comme en Suède. Le voyage me paint agréable, car il n'y avait point de moustiques; La (■arriolc. les gens jue regardaieid passer devant chez eux et se deinaiiilaieiit ce que pouvait èlre cet étranger. Cela m'amusait beaucoup, car dès ipie ji' m arrêtais les tilles coin'aienl aussitôt nieltre leurs bas et leurs souliers. L,i plupart étaient occupées à la récolte du hiin ; les homnu^s fauchaient, les femmes elles enfants, tète el pieds nus, retournaient le foin et le mettaient en meules; d'autres élaienl sur la rivière, où elles inspectaient leurs filets pourvoir s'ils avaient pris ini saumon, tandis (|iie, çà el là, un hiinnue cunslnnsail un bateau, soit poin- lui, soit ]iour vendre. Le soir, le bétail, les moutons et les chèvres redescendent des mon- tagnes el sont panpiès dans les champs fauchés. e| les tilles traieid les J HOSPITALITE NORVÉGIENNE lia vaches; les eiifaiils joiieiil el tous paraissent liciirciix. Tout poile uu aspect piiinilil': les cliaiTues, les faux ei autres iiisliiinients aratoires que j'ai vus étaient de la même mode (pie ceux usités il y a un siècle; les ritues des voitures sont d'un bois solide. Il me semblait avoir été rejeté dans le passé. Nous fîmes halte au hameau de Nedre Almindingen (Nedre, signifie z; Ijonne nuit, dormez bienl <> Puis ils me laissèrent en possession des lieux. Une grande horloge à l'ancienne mode faisait son incessant tic- tac dans un coin; des assiettes et autres objets de faïence étaient [•osés sur (les planches, et des estampes communes (irnaiciit les murs; quehpies chaises de bois, une table et une couchette, tons deux en bois (le pin, formaient tout l'ameublement; une échelle communiquait avec l'étage supérieur. Je me couchai entre les peaux, laissant la i)orte ouverte au large et ne tardai pas à tomber dans un profond sommeil, dont je fus réveillé le matin de bonne heure par un bruit de voix venant du dehors. On m'apportait un bassin rempli d'eau pour mes ablutions malinales, et 126 LE PAYS Dl" S(tlJ:iL DE M IN LIT un déjeuner composé de café, de pain , de beurre, de lait et de fromage. Le hameau senddail être le rendez-vous de toutes les filles des fermes du voisinage ; (luelipies-unes étaient fort jolies avec leurs che- veux blonds, leurs yeux bleus et lenis joues rosées, images de santé, de gaieté et de bonheur. A ciu(| heures, elles commencèrent à se ras- sembler; elles venaient d'un petit village situé de l'autre coté de la rivière appelé Ovre Almindingen ( nvrc signifiant » supérieur »), et se rendaient aux montagnes. Chacune d'elles avait une boite en bois, à peu près de la forme d'un grand livre, contenant leur nourriture pour la journée, c'est-à-dire f|uel((ues crêpes beurrées et la galette ordinaire; la jikipart portaient aussi un petit seau de lait d'une main et, de l'autre, une paire de soidiers; tontes avaient la tète et les pieds nus et leurs cheveux tombaient en tresses par derrière; elles ne mettaient leurs souliers (|ue quand le terrain était raboteux; car, dans ces^ districts ruraux, l'argent est gagné diiicnn'nl et les souliers sont précieux. Les tilles, bavardant joyeusemeni, disparureid bieiilùl dans leur marche vers les montagnes, où elles allaient garder le bétail ou couper le foin. Celles qui ne portaient point de seau de lait, tricotaient des bas en marchant, car les femmes travaillent toujours, excepté le dimanche. Je pus entendre leurs éclats de rire et la musi(|ue de leurs chansons pendant (in'ellfs gravisssaient la colline. La pauvre vachère qui se loue à bas prix et la tille du riche fermier marchaient côte à côte comme deux sœurs, car dans ce pays [irinnlif règne une paii'aile égalité sociale. Je passai la rivière à gué jns(in'au liamean d'Ovre Almindingen, ipii consistait en (|ueh|ues maisons de fermes avec des communs. J(^ fus surpris de trouver chez h's liabilanis de cette localité un type ressendtlaid ipiehine |ieu à celui des Lapons; tous étaient aciivemeid occupés à faucher le foin. La route passait mainlenanl siu' la rive droite du cours d'eau, et devenait plus pauvre, quoique encore assez bonne. Un ])eu plus loin, presque toutes les fermes étaient sans habitants; mais à la fin j'anivai à une maison où je Innivai la laniille assise à table, et dinanl ; Ir père paila- geail un grand puissmi ciii. salé, (pie Ions mangeaient comme une l'rian- disi' : je Icurdeniauilai poin'qiioi Ir pois.son n'élail pas cnil : ils nn' i'(''pi»ii- HOSPITALITE NORVÉCIENNE 1^7 dirent que, s'il l'él.iit, ils en mangeraient trop. Je fiisinvilé à [jarliigiT le repas, qui iïit suivi d'une amicale causerie et de i|ncstions sansnomlire.Le fermier était l)eaucoup plus vieux que sa femme, (lui avait de jolis traits et une belle figure, de beaux clieveux et des yeux gris; mais un teint de tristesse assombrissait son visage el elle paraissait fatiguée et usée. Elle nourrissait un enfant dont la mère était morte trois mois pins lut : acte de pure bonté, car elle avail nourri son propre enfant pendant treize mois. Storjord, situé à l'extrémité de la partie habitée delà vallée, est au milieu d'une scène sauvage et entouré par une forêt. La ferme se trouve sur le bord de la rivière Jiinkersdal, (jni prend son nom de la vallée qu'elle arrose et se jette, non loin de là, dans la rivière Lôniselv; les cours d'eau ainsi ivunis coulent par la S;dtdal jiis{pi'à la mer; on voit dans l'éloignement les monts de Vestfjeld, couverts de neige, et pas très loin une magnifique cascade tombant d'une hauteur île sept à huit cents pieds, et à gauche la haute montagne de Kimaanasen. Une nuit dans celte solitaire mais hospitalière maison fut tout ce(iuc je pus me ménager ; ma chambre était un modèle de propreté, cependant le murmure des rivières m'empêcha de dormir. Le lendemain, a|)rès un déjeuner copieux de café et de lait, on apporta du vin, on en remplit des petits verres, et tous ensemble me souhaitèrent un heureux voyage vers la Suède. A neuf heures et demie du malin le thermomètre manpiait G8° à l'ombre et 118° au soleil ; à midi, 12.^° au soleil et 7i° à l'ombre. A mon retour, je trouvai le propriétaire de Storjord. ipii, ayant eu vent de ma visite, s'était empressé de revenir chez lui; il parut désap- pointé de mon départ. J'aimai son aspect franc, ouvert, et je regrettai de ne l'avoir paa vu à mon premier passage. Après une bomie ciuserie nous nous séparâmes, et je rei)ris ma route. Au presbytère, le digue pasieur el sa femme m'accueillirent de nouveau et je dus passer la nuit chez eux. Le matin, avant de déjeuner, nous eûmes une adoration fami- liale, i»eiidant liHinelle la femme du i»asteur accompagna les liymines sur un mélodéon; pendant la prière, tous se tinrent debout, la tête cour- bée et les mains jointes. Un bon nombre de jeunes filles, proprement vêtues, étaient venues i)asser un examen devant le pasteur, comme préparation pour la cérémonie de la confirmation. Lesoleil de minuit ne brillait jihis. et à celte heure il faisait pres- (jUe sombre; nous étions au !5 aual el, plus hjiii an sud, les jours dimi- 1^8 LK PAYS DU SULEIL DE MINUIT luiaient rapiilemeiil; il ôlait duiic grand lomps iiour moi ti'ciitii'piciidi'e mon voyage à travers la péninsnle. Mes bateliers étant itrèts, nous hissâmes la voile et partîmes. Je vis ])ii'nl(M (pie mes amis les marins connaissaieiil loiites les légendes de cette cùte sauvage. « Voyez-vous ceci? me dit l'un deux en désignanl \m ])réripice du (lord à noire droite. 11 y a longtemps, bien longtemps, lors(pie la Norvège était sous la domination des Danois, un fermier, cpii demeurait dans une ferme nommée Leifsets, donna un jour une giande fête pour le uiariage de sa tille. Des Finlandais suédois (Krae/i), qui avaient eidendu ]iarlei' de relie (été, Irancbirenl les montagnes flans rinteiilion de piller le fermier et ses hôtes; mais ils ne connaissaient pas le chemin et arrivèrent chez un des tenanciers du fermier de Leifsets, qu'ils forcèrent, en le menaçant de mort, de les mettre dans le bon chemin. Une neige épaisse couvrait les montagnes et les nuits étaient obscures; le tenancier piil une lorclie, mit ses palins, et dit aux voleurs de le suivre. Connaissant parfaitement le pays, il s'élail mis en léte (pi'ils n'arriveraient pas à Leifsets. Pendant le trajet, il a|)procha du bord d'un précipice; se plaçant de façon (pie la clarté de la lorche les empêchât de le voir, il la jeta dans le précipice, et les bandits, suivant la lumière, y tombèrent et se l)risèrent en bas. Le tenancier se hâta de courii- à la ferme. Il tii';i un coup de fusil piès de la fenèlre alin d avei'lir les con- . vives de son arrivée et leur ap|irenilii' (prils venaieni d'échapper à une bande de i)illards armés. Le lendemain, ou clieiclia à l'endroit où la torche avait été jetée, et, tout en bas, dans la neige, on découvrit les voleurs, d<)nt les cadavres étaient gelés. » Puis, levant le doigt, lebat(dier ajouta : u Voici la place oii les brigands lïu'ent lues, et on a nommé cet endroit le précipice des Kvarii. » Un jien plus loin, me montrani luie baie, il dit : « Nous autres pêcheurs, nous appelons ceci la « baie de l'Homme mort », k cause des rafales subites (|ui viennent des montagnes et souvent fout chavirer les bateaux et noient les bateliers, o Le lenqis devint 1res chaud ; le mercure se lenail au soleil à dix heures, à 118% et â l'onduv à G8°. A onze heines le ciel s'assombrit, d'épais nuages se formèrent el le vent s'éleva; les pêcheurs se hâtaient d'aborder à terre, et, sur la rive, les gens emmenaient leur foin sur leurs chariots aussi vite ()u"ils le pouvaient, ou le niellaient eu meules. ORAGE AliCTKJUE l~2'.) L'orage éclata sur nous; h' vciil soul'llait avec fuice et le tonnerre rou- lait furieu ement, pendant i[ue des éclairs éblouissants se succédaient sans relâche. Heureusement, nous tournâmes la terre à temps, nous prîmes deux ris dans la voile, et, courant devant le vent, nous pas- sâmes rapidement sur les vagues, la mer nous fouettant de côlé et nous mouillant de liant en bas. L'orage dura une lieure; c'était le troisième que j'avais vu en dedans du cercle Arcti(iue et ce dut être le dernier de cette année. Avec un bon vent, nous arrivâmes à l'embouchure d'une rivière qui était le déversoir du Lange-Vand (cand, en norvégien, signifie « lac »); l'eau s'élançait avec une grande force, car c'était l'heure du reflux, et nous dûmes tirer le bateau le long du bord par le petit canal d'écoule- ment. Le lac a environ un mille de largeur, sur trois ou quatre [milles de longueur; les bords en terrasse étaient parsemés de fermes et flanqués à quehjue [distance en arrière de hautes montagnes, sur lesquelles on pouvait voir les sentiers suivis par le bétail lurs(|u'il se rend dans ses pâturages pendant l'été. Après avoir remonté une petite rivière , nous arrivâmes dans ini second lac i>lus étroit et itlus long que le premier, avec des bords som- bres et âpres. A la pointe est situé le hameau de Skjônstuen, complète- ment entouré de montagnes, la basse terre ayant l'apparence du fond d'un chaudron. Je passai la nuit dans un lit fait avec du foin frais, mais je ne [uis dormir. Ce mystère me fut dévoilé lorsque j'eus découvert que j'étais dévoré parim nombre prodigieux de [luces; quant au remède, je n'en trouvai pas d'autre que de me jeter sur une talili' (|ui nie servit découche. C'était la première fois que je faisais leur connaissance en Scandinavie. Les peaux de mouton, à moins qu'on ne les sorte nouvel- lement du grenier, sont des nids pour ces pestes, durant l'été, et, comme règle, dans les régions très primitives, il faut s'en méfier. De Skjunstuen, le chemin est très raboteux et quelquefois il ne semblait pas possible d'aller plus loin, le sentier finissant en apparence au pied d'un récif à pic, ipii paraissait devoir nous barrer le passage; en nous servant de chaque pierre, nous pûmes continuer lentement notre route. Lorsqu'il y a un mort ici, on descend le cercueil jusqu'au bas de la falaise avec des cordes. A douze milles anglais de Skjunstuen, nous arrivâmes a une ferme 9 130 LE PAYS Dl' SOLEIL DE MINI IT sur les bords de la rivière du Lang-Vand; c'était uue maison faite eu rondins de Imis et deux autres bâtiments ayant la l'orme de pains de sucre, constrnits en gazon. Nous ne trouvâmes rien à manger ni à boire excepté du lait aigre. On ri'|ireiid la navigation à ccl cndroil, bien i|n"il l'aille allendre un tcmiis considérable avani de se i)rocnrer un baleau. Après ipR'hjnes coups de rames on atteint leLang-Vand supérieur. Nous limes une voile avec des branches de bouleau, nous la lixàmes sui' la proue de notre bateau plat, et, comme nous avions un vent Irais, nous avancions leste- ment. Le lac se trouve entre deux hautes montagnes; la vue est superbe el la cluile d'une cascade, tombani des hauteurs âpres et boisées, ajon- lailà la beauté. Trois rivières — rYkii'u, la Lommi etl'Erva — â l'écume blanche, se jettent dans ce lac qui fourmille de truites splendides. Deux heures de navigation à la voile et à la rame nous tirent ai'rivcr â P'agerli, à l'exlrémilè supérieure du lac. Trois ou (piatn; fermes disséminées sur le bordconstiluenl le hameau de Fagerli. Mes tidèlesi)èclienrs m'avaient amené là nni'nie où leni' avail dil de me conduire le marchand de Veu- set. Larsen nous recul aniicalemenl et les écoula alli'iilivemenl pendant qu'ils lui remettaieid leur message; entre lemps, sa femme nous pré- parait à manger. L"hnmi)le ferme élail située au pii'd des collines, près du lac ; loul â côté passait la rivière Ykien, sur les liords de la((uelle étaient échoués de nombreux baliveaux de jtins el de sapins ([ue Larsen avail cou[)és pendant l'hiver, en haul de la montagne, et (|u'il avait tlollés jusqu'en bas lors de la fonte des neiges. Oueli|ues-uns avaient de vingl-trois â vingt-cinq pieds de long, et de douze â seize ponces de diamètre; d'autres, d'environ treize pieds de long, mesuraient vingt-huit pouces à une extrémité et vingt-six à l'aulre. La petite ferme avail deux maisons, dans l'une desiiuelles la chambre des élrangers me fut assignée. Dans l'attente des Lapons que l'on avait envoyé chercher, j'allai (piel(|uefois pêcher dans le lac, el, en moins d'une demi-heure, je revenais* avec ipialre ou cinq truites de dix-huit â vingt-deux pouces de longueur, prises avec des vers à riiami'çon. Du lait, do la crème, du beurre, du fromage, de la galelle et des fraises sauvages, (pie les enl'aiils allaient cneillii' pour moi, telle élait la carie de chaipu' jour. Kn me rendant à uni' lérme voisine, de l'antre coté de rVkien, j'en- LA FERME DE LARSEN 131 tendis, avant d'ontrer dans la maison, nne jeune mère qui chantait des psaumes auprès du liciccau de son pdupon. Liirs(|ut' j'culivii elle me dit : « C'est mon premier-né; j'ai voulu que, depuis sa naissance, il m'entendit chanter les louanges de Dieu; je tiens à ce qu'il craigne et aime le Seigneur quand il sera grand, car Dieu est bon poumons tous. » Quand j'allais visiter les fermes, je reni|dissais mes poches de candi acheté à Bod("), pour le distriliuer aux enl'anls qui s'aliroupaienl autour de moi; je leur donnai aussi de la nioiniaie de liillon (pii semblait leur plaire, car ils crièrent : Pent/or! (monnaie) et s'empressèrent d'exhiber leurs trésors. Alors je leur demandai de me dornier un baiser, ce qu'ils lireiU ; là-dessus, les fenmies mariées insistèrent pour que les deux grandes sœurs les imitassent. La rougeur montait aux joues des jeunes filles, cpii refusèrent ; mais les matrones étant revenues à la charge, elles obéirent pour avoir la paix et me donnèrent un lion baiser d'où suivit une gaieté générale, .l'avoue qiw je fus parfaitement consentant. Sur les bords de la Lonmii il y a deux moulins à blé; on en voit par toute la Norvège, et, dans bien des districts, cha(pie ferme en pos- sède un; (jnehinefois aussi des fermiers se réunissent pour en établir en commun. Ils sont près des torrenis, el loiq'ours situés d'une façon pit- toresque. Lorsque la liémieaèté remplie de grain, le fermier s'en va et ne revient que (piand il croit le moment venu d'en remettre; ou, si le moulin est éloigné de la ferme, l'une de ses filles on l'une de ses ser- vantes y denu'ure pour le surveiller, et [tasse le temps à coudre ou à tricoter, en chantant et pensant (pielquefois à son amoureux et à ses noces qui s'approchent. La journée finie, elle retourne à la maison |iour traire les vaches ou préparer le icpas du soii' pour la famille, ipii est allée travailler dans les chanqis. Le 9 août arrivèrent deux La|tons el une femme laponne; c'étaient de vieux amis de Larsen et ils allaient être mes guides. Le lendemain, on fit les apprêts de mon départ. Moins on emporte de choses pour un semblalde voyage, mieux cela vaut. Mon bagage ne consistait (|u'en une chemise de flanelle en plus, un pantalon, des soulieis et un léger surtout; quant à mes provision, elles consistaient en galette, beurre el fromage, une fiole d'eau-de-vie (pour servir en cas de besoin), une solide cafetière, une livre de café grillé et nKndu et du thé. Quaml le temps est humide et froid, ou (piand je suis l'aligné, j(^ trouve ipie 13^ LE PAYS DU SOLKIL DE MINUIT le thé et le café sont des In'eiivasîes très rafraîchissants. C'est une grave erreur de croire (|ue l'alcool rafraîchit le système lorsqu'on est accaijlé de fatigue; l'etïet immédiat est stimulant, niais une demi-heure après on se sent plus harassé (|u'a\ant. J'avais pour arme un fusil et des munitions pour tirer le giliier, plus deux revolvers; j'aurais voulu me débarrasser de ces derniers, car ils étaient lourds, et, en outre, je me sentais honteux de les avoir avec moi; aussi les tins-je hors de vue. Je les avais pris pour me protéger! Pour plus de sûreté, j'avais laissé à Londres certains ohjets de valeur, y compris une chaîne de montre en or; mais — et je puis le dire sans crainte de contradiction — je voya- geais dans la contrée la plus sûre du nidiide. Nous étions prêts à partir, (M mon liagage était déjà sur nos épaules, lorsque la femme de Larsen s'écria : « Prenez plus de pain! » Et à peine ces mots étaient-ils prononcés qu'elle mil dans une petite caisse d'écorce de bouleau un sup|)lément de pain et de beurre, et ajouta du fromage dans mon sac : la bonne femme oubliait que nous devions por- ter nos provisions sur le dos. Après tout, elle avait raison, car même avec ce surcroît de vivres je me trouvai (juchpiefois à court de nourri- ture. J'ai une telle aversion pour le bagage que souvent j'ai souiïert de la faim; mais, heureusement, je puis aller sans manger plus longtemps que personne. En partant, je donnai un peu d'argent à chaiiue enfant et je mis plusieurs dollars dans la main de la bonne ménagère, qui fondit en larmes, m'embrassa de tout son cœur, pendant que son mari, me serrant la main, me dit : « Merci d'être venu chez nous; i> et nous nous écriâmes : Farccll Ac/Jo! Ole, leur jeune fds, vint avec moi jusqu'au haut de la montagne, portant mon fusil; et les derniers mots que j'en- tendis furent des recommandations à mes guides lapons « d'avoir bien soin de Paul ! » Snlildiiia et le lac. CHAPITRE X Tenue d'été laponiie. — Scène aride et désolée. — Sulilelma et son ?ranil glaoier. -^ Campe- ment lapon. — Inléricnr désagréable. — iMalpropreté et vermine. — Bon trailemenl. — Dure existence. — Le lac Pjeskajaur. — Passage à gné de la rivière. — Tente laponne. — Aspect des femmes et des hommes. — Vases et cnillers, nonvellc manière de les lavei'. — Arrivée d'nn tronpcan de rennes. — Le lait et la façon de le traire. — Fromage de renne. — Voyage difficile. — N'jnngis. - Qvickjock. — .Xiavi. — Jockmock. — Le baron de Iiûlien. — Feux dévastateurs. — Vuollcrim. — Superbes [cliules. — Luiea. — Prison. — Ivrognerie. — Réception par le gouverneur. Le costiinio tVi'M' des Lnpons esl liien nd.ipté nii'climnl des mon- lagiips. Mes deux liommes pnrtnieiit une Idnuse giisc en étoiïe de laine lirute, appelée vadmal, descendant au-dessous du genou, ouverte à la gorge, laissant voir une chemise de même étoiïe; des guêtres ajustées en cuir de renne, serrées aux clievilles par des lanières de drap; des souliers de même matière plus épaisse, et poinliis: un Iioniicl de laine brute; une gibecière en cuir sur le dos pour transporter les aliments, et une ceinture, à laquelle pend un couteau. Le cnslume des femmes est le même que celui des bomnies. excepté que la iilouse est plus longue et fermée au col. Quehpie part qu'aille le Lapon en élr, il jirend avec lui un solide liàton de bouleau d'environ sept pieds de long, dont il se sert pour gravir les montagnes ou traverser les cours d'eau. Après une montée modérée, nous vîmes Lang-Vand au-tiessoiis de 136 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT iiuiis, (les collines couvertes de neige, l'écumante Ykieii, la Lommi et l'Erva. En pi'u d'heures nous fûmes au milieu d'une scène très sauvage. Les collines nues et rondes oiïraient le tablerai de la désolation; le sol él;iit jonche de pierres de formes et de tailles diverses, enlevées des rochers par des milliers d'années de gelée. Les amas de neige devenaient plus nondireux et formaienl parfois des arceaux sur les courants ; un brouillard couvrait les crêtes des montagnes, et le pic de Sulitelma, haut de six niilio trois cent vingl-six pieds, était caché par une masse de nuages noirs. Nous vîmes le glacier, cpii offrait un superbe aspect; la glace était Teille Ijponnc. bleue, caries pluies avaient fondu la neige sur une grande partie de sa surface; au loin, ses crevasses et ses sinuosités présentaient un étrange spectacle. Au milieu de cette masse énorme de glace, deux monta- gnes sombres et nues levaienl leurs têtes pelées, et pendant plusieurs milles an delà le glacier courail du iiDnl-ouesl au sud-est. A sa base, un lac, ampiel un sentier à peine perceptible conduisait, et sur les bords solitaires duquel croissaient le saule, le bouleau nain et le genévrier, l'ar une pluie d'orage, on peut suivre les bords du lac sans voir Suli- telma. Notre route longeait l'eau, le centre du glacier portant au nord. Parliiiil iiii voyail des ruisseaux el des cascades formées par la neige LE r.LA(MH:i{ DE SCEITELMA i;î7 fondiie et les pluies coiiliiuielles des deniiers jours; des amas de neige comblaient tous les creux, et de larges taches neigeuses descendaient jusque sur les bords. Le brouillard avait disparu et nous pûmes voir les hautes montagnes dans la direction du sud. N^ous atteignîmes Fexu- toire d'un autre lac, séparé du premier par une chaîne de basses col- lines renfermant de bons pâturages. Nous nous reposcàmes quelque temps et allumâmes du feu pour faire du café, avec les petits bouleaux que l'on trouve dans ces hautes régions; sans eux les Lapons ne pour- raient errer sur ces tristes montagnes. Notre feu nous parut d'autant meilleur que le mercure était â 34° 1/2; malgré cela, nous étions en transpiration à la suite de nos efforts pour gravir les collines et nous sentions vivement l'âpreté du vent, lorsipic nous nous arrêtions pour prendre du repos. Du sommet d'une haute colline nous eûmes une des vues les plus lugubres qu'il soit possible d'imaginer: des montagnes couvertes de blocs granitiques de toute taille perçaient dans l'éloignement, s'éten- dant au sud et au sud-est, pendant ipTaux autres points de l'horizon nous ne pouvions rien voir à cause du liroiiillai-d. Jamais nous ne per- dîmes la vue des contours bleus de Sulilelma, mais le pic resta caché à nos yeux. Par moments, la marche devenait extrêmement pénible par l'cU'et de la neige molle dans laquelle nous enfoncions jusqu'aux ge- noux, du sol humide et sablonneux, des rocs brisés et des poudingues. Quand nous fûmes à l'est de Sulitelnia , je pus voir, avec ma lunette, un ]iri)l'(iiid ravin sur lequel était suspemlu un glacier avec d'immenses glaçons cramponnés à ses côtés; le mercure était descendu à 38°, quoique le vent soufflât de l'ouest. Nous suivîmes le talus d'une longue colline, et lorsque le ravin s'élargit, un torrent, pareil â une rivière qui serait venue de l'une des grandes branches du glacier, traçait son che- min vers un lac appelé Pjeskajaur (/>////■, en lapon signilîant «lac »). Pen- dant que je m'étais arrêté pour premlre le relèvement des montagnes et du glacier, la femme, qui était aussi virile que pas un de nous, avait pris l'avance; soudain j'entendis le mot Samé (Laitons), et je vis au loin un campement de Lapons et les spirales de fumée s'élevant de leur kata (tente). Peu après, nous arrivions à l'endroit qu'ils occupaient et, en entrant dans leur tente, je reconnus notre compagne de voyage; les hôtes étaient ses parents et elle connaissait le canton oi'i ils faisaient 138 LE PAYS Dr SOLEIL DE MINLIT paître leurs troiipeniix. En rof;,ir(lniil rmtrnir i]e m(M,je me sentis saisi d'un sentiment de détidùl. La lente, à sa liase, ne semblait pas avoir plus de liiiil [lieds de diamètre; au cenlre, un l'en, alimenté par des branches de genévrier, brûlait clair : on l'avait allumé pour nous, car les Lapons sont obligés de ménager le conibuslible. Dans un petit espace, d'un côté de la lente — l'autre côté, à gauclie de la porte, ayant été nettoyé poiu' nous — élaienl sénés pêle-mêle, sur des peaux de renne mouillées par la pluie, trois femmes, quatre enfants, deux hommes et quatre chiens. Les chiens grognèrent en me voyant; mais un coup de poing vigoureusement api)liqué à celui qui tentait le plus rageusement de troubler la paix leur imposa silence. Les vêtements des honunes, dos femmes et des enfants étaient en peau de renne, le poil tourné en dedans; on eût dit que les figures des enfaids n'avaient jamais été lavées, et l'eau pouvait bien n'avoir pas touché depuis quinze jours celles des plus grands. Sans cesse ils portaient les mains dans les ouvertures de leurs vêtements, prés du col. ei ces mouve- ments me suggéraient des idées peu réjouissantes; une grande quantité de chair de reiuie, et autres sortes de nourriture, gisait sur les peaux où ces gens dormaient. Telle est la peinture de la première lenle laponne ipie je vis, mais je dois ajouter que c'élail une des plus mauvaises. Ces Lapons faisaient preuve d'un excellent naturel, et la fenune qui avait voyagé avec nous se multipliait pour soigner notre bien-être. Dés notre arrivée, elle mit le chaudron sur le feu et prépara du café, pendant que le chef de la famille découpait delà viande d(> renne, (pi'il jeta ensuite dans un pol de cuivre suspendu par une cliaine au-dessus du l'eu. Le café fut bientôt prêt, et la femme nie dit en m'en |irésenlaid une tasse : « Sur la route, vous avez été bon pour moi; vous m'avez donné de voti'e café et de vos provisions, bien que vous ne me connaissiez pas : je vous remercie. Maintenaid laissez-moi prendre soin devons. Buvez ceci, et loni à l'heure vous aurez (le la viamlede reiini' à manger laid ipie vous voudrez.» Lorsqu'elle fut cnile, le père de famille en donna une porlion à chacun, mais les morceaux de choix furent réseivés |)onrmoi et mes deux guides. Nous n'avions ni l'oundieltes ni pain. On jeta les os aux (diiens (pu guettaient tous nos mouvements avec d(>s yeux allâmes. Quand l'iKMU'e du coucher fui venue el (pie le l'en enl été èteini, j'étais mouillé et transi. CAMPEMKNT DE LAPONS 139 ne sachant quo fairo, rar jo ne tenais pas à (lempiirer dans la lentp : j'en redoutais les conséquences. Cependant je m'attendais] à un rude labeur pour le lendemain, et, en réalité, le lendemain était déjà venu, puisque le ciel marquait deux heures du matin. Ne voulant pas froisser l'amour- propre de ces braves gens, je me décidai à courir tous les risques; je m'étendis sur les peaux et j'essayai de dormir. Au bout d'un instant je crus sentir des corpuscules ramper sur moi ; mais je m'efïorçai de croire que c'était un pur effet de mon imagination; enfin, la fatigue fut plus forte que ma volonté, et je dormis pendant une heure. Vers quatre heures je me réveillai en entendant entrer un Lapon qui, pendant la nuit, avait été faire paître un troupeau de deux cent cinquante rennes, à un endroit on le lichen était abondant, et qui revenait pour se reposer; le camarade ota ses guêtres mouillées, mit des souliers secs et s'endormit aussitôt, sans môme prendre uin' tasse de café, préparée pour lui. La vie de ces Lapons est très dure pendant l'été : il faut (ju'ils suivent les rennes jour et nuit dans la crainte qu'ils ne s'égarent; aussi, quand ils reviennent dans leurs tentes, sont-ils harassés et prêts à tomber dans un profond sommeil. Un étranger qui arrive à un « kata » , ou campement, peut facilement s'imaginer que les Lapons sont pares- seux; c'est pourtant loin d'être vrai. J'aperçus un troupeau de rennes qui traversait de l'autre côté de la rivière; ces animaux nagent très bien, et quelquefois ils doivent aller à de longues distances à travers les fiords. On prétend qu'ils peuvent faire six milles à la nage en trois ou quatre heures. Le lac Pjeskajaur a environ quinze milles en longueur, et de deux à cinq en largeur; il est prés du 67° latitude. La rivière qui s'y rend était profonde; la fonte des neiges et du glacier avait rendu l'eau si bour- beuse que nous ne pûmes en voir le fond et que nous ne savions où traverser. Les Lapons essayèrent de passer à gué, mais ils durent s'y prendre à deux fois; enfin, nous trouvâmes un endroit; cependant ce fut avec grande difficulti'" ipie nous pûmes tenir tète au courant fort rapide et marcher sur des cailloux ronds et du sable mouvant qui s'enfonçait sous nos pieds. L'eau était si froide — 37° — que, quand elle atteignit mon cou, je crus que j'allais perdre la respiration. Parvenu de l'autre c(Mé, je m'aperçus que nous avions encore à franchir deux cours d'eau; 140 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT lieureusemonl ils n'étaient pas aussi profonds (|ue l'autiT. Le froid avait tellement engourdi mes jambes que je pouvais à peine mettre un pied devant l'autre. Alarmé de ces symptômes, j'eus recours à ma fiole, et j'avalai une lionne gorgée d'eau-de-vie; j'en donnai aussi à mes Lapons, (pii en parurent reconnaissants. Notre cliemin passait par un marais (pii rendait la marclie ennuyeuse et difficile, mais ce rude e.\ercice était précisément ce dont j'avais besoin; mes membres ne tardèrent pas à perdre leur rigidité, et une bonne chaleur de la peau me convainquit que de nouveau j'étais tout à fail bien. Le centre du glacier semblait mainlenanl être au nord-ouest; il apparaissait sous la forme d'un arc, courant du nord-nord-ouest au nord. Nous passâmes une autre rivière dont l'eau était beaucoup moins froide, parce qu'elle ne descendait pas des glaciers, et nous arrivâmes auprès de quelques bouleaux d'assez bonne taille (betula glutinosa), restes d'une ancienne fnrèl. .("ai toujours regrellé (l('|uiis de n'en avoir pas coupé un, pour compter les anneaux et m'assurer de leur âge, car ils ont poussé à la plus haute élévation (pie j'aie vue en dedans du cercle Arctique. En alleignani la crête d'un iielit coteau, nous a])i'rçrimi's dans le loin- lain un aulre « kala » ; c'étaient des Lajioiis de Lule,Lappniark, dont les pâturages s'étendaient jiis(|u'âSulitelma; dès qu'ils nous virent ils sorti- rent aussitôt. Lorsque j'arrivai à leur campement j'y trouvai trois jeunes femmes et un homme; les premières venaient justement de donner la dernière touche â leur toilette : l'une se ceignait d'une belle ceiidui'e d'argent, l'autre arrangeait sou vêtement, et la troisième nouait ses souliers. Leurs rolies, d'un drap épais, en laine bleue, ap|ielée ciml/io, élaicnt bordées de rubans rouges el jaunes ri laissaient voir un vêlement de dessous en laine, celui de dessus atteignait la cheville ; leurs chemises étaient délicatement brodées aux ouvertures. Ces femmes paraissaient assez jolies, la couleur des robes conlraslant bien avec celle de leur peau. Elles portaient aussi des ceintures, qui sont considérées comme l'un des prinri[iaux orneinenis; il en est même de dispendieuses. Une seule avait une ceinture agrémentée d'argent , les autres relaient de cuivre; ces ornements, larges d'environ un pouce, sont attachés sur le drap si près l'un de l'autre cpie c'est à jieine si on peut en voir la matière; une jolie agrafe fermait la ceinture, à hupndle pendaient un petit COSTUMES LOCAUX 1-43 couteau el uno pniro de ciseaux. Des guêtres eu laine de couleur bleue, serrées à lajauibe, coiiiplélaieut le costume. L'une d'elles portait des souliers neufs, l'ails de peau de reiuie préparée, mais sans talons; les deux autres n'avaii'iil |Miiiit de smdiers, et je remarquai la petitesse de leurs pieds, très bien formés et très propres. Les blouses (kapte) des honmies étaient plus cnurtes; comme celles de mes guides, elles tom- baient un peu au-dessous du genou el étaient bordées au bas d'un ruban de couleur voyante, contrastant avec le bleu ; les cols de leurs chemises étaient brodés avec du fil d'une couleur éclatante. Les ceintures que por- tent les hommes oui , (pichpiefois, deux ou trois pouces de largeur; onles fabrique en cuir, avec des dents d'ours, pourmonlreripie celui (jui la porte a tué sa proie; ils portent aussi une sorte de gilet, richement agrémenté d'ornements en argent, ([ue l'on a|)erçoit par l'ouverture de leur « kapte». Les fennnes avaient lavé leur ligure, jjeigné leurs cheveux et cou- vert leur tète de bonnets réellement gracieux. Je fus surpris de la hoinie mine de deux d'entre elles : yeux bleus, mains fi'és petites et beaux cheveux, un peu roux; elles avaient le teint rosé el la peau remarquablement blanche aux places protégées contre le vent. La peau des hommes était ronge et tannée par l'action de l'air. Pas la plus petite apjjarence de sauvagerie chez eux, nous fûmes bien accueillis tout de suite : on mit la bouilloire sur le feu. Quant au café, déjà grillé, on le moulut, on le lit bouillir, on le clarifia dans une peau de poisson sèche, et on me le servit dans une petite tasse d'argent de forme bizarre, que j'admirai beaucoup: c'était un héritage de famille que l'on disait avoir plus de cent ans. La cuiller, fort gracieuse, était également une relique de famille et beaucoup plus ancienne que la tasse. La propreté faisait défaut, car le lait de renne avait séché dessus et je m'amusai fort de la manière doni une des tilles la nettoya. N'ayant point d'eau sous la main, elle passa [dusieurs fois sa pelile langue dessus jus(iu'à ce qu'elle fût i)ropre et lisse; alors, comme si c'était une chose toute naturelle, elle s'en servit pour remuer le café et me lendit la lasse. Je n'admire pas précisément Cette manière de nettoyer les cuillers; heureusement, elle avail les dents excessivement blanches et les lèvres aussi rouges qu'une cerise. J'ai vu, depuis, bien des Laponnes et je crois que c'est la plus jolie ijue j'aie jamais rencontrée. Le calé élail exrellenl. A peine avais-je lini d'en prendre une si^conde lU I.K PAYS UU SULEIL DK MINUIT tasse, qu'un L,'i|i(in eiilra, suivi de jilusicurs cliicns: ilnrrivail avec deux cent soixante-treize rennes qui se tenaient autour (le la lenle; leurapimi- clie avait été si calme, que je ne les avais pas enlendus. Quelifues ani- maux broutaient de la mousse qu'ils détachaient avec leurs pieds de devant, |iendant que d'autres se couchaient; les mâles étaient de çjrande tailh", avec les curnes larges cl di'vcloppées; les feniidles élaiciil iicau- cdup jilus petites. Pas un ne manifestait l'intention de se sauver, tiuit le troupeau demeurait aussi Iramiuille (pie les vaches tpii viennent dans la cour d'une ferme pour se faire traire; les mâles jiaraissaienl calmes, Lien que quelques-uns se cognassent de la tète, .l'apitris (pie leurs cornes sont quehpiefois tellement enchevêtrées que l'on ne peut les dégager et qu'il iaiil les liier. J'étudiai avec iidéi'èl la n)ani(''re de li"iire les nMuies. Les fenunes connaissent chaque animal, et si l'un manipiait elles seraient capables de le désigner sur-le-champ. Elles s'avançaient avec précaution, jetaient doucement sur les cornes de la femelle à traire un lasso qu'elles lui nouaient sur le museau pour l'empêcher de se sauver; mais ces bonnes bêles ne faisaient aiicini efl'oil ikiui' s'écha|iper. Qiiel((iief(tis une femme tenail la renne pendant (|n'niie autre la Irayail; cepeinlanl ces pr(''cau- tions sont inutiles, car ces animaux sont si doux qu'ils n'exigent aucune coercition. Le procédé est tout particulier : la femme tient d'une main une sébile de bois et de l'autre presse fréi[uemmenl et fortement le pis, car le fluide épais ne vient ([u'avec difficulté; on le porte de la sé- bile dans un vase en forme de baril, fermé par un couvercle à coulisses et disposé de fa(;(in à pdiivdir èlre placé siu' le dos d'un animal. On en remplit aussi des outres en peau j)our l'usage des Lapons qui doivent rester un jour entier avec les troupeaux. Je fus surpris du peu de lait fourni par les femelles; qnehpies-unes n'en donnaient même pas la valeur d'une lasse de café , mais ce lait est tellenieni épais et riche qu'il faut ajouter de l'eau avant de le iMure. Il est extrêmement nourrissant, d'une saveur forte, assez sendilable à celle du lait de chèvre. Le lait de renne constitue un article très im|)ortant de la nourriture des Lapons et possède di^s (|ualilés nutritives plus grandes que celles du lait de vache ou d'ànesse. Chose étrange, le beurre fait avec ce lait est tellement mau- vais ((u'on le prendrait pour du suif; c'est pourijuoi les Lapons font très peu de beurre, mais du fromage en grande (juantité. TYI'KS DK LAPONS l-io vase en bois récume qui moule à la surface; on en verse ensuite la plus grande jiarlic dans une outre vide fjue l'on suspend à une peirhe; celle écume séciiée, (jue l'on nomme kappa (ci'éme) est considérée comme une friandise, et on la sert toujours aux liôtes distingués. On ajoute ensuite île la présure au lait. Le fromage est pressé à la main et emp.i- queté dans des boîtes rondes en liois, ou mis dans des formes faites de racines de .sapin tressées; quand il est sec, on le suspend à la fumée dans la <( kata »; il est blanc à l'intérieur et a le goût du lait; on en fait d'immenses provisions pour l'hiver. Les Lapons sont très friands de lait épaissi ; mais, à cause du climat, il faut (pi'ils en hâtent lacoagu- lati(in en y ajoutant de la grassette fraîche (p'mgukularuhjarh). J'avais toujours cru que les Lapons ont les yeux noirs et les cheveux foncés; mais ceux-ci avaient la peau blanche, les cheveux blonds, les yeux bleus, les pommettes saillantes — , ce qui ne déplaisait pas chez deux des femmes, — et le nez particulièrement lapon et retroussé. Les trois femmes mesuraient en hauteur (piaire pieds et un (piart, quatre pieds trois quarts, et quatre pieds six pouces; les liommes, de quatre pieds cinq pouces à cin(| jjieds un quart. La mesure faciale des fem- mes, du sommet du nez à la pointe du menton, est de trois à quatre pouces, et celle des hommes de quatre pouces et demi à quatre pouces trois quarts. Pendant (pie les homnu's fumaient leur pipe, les femmes s'occu- p.iienl (11' la cuisine. Elles lirenl un potage avec du lait écrémé, l'agitè- rent dans l'eau avec une cuiller de bois, et nous servirent un plat assez agréable et très nourrissant; chaque personne avait un petit sac d'où elle tirait une cuiller pour s'en servir à table; la langue lit l'office d'eau et de serviette, et l'on passa les doigts autour du plat jusqu'à ce que le dernier vestige du potage eût (lis|»;iru. Les Lapons ne se servent pas de fourchettes, mais certains de leurs articles en argent sont très vieux et leurs cuillers ont la même forme que celles des paysans de la Suéde et de la Norvège. Les chiens affamés qui s'étaient faufilés dans la tente nous regar- daient avec des yeux ètincelanis; qu.ind nous eûmes fini, on ajouta un peu d'eau à ce qui rcsiail de piilagc, (in le U'ur donna et ils se jetèrent dessus avec voracité. Puis l'homme (pii était entré repartit avec les rennes pour se rendre dans une pnrlie des montagnes où il savait trouver 146 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT de la mousse en abondance; il devait rester avec le troupeau jusqu'au soir et être relevé de sa tâche; l'autre s'étendit sur une peau de renne et fut bientôt endormi; nous fîmes tous de même, en nous serrant du mieux que nous pûmes dans cet espace si limité. La tente dont se servent les Lapons est très purlalive; le renne la transjjorte de place en place. La carcasse se compose de perches qui s'adaptent aisément les unes aux autres; elles sont si fortes et si bien jointes, qu'elles peuvent résister à la plus violente tempête; une traverse posée en haut soutient une chaîne de fer ayant à son extrémité un cro- chet pourles chaudrons. Sur la carcasse, on étend un drap en laine brute, appelé vudimil, tissé par eux; on ne se sert pas de jieaux pour cet objet; ce drap est composé de deux parties, réunies par des cordons et des épingles; la qualité poreuse du drap permet une circulation partielle de l'air. Les lentes sont fréquemment raccommodées, car une cou- verture neuve coûte de trente à quarante dollars. En été, les Lapons campent souvent prés d'une source ou d'un cours d'eau, où le bouleau nain et le genévrier fournissent du combustible, et non loin d'un bon pâturage. On était sur le point de transporter le campement ailleurs, et on avait amené des animaux dressés à porter le bagage. 11 est beaucoup plus difficile au Lapon de se mettre en mouvement l'été que l'hiver ; car alors, au lieu de tirer les fardeaux, les rennes les portent sur le dos et la charge est d'autant plus petite ; les animaux employés comme bêtes de somme sont généralement châtrés, grands et forts. La tente avait été défaite, le drap roulé et les supports divisés en plusieurs paquets; on avait emballé le dra[) et les autres articles dans des caisses en bois d'environ dix-huit pouces de long sur vingt de large et six de profondeur, liées par des cordes et arrangées de façon qu'une caisse pût être placée de chaque côté de la selle; il y avait aussi des sacs dont quehjues-uns ressemblaient à de forts tilets. Le si'itha, ou bât est mii" curiosité: il consiste en deux morceaux de bois, arrondis de façon à s'ajuster sur le corps, avec des pièces de cuir à l'extrémité; on le met sur le dos du renne exactement comme quand on selle un cheval, mais plus en avant; en dessous on étend une couverture en laine brute ou un morceau de peau de renne^ afin de proléger le dos de l'animal; on dispose les fardeaux de chaque côté, de manière qu'ils soient en MOYEN D'AVOIR LES l'IEDS CHAL'US li7 é(iuilibre, et on les assujellit avec soin ; la moyenne du poids que porte l'animal paraît être île 80 à 100 livres. Quel([aes perches avaient été liées ensemble, et on les traînait ainsi snr le terrain. Sept rennes furent attachés par de solides courroies en cuir, nouées à la base des cornes, et l'un des guides prit la tète de la coloinie; quelques animaux non chargés suivirent en ari'ière \umr prendre la place de ceux qui seraient fatigués; ils furent un peu Iracassiers au conuueu- cement et le Lapon qui était en avant dut les attacher et les tirer. Nous nous séparâmes de ces excellentes gens et nous continuâmes notre route dans une direction est-sud-est, rencontrant çà et là des terrasses le long de la rivière, indications d'anciens soulèvements du pays. Auprès des étangs croissait le fameux shoe-rjruss des Lapons, dont il y a deux variétés : le carex ampellacea et le carex vesicar/a. Pendant l'été, les Lapons récoltent cette herbe eu grande quantité, la sèchent et la conservent soigneusement, car elle leur est indispensable en hiver. Ils la mettent dans li'iu's souliers, [larce qu'elle possède la faculté de retenir la chaleur et maintient les i)ieds tellement chauds, qu'ils défient le froid le plus vif; on s'en sert aussi pendant l'été pour protéger les souliers quand on marche sur un terrain rocailleux. Le grand glacier était toujours en vue, mais la partie supérieure de Sulitelma continuait à demeurer cachée ; comme les nuages se mouvaient rapidement, j'espérais que le sommet se laisserait voir et je m'arrêtai pour le regarder; soudain, le pic devint visible pendant environ quinze minutes, portant iirécisémentau nord-ouest d'après la boussole. Quand le soleil bi'illait sur la glace, sim rellet était simplement mer- veilleux ; en maintes places, le glacier semblait être une masse énorme de scintillantes topazes; son étendue me parut immense et des plaques de neige éraaillaient sa surface. Je n'aperçus que deux points d'un roc sombre dans la masse congelée, et, dominant le lout, Sulitelma, obscur et menaçant, regardant au-dessous de lui la mer de glace. Plus loin, nous atteignîmes le sommet d'une autre chaîne de col- lines, d'où je vis un petit glacier i)ortant nord-nord-esl, par le nord. Notre route traversait alors une région très montueuse et désolée, au milieu de laijuelle se faisaient voir de nombreux petits lacs. Nous reriColltrâlnes plusieurs Lapons conduisant des troupeaux de rennes ; chaque propriétaire reconnaît ceux (pii lui appartieinienl au l',8 LE l'AYS DL SULEII. UK .MIXLIT moyen (l'une ni.ii(|ui' siiéciiilc sur les (nvilles. Les moustiques, (|ui m'avaient laissé Iranquille penilant près de deux jours, revinrent de nouveau en foule, et, quoique le lliernidmètre variai de 44° à 45°, ils mordaient avec malignité. Par moments, pendant le jnur, nous arrivions à la ligne des neiges. A mesure que nous montions, les places nues devenaient moins nom- breuses et la ligne n'était brisée (pie par des pointes de rochers. Cependant, au milieu de ce terrain stérile où la température moyenne de l'année touclie presque au puint de glace, maintes fleurs se montraient : la raniincuhis jùvalis i}[ (/Uicialis (bouton d'oi'), le rinnex di(/yniis (la patience) , le juncus curcatus (le jonc") , le silcnc acaiilix (la siléné), et le saxifraya stellaris, riviilarh et oppufiitifuHa (saxi- frage). Bien des fois je suis resté en admiration devant celte dernière fleur exquise, qui semble un lapis velouté de mousse pourpre, et qui croit en })laques sur des rochers souvent entourés par la neige. La première fois que je la vis, ce fut sur le sommet des hautes collines derrière Hammerfest : elle était alors en pleine floraison. Ces plantes poussent ici, à un peu plus de 4, COU jjieds au-dessus du niveau de la mer, et sur la ligne des neiges, l'ins haut, leur nombre diminue graduellement, jusqu'à ce qu'il ne icsle plus que le ranunculKS gla- ciulis; enfin, les lichens disparaissent à environ 2,000 pieds au- dessus de la ligne neigeuse. La marche était pénible ; il fallait franchir colline après colline, par des chemins à pic, sur des pieri'es brisées (pii, parfois, étaient entassées les unes sur les auti'es en masses épaisses, de toutes tailles et de toutes formes : partout des blocs erratiques épars et encombrant les déclivités des collines. Je ne sais lequel est le pire : marcher à travers des marais noirs, humides, mous, où l'on enfonce jusqu'aux genoux dans la boue, ou enjamber d'un bloc à l'autre, et sur des pierres détachées, au risque d'une chute (pu peut vous casseï' un bras ou une jambe; mes Lapons môme souffraient des pieds. Tout paraissait nu et luguhre ; le lichen était court et poussait sur le roc; l'herbe, dans le fond delà vallée, paraissait à peine verte, quoique nous fussions à la mi-août, et l'on n'apercevait que peu de Heurs. En me désignant une série de lacs, mes Lapons me dirent qu'ils formaient les eaux de la rivière Pite. HALTE DANS LES GLACES 131 Nous étions harassés de ce dur voyage et nous brûlions d'arriver à un « kata » ; les rochers immenses apparaissaient au loin comme des maisons à notre imagination surexcitée et souvent nous les prenions pour des tentes de Lapons ; mais toujours nous étions déçus en approchant. De chaque coteau, nous avions cherché en vain un de leurs campements, car le temps était pluvieux et froid ; parfois nous nous réfugiions sous une grande pieriT afin de nous mettre à i'ahri pendant les averses. Un soir, ayant trouvé un immense bloc granititiue superposé sur un autre, de telle sorte que nous pouvions nous abriter sous lui, nous résolùmesd'y passer la nuit, d'autant plus volontiers que des genévriers et des bouleaux nains poussaient tout prés de là. Le thermomètre se tenait à 44° ; nous rassemblâmes plus d'un cent de petits bouleaux pour, à cette altitude extrême, nous préserver de la gelée et des moustiques, et sécher nos habits. Nous essayâmes d'abord d'un côté, mais la jduie fouettait contre nous; un autre ne fut pas plus favorable ; de quelque côté que nous nous tournions, la pluie et un vent glacial chassaient sur nous, et nous avions encore le désagrément de la fumée et de la flamme. Assis contre le roc, j'essayai de dormir; mais il pleuvait si fort, que je ne pus y rester; à trois heures le temps devint si froid, et nous étions tellement mouillés, qu'aucun de nous ne put y tenir plus longtemps et nous pensâmes qu'il valait mieux marcher. Nous nous levâmes donc, les membres raidis, mais espérant qu'ils deviendraient plus flexibles en avançant; alors, après avoir pris chacun une tasse de café brûlant, nous partîmes à quatre heures un quart par une pluie battante : nous étions si épuisés, que, quand nous nous arrêtions pour quel(|ues minutes, nous nous endormions aussitôt. Notre route continuait au sud-est par l'est sur un sol affreux. Il nous fallait passer par de grands marécages, traverser un terrain pier- reux qui fuyait sous nos pieds, gravir des blocs erratiques, em])ilés les uns sur les autres, franchir des rivières, des ruisseaux et des plaques de neige molle, jusqu'à ce qu'enfin nous atteignîmes le plus haut point auquel nous fussions parvenus depuis notre départ de Fagerli, — plus de 4,000 pieds au-dessus de la mer. De tous les paysages glacés que j'avais vus dans ce voyage, celui-ci \:r2 1,1-: l'AYs nr soleu. uk .miniit nie |i;iiul Ir pins lugubre ; il élail alisohiment grand dans sa désolation. Je Irouv.ii néanmoins une soile de cliaime dans la soliliide el le silence absiiki; des montagnes de granit el de gneiss fonnaieiil le fond du tableau, el, loul aleiilour. des pierres de tonte taille et de toute forme étaient empiiées eu moneeanx. Nous eûmes à chercher notre chemin par- dessus ces pierres pendant des heures entières, sautant presque con- tinuellement de l'une à Fautrc jusqu'à ce que nos chevilles devinssent douloureuses. Tous les exercices |»édestres les plus pénibles (pie j'eusse jamais faits n'étaienl lieu auprès de celui-ci; j'avais vu des teirains pierreux plus mauvais, des eolliiies plus abruptes, el des passages plus NjlUl'MS. difliciles, mais je n'ai jamais passé par une conlrée aussi désespérante pendant de si longues heures. Mes guides ne s'étaient-ils pas Irompés de roule? A midi, le temps s'étant éclairci, nous nous reposâmes dans un en- droit abrité, et sur des rochers couverts d'un court lichen, bien protégés contre le veut, nous nous étendîmes de tout notre long, car nous avions lui ])ies.sant besoin de dormir. La température s'était élevée, le mercure marquait oi° à l'ombre et 9b° au soleil; nolie couche de lichen était douce et chaude; jamais lit ne me sembla si bon. Bientôt je m'en- dormis, mais je fus réveillé au bout d'une heure par un vent glacial, et je vis que le soleil s'était couvert de nouveau. Je réveillai mes Lapous el nous reprimes notre voyage. MAiiciiK F(Ht(:i:i': 133 Nuiis avions allciiil une région snlial|(ino , caractérisée par la hetiila (ilbri, \3\'\r[é f//itfi/iosa (bouleau), donl la liniile supérieure était à, environ 2,(J00 pieds au-dessous de la ligne des neiges; on voyait de la végétation du côté des collines, où les rayons du soleil étaient encore puissants, et l'on pouvait y trouver le lonc////s a/pin//s (char- lion du pourceau), le strut/dopterix, Yacniiitmii h/mctniiiim, et le ttnsilatjo frifjida (lussillage pas d'Ane). En longeant le côté d'une colline, je vis à distance le lac Saggat, sui- les bords (bnpiel est situé Qvickjok. De l'autie côlé de la vallée se trouvait Njungis, petite ferme sur les bords de la Tarrejoki. Mes guides me proposèrent de passer la rivière et d'y dormir; je refusai follement, contrairement à ma coutume de toujours obéir à leurs suggestions. Il y a des jours, dans ces montagnes, où ce qui est éloigné semble rapproché et l'étranger doit prendre garde d'être victime de la déception; j'étais dans un de ces jours-là. Nous arrivâmes enlin au fond de la vallée et nous nous trouvâmes dans une forêt de pins, croissant;! quelques milles an sud du 07°. De leurs branches descendait une longue mousse foncée ; elle f(jrmait sous les arbres un épais tapis, qui laissait suinter une grande (|uaiitité d'eau, surtout après une averse. Latige est composée de petites cellules qui relieniicnt le liquide, et la masse est si compacle, ipie l'éva- poralion se l'ail très lenlemenl et (pie celle mousse ne devient jamais sèche. Au milieu de ce lapis velouté avaient poussé de nombreuses baies; nous en mangeâmes pendant une heure; car, depuis le matin, nous n'avions rien pris (jue du café. Nous passâmes à gué un cours d'eau d'environ (jualre [ùeds de pro- fondeur, et nous atteignîmes une sorte de caverne formée par des blocs erratiques, où les Lapons auraient désiré dormir; mais j'insistai pour continuer notre route; car il était supposable que bien des personnes déjà y avaient dormi, et j'étais elïrayé d(> cet endroit, qui me paraissait très sale. Un peu i)lus loin, nous campâmes pour la nuit sous de grands pins, non loin de Tarrejoki. Nous étions moulus, car nous marchions depuis tiente-si\ heures. Nous fîmes du feu que nous couvrîmes de mousse afin de produire une épaisse fumée (jui chasserait les moustiques; la mousse formait une couche assez molle, mais je ne pus dormir. A onze heures, regar- dant à travers les branches au-dessus de ma tête, je fus heureux de voir loi LE PAYS DU SOLEIL DR MINUIT une étoile, la première (jue j'eusse apereue depuis Iroismois; c'était Yega — une ancienne amie, qui m'avait souvent aidé à tiouver mon che- min dans les jungles de l'Afrique. Plus tard, je fus réveillé par une sen- sation brûlante : la mousse avait pris feu, et, comme de l'amadou, brûlé lentement jusqu'à ce qu'elle m'eût atteint. Je compris alors com- ment les forêts ont pu être mises en flammes par des gens qui n'avaient pas éteint leurs feux en (piitlanl leurs campements. Le lendemain, de bonne heure, nous reprîmes notre voyage, et, nous tenant sur le bord de la ïarrejoki, nous nous trouvâmes au milieu de champs couverts d'herbe, et de bosquets de bouleaux, d'aunes, et de saules qui avaient poussé sur les bords de la rivière. Quel contraste avec le jour précédent! Mes Lapons grimpèrent sur un grand bouleau et poussèrent des cris, pour (pie les habitants du voisinage vinssent avec un bateau; mais ils crièrent en vain, car le vent était contraire, et on ne pouvait les entendre. Je lirai alors plusieurs coups de fusil et nous attendîmes. Bientôt un bruit de voix et de rames frappa nos oreilles; un lialcau contenant deux honunes venait vers nous, et, peu après, nous abordions «àQvickjok, que l'on dil être à environ 60 milles de Sulitelma. Le hameau est près du 66° 55 , N. à l'entrée du lac Saggatjaur, (pu forme le premier grand réservoir d'une série de lacs dans le thalweg de la rivière Lilla-Lule {iilhi, petite). Le Kamajoki, cours d'eau monta- gneux sortant d'un petit lac, frappe constamnient l'air du nuuinure de ses vagues lorsqu'elles se brisent contre les rochers. L'humble église en bois, construite en 1671, semble pouvoir conte- nir 150 personnes; mais on m'a dil ipi'à l'occasion des festivals religieux, 250 fidèles y assistent souvent. Sur l'autel est suspendu un portrait du Sauveur, représenté en petit enfant; plus loin, on voyait le jiorirail du l'oi Charles, et sur les murs quehpies tableaux grossiers d'un caractère religieux. Un petit cimetière était adjacent à l'église; sur certaines lombes se trouvaient des cadres protégés par une glace, dans les(piels on pouvait lire les noms du défunt, écrits sur du j)apier. Il y avait une maison d'école où les enfants des Lapons nomades et stationnaires recevaient l'instruction. Les gens de cet endroit possé- daient 35 vaches, 12 chevaux et de 8U0 à 1 ,000 rennes. Les deux habitations les jjIus marquantes étaient celles du pasteur (mais il éliiit absent), et celle du hlockarcn (sacristain). La dernière LE LAC DE KAMAJOKI lôo forme avait deux maisons, duiil une réservée aux voyageurs, car la station de bateau était à sa charge. Ici, les moustiques redevenaient un vrai Iléau. On me montra un livre dans lequel les voyageurs inscrivent leurs noms, et, jiarmi les signatures, je vis celles du roi Charles XV, qui visita cet endroit le 10 août 1858. et du prince Oscar, maintenant roi, des 28 et 29 juillet 1870. Le lac, dans lequel abonde le poisson, est à 937 pieds au-dessus du niveau de la mer. Au delà des limites du sa[iiii cl du pin. on ne trouve pas de perche ni de brochet dans les lacs ; mais l'ombre et la truite se rencontrent jusqu'à la limite supérieure de la région du bouleau, après la(|ue!le tout poisson disparaît. L'extrémité sui)érieure du lac présen- tait une richesse de végétation i)lus réjouissante encore pour l'œil après la traversée de montagnes arides. Voici les Heurs (pie l'on cultivait au prieuré : calendula (chrysan- thème), resef/« (mignonnette), iber'is ( ), k/pf/sia (faux indigo), sfelluria (morgeline), tua/va (mauve), tarjctes (pâquerette), aquUeçpa (colombine), campamdd (campanule), d'innthm (œillet) , convolcii- his (liseron) ; en outre, des carottes, navels, radis, persil, épinards, laitues, échalotes et rhubarbe. Le temps était charmant, et, le 13aoùl, à onze heures trente mi- luilcs du matin, le mercure se tenait à o9° à l'ombre, et à 119° et demi au soleil. La plus haute température (|ue j'aie trouvée ici à l'omlire est de 0(i° et demi, et la plus basse, de 49°. Mes deux guides avaient tenu la promesse faite à Larsen deFagerli, et désiraieiil lelnurner dans leurs montagnes ; je les payai et nous nous séparâmes lions amis. De Qvickjok jusqu'aux rivages du golfe de Bothnie, la distance est de 19 milles et demi suédois. Le voyage est facile et se fait en grande partie par eau, à travers une série de lacs communiquant l'un avec l'autre par de courtes rivières; mais ces dernières, en raison de leurs rapides, ne sont pas navigables. Des njutes servent de communication entre les lacs, et l'du trouve des stations de bateaux régulières. Cette chaîne de lacs, descendant graduellement de l'un à l'autre, ressemble à une suite de bassins et constitue un des traits frappants du paysage. Le Saggntjaur a environ 21 nulles de long, à 957 pieds au-dessus du niveau 156 I>K PAY;^ DL' SOLEIL DE MINFIT tle la mer, avec un rapide à rexlrémili'' la plus basse; le Tjaniaiisjaiir cl le Skalkajaur sonl rrlit's sans rapides; ils ont 30 milles de lonj^ el s'élè- vent de 935 pieds au-dessus de la mer; le Parkijaur a 5 milles de loni,' et 929 pieds au-dessus île la mer; le Rrikdijaur, 894 pieds; le Piuki- jaur. 89 i- pieds; le Vajkijaur, 808 pieds. Le 14 août, je dis adieu i\ Ovi( kjuk. A rexlrémité la plus liasse du lac. une Ile el une masse de rocheis et de blocs erratiques inlercepleni la navigation, et la rapidité du courant nous avertit (pie nous étions prés des rapides : mais, [)ar un mouvement adroit, le bateau vira et nous abor- dâmes sur la rive ij;auclie de la rivière. Une marche de vingt minutes nous conduisit à la poinlc du Tjamalisjaur. et à Niavi, située près du liord, non loin ilu jioini (n'i le turbulent déversoir du lac Saggatjaur se jette dans le Tjamalisjaur. IS'iavi était une ferme très confortable et la maison d'Iiabilaiion contenait plusieurs grandes chambres. La salle à manger pouvait pas- ser pour un modèle de propreté ; les murs étaient tapissés de pajder; le plancher en bois de pin n'aui'.'iil pu èlre |ilus lilanc, et les aliments lurent bien cuits el bien seivis. Dix vaches, quatre chevaux, el environ 200 rennes composaieni le bèl;iil ; les vaches et les chevaux pàliuaieid dans les bois. Le foin était vert, les pommes de terre poussaient supé- rieurement, l'orge avait une teinte jaune et allait être récoltée. Mes nouveaux bateliers étaient deux solides gars de la ferme; leurs longs cheveux droits, londiani plus bas cpie le col, les prolégeaienl contre les moustiques. Bien tpi'ils eussent rmlement travaillé loule la journée dans les chamjis, ils ramèrent vigoureusement. Quand l'air devinl piipiant, l'un d'eux insista pourqne je prisse sa cote, sur laipielle londiaient ses cheveux. Il n'y eut pas moyen de faire autrement; je no pouvais refuser, quoiipie je susse parfaitement à quoi je m'exposais. Les bords du lac Tjamalisjaur n'ollVaienl rien d'intéressant; les |ilus hautes collines soid éloignées de l'eau el le [lays devenait de moins en moins pittoresque à mesure (pie nous allions vers l'est. .\ une distance d'à peu piés douze milles de Niavi, nous arrivâmes à Tjaniatis, (pii est un composé de |tlusieurs fermes, prés de la' voie d'écoulement d'une rivière foriuée par (pielques lacs qui fournissent considérablement d'eau. Le lac Tjamalisjaur .se rétrécit et devieni un canal peiidani ceiil yards iSO nièlicsi; plus bas sont des Ilots el l'enlrèe UNE FERME NON MODELK 137 du 1,'ic Skalkajaiir. A rexlrémilé iiilV'riciiio, prés de son déversoir, se tniiive nie de Bjorkiiolm, avec une station de bateaux. Tout le monde était parti, mais les portes n'avaient pas été fermées et nous entrâmes dans l'une des maisons de ferme, sans frapper. Le mari n'était pas à la maison; sa femme se leva, me servit un souper de poisson froid, de pain, de beurre, de fromage et de lait, et me prépara un lit. Après un repos d'iuii' heure, mes bateliers retournèrent àNiavi, non sans nous avoir serré les mains, selon la coutume. Ces hommes avaient travaillé toute la journée lorsque j'arrivai à Niavi, et pourtant ils n'hé- sitèrent pas à ramer pendant 30 milles. Ils ne se reposèrent qu'une heure et partirent, car ils étaient nécessaires à la maison. Ils auraient été honteux de se prévaloir de ce surcroit de travail comme d'excuse pour la paresse. Un court trajet pai' un étioit sentier me conduisit à la jiointe du lac Parkijaur, et une heure de voile à son extrémité inférieure, où il n'y a qu'une ferme. Après une autre courte marche, j'arrivai au lac Randi- jaur, et à une ferme, la seule habitation que je pus voir sur ses bords. L'unique chambre offrait une telle image de malpropreté, qu'elle me repoussa; je jetai un regard sur les deux lits, et je frémis ;i la pensée de la vermine qui devait grouiller dans ces sales peaux de mouton; je remerciai ma bonne étoile de n'avoir pas à y dormir. Le mobilier con- sistait en outils de charpentier, un pot à café, quelques bols et plats de bois, deux ou trois lasses à café avec leurs soucoupes, une poêle à frire, un chaudron, des bancs de bois, une table également en bois, et uu certain nombre de vieux livres religieux en mauvais état. La famille com- portait huit enfants dont quelques-uns de mariés; mais le vieillard et sa femme, ainsi qu'une Laponne, étaient les seuls occupants de la maison. Quand je fus prêt à partir, la vieille femme se lava la figure et les mains, peigna ses cheveux, mit un vêtement propre sur celui qui était sale, pendant que le vieux revêtait ses habits du dimanche pour me conduire à la station la plus proche, car les bateliers se mettent toujours en toilette de fête pour de telles occasions. Après avoir ramé deux heures, le couple se sentit fatigué. A l'extrémité inférieure du lac se trouvait une autre station. Ici, les habits des hommes, et les jaquettes des femmes étaient en peau dont on avait enlevé le poil; tous étaient également sales. A diner, ils n'eu- 158 LE PAYS D(J SOLKIL UE MINIIT rciil ni pain, ni bi'iiri'c, ni fi-dniagc ; ils ne niangèienl iiLie du poisson bouilli, mais en énorme (|uanlité. Ilsi)uivnl du lail aigre hors d'un seau, et insistèrent [)oui' que je prisse une lasse de calé, (ju'ijs liront exprés pour moi. Après avoir ramé dix minutes et en avoir marché (|uaianle sur une bonne route à Iravers une forél, nous arrivâmes à la pitinledu lac Vajki- jaur, où se reposaient un grand nombre de rennes (jue l'un avait laissés là i)our brouter le lichen. On me donna de nouveaux baleliers, deux garçons et leur père, qui ramèrent aussi énergi(|nemenl (pi'ils le purent; puis, laissant le bateau, nous fîmes à pied un Irajet d'une heure qui nous conduisit au hameau lapon de Jockmock. PendanI celle marche, je fus pris d'un accès de laim-valle. Eu arrivani à la slalidu, je demandai aussitôt de (juoi manger; mallieureusement, la maîtresse du logis était absente et les mimiles (ju'il me fallut attendre me parurent aussi longues que des heures. Le village était complètemeni dései'l, el, comme je ne pus obtenir de nourriture, je tâchai de faire diversion â ma faim en le paicouranl. Pen- dant que je rôdais, m'amusant à regarder les maisons eu rondins avec leurs toits couverts de terre oii l'herbe i)0ussait, et cherchant une figure humaine, je vis venir à moi un gentleman, et je me souvins (pie j'avais du célèbre explorateur arctique, le professeur Xordenskiold, qui me l'avait donnée à Stockholm, une lettre de recommandation pour le pro- fesseur baron de Diiben, que l'on m'avail dil que je pourrais renconirer en Laponie où il faisait des éludes sur le peuple de celte contrée, .le sentis instinctivement que le nouveau venu élail le baron. Nous lujus saluâmes, nous nous dévisageâmes l'un l'aulre, et je lui demandai : « Ne seriez-vous pas le professeur bar(jn de Diiben? — Je le suis en effet, répondit-il. — J'ai une lettre d'introduclion ])Our vous. Je viens de traverser la Norvège. — Je suis heureux de l'apprendre, reprit le professeur en excellent anglais. — J'ai tellement faim, (pie je ne sais (|ue faire de moi, lui dis-je. J'en suis tout étourdi; la domesli(pie delà station ne paraît pas se presser, jiarce que sa maîtresse n'est pas à la mai- son.— Venez avec moi, » repartit le baron. — Et il m'emmena au pres- bytère, dont il élail I'IkMc. Il me présenta à l'hôtesse, puis à la baronne. La femme du pasleur sortit (juand elle eut appris que j'étais affamé, et revint bienlôl m'inviler à prendre une collation. LE GRAND CHEMIN DE LA FAMINE 139 Le baron el son éiiouse avaient passé l'élé en Laponie. Nous réso- lûmes de voyager ensemble jusqu'à la mer. Je leur suis redevable de beaucoup de bontés, non seulement pendant notre voyage, mais encore à Stockholm, et de lettres de recommandation, sans compter plusieurs illustrations delaLaponie qui accompagnent ce récit. Les photographies originales en ont été prises par la baronne elle-même. Le village lapon de Jockmock a une école et un pasteur résident. Son église bizarre, avec son clocher à part, a été construite en 1753, et une plus ancienne date de 1607. Il est situé sur une colline, à la base de laquelle coule la rivière Lilla-Lule, déversoir du lac. Dans le puits du presbytère, la glace et la neige paraissaient avoir deux pieds d'épaisseur. Il y a seulement trois mois que la neige a disparu du sol, que la gelée pénètre à une profondeur de six pieds. L'une des occupations des naturels est la pêche aux moules, dans la rivière. Certaines coquilles contiennent des perles d'une valeur consi- dérable. Une grande étendue de pays, connue sous le nom de LuIeaLappmark, a une surface de 327 mille carrés suédois, et se compose de deux soknar ^ ou paroisses. La paroisse de Jockmock, selon le dernier recensement, contient 648 Lapons. Elle est divisée en quatre byar, ou districts. Jockmock, Tuorpenjaur, Sirkasiuokt, et Sjokksjokk; chacun d'eux a son propre territoire de pâture dans les montagnes. Fort peu de ces Lapons vont jusqu'à la côte norvégienne. De Jockmock. jusqu'à Storbacken, distant de quatre milles suéduis, la Lule n'est pas navigable à cause de ses rapides troj) rapprochés l'un de l'autre. Ici commence un grand chemin, qui n'est fini que depuis peu d'années, et qui a été construit pendant la grande famine de 1867, an- née mémorable dans les annales de l'Europe septentrionale, en raison d'une gelée hâtive qui détruisit les récoltes et répandit la désolation et la mort dans de vastes districts. Le lichen et l'écorce de bouleau, mé- langés avec un peu de farine, devinrent la nourriture du peuple, après que l'on eut mangé le bétail et qu'il ne resta rien autre. L'année suivante vit une forte émigration en Amérique. La route passe par une contrée monotone, par des marais, à travers des districts jonchés de blocs erratiques. A l'époque démon voyage, les forêts brûlées présentaient, en bien des endroits, l'image d'une désolation 160 LE PAYS Dl SOLEIL DL Ml MIT lutale. Ces foiitlngrations arrivent généralement par l'indifférence des Lapons, ou des Iniclierons qui négligent d'éteindre les feux de leurs cam- pements. La perte est cruelle, car, dansées régions, les arbres croissent très lentement, cl il leur faut an moins 150 ans pour atteindre un pied de diamètre; on en trouve qui n'ont même pas un dcnii-pied de dia- mètre et qui comptent plus de deux cents ans. 11 y a des milliers de grands sapins qui gisent sur le sol, noircis et calcinés, ou qui sont res- tés debout comme de noirs pilastres, avec leurs branches et leurs cimes brûlées, pendant que des monceaux de cendres et de charbon ap[)arais- sent de toutes parts. Pas un brin d'herbe ni de mousse sur le leriain desséché et terrifié; çà et là, un arbre ou un groupe d'arbres a échappé à la fureur du feu; on se demande commeni cela à pu se faire, cai' cha- que chose alentour a été anéantie par les flammes. Les fermes me parurent très en progrés. Dans quelques maisons, les chambres étaient tendues de j)apier; des poêles en porcelaine les or- naient; une napi)e en beau linge blanc s'étalait sur la table de la salle à manger préparée pour l'étranger. Quehiuel'ois ou avait Iracé un petit jardin où iioussaienl des radis, des oignons, des laitues et des pois verts. VuoUerim est admirablemeni silué auprès d'une cliiile d'eau, en forme de ter à cheval, et entouré de cbam|is d'orge, d'avoiii(>, de pommes de lerre el de prairies verdoyantes. Les ioiis des maisons élaienl cou- verts d'écorce de bouleau sur laquelle on avait posé des perches très rapprochées l'une de l'autre, comme proleclion contre le veut; an sonr- met de quehpies maisons était construite une i)late-forme pour sécher de la chair de renne et de mouton. (pu3 l'on tue en novembre. Non loin (hi hameau, la riviéi'c Lilla-Lnie nui! ses l'anx à celles de la Slora-Lule (.s7w« signifie grande), (pii s'élance à liavers un grand ra- pide, el forme ensuite la chute du Porsi, d'environ six pieds de hauteur. Sous la chute, le lil, d'un sable sec, jirouvait (pie l'eau se calmaiL La Slora-Lule est l'exutoire d'une série de lacs, ciunme ceux ipii forment la Lilla-Lule. La Virijaur sort près de la base du giand glacier de Sulitelma, à 1,948 pieds au-dessus du niveau de la mer. Kn remon- tant la rivière, le voyageur aperçoit la chnie di' Niommelsaska, (|ui est formée par la Slora-Lule. On dit qu'elle est très belle en juillel, paice- que c'est l'époque où l'eau arrive en plus grande quantité. Une partie SINGULIERES VARIATIONS DE TEMPÉRATURE 161 du courant esl unimpélueux rapide avec une chute totale de 231 pieds suédois; à un certain endroit, elle franchit une dislance de 102 pieds. Plus grande encore est la chute d'Adnanuioïki-Kortje, formée par l'exu- toire du lac Gjerlejaur, au point où les eaux descendent dans le lac Pajiplolilujaur, d'une hautem' de 134 pieds. A (pielques milles au-des- sous de VudUerim, la grand' ruule liint à Storbacken , la liviére étant tombée de OoO pieds depuis Jockmock. Ici, les changements marqués entre la nuit et le jour sont démontrés par les notes thermométri((nes suivantes pour le 18 août : à huit heures du matin, '61° et demi; à neuf lieures, au soleil , 94° ; à midi, à l'ombre, 60° ; à deux heures a[)rès midi, à l'ondire, 00°; à trois heures trente minutes, sur l'eau, et au soleil, 106°. 11 n'y eut pas un souflle de vent pendant loule la soirée, et je remarquai que ces grands changements arrivent graduellement avec une atmosphère parfaitement calme. Le 19, à six heures du soir, le thermomètre se tenait à o4°; mais l'air devint piquant et froid à mesure ([ue le soir a}iprochait. Le ciel était toiil à fait clair, et, à onze heures, la température tombait à 42°, et on craignit la gelée. A minuit, le mercure marquait 38°. Le temps devint encore plus froid pendant la nuit, et, (juand je sortis à quatre heures du matin, le 20 août, l'herbe était couverte d'une gelée blanche et le ther- momètre se tenait à 32°, quoiipie le soleil brillât. Heureusement le grain ne fut pas maltraité. 11 parait que, du 20 au 24 août, dans certaines années, une forte gelée se jiroduit en cette région, et imil aux récoltes ou les détruit: mais, si la gelée ]ie vient pas, elles sont généralement sûres. Les framboises sauvages avaient mûri, les moineaux étaient nom- breux auprès des fermes, et les hirondelles i)as encore |)arlies pour le sud. Un des faits (|ui m'ont paiticulièrement frappé en dedans du cercle Arctique, c'est la grande différence de temi)érature au soleil et àl'ombre. •J'ai noté dans le cours de ce récit l'éteiulue de ces variations, et, comme moi, le lecteur a sans doute été étoimé d'apprendre combien les rayons du soleil étaient puissants. En sortant de la chaleur pour passer à l'om- bre, on sent (pie l'atmosphère est rafraîchie et souvent elle donne le frisson, tant le changement est grand. La chaleur la jilus forte du soleil se produisait cpiand il brillait entre les loiu'ds nuages couleur (lf|iloml>. 11 IG^ LE PAYS DU SULEIL DE MlNllT Je faisais iiu's (ibscrvalions avec plusieurs thermomètres simultaMémeiit. Au soleil, je ne me servais que île lulies eu verre à la bulle iioireie. (|ue je posais sur umn chapeau de l'eulre, Sdigueusement gardés contre le veut; ear la moindre brise sur le verre aurail produit aussitôt une varia- lion de ]iliisieurs degrés. De Slorbaeken, la rivière Lule, dans son cours vers la mer, forme deux réservoirs ou lacs, entre lesijuels, prés d'Edefers, — à une distance de viiigl-six milles environ, — il y a un beau rapide; le deuxième lac est à 7() pieds au-dessus du niveau de la nier. Six milles plus loin, la navigation reprend jusqu'à Hedenfors, avec une autre chute, sous laipielle, à Ralu'ick, un steamer vous porte à la ville de Lulea. Sur les deux derniers lacs, les fermes et les hameaux sont plus noudneux et [ilus gi'ands; le paysage est diversifié par les forêts et les chamiis. Ici, le seigle rend souveul énormément el est très bon , bien des liges élaienl hautes de six à sept pieds et j'en vis même de plus hautes. Le bluklhit (bluelj, la ccntuurvii ri/aiiiis (la centaurée i, el les i»avols abondaient, et leurs belles couleurs réjouissaient les yeux; à deux ou trois pieds sous cette luxurianle végétation, le lenain était gelé. A Rabâck, nous li-ouvàmes le steamer Vicllh-dra , qui allendail, et peu après notre arrivée nous descendions la rivière à loule vaiieur. Le gouverneur île la province était à bord el je lui fus présenté. A mesure que nous avancions, le cours d'eau devenait de |)lus en [ilus large: nous nousarrèl;\mes à plusieurs points; nous passâmes devant l'école d'agri- culture, et, le 20 août au soir, nous arrivions à Lulea. Le voyage de Ovickjok ;i la mer ilmuie une assez jusie idée du thalweg d'à |)eu jnès toutes les rivières de la Suède. Lulea, 05° 41 , lalilude, la ville la |)lus seplenirioliale après Hapa- randa,est située à l'embouchure de la rivière d'où dérive son nom; elle est aussi la résidence du IdiKhliôfduu/ ou gouveiaieur de la L<(ii ((ii'o- Vince) de Norrbotlen, doni la juridiction s'étend à toute la partie la plus septentrionale de la contrée. La ville consiste en maisons de bois, el en plusieurs magasins; car c'esl un centre de commerce, comme loules les villes suédoises hàlies aux embouchures des rivières, et aussi une sorte A' entrepôt pour les marchandises. On y fait un grand commerce de bois de consirucliou el bien des vaisseaux viennent en charger tous les ans, l'.\E Puis ON KT L'X CABAHET IHI] Pi'iidaiil les mois d'i'lé, luul arrive par sleaiiier ; car, l'hiver, les iiiarfliaiidises ne iieuveiil être transportées jiar la voie de terre, k moins de payer un prix exorbitant. Les maisons snnl irrandes et peintes les unes en blanc, les autres en routée. La petite ville possède une église en |)ierre, élevée au milieu d'un S(|nare. L'intérieur en est 1res sim[)le. Aucune peinture n'orne les nun's liLincliisà la chaux; mais, sur l'autel, il y a une grande croix en bois doié, avec une couronne au sommet; à sa base, un cœur et une ancre, et, de plus, une image ([ue je suppose devoir reiirésenter des feuilles de laurier. La chaire eslfastueusemenl dorée. La prison, bâtiment octogone en pierres, existe depuis assez long- temps, et est entourée d'une liarriére en [ilanches, peinte en rouge. Les cellules sont au n(ind)re de di\-se|>t. de diverses tailles et formes. A l'étage supérieur sont les quartiers des prisomiiers condamnés à la réclusion. La dimension moyemie des cellules est d'environ dix ])ieds en longueur sur sept en largeur. On se sert de hamacs au lien de lils. Chaque cellule a une petite fenêtre fortement grillée de barreaux de fer et chaque porte a un verre épais, ou œil-de-bœnf, par le(juel le surveillant iwut voir dans l'intérieur. Je fus surpris de n'y trouver que six condanuiés, et l'on me dit (|ue le plus grand nombre jamais connu se produisit à l'épocjne de la famine, où il y en eut jusqu'à vingt. Les lois sont strictement exécutées; une conduite désordonnée, du bruit dans les rues et les Irouldes de nuit, les batailles, les mutilations d'arbres, la violation des lois sur la chasse, la désobéissance à bord des navires, le manque de respect envers la police, etbeaucoup d'autres offenses, sont promiitement punies, et, par-dessus tout, le vol d'un objet, (lueliiue petit qu'il soit, ex[)ose le coupable à une pénalité sévère. En été, quand les ports sont ouverts, et (jue les étrangers arrivent pour chercher de l'ouvi'age, le nombre des iirisonniers est le plus grand. La vente des siiiritueux est permise, et je suis peiné de le diie, l'auberge était bruyante et m'olfrit des scènes d'ivrognerie (jui me lirent une mauvaise impression. C'est naturellement pire en été, car alors les marins, les rôdeurs et les portefaix i)assent la majeure partie de leur temps dans la ville, et la prison [est souvent occupée par des hommes simplement coupables de conduite désordonnée ou d'ivrognerie. L'ordre est maintenu dans les rues |iar trois ou (piaire policemeri, ou 164 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT veilloiii's, (loiil on enk'iid les vuix la nuit'el qui uni ponr devoir de donner l'alarme en cas d'incendie. Je fus invilé à une réception chez le gouverneur, ipii était veuf; sa fille, jeune dame de vingt printemps, était une charmante hôtesse. Presque toutes les dames présentes parlaient anglais ou une autre langue étrangère. La musique et le chant formèrent les principales distractions de la soirée, où chacun sembla s'ellorcer, el cela sans aireclation, de faire en sorte que l'étranger se crût chez lui. — « Il faut que vous alliez voir la vieille Lulea, » dirent qnehiues-unes de ces dames. — « Ne voulez-vous pas venir avec moi ? » demandai-je. J'invitai deux demoiselles et une dame mariée pour être leur chaperon; elles acceptèrent, tout en faisant remanpier que c'était un peu en dehors des habitudes : << Mais, ajoutèrent-elles, nous savons qu'en Amèri(iue les gentlemen invitent les jeunes dames à se jjromener avec eux. » Le gouverneur me montra son jardin, dont il semblait iier ; les framboises venaient de nn'n'ir; les fraises de jardin èlaient avancées; les groseilles à grappes rougissaient ; celles à maquereau el les mûres étaient encore vertes ; les betteraves, navets et carottes se trouvaient en boiuies conditions; les choux et choux-lleurs allaient pommer; les épinards cl les radis étaient abondants ; les pois avaient lleuri el poussaient déjà des cosses. Je remaniuai l'absence de pommiers el de cerisiers, (jui ne croissent pas sous celte latitude en Suède ; mais les dahlias, asters, jjetunias, dicentras, (Iclph'iminn (pieds d'alouette), zinnias, lidlos (pâquerettes), ili(jitalis ^digitale), hcspcrh (julienne), cuit'irrhiiuini (nudlierj, les lupins, violettes, oeillets doubles, lulii)es, pivoines, anémones, lys el lilas élaieiil cultivés. (Ju(»i(|ue nous ni' fussions (|u'au 24 août, les jours diminuaient sen- siblement ; à dix heiu'es trente minutes, les ombres du soir étaient sur iKHis et les étoiles scintillaient sur nos tètes. On avait du plaisir à voir la lune après un intervalh; de trois mois. Gluuiue nuitavail été nuageuse depuis que j'avais (]uitté la Norvège, et, vers onze heures, la première aurore boréale de l'aiilomne se moiilra dans les cieux. Quand elle apparaît dans celle lalitude avant miiuiit, c'est regardé comme un signe de vents du nonl el de l'est; el, si elle apparaît ,iprès, comme un signe de venis du siid-esl. CHAPITRE XI Climat d'iHé en ileilans du cercle Arcti(|iie. — Végétation. Aucun pays, depuis le cercle Arctique vers le nord, ne possède un climat aussi doux et une végétation aussi luxuriante que la Norvège et la Suède. Les contrées situées sous les mêmes latitudes en Asie ou en Amérique, offrent un aspect stérile et froid comparé avec la partie du monde que nous venons de visiter. Ce climat est dû à plusieurs causes : le Gulf-Stream, la Baltique et le golfe de Bothnie; la position des montagnes qui abritent les vallées; la prédominance des vents du sud et du sud-ouest qui soufflent presque toute l'année, spécialement en Norvège; les longues heures de soleil et la puissance solaire. Du côté norvégien, le long de la côte et des fiords, grâce à l'influence du Gulf-Stream, le printemps commence de meilleure heure, et l'été est plus long qu'en Suède ; mais les jours de soleil le sont moins et le climat est plus humide; consèquemment, la végétation ne croît pas si vite. L'été succède à l'hiver plus rapidement sur le golfe de Bothnie, et la végétation augmente presque visiblement, surtout lorsque la rosée est épaisse. Grâce à un hiver moins rigoureux sur la côte norvégienne, et à une période plus longue de temps moyen ou plus doux, bien des arbres fleurissent et prospèrent à une plus haute latitude qu'en Suéde. |0(i LK l'AYS Dr SOL Kl L DE MINUIT Le spijile, que l'on sème dans le cerele Aicliijue au commencement ou au milieu île juin, alleini une hauteur do sept à huit pieds au commen- cement d'août; il monte donc de (pialre-vingl-seize pouces en neuf semaines, et. si on le sème en premier, il pousse quelquefois de trois |)0uces par jour. A Niavi, l'orge (Mail prrlr à être moissonnée au milieu d'août, six ou sept .semaines après avoir été semée. Le mélèze [lari-r et/ro/hva) s'étend en Suède un peu au-dessus du cercle Arctique; mais, en Norvège, il va plus loin. Le cerisier {priinitfi 'li(i(h(i<\ croît en Sin''ile en dedans du cercle arctiiiue; en Norvège, il s'avanci' jiisiiii'à 70° 20'. el. sur les liords de la rivière Taiia, il atteint une liaulenr de dix à douze pieds el poi'le di's IVinls. Le sorbier (surhiifi (iiiriijHirid) fructifie en Norvège au liord Allen, 70°; le tnrlius Iii/- hrida pousse en buisson en Norvège jnsipi'à Tromso, 09°. Le lilas {si/rinr/a viih/avis) existe à Lofoden aussi liant que 08° 30'. L'érable [acer plahmdirJcs)^ — le maionnier (.tuciiIus lùjipocastanKm) el le nerprun (liumiiius l'rdiH/iihi) ponsseid jiisi|n'au cercle Arctiipie; l'orme lui mus iiKiiiliiiKi) croit au 07°; le ri/f/s//s t//pl/H/s à 08° iiO". et le neiselier frw'////Aw//Y'/A///^/), à Stegen. 07° oG'. mais il ne poi1e point de finils. La région des sapins (l'ei/io si//rf/f/ct/) s'étend depuis la côte à environ 3,200 pieds au-dessous de la ligne des neiges; mais, vers les hautes latilndes, lesarlires grossissent très lenlement; ils soni rabougris et se tioiivcnl dans les marais. Quand le saiiin dis|iarail, on cesse de remanjuer les plantes suivantes : msi/ ri/aun/ioi/i/'//, rt/rcr (jlnbuln- rh, (jal'ium horedlc, l//shii(iclii(( ll/i/rsi/lnra, /ilird(/mites coiuiint- iiix, smiluviini bifolid. Dans la deuxième région [rrijid siihsijifdlicd], les arbres conliniieid à croître à uni' baulcnr de 200 pieds au-dessous de la ligne des neiges. Des liii'èls de sapins écossais el aiih'es i/>i////.s si/lrcstris el d/iics) s'étendent en Suède aussi haut que 08° 30', et à 700 ou 800 pieds an dessus du niveau de la mei'. Plus le pays s'élève, plus ils sont rabou- gris, et ils disp;ii"iissenl dans Irs Irn-cs pins au nord. En Norvège, on les rencontre mémi' ;i l;i h.iiilriii- du 70° N. La troisième région, |ilns caractéristique [n'i/io siilxiljiiiid) ^ est celle du boul(>au; ces arbres croisseiil à iinr |iliis li.inli' élévation i[ne tous antres. Le hrli/ld dllxi rrrnirosd pousse à mir bailleur de 2,000 FLORE NOHVKCIENNK IfiT pieds dans la partie méridionale, mais on ne le viùl pas en Norvège au-dessus du 04°. Le hotiila alba fjl lit i noua, ou bouleau du pays haut, se rencontre à la partie septentrionale presque extrême, et pousse dans quehpies districts du sud jusipi'à 3.oOO pieds au-dessus du niveau de la mer. Le honleau atteint souvent une liautenr de quatre- vingts pieds, prend un développement à ]ii'u prés pareil, ef atteint quinze à dix-huit pieds de circonférence dans le sud. Dans la quatrième région {rprjio nljiiita). le houleau a disparu, ef le saule nain {sali.r (jlatica), le houleau nain ihrtifla nana), et le ^^w- W'm'ijiin'iperus cominiinis) croissent à environ 1,400 pieds au-dessous de la ligne neigeuse. On trduvc dans la cinquième région Xarbiiatiis alpina, le triciitalis etn'ojii'n, la rrronicn ulpiiia, X iiiidruinoda ccfu- lo'd, le ptcrh crispa, et YdrrlKiiu/i'licd. Plus liant, le saule et le liou- leau nain perdent même leur forme de huisson ; le hotuJa nana rampe sur le sol. Sur les côtés chauds des collines, on voit le lijchnh (sayina?) apotala, Vop/u\i/s (orr/iis?) alpiiid, Xer'ujovon luiifloniin, Xaftlra- l/iilus li'diitiitns ; et, dans les marécages, Xaira (ilpinn, le cnrcx ustu- liitii. If riicciiiiniii uH(juiosinii , même à (S(l(> pieds de la ligne des neiges. Dans la sixième région, les montagnes ne dégèlent pas. Quand le sol est délivré des neiges, très peu de plantes croissent : Xcmpetrinn nigrum (sans baie.s) , Xandroiiirdn tctragona et lii/pnoidcx , la dia- pensif/ hipaiiicd ; sur les iléclivilés pins vertes, Xà f/riitiann tondla et n'iralh, la rdiiipariulfi mi'ijhird, la drahn 'dp'uin ; dans les endroits plus froids, le pedicidaris Jùrsutu et f'kninncii, la di/nis octopetal». La région s'étend à 200 pieds au-dessous de la ligne des neiges. Encore plus haut, comme nous l'avons vn, la végétation se montre en peu de fleurs exquises, et la mousse de icinie [eladonid range ferina], qui croit presque à la ligm: neigeuse, est abondante an S|»itzberg, 80° N. On eu fait de l'alcool, car elle possède un peu de matières farinacées. La mousse d'Islande (cctraria ishindica) abonde aussi et contient quatre-vingt pour cent de substance digestive; on s'en sert souvent (mélangée avec de la farine) pour remplacer le |iain dans les mauvaises années. Quant aux céréales, nous voyons (jue le blé ne prospère pas en dedans du cercle Arc!i((ne en Suéde, (pioiipi'il réussisse en Norvège. 108 LE PAYS DIT SOLEIL DR MINUIT Le blé commun pI nutros espèces croissent jusqu'à Skil)itllen, GO^^S', et même très rapidement; dans le sud, depuis les semailles jusqu'à la moisson, il exige de MO à 120 jours. Les variétés d'été et d'hiver du seigle prospèrent aussi haut que le fiord Alten. On voit aussi l'orge à Alten; si elle est semée dans les derniers jours de mai, elle fleurit à la mi-juillet, et on la récolte à la fin d'août et au commencement de septembre; elle rapporte au décuple. L'avoine croît jusqu'au GO °N., et à Alten jusqu'au 70° ; le pois de champ pousse à Bodô, G7° 20'. Les pommes de terre rendent bien sur la côte de Norvège, à Alten, et, dans les étés chauds, même jus(pi'à Skarsvag, à environ 7r4',et même à Vadsô. Le climat est plus froid sur le coté est du cap Nord. A Vardô, 70°40'N, on ne peut commencer à jardiner ou à planter avant le milieu de juin, et quelquefois pas avant la Saint-Jean ; les brouillards prédo- minent depuis juin jusqu'à la fin de juillet; août et septembre sont généralement clairs. Les betteraves poussent aussi haut que Vardô; h' ch.invri' el le lin. bien qu'assez médiocres, atteignent dans la région la plus septen- trionale,au 70°N.,une hauteur de deux à trois pieds. Le vulpin, lafolle avoine et le trèfle rouge croissent jusqu'au 69° dans le Finnmark occi- dental; le trèfle blanc au 70°; on voit des navets ou raves à Vardô ; les carottes poussent jusqu'au fiord Varanger, et, à Alten, (dles atteignent un poids d'une livi'e el demie; les panais n'arrivent pas à |iliis d'un pouce et demi en grosseur. Le houblon croit jus([u'à Lofoden. La contrée est surtout riche en baies. La fraise sauvage (//w/w/r/ vesca) est très parfumée, très douce, el nuuil au delà du70°N., el dans la partie méridionale de la Scandinavie, jusqu'à 3,000 pieds. Le fram- boisier sauvage inihiix iiLnis] prospère au 70° N., et, au sud, à une hau- lenr de 3,000 pieds; la framboise arctique (r///i//s nrcficux) est déli- cieuse, elle a le goût de l'ananas. On trouve aussi la canneberge {racci- iiium o.ri/coccus) et la cnmmnQ[empetritm nujvinn]. Bien des variétés de brimbelles et de myrtilles {vacrinium) poussent partout au 71°, et. plus au sud, à une haulriu' de 3 à 4,000 pieds. On voit le groseillcr [ribes) aussi haiil tpie le 70° au Finnmark occiil('iit;il, et ilnns Syd-Va-, ranger, à la rivière Jacobs; dans les montagnes, il va jusqu'aux limites du sapin et du bouleau. Les groseilles noires et rouges sont sauvages sur les montagnes; de même la groseille alpine {nbes alpinum) [et la FLORE NOHVEGIENNE 169 cornouille suédoise [cornus surcira). La baie la plus estimée est le ruhus rhamœmorus ( ). qui pnusse partout aussi loin que le 71° N., et que l'on trouve au sud jusqu'à 3,000 pieds au-dessus du niveau de la mer ; avant de mûrir, elle est rouge, et, quand elle pousse en buisson épais, elle forme un très beau parterre rouge. La cerise [pru- nus ariuin et cerasus), mûrit jiarfois en Norvège, au 66° N. CHAPITRE XII Les siiisoiis près du cercle Arctique. — Maisons île ferme. — Chambre de réception et cuisine. — Ndiirriture haiiituelle. — Holmsund. — La maison D.. et C''". — Sa prévoyance et sa pliilan- tropliie. — L'mea. — Réception jiar le gouverneur. — Écoles d'agriculture. - Vn accueil cordial. — Un charmant jardin. — l'ials natil's. - Scène religieuse. — Jolis noms de femmes, — Banques. — Un cas de lièvre typlinide. Du cercle Arcliiiiie eu se iliri^'eaiit vers le sud, la végtMalion aug- mente rapidement. Une grande partie de la province de Westerbotteu est couverte de forêts de sapins et de pins, oîi prédominent les premiers ; ils commencent sur les déclivités des montagnes à une hauteur de mille à treize cents pieds, et s'élendeul jus(|u";i la mer, à une distance de cent cinquante milles. Peu à jmmi la contrée devient plus peuplée; de nombreuses scieries convertissent en |)lanclies les immenses troues d'arbres (pie l'on a flottés sur les lacs elles rivières; — l'agricullun' est développée de la plus intelligente manière; les bâtiments des fermes sont grands et bien construits et les maisons d'iiabilation spacieuses. J'ai vu ici, à la fin (i'a\ril. d'aveuglantes tempêtes de neige, elj'ai trouvé les ])etits lacs, jji'ès de la mer, tels (pie celui de Stôcksjû, pré.-^ Umea, gelés jusipi'au l.'i mai; iiéanninius, les hommes étaient à la cliarrue. ixterip:lh dk fhkmh iii Du 20 au 24 mai, h's formici-s Sdiil occiiprs à somor leur grain; liomnies et femmes sonl aux chauiii-^. Li's las de fumier de l'aunép, qui ont rlr soigneusement consoi'vés, sdiiI r(''|tandus sur le Icrraiii. Lr 28, les premières liirondi'ilt's lircnl li'ur apparition, el, deux jours après, le chant du coucou aiUKinca rapproche de l'été. Dans l'inlé- rieur, la saison èlail moins avancée; d;ins l;i vallée de Urne, au com- mencement de juin, il y avait lieaucnup de glace sur le Tafvelsjôn, et des plaques de neige ç;i el l;i, au picil des collin(>s; plus loin, la végé- lalion était encore plus en relard; m;iis. en élé, el même au nord, j'ai vu (le superbes champs de seigle. Les hâliments d'une ferme se composent de corps détachés, entou- rant une sorle de cour; tous sont peints en rouge, quand le maître est riche; mais la maison d'habitation l'est toujours; on peut dire que les jardins d'agrément sont inconnus chez les fermiers. Dans la chambre de récei)lion. trnne avec une propreté scrupuleuse, le parquet est plus ou moins couvert de tapis faits ;i la maison, et un poêle en porcelaine, rond ou carré, généralement blanc, atteint le pla- fond à une hauteur d'environ dix pieds. Les chambres à coucher ont des lits confortables dont les malclas el les oreillers sont invariablement renijilis de plumes. La grande chambre est la cuisine, avec sa cheminée largement ouverte, ijui donne de la lumière le soir, et réjouit autant qu'elle ré- cliaulfe la famille. Ici, cela va de soi, ont lieu la cuisson et la préparation des mets; le mobilier est simple et utile. Le long des murs, on a installé des lits à coulisses en planchi^s unies, servaid de sièges pendant le jour, et que l'on remplit de foin ou de |);iilli' pour la nuit; ces lits [)euvent recevoir deux ou trois dormeurs. Toute la famille couche dans la même chambre, frères et sœurs, domestiijues mâles et femelles; les femmes toujours en chemise, et les hommes vêtus en partie. Dans cette pièce commune, des perches sont disposées près du pla- fond el de la cheminée; chaque soir, on y suspend les vêtements et les bas pour les faire sécher. La cave est sous cette chambre; on y descend par une trappe dans le plancher; c'est là que se gardent les pommes de terre, le beurre, le fromage et divers autres articles. La compagnie est reçue fous les jours dans cette pièce; les hommes fument et crachent sur le plancher qui est lavé tous les samedis. (pi;iiiil a lieu le nettoyage ^n hK PAY^^ DL' SOLEIL DE MINUIT général. On ne se sert pas de nappes, mais la table est toujours tenue très jiropre ; les fourchettes sont inconnues et on mange rarement sur (les assiettes; le pain en lient lieu. Une grande écuelle de pommes de terre est posée an centre de la table et chacun va y puiser; on par- tage généralement le beurre au préalable, et souvent aussi In viande iiu le poisson; pour boire, chacun se sert également lui-même en bu- vant à un grand bol en bois contenant du lait aigre, que l'on agite d'abord. Excepté dans les occasions extraordinaires, on ne change de linge ou de vêtements de dessous qu'une fois par semaine, le samedi soir quand le travail est fini. La plupart du temps, la lessive de la famille n'a lieu qu'une fois tous les trois mois, et son montant est alors énorme. Un jour d'août, je débarquai à Holmsund, à l'embouchure de la ri- vière d'Umea. — un de ces nombreux hameaux dont les embarcadères sont encombrés de millions de |iièces de bois prêtes à êtreembanpiées. La meilleure idée que l'on puisse donner de l'extension de ce commerce ici, c'est de dire que la maison D... et G'% de Gôteborg, em])loyait à cette époque de trois à cinq mille personnes dans les scieries, ou à tirer, flotter et embarquer le bois; la maison eut la sagacité de prévoir l'inévitable hausse des prix, et, en conséquence, il y a bien des années, acheta aux fermiers de vastes étendues de forêts qui ne valaient encore que peu. Le jirincipnl associé, herr D..., a fait bàlir une église et une maison d'école pour les ouvriers; il se charge des traitements de recclé- siastique et de l'instituteur, et, en réalité, il a créé un village; son monde semble très soigné, et, par leur bonne tenue, tous font honneur à sa philanthropie. Un membre de celte maison de commerce, ins- piré par un louable sentiment d'es[nil public, a supporté seul le poids principal de l'expédition de Nordenskiûld , (pii a exigé de li'ês gros déboursés. A quelques milles i)lus haut est la ville d Umea (lat. 63° 49, N.), inaccessible aux grands navires; c'est une belle petite ville avec une population d'environ 2,500 âmes. Je fus frappé de son extrême propreté, comme, du reste, dans la généralité des villages suédois; ses rues sont un peu étroites et pavées dt> cailloux; toutes les maisons sont en bois, très longues et bien peinles; la plupart ont un étage. Un très beau pont de bois, construit sur des piles de granit, traverse la rivière Umea. au- ECOLES SUEDOISES D'AGRICULTIKE 173 près de laquelle j'ai compté plus de dix mille liariis de goiidioii atten- dant leur embarquement. Il y a beaucoup de boutiques; car ces petites villes sont des centres de commerce pour le pays environnaid. Les habi- tants avaient tous un air de confort et de prospérité; ils étaient vêtus comme des citadins, et l'on voyait clairement que le plus humble même avait reçu de l'éducation. Les liiîures heureuses des nombreux enl'aals sortant de l'école démontraient que leur tâche ne leur avait pas semblé fastidieuse; le grec, le latin, l'allemand, le français, l'an- glais, le dessin, la musique, l'astronomie, les mathématiques, etc., sont compris dans le cours des études de l'école supérieure. On voyait ici des exenqiles de l'amour qu'ont les Suédois pour la musique et le chant, même aussi loin vers le nord. En passant dans les rues, j'entendais le son d'un piano presque dans chaque maison; les enfants s'y exercent pendant ijue leurs aînés jouent. On comptait au moins cent pianos dans la ville, soit un par vingt-cinq habitants, à peu près; certes, beaucou[) n'étaient pas dans le meilleur état ni de pre- mière qualité, mais le cas est le même dans tous les petits endroits. Ma réception par le gouverneur de la province fut aussi cordiale que peu prétentieusi', (juoiipriMKloiiicsIiqin't'ii livrerait dû m'aiinoncer. Des portraits du roi et des deux autres membres de la famille royale ornaient les murs; l'ameublement était simple; point de tapis sur les planchers, mais tout scru|)nlensement propre. Le gouverneur m'invita à dîner le même soir avec une société choisie de gentlemen. Sur la table, décorée avec goût, se prélassait un melon ipi'un steamer avait apporté du sud ; grand luxe, si loin au nord I Le menu se composait d'un magnifique sau ;mon servi entier, de délicieux hii'iif, poulets, capercailzie [gxsxià coq de bruyère noir], pommes de terre, pois et haricots verts, salade, pudding, dessert et vins variés. Le gouverneur pro|)osa deux toasts, doiil un p(jin moi, amiuelje répondis de nntn mieux. Après le dîner, nous descendîmes à une sorte de piazza, protégée par des vitres, où l'on servit des cigares et du piuich ; une agréable conversation termina la journée; à sept heures, nous nous dîmes adieu, et mon hôte me sup[)lia de, taire une seconde visite à Umea. Les éc(des d'agriculture comptent parmi les institutions les plus utiles de la Suéde. Vingt-sept île ces htiidllinihs shfih)r sont dis- 1-i IJ-: PAYS Dl" SULKIL DK MlXllT Irilniées (l;iii;> lo pays, fl, t'ii outre, deux collèges agricoles. Ces écoles ont graiulemenl contribué au développement et au perfectionnement de l'agriculture, et le i)euple les regarde avec une laveur toute particulière, popularité (pi'elles méritent ajuste titre. Le but de ces institutions est d'élever le niveau de l'agriculture et d'enseigner aux fils des lerniiers les moyens d'aniéliorer leurs terres. Les étudiants sont tenus de donner deux ans à leni' insli'uclion : les cours conipreinient les principes de l'agriculture et de l'horticulture, le soin des animaux domestiipu's, le perfectioiuiement des élèves, le dessin, l'arpentage, le drainage, les métiers de charpentier, de serrurier, de carrossier, de forestier, les matliéniati(|ues, la chimie agricole, la météorologie, l'ai'l du \élérinaire, la iiolani(|ue, un i>('ii de zoologie et de géologie, la l'abricalion du beurre et du fromage, la construction des barrières et lies nuu's. On a joint à (juelipu's-nnes des principales écoles des classes de laiterie pour lesfennnes; (dies y passent un an à faire du beurre et du fromage. Après avoir terminé leurs examens, les étudiants peuvent, s'ds le veuleid, passer encore deux autres années dans un collège agricole; ceitendani la plupart rctournenl chez leurs parents avec la coiuiaissance prati(|ue du fermage. L'instruction est gratuite, m;us les étudiants donneni leurs travaux à l'école; la dépense est supportée en partie par la jirovince et en partie par l'État. Le coût du collège, y c(un])ris la nourriture et le logement, est d'environ 600 kronors jtar an. Il y a aussi un institut forestier, avec six ècoh'S moindres, pour l'éducalicui de forestiers pratiques. L'école d'agricuilure la jibis sei)lenlrionaIe est établie sur les rives de la rivière Lule; chaipu' li'in en a généralement nue, et, dans le sud, où la iiopulation est plus dense, (piehpiefois deux. Cette année, le i)rix d'une vache, dans cette partie du pays, était de 80 kronors; (juand le foin est rare, le prix di'scend jusqu'à oO kronors. Un beau chevul de l'iMiiie vaLiil de 200 à 2oO kroimrS, et un mouton de 7 à 10 kronors; on payait vingt livi'es de mouton i kronors; dans la saison, on a vingt livres de saumon pour o kronors, et autant de bceuf de première (pialité pour la même somme ; le beurre coûtait oO ore la livre. Une corde de bois, de huit pieds de long, sur six de liant et trois de large, valail de i ;i fi kronois, et |iour ."iO ore on avait vingt livres de foin. La paye d'un journalier variail de 1/2 à 1 kronoi's par jour, les charpentiers L'N ACCUEIL CUUDIAL l7o et les nuirons leceviiicnl tic 2 à 2 ki'onors ut demi; mais les prix du travail ont presiiue doublé depuis. J'étais venu à Uniea avec lierr Dauntell, (pii taisait une tournée d'inspection des écoles d'agriculture du nord. Ce savant était un lettré en anglais, et parlait en outre parfaitement le français et l'allemand; je lui fus redevable de bien des actes d'obligeance pendant nnju séjour dans son pays. Son gouvernement l'a envoyé, en (|ualilé de commissaire royal pour la Suéde, ;i l'Exposition de Pliiladelpliie, où l'on a eu occasion d'apprécier ses manières courtoises. En sa compagnie, celle (lu gouverneur de la lân, et d'auhvs fonclioniiaires, nous nous rendîmes en voiture à l'écule d'agriculture de Innertalle, à (juehjues nulles de la ville. Bien ipie ce fut le matin, tons élaient en tenue de soirée et portaient leurs décorations. Le directeur de l'école, berr D' U..., avail reçu son grade de docteur en philosophie à l'université d'U[)sal. Cette institution, dont la renommée s'étend au loin, ne confère de grade (|ue (|uand le pré- tendant ;'i cet honneur a donné des preuves de capacité, en passant un examen rigoureux; on ne fait aucune exceiitiondans la stricte exécution de ce sage règlemeid. L'école d'Irmertafle, (pii ne date (pie de [teu d'années, avait en culture un peu plus de cent acres de terrain ', mais 800 autres acres de terre inculte et de forêts devaient êln^ amendés par le labourage, et la nature rocheuse et marécageuse du sol offrait aux étudiants d'excel- lentes occasions pour apprendre l'art du drainage. Des ateliers de forgeron et de charpentier étaient] en pleines ojiérations; la grange et tous les bâtiments extérieurs me parurent très beaux. Le troupeau de la ferme consistait en (rente tètes de liét;iil, outre les chevaux, moutons et porcs de différentes espèces. On observait avec grand soin les produits des croisements. On faisait aussi des exjjériences avec le blé, (jui ne parait pas prospérer en ce district : en Norvège, ainsi que cela a été établi précédemment, il pousse plus au nord ({n'en Suède. Nous fûmes chaudement accueillis, .l'étais frap[)é de l'aspect Con- fortable de la maison, et l'on voyait du premier coup d'œil que la main d'une femme y présidait. Les sofas et chaises du parloir élaient cou-^ : L'acre vaut 40 ace; 4671''. 176 LK PAYS DU SOLEIL DE MINUIT verts de housses en toile blanche ; des pots de fleurs ornaient les fenêtres ; si propre était le par(|iiet, (jiroa irnignait de marcher dessus; il y avait un piano avec une pile de musique à côté; près de la fenêtre, une machine à coudre américaine; des liravures pendaient aux murs: des Jigurines en porcelaine étaient dispersées çà et là; sur la table, des journaux illustrés et des livres; dans un casier, des ouvrages français, allemands, grecs et latins; et parmi les livres pratiques en anglais, des essais sur » l'art de dompter les chevaux ' » et « comment on administre une ferme-' ». Des fenêtres de derrière, la vue donnait sur un jardin rempli de fleurs, fraises, frambroises, groseilles, pois, carottes et pommes de terre, et plus loin, une étendue de champs verdoyants. La végétation me parut beaucoup plus avancée ici (pràLulea, (iuoi(jue la distance ne soit que de 70 milles envirun. Les fraises, très grosses, allaient mûrir, ainsi que les groseilles; les chuux, choux-fleurs et lailuesavaient pommé ; les pois portaient abondamment et des melons poussaient sous cloches. Lorsque l'examen de l'école fut terminé, on nous invita à prendre part ;i un succulent repas, dont la maîtresse de la maison fit les honneurs avec une grâce si charmante, que l'on se serait cru chez soi ; le reste de la journée se passade la façon la plus agréable. Entre autres plats, on nous en servit un(jui est particulier à la Scandinavie : un pudding de poisson; en Suède, on emploie comnuuiément le brochet; en Norvège, la morue. Le poisson est découpé en petits morceaux après ([ue l'on en a retiré les arêtes, puis haché très fin avec du beurre; après (pioi, on le mêle à des œufs, du lait, de la farine, assaisonnés de [loivre et de sel; un fait bouillir le tout dans un moule pendant deux heures, puis on le mange avec du beurre et de la sauce d'écrevisses ou de homard. Ce |)lat est vraiment délicieux et très léger. Il y en a un autre, ajjpelê kôttbullar, très populaire, fait du meilleuili(euf, mêlé de graisse et haché fin; on y ajoute des œufs, du lait, desê|)ices, puis on lemidc en boulettes, et on le frit dans le brinre. L'n aulri' plat, dénommé kôldolmar, se prépare de la même manière, mais on le roule dans des feuilles de chou bouil- lies, i)uis on le met dans un pot avec du beurre et on le fait cuire ;i petit 1 . T/ir ail uf TutniiKj llorses. 2. lIuK tu Farm. MACHINES A SÉCHER LE CRAIN 177 feu, jusqu'à ce que le chou soit devenu tout à l'ait brun. On aime aussi beaucoup le saumon froid, fortement épicé, avec la gelée. Le temps ci Westerbotten et dans quelques-unes des provinces adja- centes est souvent pluvieux en aulomne, et dans les saisons humides il es! diflicile (le sécher le grain sans qu'il soil moisi. En passant par les fermes, le voyageur remarque une construction très étrange, appelée h(h.ya, qui est en usage dans les provinces d'Angermaniand et de .lemt- land. La h;ïssja est par elle-même une curiosité, peu usitée dans les autres parties de la Scandinavie et inconnue en tout autre pays. Les fermiers s'en servent pour le séchage du grain avant la rentrée définitive de la récolle ei souvent on lui donne une grande taille. Elle est construite en troncs d'arbres placés vei'ticalement dans la terre, séparés à des distances de dix à (piinze pieds et percés de trous par lesquels passent des traverses à des intervalles d'environ deux pieds. La hauteur varie de vingt à trente pieds et quelquefois plus ; la longueur est proportionnée à l'importance de la moisson. Quand la récolte est réunie, les gerbes sont placées dans la luissja, où on les laisse sécher. On les empile en rangées se recouvrant l'une l'autre, et, en cas de pluie, elles ne deviennent pas humides, l'air circulant constamment dans la masse entière. Chaque poteau vertical est soutenu par des armatures formées d'arbres de plus petite laiHe, de sorte que toute la structure est affermie et solide. Quand elle est vide, debout tians le paysage comme un squelette, son apparence singulière excite l'étonnement de l'étranger. On se sert aussi de luïs.sja doubles, construites avec deux rangées de rayons, couvertes d'un toit et renforcées par des traverses. A l'extrémité on édifie une maison dans laquelle le blé est emmagasiné; elles ont de soixante à cent vingt pieds de long. A côté, ou au bout de cette structure, on place souvent la grange où l'on conserve aussi le grain. La manière la plus connue de battre le seigle ou l'orge consiste à les réjtandre sur l'aire planchéiée de la hiissja, où l'on fait passer, tiré par un cheval, un rouleau en bois très lourd qui écrase les tiges. Dans les petites fermes ou bat le blé à l'ancienne mode, c'est-à-dire au fléau. Ce n'est ([ue rarement et seulement dans les districts peu peuplés, où la bonne terre est rare, que l'on voit une ferme solitaire en Scandi- navie. Le peui)le vit, pour la plupart, dans des hameaux sans rues, mais composés d'un bon nombre de fermes un peu distancées l'une de l'autre ; li 178 LE PAYS DU SUl.KlL DK MINLIT les fciinioi's soiil à nir-iiic d'avoir do frn|iieiils rapporls, de si' ivuiiir ])oiir d iiiiiocenles récivalions, ét ni la bière ni le café ne manquaient, peu à |>eu les feianiers devenaient plus aiiinn''S et plus sociables, et tous étaient jiiyeux et contents. Le samedi après midi beaucoup de fermiers s'habillent de leur mieux et se rendent à la vill(> pour acheter des [irovisions; ils n'omettent pas d'y ajouter une bouteille de branvin pour traiter leursamis et eux-mêmes pendant la semaine. Dans un hameau où je m'arrêtai, arriva un Colporteur avec son cha- riot de marchandises; il devait y rester trois ou quatre jours. Il prit ses quartiers dans une des fermes, étala ses articles dans une des chambres et se tint prêt pour les affaires. C'était, en outre, un piétiste,ou prêcheur sentimental, qui partout où il allait tenait des meetings, exhortait le monde et priait. J'allai l'entendre et je trouvai parmi ses auditeurs des JUMS NOMS DE FEMMES 179 fViiimcs en livs iir.iiiilo siiroxcilation, L'iiiic iTrlIrs (''l.iil cii biillo à un vidli'iil ;icfès ifliyslrrip, iili'iiriinl c\ ciiiiil qiio ses |)éclu''s ne lui seraient p;is panlDUiiés cl qu'elle ii'.iil en curer! Deux ou Iniis di^ ses compagnes, plus calmes, essayaient de l'apaiser eu lui disaul (|ue Dieu pardonnait à tous les péclieurs qui croyaient en lui. En même temps le prêcheur hypocrite lisait à hautcvoix des versets de la Bible, qu'il savait toujours approprier à l'occasion par mie inlerprélaiion forcée, afin d'etTraycr ses anditeiu's, et de tenqis eu lenips insérail dans son discours l'espérance du [lanlou pour le pécheur nqieulaiil. La pauvre créature demeura pen- daid plus de deux heures dans un dau.nerenx élat d'agitation; enfin, l'épuisement lareudil plus calme el elle i)arlil, accompagnée de (juelques amies, satisfaite enfin de ce que ses péchés lui seraient pardonnes. Toutes les femmes de l'endroit semblaient atil'olées de ce prédicateur; mais les hommes le goùlaieni peu. Des scènes de ce genre, m'a-t-on dit arrivent souvent dans ces hameaux, suiloul eu liivtM'. quand les gens n'ont rien à faire. De tels prêcheurs font beaucoup de mal et jamais de bien. Les femmes portent de jolis noms, et louj(nn's par deux, — comme Maria, Olivia, Sara, Clara, Joséphina, Ghristina, Carolina, Augusta, Lovisa, fiustafva, Engla, Calhrina, Anna, Carin, Erika, Mathilda, Mar- garela, Alberlina, Eugénia, Brila, Evelina, Eva, Magdalena, Ulrika, Kajsa,Sophia, Nina. Les hommes eu ont nniins ; les [ilus communs sont Gustaf, Olof, Anders, CatI, .lolian, Erik, Nils, Elias, Pehr, Zachris, Thomas, .Jouas, Erans. A mou retour à Umea, je m'aperçus que ma bourse était (date, découverle (pn lui loin de m'être agréable, attendu que je n'avais pohit de leltre de ciédil sur la bampie de ce! eiidroil et Stockholm se Irou- VaitàoOO milles de là. Par bonheur, la ville possède une slaliou iélé- grapliique el j'envoyai à mes banquiers ù Stockholm tm message les [iriant de télégraphier à une personne d'ici de me remeltre de l'argent. La réponse arriva bientôt, me favorisant d'un crédit illimité. La banque était lui simple bâtiment en bois, sans volets aux fenêtres, quoiqu'elle eut quelquefois en caisse de fortes sommes; évidemment les voleurs avec eflVacliou n'avaient rien à faire en ce pays. Le direcleur et les employés de l'institution me reçurent avec la considération qui s'attache aux personnes en proportion du montant dont elles sont cré- ditées, de même que dans les autres pays. Or, j'avais un ci'édit illimité; 180 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT lecteur, jugez de ma réception! Je ne suis de quelle l'açitn la iii)\ivelle se répandit dans Umea que j'avais acliclé d'immenses étendues de forêts, et mon étonnement fut grand lorsipie le direcleur de la banque me demanda si j'avais besoin de 30, ou iO,UOO dollars. Quand il m'eut appris poui'quoi il supiiosait que je lui demanderais autant d'argent, je ne pus ipie rire aux éclats d'un commérage aussi ridicule. Quelques centaines de dullars furent tout ce que j'exigeai. Mon voyage dans la vailér d'Umea avait été le sujet d'une foule de llassja simple. commentaires. A celte épo([ue, la Scandinavie était parcourue dans toutes les directions par des spéculateurs, riches et pauvres, venus des villes, avides d'acheter des forêts et même des bouquets d'arbres. C'était une vraie manie, une rage; si seulement ils pouvaient acheter les arbres sans le sol, leur foilnui'. pensaient-ils, étal! faite; lieunnix si les fermiers consentaient à leur vendre leurs bois. Au début, beaucoup les cédèrent à bon marché ; mais avec le temps la valeur augmenta et les plus malins, qui n'avaient [las vendu, demeurèrent les maîtres de la situation et ublinrenl des prix énormes, qui allèrent augmentant tous les jours. ImiMii le hallnn creva; la Scaiidiiinvio passa d(> mauvais mo- i UN CAS DR FIKVRE TYPHOÏDE 181 niêiits, el les spéculateurs vireni liicii que la hausse ue pouvait pas tou- jours durer. Un jour que j'entrai dans une maison où régnait la fièvre typhoïde, un triste spectacle frappa mes yeux. Une petite fille d'environ dix ans expirait dans les bras de sa mère (pii la caressait. Le col de l'enfant, non encore raidi par la iu(»rt, |>erniellail à la lête de se balancer en tous sens (piand la mère passait la inain dans ses cheveux; mais les mouve- ments cessèrent graduellement et alors elle fut convaincue que la pelile avait cessé do vivre. Qiioiiprelle ne versât pas une larme, elle ne pouvait cacher les angoisses de sa douleur. Pour ([ue la désolation de ce foyer fût plus complète, siu' un lil voisin était couchée une autre fille atteinte de la même maladie, e( si [làlc, (pi'elle semblait prêle à rejoindre sa sœur. J'en avais le cœur serré. — Avez-vous vu le médecin? dis-je à la mère. — Oui; il m'a donné une ordonnance, mais elle n'a pas fait de bien. — A-t-ilvu l'autre enfant? — Non. — Pourquoi ne l'avez-vous pas fait appeler? — Je suis trop pauvre, répondit-elle. Je me souvins que j'avais dans mon bagage un médicament que feu mon excellent ami, le D' F.-L. Harris, m'avait donné lorsqu'il me serra la main à bord du steamer qui m'emportait loin de l'Amérique, en me disant : «Ayez bien soin de vous, mon garçon! » — Je vais revenir, dis-je, et je vous apjjorlerai un remède poiu' votre enfant, qui sera, je l'espère, la consolation de votre vieillesse. Le médicament fit très bon elTet, et, avant que je quittasse la pro- vince, la fillette était guérie. CHAPITRE XIII Provinces iiiéridionalos do Wfslerboltpii. — Angerinanlaiiil. — rne belle livièrc. — Oriisknl «Isvik.— lue fôle |iitloresi|iie. — Ilerii'isaiirl. — .le iiiiilte llernôsaml.— Une roule cliarnianle. - Seène rurale.— Ecole d'agricullure à N'ordvik. — lieaux liiliments. — Quartiers des iHudianls. — H('i;ienienl#. — Accueil liospilalier. — Va diiier. — l.'holesse. ^ llonntteté du peuple. — Amélioration dans la végétation. — l'oniniiei-s. — I-e liameau de Nora. — Cliansïemenls de lenipirature. — Inc réunion. — La rivière Angermann. — Lue belle ferme. — (jrande hâssja. — Fabrication du beurre. — llarmanger. — L"église paroissiale. — Kpitapbes rlans le cimetière. — Cummeut on a siiin du pauvre. — Funérailles à Njnlanser. Au siiil lie \V('.l une liellc piovincc, cl lieaiicnu|i de ses vallées stiul liés prodnclivcs. l.'Aii^ennanelIven. (|iii aiiose lunl smi leni- toii'c, esl la plus prormide rivière du N^rdlaiid cl de lu Siicdi': les UNE COTE PITTORESQUE I8.i sleamboals la remontent jusqu'à Myland, distant d'à peu près soixante milles, les petites embarcations poussenl JMsi|ii';i Holm, à Ireiilc milles plus juin. La localité la plus se[)lenlrionale sur la côte est le village d'Ornskolds- vik, en laliludc 03" l.'J', an milieu de collines à rexirémité d'ini liurd, avec une pupulalioii de 000 âmes. Elle est composée d'une grande rue bordée de maisons giandes et commodes, doni deux ou trois ont environ l.'K) pieds de long sur 4U à io |)ieds de large; presque joutes reposent siu' i\r<- l'ond.ilions en granit et sont peintes en bl.iiie on eu jaune cliiii'. Il y ;i plusieurs magasins, inie sl.itioii léléyi-.iphiipie, un hôtel et im petit jardin piddic. Siu' la côte méridionale d'OrnskôldsN ik, la scène augmente de beau lé, et. jusipi'à Suudsv;dl. I;i rôh' l;i plus èlevi'c de l;i Suéde, de nombreuses îles émaillent la merle long du bord; les principales sont rilô-nord et Ulfo-sud, habitées par (pndipies ciuitiiines de pèriiein-s. La ville la |)lus importante et en même temps le port de la province est Heniôsand sur l'île dllernô, en latitude Oi° 'MV, avec nue po]»nla- tion de 4,700 âmes. Elle est admirabItMueul située sur la déelivilé d'une colline et ollre à la \ue de belles résidences; c'est le siège li'nn gouverneur, d'ini évèipie. d'inie cour ili' justice, et sa position près l'entrée de la |-i\iéi'i' Aiigernian lui donni' nue assez grande importance cminnerciale. \oii loin de la ville se lrou\e l'école d'agi'icultnre de .\ordvik, (pie j'allai visiter le 28 août en prenant passage à bord d'un petit steamer, La matinée était superbe et l'eau sans une lide; l'air avait la séche- resse particulière, la pidpriéié rafraîchissante (pii donne la force à l'homme l'aligné et lend la sauté au malade ; il fallait se nnniir d'im pardessus, car sur le pont le mercure était à ."j:!". Après avoir vogué im l)eu pins d'une heure, je débarcpiai et trouvai le directeur de l'école (jui nous attendait; nous passâmes en voiture par un cliaihianl pays, sur une roule excellente ipii côtoyait le liord. L'iie brise légère et fraîche, chargée des émanations des plus et des llenrs sauvages, souftlail sur nous; des oiseaux et des papillons voltigeaient partout, et des ruisselels d'eau claire bondissaient en bonillonnani dans leur course vers la mer; la roule était bordée de cha(|ue côté d'une herbe courte parsemée de nndhers en pleine lloraison. Pendant (^ue nous montions et descendions 18i LK PAYS DU SOLEU. DE MINUIT les collines, des lionls, des iles, des navires, des bois, des fermes, des prairies et des cliamps cultivés venaient successivement frapper nos yeux. L'école de ^'ordvik est nue iiistihilidii plus ancienue (jue crile d"Inner(afle; elle est aussi dans un district l)eaucoup |)liis leitile et plus pen[tlé: c'est pounpuii l'agriculluie a plus tressor, el les expériences sur différentes espèces de grains peuvent être poursuivies avec de meilleurs résultats par suite de sa situation plus méridionale. Les bâtiments de la ferme sont commodes; on y a joint une im- mense grange d'environ 200 i)ieds de long et large en proportion. Au rez-de-chaussée se Irouveiil les écuries jiour le bétail], avec un chenal par leipiel les déjeclions des animaux se rendent dans une hutte adjacente, où l'engrais est préservé de tout contact avec la pluie; en outre, un grand espace pour remiser les voitures, chars, charrues et autres ustensiles aratoires; de l'autre coté, on enunagasine le grain. De mémequ'à Inncrlalle, les jeunes gens qui recevaient riiisiriiclion étaient au nombre do douze; leur cpiartier renfermait une cuisine, une salle à manger, une salle d'étude, et des chambres à coucher, le tout remanjuablement propre. A midi, ils vinrent diner; c'étaient des gars solides et bien portants, aux visages hàlés par le grand air. Les étu- diants d'ici me parurent plus avancés en écriture que ceux des pre- mières écoles (pie j'avais vues, et pourvus d'une meilleure éducation préliminaire; je remarquai un iierfectionnement progressif sous ce raj)- port à mesure (lue j'avançai vers le sud, dans des districts plus riches. Ces jeunes gens, par l'étude, le travail, et l'économie, se pré{)araient pour la carrière agricole, cette noble profession qui doit être le but incessant de leurs efforts; ils désiraient en porter haut le drapeau cl se tenir au niveau de la marche du progrés. L'école n'avait que seize vaches, mais les produits s'amélioraient raiiidement en apparence aussi bien (pi'en valeur. Une des vaches avait donné dans une année 300 gallons de lait', deux gallons un quart rendent, en moyenne, une livre de beurre ; on tient un compte exact dé la (piantité de lait donnée par chaque vache, surtout (piand les élèves 1. I.i' yalldii \:iiil i lilri's, :)434o. UN REPAS Sl'KDOIS 183 sont croisés, afin de constater le degré do perfectionnement dans la quantité et la qualité du lait et du beurre. Notre hôte nous invila à partager ce qu'il appelait un diner de campagne, un peu dilïërent de ceux que j'avais vus précédemment. Un gros bouquet ornait le centre de la table et on avait garni le beurre de fleurs charmantes; cà l'une des extrémités était placé un bol en argent contenant du sucre en poudre; de l'autre côté, un pied en argent sou- tenait un plat de cristal rempli de framboises fi'aîchement cueillies dans le jardin, et une cruche de porcelaine contenant de la crème exquise. Ce repas était une combinaison de smôrgasbnrd cl do dîner. Après avoir fait disparaître les plats composant le smôrgasbord, on servit une délicieuse soupe aux légumes, mêlée avec du lait; après quoi, je pris, ainsi que je le vis faire par le reste de la société, des framboises et de la crème, pensant que le dîner était fini et que nous en étions au dessort ; à mon grand élonnement, un autre service apparut, consistant en plusieurs coqs de bruyères et un pudding. On buvait du lait et de la bière. L'hôtesse, d'assez grande taille, avec des cheveux blonds, de doux yeux bleus et un joli teint, portait une robe claire montant jusqu'au col; pour seuls ornements, elle avait une collerette brodée et un ruban de velours noir retenu jjor une petite broche cw or; un filet de soie noire, au travers duquel ses cheveux paraissaient encore plus blonds, com- plétait sa toilette. Deux servantes l'assistaient, mais elle réservait son attention personnelle à ses convives, qu'elle pressait d'accepter les plats les plus friands d'une voix suave et avec une charmante simplicité de manières. Le voyageur voit partout des preuves de rhonnèleté de ce peuple. Quoique la maison donne sur la grande route, je n'avais vu personne en y entrant; tous étaient à l'ouvrage dans les champs; on avait laissé les portes ouvertes, et, dans les chambres à coucher, les montres pendaient aux murs; auprès de leurs lits, les étudiants avaient accroché les portraits de leurs pères, mères, sœurs, bien-aimées et amis. Je constatai une amélioration marquée dans la végétation; bien qu'à seulement 80 milles au sud d'Umea, le jardin expérimental contenait plusieurs pommiers, qui poussent ici au nord le plus lointain de la Suède, soit k environ 62° 40', de latitude. Les fruits étaient petits, mais 186 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT certains arbres, encore jeunes, en paraissaient surchargés. Celle roliusie esjjèce de pomme vicnl de Russie et s'acclimate bien dans cette itarlie de la Suède; elle réussirait probablement aussi dans la section se|)lentrionale desÉlals-Unis. Il yavailencore plusieurs cerisiers dont les fruits mûrissaient, des groseilles, des fraises, des légumes beaucoup |jIus avancés (pie ceux (pie j'avais vus jusque-là; on cultivait le hié ri le lin (pie l'un cxporlc. Dans ce district, un élève iiiic race de grands cl forts clievaiix [loiir les brasseurs. Dans l'après-midi, nous allâmes faire un tour au hameau de Nora, à trois milles environ de Nordvik. Quitlaiit la grande route, nous passa mes par une vallée parsemée de nombreuses fermes; une petite rivière ajoutait au charme du paysage. Nous vîmes de superbes champs d'orge el de lin ; on cidlivi' ènoriuémeiil le lin, ipie les fermières tissent [tour l'usage domestiijiie ; les moissoiiiieiirs élaienl occupés à coiiju'r l'orge, liendant cpie les gairons el les lilles la liaieiil eu javelles. Les grandes charrues à iii'ige, le liing de l;i loiili', nous ra|)pelaient ([ue ce riant tableau allait bienlol dispaiailre el {|ue l'hiver donnerail un autre aspect au paysage; en elfel, si grand lui li' changement, (pie, plus lard, je ne reconnus pas l'end roi I, lors(pie, dans ma roule vers l'extrême nord, je passai devant la Landllnnks-Skola sans m'y arrêter pour remercier ceux (pii avaient été si bons pour moi. Xoire excursion finit au petit lac Nora, près duipiid soid bâtis !'('■- glise et le presbytère; l'inslituleur demeure un peu })lus loin. La maison d'école peinte en rouge est sur la roule: on a élevé trente ou ipianmte huttes en troncs d'arbres, à (■(■)lé les unes des autres, pour abriter lestdie- vaiix contre les venis de l'hiver et les lein|ié|es de neige, pendant ipie leurs maîtres sont à l'église. .le fus surpris des changements subits de la température; ipielipie- l'ois nous voyagions par une atmosphère chaude, suivie instantanément d'un coup d'air glacial, ampud succédait aussitiM nu autre plus chaud. Le lenijis se refroidit. A sept heures du soir, le mercine se tenait kliO", pour descendre à huit heures à iO", à dix heures, à 44°, bien ipie dans ra|iiés-midi, la lempèralnreait été de o!)";'! l'ombre et de \ 14° au s(deil i. Dans la soirée, le pasteur de Nora vint nous rejoindre, el fut le 1. .NiiiH i;i|i|ii'I(iiis i)ii'il s';ii;il Imijdius ilii llicniKinH'Irc l'iiliicnlicil. UNE FERME DE L'AiNCIE liMA.NLAM) 187 hienvenii pniir Inus. Vn Ir.iil qui caraclériso lo clorg('' suédois, c'est qu'il se mùlo aux plaisirs du peuple au milieu duijuel le sort l'a placé, qu'il assiste à ses danses et à SCS réunions publiques. On voit souveni I'ecclésiasti(jue smu'ire à ses panjissicns ([ui s'amuscnl, liciireiix de leurs plaisirs et presque toujours on le regarde comme faisan! parlic de la famille. De telles scènes me ravissaient ; car il est évident qu'une iniluence morale salutaire s'exerce à la fois sur l'ecclésiastique et le peuple, en inspirant au dernier un excellent sentiment de retenue, et en donnant au premier une perception du cœur qu'aucun liomme ne peu! avoir s'il ne se mêle à l'humanité. Une course de trois (piarls d'iieure nous conduisit de Nordvik à Hornôn, où, sur un bac, nous traversâmes la rivière pour prendre passage sur le steamer qui remonte l'Angermanelf. La contrée devenait de plus en plus pittoresque à mesure que nous remontions la rivière, sur les terrasses et le sol alluvial de laquelle se montraient de nombreuses fermes. Dans l'aprés-niidi nous alleignîmes lioini, h' ]ioinl li' jilus élevé de la navigalion à vapeur, où ikjus apprîmes ipTune gelée blanche s'était fait sentir pendant trois nuits consécutives. Non loin du déliarcadére, sur la rive gauche, se trouve une des plus grandes fermes d'Angermanland, où, avec une parfaite i)olitesse, sou propriétaire nous attendait pour nous recevoir. Il m'invita à demeurer chez lui laiil (pie je le voudrais. Celte ferme a en cullure plus de 700 acres de terre, dont l'oi-geesl la principale réculle. Sur une petite île voisine, contenant environ loO acres de terre de pâture et de bois, du bétail appartenant à l'Étal avait été laissé en liberté pendant l'été; ces animaux parureni joyeux de nous voir, ils accoururent; les chèvres et les moutons se mirent de la partie, et nous les caressâmes ton! à notre aise. Les bestiaux d'une ferme Scandinave soiM toujours ap|irivoisés pai'ce (pi'on les traite avec bonlé. 11 y avait dix-huit giands communs, séparés l'un de l'autre par pré- caution contre le feu; en Amérique, cesbàlimenls coûteraient beaucoup d'argent. L'une des hassja était la plus grande ipie j'eusse jamais vue; elle avait 180 jiieds de long et une hauteur iiroportiunnèe; n(»ii loin d'elle s'en dressait une autre d"en\ir(in 1 10 pieds de long, 40 de large et .30 de haut, avec onze traverses soutenues par vingl snpporls placés vi'rlicaleiui'ul. cl un gi'and esiiace dans le milieu piiur servir d'aire à 188 LE PAYS DU SOLEIL DE MINLIT hatiro le gnin. C'élnit l.i première ferme avec une i;lacière que je voyais dans le nord ; on n'ulilisait pas la glace exclusivement comme luxe, on l'employail aussi pour la conservation du laitage que l'uii Irnoil, en l'entourant d'eau, à une température uniforme de 42°. On considère ce procédé comme meilleur que celui qui consiste à tenir le lait dans une eau courante ou dans une chambre froide ; la crème ne s'aigrit jamais et le beurre est infiniment meilleur. Après une tournée dans Angermanland et Medeipad, j'entrai dans Helsingland, naviguant le long de ses côtes, marchant sur ses bords, et passant quelque temps dans des fermes confortables. Ses deux villes principales sont Hudiksval, port de mer, en lat. 61° 30', avec une [)opula- t ion de 3 , 700 âmes, à l'extrémité d'un fiord : et Sôderhanm , en la 1 . 0 T 2o' . avec une population de 6,200 âmes, non loin du déversoir de la rivière Ljusne qui sort des montagnes d'Herjeadal et traverse toule la région. Celle i)rovince abonde en grandes forêts et en marécages. Dans l'inté- rieur, un certain nombre d'habitants descendent de Finlandais. Une grande route, passant par le district de Herjeadal, conduit à Roraas, en Norvège. Pendant ipie je voyageais dans cette partie du pays, je m'arrêtai une après-midi à Harmanger, jirès de la mer, devant une ferme dont les bâtiments formaient un carré, et j'entrai par un porche. A ma demande d'y demeurer quelques jours, on répondit que j'étais le bienvenu, et une servante me conduisit à l'une des chambres d'amis, à l'étage supé- rieur. Après avoir pris un repas frugal j'allai au presbytère, où je fus amicalement reçu par le pasteur, (jui, à ce moment, préparait la jeu- nesse de la paroisse pour la confirmation ; cet excellent homme insista vivement pour que je m'installasse chez lui. Quand nous allâmes visiter l'église, il en prit la clef. Ici, les clefs sont toujours très grandes, sur- tout celles des églises, dont les serrures sont souvent fort anciennes. Celle-ci avait au moins un pied de long et un tel calibre, qu'en perçant un trou dans le tube, elle aurait l'ail un 1res bon pistolet d'arçon. La vieille église d'Harmanger, construite en pierres brutes de dilTé- rentes tailles, était, comme d'habitude, au centre du cimetière. A côté s'élevait une tour d'environ vingt i)ieds carres, dont les murs très épais étaient lisses à l'extérieur, mais rudes et non terminés à l'inlé- L'EGLISE D'HARMANGER. 189 rit'iir; jiersoiiiie ne s;iv;iit quand ni par qui celle Idin- avait élcbàlie; le |»asteur me dit qu'elle datait de l'époque païenne et que l'on s'en servait probablement pour les sacrifices. On y entrait par un porche d'une forme bizarre. L'autel est ancien, en bois peint et doré, portant l'image d'un ange aux mains jointes et aux cheveux d'or, entouré de nuages sur lesquels repose un agneau tenant une croix dans ses pattes; la partie inférieure de l'ange est cachée par des rayons. A gauche, on a représenté le Christ de grandeur naturelle, avec d'affreuses blessures au côté et tenant en main une balance dont un des plateaux porte un cœur saignant, et l'autre une épée. A droite, on voit une femme tenant une croix d'une main et de l'autre la Bible; une ancre est au bas de la croix; à ses pieds se tient un enfant et une jarre renversée, qui laisse échapper des pièces d'or. Sur les fenêtres, on a peint deux chérubins, l'un avec une trompette etune couronne, l'autre avecune branche depalmieretunetrom- pette. Il y a aussi une grande croix sur laquelle est horriblement repré- senté le Christ crucifié et couvert de sang. Ces peintures datent d'avant la Réformation, mais la chaire est moderne. En face de l'autel, on dé- couvre de vieilles dalles; sur l'une on lit la date MDC : XXIl, et sur une autre 1G69 — 1691, avec des inscri])lions latines. Ici, j'ai rencontré d'anciens noms Scandinaves : Erik, Carin, Brita, Olof, Lars, Ingre (Inger), Ingrid, qui sont très rares plus loin au nord. On prend soin d'une façon très particulière des pauvres de cette paroisse. Pendant que je causais dans une maison, entra un vieillard habillé de neuf et portant un chapeau de soie de forme haute; on le pria de s'asseoir. Lorsqu'on m'eut dit à l'oreille que c'était un pauvre, je pus à peine le croire. Celui qui a besoin d'être secouru doit prou- ver devant le Hâradsting qu'il est trop vieux et trop infirme pour pou- voir travailler; il est alors autorisé à demeurer six jours dans chacune des fermes de la paroisse. Je fus surpris de voir avec quelle bonté on les traitait, — en bien des cas comme des visiteurs, — recevant les meilleurs aliments du jour et un bon lit. Ils vont ainsi d'une ferme à l'autre. On a bien soin d'eux, car ce serait une honte pour un fermier si le bruit courait qu'il est dur |)our les malheureux. Il arrive quelque- fois (ju'un homme n'es! pas absolument incapable de pourvoir à ses 190 LE PAYS DU SOLEIL DE MIXI IT besoins; ilans ce cas. les autorités de la paroisse prennent des arranije- ments avec des fermiers rpii doivent payer annuellement une somme déterminée, en sli|Mil;iiil ipielle sorle de travail un lionune peut enliv- prendre; c'est géiiér.drmeiit de ,u;ii'diM' les mouluns ou les vaclu'S. de fendre du bois, de lirei' de Tean. en un mol de se rendre utile ;inl;iul que possible. Ils pensent que ce système est moins démoralisateur ([ue celui des dé[)ôts de mendicité; cependant, il y a parfois de grands inconvéïdeuts: ainsi j'ai vu un homme tellement vieux et imbécile, (pi'il n'élnit pas loin de l;i brute par sa malpropreté, et causait beaucoup d'ennui aux familles ipii, à tour de r(Me. devaient [irendr(^ soin de lui. • Un peu plus loin au nord, on ai-rive dans la pilloresipie vallée de Jâltendal. Un dimanche malin, comme j'iMilrais dans l'éi^iise de Njulanger, je vis près de la pdrie. et louchant au cimelière, m\ cercueil contenant un enfanl luorl; on navail pas encore mis le cduvi'rcle, de sorle que les voisins el les amis pouvaient jeter uu regard sur le dél'ind ; le corps élail littéralement entouré de fleurs. Dans un groupe rapproché se tenaient plusieurs filles et femnu's velues de noir, avec i\i'<. laldiers, des coiffes et des cols Itlancs; c'étaient les parents les plus i)roches, et leur li)ilel|(> élail lui signe de grand deuil. Qiiehpies jeunes gens (pii devaieni leiiir Un cdin du puèle porlaieni un brassai'd de mousseline blanche; deux hommes avaient uu pelil liouquel de Heurs à leur boiilonniére. Le curé arriva bientôt et l'oflice des morts commença ; les hommes debout d'un côté et les femmes de l'autre. A la fin de la cèrénuinie, le curé jeta trois pelletées de lerre sur le cercueil et entra dans l'église pour célébrer le service ordinaire. Eu Helsingland.Cdmnie dans d'anlres provinces ilii nord, la cullure du lin est commune e| les l'enimes sonl habiles à fabriipier la toile. Ici, bon nombre de maisons de paysans olfreni l'image d'une aisance ipii réjouit les yeux de l'étranger. En entrant dans une maison je vis deux niéliers à lisser, selon l'anciemie méthode, la même qui a servi pendanl des générations ; à l'un de ces métiers, une des filles lissait de la loije; auprès d'elle, sur une chaise, un gros rouleau de beau drap de colon qui avait été fabriijué par une autre sœur allait être employé jiour faire des vêlements à la TISSAGE Dr LIN 191 famille. C'(''l,iil une habile ouvrière qui pouvait fabriquer douze alnar (24 pieds) par jour. A l'autre métier, la mère tissait une étoffe en laine brute pour confectionner des liabits d'hiver à soi\ mari et à ses garçons qui devaient être habillés de neufpour Noël. Deux des plus jeunes sœurs étaient occupées à fder, pendant que la servante cardait de la laine. Nous allons maintenant ([uitter Helsingland, faire route vers le Jemlland, et de là passer en Norvège. CHAPITRE XIV D'Oslersund en Norvèse. — liaisons de fermiers en Jemtland. — Paysage sur la roule. — Un tronpeau de bétail. - La ville d'Oslersund. — Une confiante hôtesse. — Trôs'i. — Fossoyeurs. — Départ d'Ostersund. — Forets immenses. — Gibier. — Une pittoresque contrée. — Un clieval intelligent. — .\reskutan. — La frontière norvégienne. — Descente vers la mer. — Scène superbe. — Une ancienne ferme. — Levanger. — Un district fertile. — Trondlijem. — Il y a plusieurs grandes routes depuis la cùte ouest de la Baltique qui convergent vers la ville d'Ostersund, en Jemtland, et, de là, vers les villes norvégiennes de Levanger et de Trondlijem, sur la mer du Nord, en traversant ainsi la péninsule d'une mer à l'autre. De Hudiksvall, la route passe dans toute la longueur de la province d'IIelsingland, de Sundsvall, [lar celle de Medelpad et d'Hernôsand, en suivant TAnger- manelf et en franchissant l'Indalself à Ostersund. La route la plus directe passe par Sundsvall, dont la dislance jus- qu'à Trondlijem comiiorle 500 milles; mais elle est l'aligiinle et ])oii- dreuse; la plus pittoresque est celle qui part d'Hernnsand le long de la rivière Angerman. Bienl(M une communication directe par chemin de fer reliera les deux villes. Le 29 août, en quittant Holm et en passant par un beau pays, j'arri- vai au hameau de Solleftea, où deu.\ fois l'an se tient une foire; je logeai pour la nuit dans une ferme très bien tenue. Tout le lont; de la route MAISONS D'ETE ET .MAISONS D'HIVER 193 depuis 1.1 int'i-, j'ai remaniiic que le seigle d'hiver poussail |»lus aboa- daniineiil (|ue l'orge; cependant, les deux recolles paraissent mûrir à la même époque; les avoines étaient en relaid : elles exigeaient eiR'ore dix jours de plus, car Tété avait été froid; les groseilles étaient bonnes à cueillir, cl les carottes, navets, panais el [luis semblaient en bon étal. Le lendemain matin, j'atteignis le hameau de Foros, sur les rives de rindalself, par une belle route depuis l'Angermanelf. Je ne vis |)oint de « lu'issja » , car, dans ce district, on sèche et on bot le grain en plein air. Le seigle d'hiver était coupé, l'orge allait tomber sous les faucilles des moissonneurs, les avoines jaunissaient; siu' la côte, ou apercevait des champs de chanvre (|ue l'on file pour en faire des lilels de pêche et des 'fïf'f' ^' Jeunes lillcs du Jciullaïul. cordes. Les pommes de terre abondaient et chaque ferme avalises jilan- tations de houblon, car les fermiers brassent eux-mêmes leur bière. D'immenses blocs errati(pies étaient dispersés sur la surfari' du pays. Les hameaux sont éparpillés partout (Ri le sol est fertile, et les champs et les prairies semblent plus gais, lorsqu'ils sont séparés par des étendues de pays rocailleux ou des forêts. Les maisons des fermiers aisés de rAngernianland méridional el du Jemlland, S(int excessivement propres. Beaucoup de fermes ont deux maisons d'habilation, dont l'une n'est pas occn|iêe par la famille, mais toujours tenue l'ii ordre parfait; une des maisons sert pour l'élé el l'antre pour hiver, « afin de d(»nner à l'une le temps de se reposer», comme le remanine le [leuple en riant. la 194 LH PAYS Di; SOLEIL DE MlXLlT Ll' [laysage cliaiigeail c'iiiitiiiiH'llt'iiiciil (l'aspccl; cï'laieiil dt'salter- nations de belles terres cultivées, de sulitudes forestières, de rivages sou- riants, de lai'S, lie siiiulires marais: de leni|is à aiiliv, l'indice d'un ('(tiii's d'eau à la iilanclie écume, se ln'isanl (■(inhc les rdcliers et les blocs gra- nitiques qui ciintrariaient sa course. Lesnnils froides — leniercnrese tenait à M" — pronvaienlque l'été liiiissail, bien (|ue, pendant le j(inr, le soleil fût très cliaud et que le mer- cure atteignit souvent 68° à l'ondire à une lieure trente minutes après midi; les hirondcllrs se rénnissaicnl pour concerter leur migration vers le sud, el le bélail revenait de la Norvège. Nous rencontràuu's un troupeau de deux cents vaches ipii suivaient une iille dont les cris aigus les faisaient avancer: à une courte distance en arrière, venaient douze chevaux coiuluits par nn Inuume dont la pro- fession était évidemment celle de conducteur de bestiaux. Un des che- vaux se délourna et nous suivit, eu dépil de nos elforis ponr l'en em|ié- clier; il fallut nous arrêter et le coidier à un honuue (pii passail dans la direction op|iosée. Vint ensuite un troupeau de moutons; dès qu'ils eurent aperçu notre cheval, ils relournèrent sur leurs pas el se mirent , el le cimetière enloure l'édifice. Comme on était au samedi, les fiunbes avaieni élé décorées de lleurs par les parenis et les amis, si'lnn la bi'lli' coiilnme sni''doise el nor- végiemie. Sur les tondies des panvn's, les survivants avaient déposé des guirlandes et des bouipiels di' llems sauvages, n'en ayant j)as d'au- tres à doimer. On avait passé des heures entières à les cueillir dans les bois et les prairies, ce matin et la soirée précédente, et la partie lin cimetière à côlé de la i-oule ressemblait à ini jiarlerre fleuri. En errant de lonibe en londie, lisanl les èpilaphes, mon allenlion s'arrêta sm- nue inscri|ilion indiqnanl que Irois si/s/,onrn (frères el sœurs) étaient enterrés là. Les nuits inscrils snr un pairhemin, au sommet de la tombe, étaient les suivrnt> : l'J8 LE PAYS DU SOLEIL DE MIM IT SYSKONNEN Arvid Erlam) Beum Fiïilil (li'u IT'''^' inaj, 18;i:i; (Ind ilcu l»"" jaii. I8;i8. ^.^6 le n mai ISjj; iiiori lo l" janvier IS.'JS.) AiiviD Emmanuel Fi'liM iliMi 20'!'^ IVLir. 1861; ili'lil ileii l«><- juin 1865-. (Xé le 2(1 fi'vriLT 18G1 ; mort le i'''- juin 1864.) Emilia Virgina Maria Guhistixa. rôdd don 24'i' fobr. 1803; morle le r.i mai 1804. (Née le 24 février ISu.'i; morle le 2;i :'Mi 1864.) L('|ii'lit Aiviil Eiiiiiil ('iail iiiori le jdiir iiiriuc lu'i l'aiiiirc unissail ; il n'avail |ias li'dis ans. Eiiiiiiaiiiicl riail drcnlr le iiiviiiicr jniii' di' juin, (|iiaii(l le soleil (■oiiimeiicc à élic cliaml, (|iiaii(l les Heurs s'ouvrent el (|ue les oiseaux aiment el chaiilenl. Emilia seiidorniit sur le sein de sa mère, sans din"' eomldeii elleavail soulïerl.Mais ees pelits êtres n'avaient pas élé oubli(''s, comme le |iroii\aienl Iniis i;i'aiids li:iui|uels posés sur l'endroil où ils reposeiil. Ia'S oiseaux clianlaienl , li's alieilles el les papillons volliueaienl de place en place s\n' les londies el lonh' la naliire souriait. Une liculille brise, venani du lac, appoi-|ail les parl'nius des fleurs sauvat;es et des pins, sui' celle deiniére demeure de riiomme. Eulendanl des voix el nii son élrani^v, j'allai de l'aulre cdié de l'église, où ji' vis im conirasie :'i la scéni' doni je venais dèlre le lémoiu. Les llem's élaicnl plus l'ares, les uionlicides siu' les lombes a\aii'nl ('dé négliiiés ou lombaienl en ruines, el, plus loin, on n"aperce\;iil plus de llenrs. U'élail le lieu du repos de ceux(p[i élaicnl moris depuis lonL;lem|>s, el on les a\ail oidili(''s. Un C("il('' du cimeliére formai! la parodie de I aulre. .i'enlendis de nouveau un son (l('\((ix(d un briiil de licidics ; j'aperçus deux l'ossoyeiu's. La lonibe (pi ils ci'ensaienl élaii longue , laruc el profonde, car ils fiis licnl i]r la place poiu' |il(isi('iirs nioiis, le cimeliére élan! plein. En Suéde el en .Norvège, les oimetières sont des terrains consacrés et ou ne les agiandil pas. On enterre géiiéralemenl ensemble les gens de la même famille, el il doil y ;ivoir six pieds de lerre au-dessus de la londie, avec un luonlicide indi(pianl la place. Oiiand le cimeliéi'c eS' plein, on ouvre les anciennes lombes, el l'on (('nnil les ossemenis, (pie I ou place dans im lien S|iécial, — bâtimenl consirinl pour cel (dijel , (pie j ai (|nid(|n(d'ois \u rempli de ces restes i\r rimmanih'. SPI.ENDIDE PANOHAMA 100 La beauté du coup d'œil atteint son point culminant près de l'église et de la maison d'école, d'où l'on peut voir douze églises. Je demeurai longtemps immobile auprès du vieil édilice, car la splendeur naturelle des environs ne ressend)lait pas à celle des autres paysages suédois (|ue j'avais vus. An loin, vers l'^uesl, les contours des montagnes nei- geuses paraissaient adiincisetllocouneux; le lac semontrail an bas, avec ses eaux limpides semées de charmants îlots couverts de pins et de .sapins, avec ses bords dentelés de petites baies pareilles à des llords péné- trant dans l'intérieur; les collines et les arbres se miraient dans l'ean, et, j)lusloin, s'estompaient de sombres l'oréts; les rives descendiiicnl en iiciilc douce et des maisons de fermes peintes en rouge élaienl disséminées partout au milieu des cli.imps couverts d'épis dorés cl de belles prairies. Le Jemtland est une des i)lus grandes provinces de l'intérieur de la Suède, et s'étend vers l'ouest jusqu'à la frontière de la Norvège. Dans quebpies parties, il s'élève de 000 à 2,000 pieds au-dessus du niveau de la mer. Souvent, et aussi loin que peut atteindre la vue, on ne voit dans toutes les directions ipi'nne masse d'arlires sombres et superbes, des C(dlines et des montagnes couvertes jusqu'à leurs cimes de pins et de sapins. 11 y avait qutd(]ue chose d'imposant dans celle immense étendue de pays, où le ciel bleu et les blancs nuages neigeux formaient un contraste étrange avec ces millions d'arbres. Beaucoup de vallées sont 1res ferliles el bien cnilivées; luais dans les hautes régions, ce ne sont que vasiiludes de terrain stériles. Diius les replis de ces forêts, on trouve \'éhn [alces iiuildiis], un peu pins pe- tit et avec des cornes plus étroites (jue l'élan d' Amériipie [alces (imcricK- fit/s). Le renne sauvage [ra/if/i/'er tarandus) erre aussi dans cette fi'oide région montagneuse. Le glouton {fjido liiscus), le renard, le loup, dans quebpu's districts, sont inc(mimodes pour les lrou|teaux. L'ours iiirs/fs arctos) fré(|uente les forêts, el détruit annnellemenl un nond)re consi- dérable de bétail el de moulons, ipichpiefois même des cliev;inx. Ces ours alteignenl leur plus lorle taille el se montrent en i)lus grand nombre dans le Jemlland, le Wermland, le Dalarne el dans la Norvège centrale ; ils égalent presipie l'ours gris (î/r-s/w IiornbUh) des monta- gnes Rocheuses. Le gibier est très abondant en bien des parties de la province. Le cop de bi'Mvêr(\ on lélnis des bois ^ Iji'lder » (Ictnio iinxjdlhix], se 200 LK l'AYS Dr S(llJ:iL DIO MIM IT Vdil nirmi' pivs (les riiiitcs. cl iiiilrc |irrsoiicr', pris plus ipic ccllo dr ikis clicvriiix, ne sciiililail l'clïiviyer. Ces oise;in\ (nil Irs plus gr.'inilcs ;iiles (II' liiiil le i^iliiri' ;i iiliiini's ilrs I'iutIs do l;i Sc.iiiiliii.ivic, cl, qiiaiiil ils sont cuits cl prcpaics à point, ils cimslilncnt nn manger dclicicux. Us pèsent de 10 à lolivi'cs cliacun, et iiième davantage; on en prend de grandes qnantitcs dans des pièges en hiver dans le Ni)n'laiiil, cl on les envoie dans les villes. Le tétras noir, « orre » (tctnto tetri.r), le tétras noisiile « lijer[»e » (hinid bnnnxht), le plaimigan " dalripa » iJn- l/njiiis fiiihdip'niiis], cl le [ilarniigan de montagne (Imjopiis alpinus), aliiindenl aussi et l'on en trouve dans beaucoup de provinces. La perdrix {('<■ tuyaux. Un des bâtiments avait des étables jiour plus de oO vaidn's. el une écurie pour Oclicvaux; au-dessus de la vaclierie se ti-ouvail lui grenier où l'on pouvait emmagasiner plus de cent tonnes di' foin. Le monde était occupé à la réecdte; les fenunes liaient les gerliesel senddaient sonlfrir di' la chaleur ilu soleil; lieain-ou|i ne portaient ipinne longue chemise en toile avec i\t'^ m;inclies, et un inouidioir uoiié comme ceinture autour de la lailli'; dans lein' innocence, elles ne paraissaient nullement alai'mées, lorsipie, en se liaissanl. elles faisaient voir leur poitrine. Je ne m'étonnai |ilus di- re\ci'llence i\f<. rouli'S de la \or\ége (piand Ji' vis la manière ihinl on les a conslrintes. On a l'ail d'abord inie fondation de gi'os blocs l'onds, sui' lesipiels on a placé i\cs niorceanx de granit ou de gneiss ;i une profondeur de \'6 ;'i ly |(ouces; puis li' loul a été recouNcrt d'nne épaisse couche de gravier; je compris alors pour- quoi la pluie ni la neige ne les ;dfeclaieid. P.ir moments, la roule était très accidentée, ce ipn rendait les monli''i's et les descentes escarpées; ;i la station, les pone\s étaieid en meilleure ciindilion (pie sur lieau- cou|) di' routes; cela tenait à ce ipi'il y avait peu de voyageuis. Dans celte région, aussitôt ijue commence l.i descente, (in h'iclie les rênes aux chevaux, qui, immédiatement, dégringolent les collines à triple galop. Leur allure est effrayante, mais ils ont le pied si sûr, (pi'il n'y a point de danger. Les fermes varient beaucdup selon les distiàcls. Depuis Forliord, la vallée élail bien peuplée, mais les b'rmes petites. La plupart des demeures des pauvres gens n'avaieid (pie des toits couverts d'herbe, tandis (pie d'autres l'étaient avec des barde;iux; un ('('ilé de la maison 1; GiUiid, !/iint, IVniic. Uôiclr, ^iiig. Ut/;(ilait avec rage dans lui torlneux canal, entre des murs de idcliers séparés l'ini de l'autre de moins de 15 pieds. A la station de Drivsinen, à enviidii 2,200 pieds au-dessus de la mer, la vue est énuiuvante. Un peu plus loin, la montagneuse et solitaire slalion de Kungsvold est niellée dans une gorge du Drivsdal, aune hauteur de 3,0(33 pieds au-dessus de la mer. Le vent sonlïlail l'nrieusemeiit, mais ma compagne y paraissait indifférente, anxieuse ([u'elle élail d'arriver cliez elle. Le cheval que l'on m'avait donné à la station semhlait avoir deviné que je n'avais point de fouet, et tous mes efforts pour lui faire jirendre une allure plus accélérée demeurèrent infructueux jusqu'à ce qui' j'eusse ordonné à mon postillon de coupei' une haguette de saule dont la vue ])roduisil sui' l'animal un elfel magiipie. Quand nous alleignimes le plus liant point de la rouli\ 4,594 pieds au-dessus du niveau île la mer, le thermomètre marquait 22°. Nous descendîmes alors vers un groupe de sombres maisons à Hjerdkin, la slafion montagneuse la plus élevée sur le Dovre lield, fondée dans la premiéie moitié du xf siècle et nommée Fieldstiien. Les indigènes ont conservé leur hoimételé malgré les fen- lalions qu'olïre une des slaliuns les plus fi'éqnenlées entre Trondjliem et Chrisliania. Les voyageurs s'a ri'è lent iri en élé el en hiver, el duraul les mois d'élé, l'endroit est toujours plein d'élrangers, surloul d'An- glais. Celle localité el .ses environs exeiceni une sorle de fascinalion. Le touriste peut parcourir le plaleau du Dovre field, rafraîchi (lar des brises forlilianles; le botaniste y trouvera en aljiiiidance d'ex(|uises fleurs n.iliirelles. Les courses sur les collines, avec de geulils pimeys norvégiens au pied si sûr, sont exlrènu'inenl agréables; le piélnu qui aime à gravir les al[)es peut faire l'ascension du Snehaelten, la plus haute moniagne de la chaîne ipii s'élève à 7,714 pieds, et ex[)lorer ses glaciers; et, quoique le renne soit rare aujourd'hui, l'ieil exercé du chas- seur p.nvieiidia encore à en démnvrir de |ieliles Inuqtes. Lanmirrilnre est bonne; la crème, le lai! el le beiu're sont paifails. Les piix se tii-'inienl un peu jdus cher que dans beaucoup d'autres places; mais la distance de |;i nier est grande. En Norvège, on ne considère pas le voyageur I.c Muiai-'luss iliiiis la liouisiUili'ii. UNE MAUVAISE HECOLTE 215 comme une poule hoime à plumer, et on n'exige pas de lui des prix exorbitants. La neige, (jui él.iii épaisse par terre, àHjerdkin, avait graduellement dis[iaru avant (pie nous atteignissions Fokstuen, à 3,1 50 pieds au-dessus du niveau de la mer. A Dombaas, où il y a une station télégraphique, la scène avait entièrement changé, et des champs d'orge ondulant sous la brise char- maient les yeux. On voyait disséminées çà et là, par groupes, de petites fermes; mais le disirici esl pauvre, elles fdles en général sont contentes lorsque leurs voisins plus riches les engagent moyennant quatre ou cinq dollars par an, y compris riiabillemenl. Ici, à 2,000 pieds au-dessus du niveau de la mer, les récoltes n'étaient pas parfaitement mûres, la saison ayant été tardive. L'orge aurait eu besoin de quelques jours de soleil de plus, et les pommes de terre étaient encore en tleurs. Li's soirées devenaient froides et les visages des fermiers laissaient deviner Icui' iuipiiéluih'. Le vent soufflait duN.N.O. et [tendant deux nuils consécutives une dure gelée s'était fait sentir. Les pommes de terre devinrent noires et la récolte du grain fut sérieusement compnmiise. Après la première gelée, chacun se mit à l'œuvre dans les champs; hommes et femmes coupèrent l'orge et toutes les mains capables piochèrent lespommesde Icrre. La ilnulcurétreigaail le cœur des fermiers; car c'était une grande allliclion [Miur eux, et, pen- dant ces quehptcs jours, des larmes coulèrent sur bien des joues mater- nelles. Après ce moment de froid subit, le lenips devint orageux, une violente tempête éclata, quoi(pie l'on ne fût qu'au 20 septembre. Ceci me força d'abandoimer la carriole. Le touriste, dans son trajet de Troudhjem à Christiania, perd une quantité de vues superbes en ne suivanl pas la Romsdal jusqu'à la mer, la route principale s'embranchant à Dombaas. La course d'ici au fiord Molde, à une distance tle 70 milles, offre un des tableaux les plus gran- dioses de la Norvège, et un panorama de scènes admirables qui se succèdent rapidement. Les vallées de Gutbrandsdal et du Romsdal sont séparées par le lac Lesje, long d'environ siqil milles, el à 2,0.i0 pieds au-dessus du niveau de la mer. C'est un des peu nombreux lacs qui ont deux déver- soirs, une rivière s'écoulant de chaque côté dans des directions oppo- 216 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT sées. La Logcii couit vers le sud, pnrla Guthrandsdalen, et finil dans le lac Mji"isen, tandis que la Rauma coule an nord par la Romsdalen. Entre Stueflaaten et Horgheim on voit le plus beau et le plus grand spectacle de la roule. C'est le point culminant de tout le voyage. La gorge ou vallée est d'une grandeur ipie l'on n'oublie pas aisément; les immenses murs perpendiculaires, les montagnes nues et âpres, avec de sombres et profondes crevasses, et les rampes noires et abruptes des collines et des rochers de gneiss, donnrnl un aspect partirnlièrenient sombre au tableau. A Ormein, prés de la station postale, la Rauma reçoit les eaux d'un courant formant une magnifique cascade, la Ver- medalsfossen, qui se partage en trois branches, dont chacune dégrin- gole les pentes des collines en ondes écumantes. Où la vallée était plate, les prairies encore vertes contrastaient avec les murs sombres et jierpendiculaires de chaque colé, pendani que les cimes des monta- gnes se cachaient sous la neige. Les nuits étaient froides; le malin, le thermomètre ne se tenait qu'à peu de degrés au-dessus du point de gelée, et on voyait la glace sur les côtés des ruisseaux. Pendant le jour, le mercure à l'ombre montait rare- nii'iil au-di'ssus de iO", mais il atteignait 8.'? au soleil (pii riind;iil rapi- (leiueiil la neige. Depuis la lempèle, le ciel avait été sans nuages, l'air délicieux et fortifiant. Dans une partie de la vallée, entre Stueflaaten et Fladmark, on jouis- sait d'une vue réellement sublime; d'innombrables cluites d'eau, prove- nant de la fonte des neiges supérieures, tombaient le long des falaises abruptes, el produisaient une scène étonnante. Beaucoup se Jeliienl de hauteurs tellement consiilér.ibli's, (pir Wm perdait la vue des sommeis; dans l'éloignemenl, elles faisaient rell'ei tle petits rubans d'argeni i|ni disparaissaient pour reparaître plus bas, pendant que l'œil s'elforçail en vain de les suivre ; d'autres semblaient se fondre en un nuage tl'écume avant d'atteindre le fond. Cette scène de cascades défie toute descrip^ tion. Dans une étendue de mijins d'un mille anglais, avaiil d'aileiinlre Fladmark, je comptai, des deux côlés de la vallée 73 chutes d'eau dont aucune n'avait moins de 1 .000 pieds de haut; il en est qui se |iréci- pilaient de 2,000 pieds. Tout le long des déclivités de la numlagne, on voyait distinctement les manjues des glaciers qui ont creusé, poli, et déchiré les rochers. Les terrasses aussi se montraient jus- UNE TEMPETE DE NEIGE 219 qu'à une liauleur de oOO pieds , i)i'ouvanl ainsi l'ancien niveau de la mer. A quelques milles avant d'aileindre le l'iord Mulde, on arrive à une charmante auberge appelée Aak , oîi je m'arrêtai quelques jours. C'était une petite maison, blanche, bien peinte, et un endroit agréable et confortable, encombré de touristes pendant l'été, mais désert main- tenant, car la saison des voyages et de la récolte était passée. On voyait un peu de légumes dans le jardin potager où abondaient les framboisiers, les groseillers et les fraisiers. Les pommiers et pruniers étaient chargés do fruits; mais la température avait été généralement froide et les pommes n'alleignaient pas encore à la maturité. Nous étions entre les Gr et 63°. Combien me parut somptueux le menu de cette petite auberge après mes explorations estivales dans les montagnes ! La cuisine était excel- lente; j'eus truis repas par jour; la carte comprenait: soupe, poisson exquis, mouton, volaille, pois verts et autres légumes du jardin, et plats confectionnés; on me donna toute la crème, le lait et le beurre que je désirais; le café était parfait et le linge de table très blanc. Les chambres sont petites ; mais telle est la réputation de cet endroit, qu'en été il est encombré et que les voyageurs logent dans différentes fermes. Certaines personnes passent des semaines à Aak, rien que pour jouir de la belle vue. C'est une des meilleures auberges de la Norvège et les prix sont très modérés. J'espère que les bonnes gens auxquelles elle appartient, et qui la tiennent si bien, conserveront leurs honnêtes procé- dés norvégiens. Quoique tout fût en repos dans la vallée, un ouragan se déchaînait sur les sommets des montagnes où des nuages de neige volaient dans toutes les directions et ta de grandes hauteurs sous forme de colonnes en spirales. De temps en temps le calme était troublé par un bruit retentissant dont les échos se répercutaient de montagne en montagne; ce bruit venait d'avalanches de neige entraînant dans les crevasses du dessous des rochers et des blocs erratiques, pendant (pie l'immense Troldtinden et le Romdalshorn dominent le paysage de la vallée. En face de Aak on voyait une de ces vallées étroites et courbes qui finis- sent brusquement dans une gorge, avec deux ou trois «saeters ». Un agréable trajet d'envirt)n trois milles conduit de Aak à Veblun 22n LE l'AYS 1)1" SdLIJir. DK MINIIT gnaes, à la pointe du fiord, où un pi'iit steamer prend les passagers pour Midde. Après avoir navigué (picl(|ues heures sur le fiord, on y aperçoit la pelile ville serrée au picil des collines par la nier. Ses mai- sons peintes en jaune cl un hlanc, aux toits couveris dr hiili's muges ou foncées, on! un iisprcl 1res |iillnres(|ue vues di' la, mer; li's l'ucs |irn|irt's cl faiipaiTucc liii'u rangée des liabilalions l'dul un cITcl Irés agréable (|uand on a déh.inpié. Je ne connais ]ioint i\t' ville en Norvège qui présente un panorama pins vaste et plus beau de liords et de montagnes. L'église est le prin- ci|)al édifice; le cimetière qui l'entoure était embaumé du parfum des llcin-s d'antomnc. Marroiuuers, chênes, frênes, peupliers cl boiileanx ombrageaient les tombes; plusieurs ne portaient point de nom, mais chacun connaissait la jdace où reposaient ses morts. Dans la ville, il y a une fort belle avenue de bouleaux dont quelques-uns ont ciiu] [lii'ds de diamètre. Le dimanche, l'église regorgeait de monde. AvanI de mouler en chaire, rccclésiasticpie enleva son surplis blanc cl a|i|»;irul dans sa soutane noire, avec un ridial au col. Il fut très élo(pienl cl l;i congi'égalioii obsi'i'va ini [U'olond silence, interrompu seulemenl p.n' les dames. Le sermon dura une heure vingt, et, à la fin, le prédicateur [)ariit fatigué. Comme cela est usu(d dans toutes les assemblées, quebpu's- nns donnirciii ; mais, dans mon banc, un dormeur combattit le sommeil pai' inic |iris(> de tabac (pii produisit rclfcl désiré; il éternua et deuu'ura éveillé pcndaiil loule la dui'ée du service. Après le sermon vini h' baptême de deux enfuils; l'ollicianl ré|i;indil [lar trois fois de l'ciu sur la tèledc chaque nouveau-né, i)our représenter la Trinilé, ci les pa- rents, ainsi (pu" le parrain et la marraine, passèrent derrière l'anlcl pour remettre leur oiïrande. Dans nne ville de Norvège c(^ n'csl pas dans la résidence de r.inilmanil (gonvernein'l on de loul aulre éni|doyé du gouvernement ipie rèlianger devra chercher la plus belle demeure; c'est lui Irail car.iclèristique en ce pays, qu'un bâtiment modeste est régulièrement alfeclé à la résidence du premier personnage officiel. Cependant, en Suède, la demeure du gouverneur d'une province est toujours belle cl même imposante, comparée à la plupart des autres maisons di' la villi\ L'amtniand m'invila obligeamment à passer la soirée chez lui, oi'i il avail engagé une société choisie de gentlemen, parmi lesquels devaieni DINER CHEZ LE GOUVERNEUR 223 se trouver plusieurs l'oncliuiniaires de la ville. Tous les convives s"exi)ri- mèrent en anglais, à l'exception des plus vieux qui parlèrent français. Maintenant l'anglais et l'allemand soûl généralement employés, résul- tat de l'accroissement du commerce avec ces deux pays. Le joli par- loir dans leijuel je fus reçu était un modèle de proiirclé, et les fleurs dont on l'avait orné réjouissaient les yeux. Dés que je fus arrivé, on servit le thé; après quoi, les convives se versèrent eux-mêmes un verre de toddy, c'est-à-dii'e un grog. Puis vint le souper. L'iiùle pril uioii luas et me conduisit dans la salle à manger, où présidait son excellente femme. Le gouverneur, tenant un verre de vin, observa la coutume qui veut que Ton incline la tète pen- dant que l'on prononce une bénédiction silencieuse et que l'on souhaite (( la bienvenue à table » ; ensuite il proposa un toast en mon honneur, disant que tous étaient heureux de ma visite en Norvège et à Molde ; qu'ils espéraient (pie je verrais le pays à l'oiid, que j'y demeurerais longtemi)S, afin de pouvoir travailler au bien de l'humanité et dans l'intérêt de la science. Quand ce petit discours flatteur eut été terminé, chaque convive me salua, et, lorsque je vis le souper tii'cr à sa fin, je proi)Osai, selon Ihabitude, c'est l'agréable devoir tl'un invité, la santé de la femme du gouverneur; après quoi, tous inclinèrent silen- cieusement la tête en signe de remerciement au Tout-Puissant; i>uis ils se levèrent, fra|)pèrent des mains, se saluèrent l'éciproquement, et rendirent grâce à l'hôte et à l'hôtesse. Dans un coin du parloir s'étalait une collection d'immenses pipes d'écume. On apporta du tabac, et tous, excepté moi, se mirent à fumer; ils parurent étonnés quand je leur dis que je ne fumais pas. Plusieurs carafes de vin et d'eau-de-vie et une bouillotte d'eau chaude étaient sur la table; ciiacuu se fit un grog, et notre amicale causerie dura jusqu'à minuit. Le lendemain, le gouverneur visita les écoles avec moi et me dit : « Quoique notre pays soit pauvre, nous aimons à dépenser de l'argent pour l'éducation! » 11 prit plaisir à me fure expli(inei' tout par le princi- pal et les pnifes^enrs. .l'étais heureux de voir le sentiment viril qu'il dé- ployait. 11 ne venait pas avec cette démarche hautaine et dédaigneuse si souvent adoptée par les fonctionnaires sur le continent; on le reçut avec politesse, mais non obsé(jnieusement. 224 LE PAYS DU SOLEIL DE MIXIIT Dans celle niddosle ville, on enseignait riiébreu, lojjivc, le lalin, li- français, l'allemand ol Taiiglais. Plusieurs élèves Uuenl ilevaiil nini de l'anglais, qu'ils traduisireni ensuite en français. Les garçuns el les filles reçoivent l'inslruclion en commun dans la même salle. .l'étais arrivé à Molde avec queltiues dollars seulement, et nalurelle- meni, je dus penser à me procurer des fonds. Conimenl faire? Le seul moyen élail de lélégraphierà Christiania; mais je n'avais pas encore vi- site cette ville, je ne connaissais aucun des banipiiers el je ne savais comment établir mon identité; j'envoyai donc un télégramme ainsi ré- digé à mess. Heflye : « Je suis sans argent, mais j'ai une lettre de cré- dit sur vous. Pouvez-vous télégraphier ici à quehpi'un de m'en remettre?» .le fus rassuré lorsque je reçus presque aussitôt de cette maison ces quel- ques mots: «M'..., gentleman à Molde, vous versera le mou la ni dont vous avez besoin. » Peu après l'arrivée de ce message, le gentleman en (piestion vint me voir et me dit qu'il avait reçu un télégramme de mess. Heflye, mais qu'il lui fallait un jour ou deux pour réunir l'argent dont j'avais be- soin; puis il s'informa poliment de la somme que je désirais. Il avait reçu ordre de me donner tout ce que je lui demanderais: ne sachant pas quelle somme je voudrais loucher, il iu'ex|ili(pia ipu' Molde étant nue pe- tite place, n'avait point de liampie.ct (|ue,par conséquent, il serait obligé d'aller chez plusieurs personnes pour réunir le montant s'il était fort. « Je n'ai besoin que d'une petite somme, lui dis-je, pour me rendre à Christiania. — En ce cas, reprit-il, grandement soulagé, je puis vous re- mettre (piehjues centaines île dollars tout de suite! » Celui-là seul (pii s'est trouvé dans la même position (pie moi peul apprécier avec (pielle satisfaclion j'encaissai cet arifent. De Molde, le touriste ou le piéton (|ui aime la nature verra s'ouvrir devant lui un champ d'exploration si vaste et si beau, qu'il saura à peine par où commencer ses pérégrinations. Vers le nord, c'est une côte sauvage avec des coidours rnapniliipics, où le soleil de minuit est visilile, cl on la navigation, [laiini des niilliers d'îles, oflVe un panorama ipii clianLic conslanimenl. Il \ a aussi la grande roule pour liergeu, i)assant à travers un i)aysage grandiose, (pii rivalise à divers égards avec celui de laUonisdalen. Sur celle roule, il faut traver- ser des fiords, et les vues alternantes de la mer et des montagnes sont saisissantes. On jieul choisir encore une grande roule parla Rumsdalen, DE MOLDE A BEHGEN 227 que j'ai tlrjà décrite, conduisant soil à Clu'istiania, Troudlijem ou Rôraas, et, de là, en Suède. Un autre chemin, qui, après avoir quitté Molde, suit le bord du fiord Fanne, traverse deux branches du fiord Christiansund. On rencontre, de plus, de nombreux sentiers où l'on peut aller à cheval ou à pied, divergeant des grands chemins ou îles fiords, et suivant les sinuosités des montagnes vers les glaciers, offrant au bota- niste,au chasseur, au pécheur et à l'admirateur des scènes les plus sau- vages, une suite de vues toujours nouvelles. CHAPITRE XVI BERGEN Le port de Gergen. — Fondation de la ville. — Un endroit pluvieux. — Le marcIié au poisson. Une vision de licauté féminine. — Une inléressanlc école industrielle. — La cathédrale. Confirmation. — Jours de changement des servantes. — Asjiect animé du Stiandgaden. Hospitalité de Bergen. Par une holle lualiiire de la lin de so|)temlifc', j'appnirliai de la vieille ciié de Beriieu. C'étail un iiiagiiilii|iie jiuir (raiiloinne; pas la moindre brise n'agitai! l'air, mais nue alinosphère épaisse el l'uinense planail sur les rives. En passant devant la jetée et son phare aux cou- leurs voyantes, le port ressemblait à un grand canal encombré de navires. Nous avançâmes lentement au milieu des embarcations et d'une foret de mâts : On voyait confusément au loin les magasins aux formes bizarres, avec leurs toits pointus garnis de tuiles rouges, paraissant plus fantastiques encore à travers l'atmosphère brumeuse. Après avoir lou- voyé dans un labyrinthe de petiles barques chargées de bois de cliaiif- fage, (le troncs d'arbres, de poisson, de foin, etc., et au milieu du i)roiiliaha d'un port affairé, nous jetâmes l'ancre, et bientôt nous fûmes enluurès de batelets dont les occupants se dispnlaieni à i|ni transporte- rait les passagers à terre pour quelques shillings. Vue de la mer, Bergen est très pittoresquement située. A gauche, BERGEN : SON POUT ET SES PÉCHEURS 22"J une liante cliaine de collines nues et grises, sur les déclivités desquelles est construite en anipliilliéàtre une partie de la ville; le port est étroit; .il forme une sorte de canal ayant des magasins de chaque côté, dont ceux de gauche ont été construits par j;i ligne hanséatique et sont des types frappants de l'architecture de cette période. Un récif de haute taille, couronné par le château de Bergenhus, sépare une partie de la ville par une autre baie étroite. Au printemps, le port a beaucoup d'ani- mation, lorsque des centaines de petites embarcations reviennent de la pèche. On exporte tous les ans d'immenses quantités de morue sèche, Vente du iwisson. d'huile de foie de morue, et des centaines de mille de barils de harengs marines. La ville semble être nichée dans un creux. Un petit lac, à quelques centaines de pieds au-dessus du niveau de la mer et à quel- ques milles de distance, fournit l'eau ])olable à la ville. Bergen, 60° 24', latitude, est, en importance, la seconde ville de la Norvège — Christiania est la première — et a une population d'à peu prés 38,000 habitants. Elle fut fondée eu 10G9 ou 1070, par le roi Olaf-Kyrre. On dit que la ville, avec ses envii-ons, est l'endroit le plus pluvieux de la cote norvégienne; c'est beaucoup dire, mais elle le mérite bien. La somme de pluie qui tombe est grande : la moyenne des jours phi- vieux dans une année est de 134, des jours neigeux de 26, et le total de 230 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT la pluie et de la neige foniliic monle annuellement à environ 72 pouces. Le climat est très doux; la température moyenne pendant le mois de janvier reste un peu au-dessus du point de glace; en février, une frac- tion de degré au-dessous; en mars, elle monte de 34° au-dessus; en avril, 4o°; en mai, 48°; en juin, 55°; en juillet, 58°; en août, 57° et demi; en septembre, 53°; en octobre, 45°; en novembre, 37° et demi; en décembre, 36°. En juillet, le mercure s'élève jusqu'à 85°. Le nombre des jours brumeux est d'environ 40. La température moyenne de l'année est de 43°, l'une des plus élevées de la péninsule Scandinave. La ville est très animée et prospère, et, bien cpie presque toutes ses rues soient étroites cl encombrées, elle est pleine d'intérêt pour le visiteur. Le jour du marché au poisson est une curiosité à laquelle il ne faut pas manquer d'assister. Dés le matin, jikis de cent cinquante bateaux ])èclicurs viennent s'amarrer le long du quai. Beaucoup vendent leurs chargements i)ar bateaux, d'autres conservent le poisson vivant, soit dans des réservoirs soit dans des seaux. Certains bateaux étaient remplis d'éperlans, que l'on nomme ici brhUni/; mais le plus grand commerce est celui des morues; il y en a qui pèsent cent cinquante livres et sou- vent davantage ; on les découpe en morceaux pour la vente. Les carrelets et aiglefins abondent et se vendent à très bon compte; les pauvres gens vivent surtout de poisson. Les pêcheurs, assis dans leurs bateaux avec leurs femmes et leurs enfants, offrent leur poisson à la vente et regardent avec des yeux avides les consommateurs qui viennent acheter au meilleur marché possible, ])articulièrement quand le poisson est abondant. Une chose des plus amusantes, c'est de voir les femmes se pencher sur la balustrade pour mieux regarder le jjoisson dans les bateaux; la plupart ont des robes courtes et font voir leurs jambes de manière à enchanter l'amateur de mollets fins et bien faits. Servantes et paysans se bousculent sans con- sidération. Beaucoup de consommateurs s'en retournent chargés d'une morue; la mère et le fils en portent une énorme ù eux deux, ou bien un homme solide ploie sous la cliarge d'un jioisson plus grand (pie lui. La foule est amusante; les paysans et les i)aysannes en costumes bario- lés se promènent gaiement dans les rues de Bergen. L'une des choses (]ui frappent le plus agréablement l'étranger en BERGEN: SON ECOLE INDUSTRIELLE 23l Scaiulinavie, c'est le noml)ro d'eufaiils qui vont à l'école et Bergen n'y fait pas exception. Toute la jeune population s'y rend chaque matin; les jours de pluie les filles portent un manteau imperméable ; les éco- liers ont sur l'épaule une petite gibecière contenant leurs livres, et mar- chent droit, la poiti'ine en dehors. La idus ancienne maison d'école, fondée en 1738, est en pierres. L'instruction s'y donne gratuitement, et les garçons, même ceux de la classe la plus pauvre, sont propres et bien tenus. Dans une autre partie de la ville, se trouve une école plus grande et plus moderne pour l'instruction gratuite des garçons; elle a un gymnase où ils se livrent aux exercices athlétiques et militaires. L'é- tage supérieur est destiné aux classes de garçons et de filles. Les heures d'école sont de neuf heures à midi, et de trois à cinq. Dans quelques classes, les élèves des deux sexes apprennent ensemble, et chaque éco- lier a un pupitre séparé. Je remarquai avec plaisir [)lusieurs institutrices. Dans l'une des salles oii il n'y a que des garçons, l'un deux, possédant une belle voix, fut invité par le surintendant à diriger le chant. Ils en- tonnèrent pendant prés de vingt minutes des ballades norvégiennes, suédoises et danoises. L'école industrielle libre, où l'on enseigne à des filles pauvres les arts de l'industrie féminine, est une des institutions les plus recomman- dables. C'est un établissement dont Bergen peut être fière et que chaque ville devrait posséder. J'entrai dans une vaste chambre où la principale, dame âgée à l'aspect bienveillant, me reçut très poliment. Sur une grande table, des bouquets de ileurs donnaient une ap[)arence de gaieté à la salle, et devaient inspirer aux élèves le goût du beau. Disséminés parmi les fleurs, on apercevait quelques jolis ouvrages confectionnés par les jeunes filles pour des personnes qui devaient les leur payer. L'âge des élèves s'échelonnait de sept à seize ans. Toutes travaillaient par groupes ou classes, selon leurs progrès, faisant des robes et des che- mises, ourlant, cousant, tricotant, raccommodant et reprisant, sous la surveillance de maîtresses conq)étentes et attentives. C'était un spectacle fort intéressant, car ces pauvres filles apprennent ainsi à se rendre uti- les. Elles faisaieni preuve d'une adresse éloiuianlc dans le raccommo- dage de nappes, où Ton pouvait à peine distinguer la place qui avait été réparée. Les enfants plus jeunes étaient occupées à un travail plus sim- ple dans une clinnibre à eux consacrée, oi'i elles apprenaient la coulure. 232 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT Celle école renfermait, lors de ma visite, plus de 500 élèves qui siiiviiieul les classes de neuf heures à midi, cl de ileux à cinq. Onconsacrnil trois heures h rétude, et trois heures aux travaux d'aiguille, etc. Les filles reçoivent ici une honne éducation rndimentaire, et, en même temps, elles appieimenl à prendre soin d'elles-mêmes el de leurs familles. Les bon- nes gens de Bergen honorent grandement, cl avec raison, la surinlen- dante, ainsi que les maîtresses de celte école pratique si bien administrée. Avant que je quittasse rinstiluliini, la principale m'offrit, comme souvenir, deux paires de bons bas de laini' tricotés par les élèves. Je RpgarUaiit le poisson. voulus les payer, mais elle refusa et je ne pus lui faire accepter que mes remerciements. Peut-être la bonne dame apprendra-t-elle avec plaisir si elle l'apprend — que, l'année suivante, ces bas m'ont aidé à tenir mes pieds chauds dans mes souliers lapons, pendant qu'au cœur de l'hiver, je traversais le pays sur les régions montagneuses entre le golfe de Bothnie el le cap Nord. Dans réc(de de la cathédrale, où l'on prépaie les garçons pour l'université de Christiania, l'inslitution est parliellement sous la sur- veillance du recteur, qui, à celte époque, était meml)re du Slorlhiiig. L'école a une bibliotlièque contenant des livres précieux. La Domkirke (calliédrale) est un ancien édifice de forme bizarre, BERGEN : LA VILLE ET LES HABITANTS 233 dont les arrangements intérieurs ne ressemlilent à ceux d'aucune des églises que j'avais vues jusque-là. A droite, et regardant l'autel, elle est divisée en loges, contenant des sièges qui rappellent un peu le tliéàlro. Après le service, l'aile principale se remplit de garçons et de filles qui devaient subir un examen pour être admis à la confirmation. La cérémonie commença par une allocution du pasteur, puis, en présence des parents, il fit poser question sur queslioii par le domprovst (le doyen) à chaque enfant, sur la Bible et le calhécliisme. Plusieurs heures se passèrent de cette manière, aussi les enfants devinrent-ils fatigués et inattentifs. Cette longue cérémonie, si peu nécessaire, étant terminée, le doyen prononça une bénédiction sur chacun d'eux séparément, en disant : « Que le Seigneur te bénisse et te conserve ! Que le Seigneur tourne sa face vers toi et te soit favorable ! Que le Seigneurie protège et te donne la paix! » Le dimanche suivant, après la confirmation, les enfants devaient communier. Le dimanche après midi, aussitôt après le service, la bande mili- taire joue sur la place pendant une demi-heure, et alors V élite de Ber- gen se promène et écoute les morceaux de musique. La foule se com- pose de dames mises à la dernière mode de Paris, de pêcheurs dans leurs costumes du dimanche, et de bôndcr de la province de Bergen dans leurs atours rustiques. On remarque quehiuefois, dans la multi- tude, des personnes aux cheveux noirs dont l'aspect contraste du tout au tout avec celui de la majorité du peuple. L'une des coutumes du pays consiste à engager les servantes pour six mois, et à renouveler leurs engagements si les deux parties sont d'accord. Ceci a lieu les 14 avril et 14 octobre. On appelle ces deux jours Fhjttcdafjer f jours de changement). Je fus surpris de voir une telle animation en ville. Le soir, le Strandgaden offrait un spectacle extrêmement gai ; car la coutume veut que, lors du Flyltedag, toutes les filles engagées pour un service domestique quittent leurs anciennes places à deux heures de l'après-midi et entrent dans leurs nouvelles maisons à neuf ou dix heures du soir. Elles mettent alors leurs meilleurs vêtements et vont se promener dans le Strangaden, où leurs futurs et leurs amies viennent les trouver. Le Strangaden correspond à Broadway, aux Boulevards, ou à Régent street; une foule épaisse le parcourt de sept à onze heures du soir, puis il redevient désert. En Suède, les dates 236 LE PAYS DU SOLEIL DE MINLIT du rcnouvollemciit snni les 24 avi'il el 2\- orlolire; mais les scrvaulrs y ont pour elles trois jnurs dont elles i)euvent disposer à leur gré, ce qui cause souveiil bien de l'emliarras aux dantes, lesquelles smil (diligées de faire de leur mieux pour se servir. La position géograpliirpie de Bergen, enlre le Sogne, le Hardaiigi'r, d'autres fiords el des districts pêcheurs, lui donne une grande impor- Pèclionr poilaiit un jjoisson. lance commerciale. De celle ville, deux fdis par semaine, des steamers cliaufl'ent pour les parties les plus idoignées de ces grands bras de mer. La ville est bien pourvue d'iiislilulions de charilé cl de bienfai- sance, dhopiiaux, et d "un asile pmir les gens âgés et infirmes. Les habitants sont sociables, bons el hospitaliers. J'ai conservé un fort agréable souvenir de mes visites répétées en cette ville. Ses savants onl toujours été disposés à me donner tous les renseignements que je ])(iuvais désirer. Le musée m'a fait un cadeau (pii m'est très précieux: BERGEN : LA VILLE ET LES HABITANTS 237 une corne à boire très ancienne. Une visite à celle inslitiilion ne peut manquer d'éveiller rintérêl. Des anti(iuilés trouvées dans les tumuii, de vieilles armes, des monnaies, des cornes à boire, des objets sculp- tés, etc., etc., méritent d'être vus. Il n'est pas de ville en Norvège où les touristes puissent mieux qu'à Bergen passer une couple de jours ; les promenades en voiture et à pied sont magnifiques; la nouveauté de la scène, les divers costumes des paysans, le [lays environnant, tout contribue à faire passer le temps agréablement; mais Christiania est préférable si l'on veut y séjourner plus longtemps. CHAPITRE XVII LES FIORDS Kiords de Scanilinavie. — Leurs imiis et vallées teiniiuales. — Action des glaciers. — Ter- rasses on brèches de mer. — l'hénoDicnes et causes. — Lignes de cotes et marques de la mer. — Élévation et abaissement du pays dans les temps modernes. — Ne peut être utilise comme mesure de temps. — Vues du professeur Kjerulf sur ce sujet. — Théories de l'ice- berg et du glacier. — Mouvements inégaux et intermittents, et longues périodes de repos. — Changements dans le climat et dans la distribution de la vie des plantes et des animaux. Lorsqu'on vogue le long de la péninsule Scandinave, et spéciale- ment sur la cùle de la Norvège, on voit partout d'élroils et profonds bras de mer s'introduisant souvent à cent milles parmi des masses de roches appartenant aux i)lus anciennes formations; ces bras de mer porlciil le nom de fiorch. Ceux de la Norvège sont bien plus grands et plus majestueux que ceux de la Suède et coniribueiit à la grandeur de l'aspect caractéristique du pays. Quand on regarde avec admiration, presque avec terreur, leurs murs qui s'élèvent à des milliers de pieds au-dessus de la mer, on se pose naturellement cette question: «Quelles sont les causes qui ont formé ces étonnants canaux?» La mer n'ayant point de couiaiil apte à les produire, la seconde jH'Usée doi[ èlre nalii- rellemenl aussi, ipie leur formation est due à quebjue grande convul- sion de la nature; mais ni la mer ni les calaslrophes géologiques n'ont été des agents actifs en ce cas^ LES FIORDS ET LES GLACIERS 239 A rextrômité d'un fiord il y a invariablement une vallée avec un cours d'eau qui recueille les eaux venant des montagnes; à tous égards, ces vallées sont la continuation du fiord; seulement l'un est de terre, l'autre est d'eau, et tous deux sont découpés dans le roc; la même chose est vraie dos branches , fiords transversaux, et des vallées. Partout vous voyez les silbjns, les stries et le poli dus à l'action de la glace; partout vous voyez de nombreuses moraines, si immenses qu'elles sont souvent couvertes de fermes, de champs et de hameaux; tout prouve que les fiords, comme les vallées, ont été creusés dans le roc solide par l'action des glaciers. En considérant l'effrayante hau- teur de ces murs et y ajoutant l'énorme profondeur, (pii est souvent égale à la hauteur des montagnes, nous ne pouvons comprendre les incalculables périodes de temps qu'il a fallu à ces glaciers pour faire leur œuvre dans leur marche lente mais irrésistible vers la mer; nous obtenons ainsi une idée, que rien autre ne peut nous donner, de la terrifiante puissance de l'eau, sous forme de glace, pour modifier le caractère de la surface du globe. Il y a aujourd'hui en Norvège des glaciers à l'extrémité supérieure des fiords descendant vers la mer, témoins silencieux mais irrécusables de l'œuvre qu'ils ont accomplie et qu'ils continuent encore; en se retirant, de mois en mois, ils laissent sur les rochers précisément les mêmes marques laissées par eux depuis des siècles. Le temps, la gelée, des influences atmosphériques ont, en beaucoup de i)laces, obli- téré ces marques faites par les glaces, et souvent la boue et les débris des siècles les cachent à l'œil du vulgaire, mais elles ont été préservées pour le géologue. En navigant le long des fiords, des ouvertures de vallées, ou des baies abritées de la côte norvégienne, l'attention du voyageur ne peut manquer d'être attirée par les terrasses ou plages, s'élevant l'une au-dessus de l'autre en amphithéâtre, et apparaissant comme de gigan- tesques escaliers. Elles suggèrent à la fois l'idée de successifs soulève- ments du sol et de différents niveaux de la mer, plus ou moins perma- nents, dans lesquels les rivières et cours d'eau ont charrié des pierres, du sable, de l'argile, qu'ils ont répandus au-dessous de la surface. Dans beaucoup de fiords se voient de courtes vallées rapides, dont 240 LE PAYS DU SOLEIL DL MINUIT l'entire osl barrée ]inr une terrasse ou deux , surmontées par des IjIoos, des pierres et du sable d'une moraine laissée par la })récédente période glacière; bien des lacs ont été produits ainsi, suivant le cours de la vallée. La terrasse la [ilus élevée, que l'uiipeul distinguer tie la UKiraiue par sa stratificaliim, niarqne le plus ancien niveau de la mer. Leur hau- teur dépend de la largeur de la vallée, de la iiuantité de matière déposée, et de la durée du tassement; la plus ancienne atteint une .Marques de la mer jues de Troiidjliem. liauieiu' de 600 à G20 pieds, et contierd des lossiles marins arctiques. On trouve aussi dans l'argile des coquillages marins et des bancs de coquilles de deux faunes distinctes. Dans les marnes d'argile dure, on a découvert des S(iueletles de plioipies et de poissons, et de larges lits de tourbes se présentent dans les plaines. Les terrasses plus basses et plus fécentes, de .oO à loO pieds de ii.iul, coiilienneui des fossiles apparte- nant à la fanni' acluelle de régions m-dessous du cercle polaire sur la cote, de Norvège. D'immenses bancs de coquillages courent paral- lèlement à la côte, et sur eux s'est déposé un terreau foncé, comme Iri liorcl ncavcgion. 16 LES MAItnL'ES UE MER 2« a Bodu. D'autres lits de tourbe se font vnir aussi sous ces dernières terrasses. Des ligues de bord coaiposées de ciilloux se rencoutrent daus différentes parties du pays; j'eu ai vu sur les ])ords septentrionaux de la Baltique, au milieu de forèls conil'ères, ;iu nombre de trois superpo- sées; de même sur la côte de Finniarken, deniére Vadsô. On voit des marques de mer sur divers points de la côte de Norvège. J'en ai remarqué particulièrement près de la ville de Trondhjem, où on les découvre à une hauteur de 402 à 510 pieds; près de Stensu, sur le fiord Stavanger; dans le fiord Osier, à 138 pieds au-dessus de la mer; et aussi dans le fiord Allen. Ces marques ne correspondent pas exacte- ment avec la hauteur des terrasses enviriuinnntes, et doivent avoir été produites par l'action des vagues; elles seraient beaucoup plus com- munes si le temps et la gelée ne les avaient oblitérées en bien des endroits. Les terrasses, les lignes de bords et les marques de la mer désignent le grand soulèvement du sol pendant l'époque appelée « terrassi(iue », et les longues périodes de repos. Mais, si les faits susmentionnés indiquent le soulèvement du sol précisément avant l'ère actuelle, on a aussi la preuve que dans certains districts il y a eu un enfoncement local subséquent. Plusieurs plages distinctes et abruptes sont submergées dans l'ile de Gotland, à une certaine distance des falaises actuelles, que, grâce à la limpidité de l'eau, on peut voir dis- tinctement du rivage. Pendant des années on a fait des observations en Suède, dans la Baltique, en creusant des mar(iues dans les rochers, qui démontrent que, dans la partie septentrionale, le sol s'élève d'à peu près deux pieds et demi par siècle, pendant qu'il s'enfonce au sud. Il y a une brèche remarquable le long de cette mer d'Ystad ùTrelleborgetFalsterbo, pro- duite sans doute par le soulèvement sul)it du sol au nord, et de l'enfon- cement au sud, accompagnés d'un inunense mouvement de l'Océan; celte brèche aurait amené une vaste mer entre la Scandinavie méridio- nale et l'Allemagne septentrionale. Antérieurement à cela, ces deux por- tions de pays étaient jointes par un continent, à travers lequel émigrérent des plantes, des animaux et des hommes; la partie du sud étant la plus basse, celle du nord, encore couverte par la glace, aurait été la première occupée par l'homme, probablement par une race de chasseurs. 2ii LE l'AYS DU SULEIL DE M IN LIT Quant à ce qui concerne la date, toutes les tentatives faites pour approcher du nombre d'années re(iuises pour produire ces résultats ont été vaines, attendu que les mouvemenls ascensionnels et déclinants ont été trouvés inégaux et que d'iinlélerniinalilcs périodes de re[ios presque paiTail ou de souiévenient très lent sont intervenues. Des évaluations basées sur l'observation moderne prouvent seulement ([u'une période de teni])s indéfuiie doit s'être écoulée, mais ne nous donnent point d'information positive. La théorie du mouvement ininterrompu du sol, et [inr conséquent Terrasses prouvant rancicii niveau ilc la mer. les calculs basés pai' des géologues sur les soulèvements comme une mesure de tem|is, ont été niés par l'éminent Théodore Kjerulf, pro- fesseur de géologie ;i Christiania, et auteur de la meilleure carte géo- logique de la Norvège. 11 a fait connaître sa théorie dans un discours sur le « soulèvement de la Scandinavie considéré comme mesure de temps )i, prononcé dans la réunion (h.'s iialuralistes Scandinaves à Copen- hague, en juillet llS7;i, résumé ainsi qu'il suit: «Une chose hors de discussion, c'est (|ue la péninsule Scandinave, en tout cas la DES. SOULEVEMENTS TERRASSIQUES 2'to Tiii'ïlialti'il vu (le loin. Tunnel de Torghaltcn. 246 LK PAYS DU SOLEIL DE MINUIT Suèile, s'élève irrégulièrement, mais avec une extrême lenteur. Qu'un seniMable soulèvemenl ait eu iii'u aux époques géologiques, cela est clairement démontré par les co(|uillagt's marins, les argiles, sables, s(]n('lettes de baleines, terrasses et lignes de bord que l'on voit main- tenant à (les hauteurs considérables au-dessus du niveau actuel de la mer, et à une grande dislanci' dans riulérienr. » — Et ])lus loin : « Les mu ques les plus hantes sur li's montagnes ou dans les vallées sont les lignes de division sur le cadran du temps, dénotant le commencement de nouveaux mouvements; l'aiguille est le changement actuel de niveau mutuel entre la terre et la mer. » Selon la théorie de l'iceberg de réjioque glacière, — qui, bien (pie très peu satisfaisante, peut être invoquée pour expli(juer, additionnellement à la théorie glacière, quel- ques-uns des phénomènes sur les confins des continents, et notamment en Scandinavie, — cette péninsule s'est enfoncée lentement sous la glace arctique, les surfaces du dessous entaillées et déchirées parles bcv(js submergés et écrasés, puis le sol s'éleva lentement de nouveau à son niveau actuel. Consé(juemment, la mesure du présent soulèvement est d'une moyenne de 2 pieds et demi en nn siècle, ou de 600 pieds en 24,000 années; les déchirements se découvrant à une hauteur de 6,000 pieds, le temps voulu serait de 240,000 années; et, comme la théorie demande nn double mouvement, — nn d'enfoncement et un de soulèvement, de 6,000 pieds chacun, — nous arrivons à 480,000 années exigées, et ceci, dans la supposition que le mouvement a été égal sans interruption. Mais W\ n'a pas élé le cas; des preuves innom- lirables existent en Norvège (|u'il y a eu des mouvements relativement ]irompts, alternant avec des repos relativement longs ; en d'autres termes, des mouvements inégaux et inlermittents. Le fait que l'amas ne contient point de fossiles marins, la direction uniforme des entailles et leur nombre immense ; le fait encore (pi'une dépression aurait amené un climat plus chaud et non plus froid, tout est en faveur d'une théorie glacière et contre la théorie de l'iceberg. Les plus anciens bancs de co(iuillages contenant des fossiles d'un caractère plus arctique qu'au- jourd'hui, sont tous élevés, environ 500 pieds au-dessus de la mer; il en est de jibis récents avec des fossiles comme ceux vivant actuel- lement, entre 100 et loO pieds au-dessus de la mer; on ne les trouve pas à tous les niveaux, mais seulement à de certains. En réalité, DES SOULEVEMENTS TEIÎRASSIQUES 247 nous voyons « traces do mouvements et temps île repos relatif, pendant lesquels ces puissantes masses de coquilles ont été entassées sur la côle à un niveau déterminé, et un tressaillement de mouvement peut avoir suivi. » Quant aux terrasses dans les vallées, on n'en voit point ouvertement à plus de 600 pieds au-dessus du niveau de la mer, avec des matières charriées par les rivières. Si le mouvement avait été constamment égal, il se serait formé une surface continuellement déclinante au lieu de terrasses; ces dernières « sont des témoins d'un degré, ou d'un élan dans le mouvement; après quoi suit le repos relatif. » — Elles ne s'é- tendent qu'à une linuleur de 600 pieds, au-dessus desipiels les en- tailles sont faites par les glaciers et non })as les icebergs, en sorte qu'il n'est pas besoin de double mouvement ni de période de 480,000 ans, mais seulement de 24,000 années, correspondant à un soulèvement de 600 pieds. « Si nous soustrayons, dit le savant professeur, la hauteur des degrés mêmes, qui exprime le changement i)roportionnellement rapide du niveau, et si nous retenons seulement les surfaces lentement décli- nantes, et en apparence presque lioiizonlalesipii manpicnt les époques intermittentes d'élévation graduelle probable, il ne reste qu'une fraction, une très petite fraction de ce temps. » Les lignes de plages, les signes creusés sur les côtés des montagnes, ne déi)endent que de la surface stationnaire de la mer, de la somme de matières transportées par les eaux dans leur course; (piant à des cliangenieiits plus rapides, ils sont distincts l'un de l'autre. M. Kjéruif pense que la durée géologi- que de la période glacière ne peut avoir été de plus de 24,000 années, puisque le niveau le plus élevé appartient à la mer Arctique. » Ce mou- vement s'est fait par degrés jusqu'à l'époque actuelle, peut-être par tressaillements de plus en plus faibles. » Dans l'île de Torgô s'élève le fameux Torghatten à une hauteur de 760 pieds, avec un tunnel naturel de 3oO à 400 pieds au-dessus du niveau de la mer; sa hauteur varie de 64 à 299 pieds et sa largeur de 36 à 88 pieds. La mer seule a eu la puissance de remuer une telle masse de pierres. On voit de semblables tunnels sur le Moskenaeso, le Grytô et le Senjen. Les changements de climat sont pas moins étonnants. Tout en haut de la Scandinavie, — même dans la partie au delà du cercle Arctique :2i8 LE PAYS DU SOLEIL DE MIMMT et du cap Non! — les fossiles prouvent incoiiteslablemeiU (pi'à la fin de la }iériode lertiairo, les régions polaires jouissaient d'un climat tempéré, aussi chaud ipie celui de l'Angleterre et ace d'environ soixante deux milles carrés. Entre les fiords Lyngen et Sallen, le jong de la côte, apparaissent de nombreux suefonnor, entre 07° — 70° latitude qui ne sont pas dé- nommés dans les livres ni sur les cartes. Au sud du cercle Airlii|iie sont : Oxlinder, juste au-dessous du cercle Arctique, au sud du fiord Ranen. Les snel'onuer Bôrge, 05° latitude à peu prés, couvrent un espace de vingt mille anglais carrés. Sibmek, au sud des Bôrgefields. Sur le groupe des montagnes de Dovre, s'élève le Snehaetlen, 7,400 pieds de haut; un peu au sud du précédent, Skredshô , 7,300 jtieds. Au nord-est de ceux-ci, on voit les Nunsfields, Stens- kolla et Skrinilvolla, s'élévant à une hauteur de 0,000 pieds, et tous couverts de vastes champs de neige. La chaîne de Surendals, à l'est de Christiansund, et au nord de Dovre, a de grands sncfoinier. De même la chaîne de Sundal, à l'est du fiord de même nom. Les Komsdalsfields, dont la plus haute montagne est Storhogda, 6,500 pieds, possèdent des snel'onuer en grand nombre. Les Horningfields ont de vastes snelbnner qui s'étendent jusqu'à Slryn. Le Justedalsbraeen ', le plus grand de tous les snefonner de la Scandi- navie, est situé entre le fiord nortl et le grand fiord Sogne, et couvre un espace de quatre-vingt deux milles anglais carrés. La chaîne de Lom, à l'est de Justedal, a plusieurs snefonner. Les Langfields renferment des cliaines de montagnes avec des sne- fonner. Sur le .lotun, le groupe le i)lus sauvage et le plus élevé des monts Scandinaves, ou trouve en grand nombre de vastes champs de neiges perpétuelles. 1. L'Islaiidi'a, sur soa côté sml-esl, un irlaciiT oiicorc pluj grand, le VcUnajûkul, qui rouvre un espace il'enviruu di'u\ ceut quarante milles carrés. NEIGES PERPETUELLES 231 La chaîne Hardaiigcr a une rangée de grands snefonner. Les groupes Rûldal et Hallingdal onl plusieurs snefonner. Le Folgefunn, siu' le Sorfiord, branche de l'Hardanger, est le sne- fonn le jdus méridional, et couvre (juinze milles carrés anglais. On trouve les glaciers aussi loin au sud (pie le 01° 20' de latitude. La configuration du pays et le climat de la Norvège sont particulière- ment propres à la formation de chamiis de neiges et de glaciers. Presque tous, sinon tous ces derniers, sont en dedans de la chaîne occidentale de la péninsule, pas au delà de l'inlluence de la mer. Les montagnes sont les grands condensateurs de l'humidité apportée par les vents de l'Océan sous forme de pluie et de neige, selon leur hauteur et la saison de l'année. Les vastes champs de neiges perpétnelles en Norvège for- ment d'immenses plateau.x, dans lestinels un pic ou une crête se mon- trent parfois. L'étude de la naissance et de la croissance d'un glacier impressionne quand on pense à l'énorme quantité de temps qu'il a fallu pour son origine et ses progrès. Après une certaine hauteur, sur quehpies mon- tagnes, la neige qui tombe dnrant l'aimée ne fond jamais entièrement ; la somme restante, à laquelle de nouvelles couches s'ajoutent d'année en année, forme dans le cours du temps une accumulation d'une profondeur immense ; c'est la source du glacier. Si le temps était toujours froid et la neige toujours friable, la formation d'un glacier serait impossible, car la chute de la neige, avec le temps, atteindrait une hauteur fabuleuse. Régulièrement, les grandes chutes de neige arrivent par une tempéra- ture un peu au-dessus du point de gelée. La chaleur est indispensable pour la formation d'un glacier. Ces champs de neige de la Scandinavie, pendant les mois d'été, sont sous l'influence d'un soleil puissant et jjresque continuel, en raison de ce qu'ils sont si loin au nord; à cette époque, le dégel de la glace et de la neige est très grand. Au printemps et au commencement de l'au- tomne, d'immenses déserts sont produits parles pluies; l'eau provenant de la fonte des neiges filtre à travers les c(juches, et, en se congelant, cimente les particules; par la pression, les couches inférieures sont converties en glace solide. Si le désert de glace qui fond cha{pie année excède le remplissage annuel par la neige, le glacier doit naturelle- ment devenir plus petit et se retirera au lieu d'avancer ; si la fonte pro- 252 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT duit un désert moins grand que le remplacement, le glacier avancera. Aujourd'hui, on trouve en Norvège des glaciers qui s'avancent et d'autres qui se retirent, tandis que, depuis un grand nombre d'années, ceux de la Suisse se retirent. En Scandinavie, les glaciers sont plus nombreux et plus grands au sud du cercle Artique. CHAPITRE XIX LE FIOKD DU SOGNE Le Sogne. — Entrée du fioiJ. -- Prufondeur du ilord. — Les branches lalérales et leur pro- fondeiir. -- Bûnder il bord des steamers. — Passagers de troisième classe. — Vallée des llords. — Le liord Fjaerland. — Glaciers. — Je quitte le Fjaerland. — Le liord .^ogndal. — La vallée Sogiidal. - Vue superbe du liord. — Un beau cùue. — Le fiuni Lyster. De tous les fiords de la Norvège, aucun ne peut rivaliser en di- mensions, en grandeur, en liardis contours, en j)aysage sombre et fatal, avec le magnifique Sogne. Pris nu touriste ne mamiuerail de naviguer sur ses eaux. Son entrée, qui est formée à l'ouest par les îles Sulen et autres, et à l'est |)ar la lerre ferme, est à environ 61°, et son cours prin- cipal se dirige à l'intérieur |iresi|ue direclenient à l'est. La profuiideur de la mer est remarquable. Au sud de Yttre-Sulen, elle a environ 600 pieds de profondeur; plus loin dans l'inlérieur, entre Big-Store Milieu et Stesvundsû, l,o84 pieds; un peu plus haut, elle diminue à 1,200 et 900 pieds, et immédiatement au sud de l'église de Bo, elle atteint l'énorme profondeur de 3,980 pieds; au imrd de l'église d'Ariie- fiord, 3,222 pieds; à l'entrée de l'Aurlaiid, 3,7GG i)ieds, et juste au sud de Kaupanger, 2,904 pieds. Les branches du tiord sont beaucoup plus étroites, mais la profondeur de leurs eaux est également très grande. La Sogndal, à son entrée qui est étroite, est profonde de 132 pieds; iS* I.K l'A\S III Sdl.KII, l»i; MIMIT in;iis, ;'miii rlicMiMi , clic csl lie I , I !l 'i |M('iIs, cl , |ii(''s di' si m cvliriiiilc, ilc 2 Kl I lied s. \ sdii ciilri'c, l:i I.NSIcr ;i 2, 1 7(1 pieds i le |uiiluiidi'iir; ;i mi cliciiiiii, I , I 7(i pieds ; \cis Sdii evIii'iMilé, 27(> pieds. M.iis, d;iiis 1' A.ii(l;d el 1,1 l.aeiil.d, ipii Idniieiil j'evlirnulé siipérietii'e du Sdj^iie, l;i iiier;i, d;ins le preniiei', HK» |iieds, el diiiis le di'iiiiei', 7SU pieds. I,;i l.-ii'^eiir lii(i\euiie du Sdi'iie \,ine de (|ii;ilre ;'i deux nulles, el s.i loiiuiieili' eu ligne dni'cle esl ;'i plus de Ifois dejJii's de l(in;.'ihiile, un inie disl.ince d'iMiNn'on (pi.ilre \inyl (pi.ilic iiniles, .'ivec ses didiuns. IMlisieni's iii.iiulies l.iler.des s'elendeni .ni nniil el an sud, uiilre des li.'iies el Ars anses pnildiides. Sur le Imrd sepleiiliidii.d, un rencdiilie le V.ideiin el le l''iaei'laiids, ce deriner ,i\,nil ipi.ildiv.e nulles de ioii^; le Sdynd.d di\ milles, el le l,\sler \in^l (pi.ilre milles. Sur le liord iiii'- ndidiial sdiil le ItreMve, 1' \in(' el I \ni l.iiid ; ('e deinier ;i sei/,e milli's de Idiit;, a\ec sa hiMiiclie, le \ai'r("i, (pu a envirun si\ nulles. Nulle des- (-l'ipliiin ni' peiil ilumier an leclenr nue nli'e siilislaisaiile de l.i ma<^iiiii- renci' de la sci'ne iprulTreiil ces élnnls lidnls laléraiix dn Sdjjne. i'.ir un liean jum ilii ciimmencemenl de jnillel, je me li'iiiiN.iis puni' l.i secumle luis dans la cli.iniianle \dle de Iterijen, .illend.uil le sif Ile! ilii sle.uiier ipii ile\,ul me lianspuiler .in Sui^ne, iiiun luil l'Ianl de m'anèler en clieniin à ipielipie puinl cunven.ihie el de me iliii;;i'r de l;i vers le lien un m. i laiiLiisie me Cdiidiiiiail. l.e \u\a;.^e. puiir aller de Mergeii an liurd el en reNcnir. demande ipi.ilre juiirs, el les steamers parleiil deii\ Idis par sem.iiiK', l.a lunle ne l.ird.i p.is à se lassemliler, el des li.ileanv idiargès de niunde ipiillèreni le i'i\ai;e l'nn après r.iiilre. .\près la cdiiriisidii ipii lèune lialnlnellemenl >nr un sie.imer à snii dé- p.'ii'l, iimir ilémarràmes. Mil ipiillinl iter^eii, le li.ileaii à v.ipeiir purle vers le iidiil peiidani envudii sdivaiile nulles, ;iii indien d'une scène s.invani'. I..i prune ilii iia\ii(> èl.iil eiiCdinlui'e de pass.i^ers, l.i pliiparl l'eiiiuers el pèclieiirs reluniiianl clie/. eii\ avec di's cullVes. des p.iniers el i\v<. m.innes, Les femmes el les enl'.inls siirlunl el.iienl y.iis, cir lie.iiicunp a\aieiil èlè à ller^;eii puiir l.i première l'dis. el re\en.uenl encli.inlès île l.i ville, ipii liMir avail paru si i;i'amle. Jamais encore ils n'avaienl mi de si he.inv ln;it!asiiis el tani de jolis olijels; aussi avaiiMil ils .ichelè un i;ranil umiiiire trarlicies, lue chose ipTim /lom/rr ne l'i>ra jamais, ipielipie riclie ipnl puisse LK FKHll) l)(i S()(iNI<; 2(V) cire, c'est de iimnln! un Itillrl ilc iirrmirrc fhissc; |i(iiir lui l'.iiijcnl dépensé de celle manière est, enliéreuieiit (;;is|>illé, cl il le refjrelter.iit cl le iiieiirer.'iil bien longlemps; noii iiii'il sdil ;iv;ire, loin de h'i; ni;iis il préfère dépenser son ,'M'j;cnl nmlic nnc \\\\v\w icciii', |i;ir exein|)le, Ir.'iiler ses .'irnis pend;inl la Iravcrsrr. Il n'a pas la moindre inclinalion à se rnèler fivec les j^ens de la ville, dont Iteanconp, ici comnie aillniis, regardent de haut ces cidlivatciirs du s(d, se nio(|ni'nl ilr Inns haliits el, de leurs manières, el refusent de se joindre à v\\\, nirnir sur le iionl, dans la crainif (|im' leur silnalion dans la socièlr n'en puisse èhe dinii- nilée. I)e |iIm>, >i lui friniier élail ilisjiosé à |ireiiilii' un hillel de |)re- mièri! classe, il s(! };arderail de le faire, dans la crainle d'èlrtï tourné en ridicule par ses amis, (pii penseraient ipi'il veut se donner de ^'rands airs et (pi'il tient à paraître un /irrrr f^'entleman). l'ar 1(^ heau temps, la troisième classe ou |r |junl soul assez hons pour lui et sa lamille; en cas de tem[)ète ou de froid, il pousse un soupir ipiainj il est forcé de prendre la seconde cahine où il trouve un alui conforlaMe, mais |Hiinl d'amenhlement; car il n'y a ipie des hancs et des laides en liois nu, et c'est sur ces tables, sur ces bancs et sur le plancher (pi'il re|)ose du mieux qu'il peut. Mais la majorité reste éveillée toule la miil. La seconde cabine est liabiluellement rem[)lie de fumée de tabac, à travers hupielle on distingue une foule joyeuse; avec celle ipii est sur le poid, elle a ccrlainemenl le meilleur temps à bord ; ilsrienlet[daisanb'nl, jouent aux cartes, mangent et semblent tenus de se donner du plaisir avant de ren- trer à la ferme et de re|)rendre les durs travaux, lieaucoup retournent chez eux heureux de leurs ventes onde leurs achats. La (piestion invaria- ble en Xonège, c'est: « Combien cela coùle-t-il? » car le peu[»le tient à savoir le prix de charpie chose. J'ai toujours eu grand plaisir k me mêler k ces hondpr, k bord des steamers, el à jeter un cou|t d'reil sur leur caractère, à faire ce (pi'ils faisaient, à. être comme l'im d'eux; j'ai ainsi passé bien des heures agréables cl je me suis fait des amis. La roule (pii mène au fiord du Sogne passe au milieu de lanl d'iles, que l'on croît voguer sur une rivière; la scène parfois est extrêmement belle, La plus grande partie du pays est inbabiléf^; de temps en temps, la mer paraît si corn|ilélement fermée par la terre, (pie l'on sup|»ose le voyage fini; mais soudain une ouverture se présente, et on aperçoit au 236 LE PAYS DU SOLEIL DE MINLIT loin une vaste étendue cfeau ; le canal est quelquefois si étroit et si tortueux, que le navire touche presque les rocliers des deux bords. Rarement les steamers abordent à un quai; ils stoppent simple- ment. Un grand bateau part du rivage et apporte de la cargaison ou en prend. Une quantité de petites embarcations arrivent avec des passagers et emmènent ceux (jui vont à terre; souvent a lieu une indescriptible confusion; les bateaux cahotent les uns contre les autres; les gens se disputent et crient; marchandises, chevaux, moulons, passagers vont et viennent, et, en même temps, on transporte les caisses par l'étroit passage. Ici, des individus sautent de bateau en bateau jusqu'il ce qu'ils soient arrivés à celui qu'il leur faut; un homme retourne en hâte au steamer pour chercher quelque chose qu'il a oublié; une femme appelle son mari, qui est encore sur le pont, dans la crainte qu'on le laisse en arriére. Un autre aileiut le navire dans nue traiispiraliou effrayante, provoquée par l'appréhension qu'il a de manquer le vapeur; dans son ahurissement, il vient rouler dans le giron d'une femme qui, au lieu de se fâcher, rit de tout son cœur. Des hommes en bateau crient en vain au caiiitaiue d'arrêter. Ce que j'admirais surtout, c'était l'urbanité de tons les officiers. Dans le tumulte, quelque ennui qu'on leur fasse éprouver, pas un mot inconvenant ne sort de leur bouche et ne blesse l'oreille. A six heures de Bergen à peu prés, on atteint l'entrée du Sogne, qui a six ou sept milles de large. En côtoyant le bord méridional, on passe devant une masse énorme de rochers. Le Sognefest (château du Sogne) est très harili dans ses contours, et semble former deux c(j|és d'un carré. La scène qui se déploie devant le voyageur est superbe: c'est un panorama toujours changeant dans ses tableaux de montagnes couvertes de neige; au nord, les glaciers de Justedal, dominant les montagnes de l'est, et, au sud, les champs de neige de Fresvik. La végétation augmente à mesure que l'on pénétre d ns l'iulérienr; les bases des montagnes et des collines soûl couvertes de bois. Sur le côté septentrional il y a un tiord étroit sur les bords duqui'l, ot à son extrémité supérieure, sp trouve le hameau de Vadeim avec ses maisons peintes en blanc et deux ou trois fermes. Le steamer s'arrête ici à un quai pour débarquer les passagers et s'alléger de sa cargaison. En cet endroit, une grande route conduit vers le nord au tiord de Forde et au Julster-Vand. LA VALLKE DE LA SOONDAL 237 Les vallées aui»rès des liords soril souveiil liés fertiles et bien cul- tivées, contrastant singulièrement avec les montagnes stériles qui les entourent. Depuis la mer, elles semblent lonner un bassin ovale avec un ravin à l'extrémité; les versants des montagnes descendent doucement vers ce bassin, creusé évidemment par l'action de la glace et de l'eau. Quelquefois deux ravins entrent dans la vallée comme deux branches rayonnantes. A la base des montagnes, les terrasses s'élèvent l'une sur l'autre au nombie de trois ou (piatre. A environ soixante milles de son entrée, le Sogne semble fiiiii' tout à coup à la base des hautes montagnes; il tourne brusquement an nord et dépasse l'île de Kvamsn; à ([uelques milles plus loin, le fiord prin- cipal court encore une fois à l'est, tandis qu'au nord apparaît l'entrée du Fiaerland, la |)remière grande branche du Sogne. Le steamer stoppe au chaimanl hameau de Balliolmen, en face duquel est situé Vangsnaes, lieu de la scène de la « saga » de Frithiof. Sombre est le Fiaerland avec ses montagnes, ses glaciers et son aspect sauvage. Des cours d'eau, alimentés [lar la neige et la glace fondues, descendent de chaque versant. Sur les montagnes dominantes sont les Langedals et les glaciers Biôrne. s'élevant à 4, .500 et 4,780 pieds au- dessus de la mer. Un peu phis au nord, siu' le côté occidental, sont les fjords Sraere et Vetle, entre des montagnes, dont la plus haute, l'Oat- neskri, atteint jusqu'ti 5,000 pieds. Au bout du hord Vetle, se trouve une route de quelques milles, conduisant au grand banc de glace de Justedalfonn. Si Ton navigue plus loin dans l'inlérieur, des montagnes encore plus hautes se mirent des deux côtés du fiord, la Melsnipa, 5,620 pieds, et les glaciers Gnnvonis et Stendals, 5,200 pieds. L'eau est d'un vert opaipie tout particulier, (pi'elle doit à l'elïet des nombreux cours d'eau produits par les glaces. Trois vallées divergent des terres basses au bout de ce fiord; les deux plus intéressantes sont la Suiihelle et la Boyum. La première est un long et étroit ravin, enfermé entre des montagnes rugueuses; son glacier, à environ quatre milles de la mer, est alimenté parles éboulemenls d'un autre glacier avec lequel il n'a point de communication directe, les masses de glace tombant d'une hauteur de 2 à 3,000 pieds. La Boyum est à l'ouest de laSuphelle. Les montagnes sont escarpées; elles portent des bouleaux à une grande élévation surmontée par le glacier. 17 :2o8 LE PAYS DU SOLKIL DE .MINUIT En 1868. un grand numbie cravalanches roulèrenl sur dilTérentes parties du pays et ocoasionnèreni drs morts dMiommes et des deslruc- lii)ns de itropriélrs. Sin- le Fiaerland, du côté uccidental, il en descen- dit une de telle taille, (ju'elle fomi'a un pont sur le fiord qui, à ret en- droit, est large de o,00U pieds et que l'on put le traverser à sec. Si la chose ne m'avait été affirmée par plusieurs personnes dignes de foi, je ne l'aurais pas crue, tant ce fait parait incroyable. En quittant le Fiaerland et eu icuioiilanl de ikhivimu le li(U'd Sogue, la scène devient plus gaie; les bois, les champs et les prairies, les ha- meaux et les fermes deviennent plus nombreux : à la base des montagnes, les collines les plus basses sont couronnées tle bois. Ici se voit le hameau de Fejos, pondant (|ue le champ de glace Fresvik, haul de .3,000 pietls, domine le t(uit. Le Kaiiger, le plus grand assemblage de fermes t|ue j'aie vu sur le fionl, se trouve sur le bord septentrional, ])res((ueen face. Deux courants du Grindsdal et de l'Henjumdal, — deux vallées séparées de (pielques milles — formés par le glacier Gunvord, 5,000 pieds au-dessus de la mer, se jettent ici dans le fiord, et four- nissent de la force motrice à de nombreux moulins à blé. A quelipies milles plus haut, sur le bord scplcntrional, le fiord Sogndal apparaît, avec son aspeci lalal. ses régions fertiles et ses val- lées transversales, sur lesquelles sont disséminées des fermes. Ici aussi, la mer est décolorée par les cours d'eau venant des glaciers. Dans les montagnes, on trouve de nombreux sactcrs. Le village de Sogndal pos- sède beaucoup de maisons, bâties tout [irés l'inie de l'autre, et le steamer stoppe à un (piai. La pupulaliou se compose d'environ cinq ceuls âmes. Le district est célèbie par ses vergers de pommiers et aussi par son (ja)ninel(Kst (vieux fromage), qui, lorsipi'il est assez vieux, est le plus fort des fromages connus. Quand on y est accoutumé, c'est un excellent apéritif. Depuis la Sogndal, l'aspect du Sogne est superbe. Sur le bord sep- tentrional surgit Storehog, 3,830 pieds; en face Blejen, S, 400 pieds; le fier dpasse entre eux, avec deux milles de largeur et 2,900 pieds de pro- fondeur. La plupart des montagnes s'élevant du fiord sont déchirées; en divers endroits, on aperçoit, à une grande hauteur, des bouleaux, des sapins, des pins; l'œil rencontie aussi une ferme solitaire et un moulin à blé. A quinze milles au-dessus du fiord Sogndal, sur le bord septen^ LA BAIE DK KAUPANliEM 23!) Irional, se trouvent les petits luiiiieaux (rAiiible .suitérieiir et iiiféiieiir, et l'église de Kaupanger. Ils sont situés sur les bords d'une jolie baie, de forme ovale. Les collines les jilus basses descendent doucement vers la mer et sont garnies de bois jusqu'à leurs sommets, et çà et là des bosquets d'aunes, da tilleuls, de bouleaux et d'antres arbres. Deux beaux cours d'eau tombent dans la mer, et, sur leurs rives, on a établi de petits mou- lins à blé. Des prairies, des champs jaunissants et des plants de pommes de terre, sont épars autour des fermes. Par un clair soleil, l'endroit est d'une exquise beauté. Que de lieux pilloresques on trouve sur ces fiords ! ils frappent les regards au nmment où l'on s'y attend le moins. Un peu plus loin, en entrant dans le fiord Lyster, on aperçoit un immense et magnifique panorama de montagnes et d'eau. La neige et les glaciers appellent les regards vers les hautes régions, pendant qu'une ferme, un hameau ou une église, i)rouvenl que des hommes vivent près de la mer, au milieu de cette grande et stupéfianle nalure. A (luelques dix ou douze milles dans l'intérieur, sur un promontoire du bord oriental, est située Urnaes, d'où une vue admirable du fiord se présente d'elle-même, avec sa chaîne de collines et d'éperons descen- dant vers la mer. Sur le bord occidental, en face d'Urnaes, estSolvorn, pittoresquement placée dans le creux des montagnes. CHAPITRE XX LES SNEBRAEER JUSTEDAL Les glaciers JustedaL — Vastes champs de neige. — La vallée et l'église de Justedal. — Le glacier Nygaard. — Faaberg. — Maisons de ferme malpropres. — Peu engageant. — Draps de lit. — Un saeler. — Aspect du glacier Lodal. — Une superbe caverne de glace. — Marche du glacier. — Un glacier, rivière de glace. — Mouvement d'un glacier. — Moraines. — Le glacier Slegeholt. Ce champ de neige, le plus considérable de la Scandinavie, couvre un espace continu de plus de 82 milles carrés (anglais), et sa profon- deur, en bien des endroits, atteint i ,000 pieds. Il comprend la surface bornée au nord par le fiord Nord, au sud par le Sogne, à Test par la vallée de Justedal, et à l'ouest par le fiord Sônd. Sa partie inférieure est entièrement bordée par des glaciers qui s'écoulent dans toutes les directions. Dans le fiord Fiaerland, les glaciers sont à trois milles dans l'intérieur des terres; l'extrémité du Boyum est d'environ 400 pieds, et celle du Suphelle de 160 pieds au-dessus du niveau de la mer. L'épine dorsale, ou crête rocheuse de cette masse de neige, a une hauteur moyenne de o. 000 pieds : le point le plus élevé se trouve entre Stryn et la vallée de .IiLstedal (le pic Lodalskaupos), et atteint une hauteur de 6.410 pieds dans la partie orientale, et de 6,110 dans la partie méri- dionale. LE GLACIER BERSET 261 La vallée de Justedal, laquelle tire son nom du grand glacier qui surmonte ses montagnes, est à la pointe du fiord Gaupne sur la Lyster, A son entrée, est placé le hameau de Rôneid, avec une auberge confor- table, où l'on peut se procurer des chevaux. Une route étroite, bonne à parcourir à cheval et passable pour une carriole, conduit à la fin de la vallée distante de 6 ou 7 milles; à 14 milles environ de Rôneid, se dresse l'église paroissiale de la vallée, entourée d'un mur en pierres brutes, et l'humble cimetière, où l'on ne voit (pic (pirlipics croix de bois. Le pri'sbytéiv adjacent a un pelil jardin cl de petites [)iéces d'orge et Le gladui' Xjgaard, ou lierset, vu du pont. de pommes de terre; on peut dire que c'est le seul endroit propre et convenable dans tout le voisinage. A quelques milles plus loin, on arrive au glacier Berset, le premier de la vallée, et auprès duquel est situé le pauvre hameau de Nygaard. De la caverne bleu foncé à la base du glacier, un courant boueux s'élance avec une force extrême dans la vallée, et tout à côté du bord glacé, se trouve une ligne parallèle de blocs erratiques, de pierres et de sable, laissée derrière elle par la masse en se retirant. Au delà, se 262 LF: pays Dr SOI-EIF. DK MlNl'IT montrent quelques autres crêtes transversales, formées par des dépôts similaires, prouvant que le glacier ircule. Deux nu trois petits courants ont creusé des canaux dans les glaces, et ICau découle le long des versants. Après une course à cheval de 28 milles, j'arrivai à Faaberg, le der- nier hameau de la vallée, (|ui contient plusieurs fermes bien approvi- sionnées, et esl enlmué par des champs vei-doyants et des (irairies. Les collines sont garnies de bouleaux jiis(prà une hauteui' considérable, tandis que la partie supérieure du ]ila[eau est couronnée de neige et frangée de glace. Le bien-être n'y était pas grand; les maisons se dis- tinguaient par leur malpropreté, et la nourriture aurait paru déplorable à ceux qui n'y sont pas accoutumés. Par exemple, les puces foisonnaient, de même que dans la plupart des districts de la Norvège; mais, ici, ce fut comme un véritable fléau. La plus grande partie des femmes étaient au z ])as de venir à Krokengaard, à votre retour! » Ceci fat dit avec cet accent norvégien particulier et cette douce voix qui rendaient leur anglais fort agréable à entendre. Lorsque nous approchâmes du rivage, le bi'uit de nos rames attira l'attention des gens qui travaillaient dans les champs. Nous prîmes terre et nous entrâmes dans un large sentier qui nous mena, à travers des champs et des prairies, â un mur en pierres bas, entourant un jardin. J'ouvris la porte et je me trouvai dans un verger de pommiers et de cerisiers chargés de fruits magnifiques; il y avait aussi des prunes et des groseilles. Les allées étaient bordées d'arbustes en pleine Heur, et fourmillaient d'oiseaux attirés par les fruits. Quand j'eus frappé à la porte d'une blanche ferme à la mode an- cienne, une jeune dame se présenta; je lui demandai si le capitaine Gerhard Mûnthe était chez lui. Elle m'introduisit dans une chambre où un beau vieillard, un gentleman aux cheveux blancs, était occupé à lire; dès qu'il me vit, il vint à ma rencontre et m'accueillit avec cette cour- toisie norvégienne qui vous met tout de suite à l'aise; sa jeune femme, avec un sourire agréable, me reçut aussi très cordialement. De la bibliothèque, on me conduisit dans le parloir, où des dames, tenant en main des ouvrages à l'aiguille, causaient entre elles. Je fus présenté à deux filles d'un premier mariage, jolies jeunes dames; et je reconnus parmi les autres mes deux compagnes de voyage, qui, ainsi que je pus m'en apercevoir [)ar la chaude réception que l'on me faisait, avaient parlé de ma venue ; à leurs aimables sourires, je constatai qu'elles ne m'avaient pas oublié. Après une présentation générale, on offrit du vin et des gâteaux et le vénérable capitaine dit en me regardant : « Soyez le bienvenu à Krokengaard! » puis nous nous saluâmes. Il y avait quelque chose de si bon, de si franc, et de si aimable dans les manières de cha- 268 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT cun, que le sentiment de gêne que l'on ressent d'ordinaire quand un entre pour la première fois dans une maison étrangère, eut bientôt dis- paru. (( Nous allons tous dîner chez mon frère et ma sœur, me dit mi)n hôte, et vous viendrez avec nous. Là, aussi, vous serez le bienvenu. » Le frère, un célibataire, m'accueillit en français, et la sœur en norvégien. Ils avaient invité tous les membres de la famille puur ce jour-là. Le capitaine prit mon br;is pour eiilrer dans la salle à manger. Les Norvé- giens n'ayant point de smôrgas, le diner commença sur-le-champ. Le capitaine, comme l'aîné de la famille, s'assit au haut de la table ; je pris place à sa droite, et une nièce par mariage, une dame de la Hollande, se mit à sa gauche; son mari, un neveu artiste demeurant àDiisseldorf, était venu ici faire son voyage de noce et revoir en même temps la vieille demeure familiale; le frère s'assit au bas de la table et la sœur au centre. Le dîner fut bon et substantiel; on avait tué un mouton pour cette occasion; on servit du vin do Bordeau.K, et le premier toast de bienvenue fut purté en mon honneur par le propriétaire de Kroken- gaard. A table nous parlions sej)! langues — le hollandais, que quclues dames avaient appris alin de converser avec leur cousine — le français, l'anglais, l'allemand, le suédois et le latin. Ceci donnera une idée de l'éducation des gens bien élevés en Norvège. Chaque personne présente, à l'exception de deux, parlaient plus ou moins bien au moins trois langues en sus de la sienne ; (pielipies-unes comprenaient toutes les sept et même encore d'aulics ; nous rîmes beaucoup, car telle était la confusion, qu'il nous semblait venir de la tour de Babel. Les sujets de conversation furent très variés et |u-ouvaient que la société avait de l'observation et de la culture d'espril. Je m'amusai fort de la dame Hollandaise qui paraissait craindre (jue je ne reconnusse pas sa nationalité; plusieurs fois, elle prit la peine de m'expliquer qu'elle était de la Hollande et que les Hollandais ne ressemblaient en rien aux .\llemands. A cette époque, le sentiment de la masse du peuple en Norvège et en Suède était ardemment français ; leur sympathie pour la France éclatait à tout propos, et on aurait dit que la guerre avait été en partie supportée par eux; ce sentiment se manifesta partout où je voyageai, et sans doute la guerre prusso- danoise l'avait encore accru. UN PAYSAGE IDYLLIQUE 269 Après le café et une exhilarante partie de croquet, nous entrâmes dans un petit verger où nous cueillîmes des cerises, des groseilles, des framboises et des mûres; ce fut un charme pour moi, car, l'année précé- dente, je n'avais pas goûté un seul de ces fruits, et, dans la plupart des districts, les fermiers ne les cultivent pas. Je ne m'étonnai plus rpie Krokengaard fût célèbre pour ses fruits. Les premiers étaient tel- lement chargés, que leurs branches ployaient. De ma chambre, j'avais une vue superbe du fiord, des montagnes couronnées de neiges et des glaciers; le matin, je fus réveillé parle chant des oiseaux, qui ne sont jamais troublés ici par des coups de fusil, bien que leurs déprédations soient considérables. Le calme de ces fermes norvégiennes le long de la mer, solitaires, livrées à elles-mêmes, est très remarquable. Elles n'occupent souvent que d'étroits espaces de terre couvrant les rochers, avec de hautes montagnes par derrière, et l'eau du fiord en face; des sapins, des bou- leaux et autres arbres poussant sur les déclivités ou les sommets de col- lines pour fournir le combustible; entourées par quelques champs et prairies; la mer pour unique grand chemin. A une assez faible distance de la maison, un beau courant d'eau clair descendait de roc en roc par une étroite gorge transversale, tombait perpendiculairement d'une hauteur d'environ trente pieds, et coulait sur un lit de graviers; l'eau était si limpide, que l'on aurait pu compter les cailloux du fond. Sur ses rives étaient dispersés de superbes bouleaux aux troncs blancs; à coté, l'œil s'arrêtait sur la sombre maison du fermier de Krokengaard. Sur le bord de la rivière, et plus haut, un petit moulin à blé qui fournissait la farine du domaine faisait entendre son tic lac. Ce coin retiré, entre le cours d'eau et la chute, avec ses prairies, ses bois et ses rochers, était l'en- droit le plus charmant de la ferme. On trouve le long des fiords de la Norvège plus d'un tableau comme celui de Krokengaard. Le capitaine Gerhard Mûnthe, propriétaire de ce bien, jouissait parmi ses concitoyens d'une renommée littéraire, car, dans ses jeunes années, il avait écrit une bonne histoire de Norvège. Souvent deux ou trois fermes comme celle-ci, non loin l'une de l'autre, et appartenant aux membres de la même famille, se réunissent. Là, vous trouvez tous les conforts et les raffinements que donne l'éducation. Les chambres 270 LK PAYS UT SOLEIL DE MIXL IT sont bien meublées, chaque partie de la maison est tenue avec une exce.sive propreté; le garde-nian|jer est bien pourvu et il y a toujours à la cave une j)etite provision de vin |)our recevoir les amis rpii viennent en visite; les domesliipies sont bien stylés; outre le jardin potager parlailemenf entretenu, on cultive des fleurs en abondance; le verger esl bien soigné; les bâtiments de la, ferme sont en Itou étal; le bétail est beau; les cliamps sont bien labuinvs; on aime les arbres et les rocliers, et tous les avantages que peut procurer un lieu pilloresque sont mis h profit. Parmi les complémenis habituels, il faut citer ; une niaisonnelte d'été pré.< de la ferme; un banc sous un arbre d'où l'on a une lielle vue; une maison de bois construite près de la mer on d'un ruisseau venant de la montagne; un bateau bien peint et solide, dans lequel on peut ra- mer et pêcher, et un bon » saeter » dans la montagne. Dans la maison, on trouve généralement un [)iano et quelquefois une harpe, une guitare ou un violon, car on cultive la musique. II y a aussi une petite bibliothè- que, une bible et antres onvi'ages religieux, ainsi qu'une variété de livres utiles. Sur la lablr ilii parloir se prélassent généralemenl (pud- (pies-unes des dernières publications, une revue illustrée pour les en- fants, et les journaux des grandes villes qu'apportent une ou deux fois par semaine les bateaux-poste, donnant les dernières nouvelles, non seulement de la Norvège, mais du monde entier. Les steamers qui sont chargés du courrier stoppent à maintes places le long des fiords et s'avancent jusqu'à leurs extrémités, car il y a des stations de poste par- tout; les heures de leur arrivée sont fixées; le peuple les attend avec imiiatience, et, aussitôt que le steamer s'est arrêté, un bateau se délache ihi livage pour chercher la malle, ou bien un jeune garçon va la recevoir par le senliei- de la montagne. Les lettres surtout sont atten- dues impatiemment parles familles; la femme espère apprendre des nonv(dles de son i)ére, de sa mère ou d'une amie; le mari bn'de de lire sa correspondance d'aiïaires; la fille aspire après un billet de ses chères amies de la ville, ou de (pielques camarades de classe, ou de son amoureux, ou de son frère, qui a quille la maison paternelle pour cher- cher fortune dans le vaste monde. On attend toujours quelque chose, et le désappointement est grand ipiand le messager revient les mains vides. Il ne faut pas parler d'éqnilaliiiii dans ces endroits, car on ne se MENAGES NOliVEC.IENS :271 sei'l des dievaiix que pour les besoins de la ferme. L'éducalioii des en- fants n'est |)as négligée; on leur enseigne les vérités de la Bible, mais pas de cette manière austère, qui souvent est cause que la jeunesse se dégoûte (le la religion. Tout ce qui tend à produire le développement intellectuel attire l'allenlion de la famille dans la mesure de ses moyens; on fait de grands sacrifices pour donner une b(inni> éducation aux enfants, et même pour les envoyer dans les villes poursuivre rétude des hautes brandies du savoir. On apprend aux filles à être bonnes ménagères, habiles dans les ouvrages à l'aiguille, dans la broderie, et la couture; elles tissent et font elles-mêmes leurs toilettes; une machine à coudre se rencontre toujours dans la chambre oii l'on se lient, en sorte que, (juand elles se marient, elles sont capables de pren- dre soin d'elles-mêmes et de leur famille. Cette vie est essentielle- ment intérieure, riche en conl'oits dimiestiques; (in recherche une cul- ture d'esprit solide plutôt qu'un mérite superficiel, car la femme est souvent la seule compagne (pu égayé les longues heures de l'hiver. Le })euple est accoutnnn'' à la littératiu'e courante do son pays et aux pro- grès scientifiques du monde; dans les humbles demeures, on trouve souvent les ouvrages des pays étrangers. Les eiifanis ap]ii'(Minenl la mu- sique, et, à l'occasion, lors(pie les voisins viennent en visite, les vieil- lards et les jeunes gens se livrent au plaisir de la danse. L'église est parfois très éloignée el la mer seule y conduit; c'est ce qui fait que, dans le cours d'une année, des familles n'assistent que rarement au service public, lors de la confirmatidii des (Md'ants, de la communion, ou quand le temps est très beau. Cependaid, cette rare assistance à l'église ne semble pas amoindrir la foi du peuple; au contraire, il m'a semblé que plus il est solitaire plus il devient religieux. Dans ces ménages norvégiens, la femme est industrieuse et la mère consacre sa vie à embellir son foyer. Elle est dévouée à son mari et à ses enfants; généralement elle instruit les jilus jeunes. Le mari prépare souvent ses garçons pour les écoles supérieures; de plus, il surveille les liavaux de la ferme, il les conduit avec prudence et éco- nomie; il calcule combien les récoltes rendront, combien on pourra Vendre de beurre après avoir mis de côté la jirovision de l'année; comment il faudra faire pour ménager et économiser le bois, — car les arbres ne poussent pas vite et deviennent plus rares tous les ans. A 272 I>E PAYS Dr- SOLEIL DE MINI IT l'occasion, on brûle aussi de la loiirhe. Il Joit voir encore si les arbres qui ont la taille voulue ont été abattus. De temps en temps, on coupe quelque grand sapin, soit pour un but de construction, soit pour le vendre, afin d'augmenter les fonds du ménage quand les récoltes ne sont pas rémunératrices, ou poui' venir en iiide à nn p;iuvn' voisin, ou pour payer les dépenses causées par In rrci'plinn iI'uih' sociélé plus nombreuse que l'on ne s'y attendait, ou encore par une visite prolongée à la ville. Généralement parlant, l'argent n'abonde pas, et l'économie est nécessaire. Aucun peuple n'est plus généreux, plus hospitalier ni plus cordial; la bassesse et la ladrerie sont étrangères au caractère norvégien ou suédois, et. en considérant leurs ressources, en aucune autre contrée rélrruiL'i'r n'est si bien reçu ni Imité avec tant d'hospitalité. J'ai vécu dans les monlagnes avec des gens qui occupaient de pauvres cabanes en bois, et dont la seule nourriture élnit des pom- mes de terre; eh bien, ils m'olïraient de bon cœur le peu qu'ils avaient, et c'est avec grand'peine (jue je parvenais à leur faire accepter de l'ar- gent. Il leur semblait indigne de vemlre de la nourriture à un homme alTamé, ou de recevoir de l'argenl |hiiii' rnliri iiuils lui ildiiiinienl. La bonté de cœur des habitants des districts montagneux et retirés, loin des routes que suivent les touristes et des voies de trafic, a grandement ajouté à l'amour et à l'admiration que je professe pour le caractère norvégien. Ce fut vraiment à regret que je qnilhii Kiokengaard, ce charmant foyer, où tous s'elTorcèrent de me rendre la vie agré.ible. Le jour de mon départ, on avait hissé le pavillon en haut du mal. cnninie signal [)our le steamer de stopper. A la fin ilii dîner, lors(pie nous étions tous assis autour de la table, mon vénérable hôte devint particulièrement grave. Il proposa de boire à ni;i s.irité, me sonh.iila le succès dans mes entre- prises, puis exprima lespuir qui' j'avais trouvé la Norvège un bon pays, et les Norvégiens de bonnes gens. « Notre pays est pauvre, dit-il. mais nous ne pouvons changer ce que Dieu a fait. Nous vous souliailons succès et santé dans vos futurs voyages. Quand vous reviendrez au liord Sogne, venez à Krokengaanl, vous y serez toujours bien accueilli. Mais ne tardez jias trop, ajoula-l-il d'un ;iir rêveur, car (pielipi'iin pdur- rail bien ne |ijus s'y trouver. » Les visages de la société devinrent tristes à mesure (pi'il parlait, et je vis des larmes dans bien des yeux. « Oui, DiNr:R D'Ai)ii;r û'h rpprit-il, si vous désirez me revoir, n'aUenilez pas trop longtemps, car jf suis lin vieillard et ma vie approche di' >a fin. Pour vous, mon ami. un bon et heureux voyaf/e. et revenez à Kidkengaard ! >» La st'iiaration me toucha profondémeni, et je ne l'ai jamais oubliée; mes jiensées errent souvent au delà des mers, et je me demande si le vieu.x capitaine, à la taille droite et élevée, avec ses longs cheveux blancs, se promène encore auprès du fiord de Krokengaard. 18 CHAPITRE XXII LE FIOUD AAUUAL Le liord Aardal. — Sa s|)li'iiilitk' oiiliéo. — Vallées sauvages des lionls. — liateaux sur le lac. — Retour des «saeters». — Uu lar Ingubie.— La ferme Moen. — La lijaellcdal-foss etia Hagadal- foss. — La ferme de ILjfdal. — La ferme de Vetli. — Le Mark ou Vetli-foss. — Le liord Aurland. — Le liord Naero. — Cirandeur de la scène. — (ludrangen. — I,a Xaerodal. — La bruche de Slalluiui. — In li.'.'.u paysage. — Vossevangen. — Le liurd (iraveii. Du Lyslcr, L'ii rcM'h.iiil ;iii lim'il |iiiiirip;il. dii ciiln"' il;iiis IWardal, conliniialidii du So,nii(' ol son Vxtrémilr la plus orieiilalo. A son oiilrée, s'élève in Huillciiakkcii, i,OfK) iiicds, cl, du L'ôté opposé, la Bdoniioliia- ase, 3,800 pieds, avec des inuiilagiies encore plus liaules derrière elles. Les jours d'aiilouine élaient venus, el je naviguais à la voile sur le liord, lorsipie mon bateau deiiK'iiia (pielipie h'iiips slalioniiaire par manque de veiil, el à mi-eheiuin enire ees luoniagnes; la scène (|ui s'olïrait à mes yeux èlail d'iuie grandeur (pii n'esi surpassée nulle [lart, el rarement égalée, mémo en Scandinavie. Parnu les vallées sauvages, en liant des monlagnes, il laut ci.ler Oferdal (Âarferdal); prés du rivage on voyait quekfueâ pauvres fermes ; des filets sécliaienl sur des perches auprès des liangars et des groupes de blonds enfants jouaient ensemble; ces endroits d'un aspi'cl si pauvre regorgent d'enfants. De petits tas de cailloux prouvaiiMit que l'on aviiil VAI.I.KES SAUVAliES 273 essayé de délilayer la lerri' poiii' la inellri' en riilliiri'. Aanlalstangen est le dernier liameaii à l'exlréniilé siipéiaeiire du lioi'd. Dans ces hameaux, les maisons sunl petites, peu commodes et pas très propres. La meilleure appaitient haliitiiellement au marrliand de l'endroit, letpiel, — natif de ipiehpie ville ou de (pieique grand hameau, — dans son humide lidulique, fournit aux habitants les articles dont ils ont besoin pour leur nouriiture ou leurs vêtements; parfois il se livre à de petites spéculations sur le beurre, le fi'omage et même le bétail, qu'il envoie par le steamer dans les grandes villes; ses profits ne son! pas forts, et il se montre satisfait si, dans le coiu's d'une année, il a |)u mettre de coté cent ou deux cents dollars. La maison du marchand sert d'aujjerge, et l'étranger y trouvera propreté et bonne nourriture. Le marchand d'ici, Jens Klingenberg, n'était pas chez lui: mais son excel- lente femme et son fils me reçurent avi'c beauconp de lioiilé, d'autant plus que je leur apportai une lettri' de recommamlalion d'iui de leurs amis. Ces vallées des liords son! extrêmement sauvages et âpres; les fermes ne communiquent entre elles que par un sentier praticable ;'i cheval. Elles doivent oil'iii' des charmes paiticuliers à l'amant de la natui'e, surtout ici ipie l'une d'elles contient la [iliis belle (diute d'eau de la Norvège, la Vetti, appelée aussi Môrk-foss. Le trajet pour y aller et en revenir demande moins d'un jour. Dans cette abrupte vallée, qui est la contiiuialion du tiord, à une faible distance dans l'intérieur, se trouve un lac pittoresque dont les eaux sont d'un beau vert foncé. Pliisieius grands bateaux plats, fpii servent à transporter le bétail jusqu'aux sentiers conduisant aux « sae- ters », étaient échoués sur la plage. La montagne Stigebjerg s'élève per- pendiculairement au lac. el une cliule d'eau déidiainée tombe en blanche écume d'une hauleiu' voisine. Tout était vie sur le lac; les bateaiiv plais chargés de bétail, de moutons et de porcs, allaient dans toutes les directions. L'été était passé. Les jeunes filles rentraient dans leurs foyers, eiK'liaidées de (piilter leurs retraites montagneuses, et les villageois les transpor- taient avec le fromage et le beurre qu'elles avaient faits. Vers le milieu du lac, on jouit d'une vue superbement sauvage. D'ime part, la masse gigantesque des rochers tombe à pii! dans l'eau, et, un peu plus loin. 276 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT une grande cascade, la Hellegaard-fdss, se i)réci|>ite en blanche écume cl ])araît plus blanche encore par la somliic nature des rochers. Plusieurs « saeters » sont perchés luiit auhaiil, Inii d'eux s'appelle Kvenli. Peu a|irès apparaît derrière une autre masse lilanclie de va- gues écumeuses, le Stige-foss, qui est d'abord caché à la vue. Si l'on regarde en arrière vers le fîord, un spectacle farouche frappe les yeux, et l'on ne peut croire que ce soit le même pays par où l'on vient de passer; des monts sourcilleux et d'affreux ravins se lonl voir dans toutes les directions, et les feuilles jaunissantes des bouleanx et de l'herbe semblent belles. Près de l'extrémité supérieure, sur son rivage septentrional, se dessine la vallée de Nondal, avec des fermes juchées à 2,000 pieds au-dessus de l'eau. A la pointe du lac, la vallée de l'Aardal prend le nom de Ulladal, et conduit à laVelti-foss. Elle C(unt piesiiiie parallèlement au fiord Lysler, dont elle est séparée par des niasses de montagnes de vingl-cin(j milles de large, terminées par le Horunger, à 7,020 pieds de hauteur, et entouré de glaciers. Du côté de l'est, les montagnes s'élèvent à G,.S00 pieds, et les lacs et les torrents offrent à l'artiste des sources de délices. Un sentier qui part de la Modal, conduit à File fleld et à Nystuen, sur la route postale de la iioinle du fiord Laerdal à (llirisliania. Il y a là une jolie ferme, appelée Moen, où l'on trouve des loge- ments confortables. A (|ui'l(|ne dislance dr la maison, un éjieroii de la montagne couvert de sapins, semble barrer le chemin; mais, au delà, on arrive dans un superbe vallon, avec des fernu's, (pii fait l'effet d'une émeraude. Cet endroit charmant |ieut avoir un niille anglais de lon- gueur. Knsnite la v.ijlée se l'élrécil et deviriil presi|ne ini ravin jonché de fragments arnudiés des montagnes et bordé de terrasses occasion- nelles. On liasse devant la ferme de Svalheim et Ton atteint l'Hjel- ledal-foss, superbe cascade londiant en nnp|)e d'écume d'une hauteur de sept à huit cents pieds, et ensuite l'Hagadal-foss, à peu prés aussi liante. Au-dessus, la rivière est traversée par un pont élroil et IVèle, formé de deux ou trois troncs de sajùns; de l'aulre côlé, on voilipiel- ques champs d'orge et des pièces de pommes de terre. En haut, sur la montagne, se trouve la ferme Hofdal, dont on approche par lui dan- gereux sentier, i\\h dblige à fr.incliii' des crevasses sim' un tronc La Velti, ou Moïk-fuss. LA VETTI-FOSS 279 (rarbiï', ou le loiii;' des rochers glahit's, auxi|ii('ls on a allarlié des arbres pour empêcher h^s piétons de glisser sur la «lace en hiver. Même en ce lieu solitaire, où Innienl les vents et où les tempêtes se déchaînent, on aperçoit des traces de végétation : — assez de foin pour nourrir ipndqnes vaches pi'iidaiil l'hiver, et assez de bouleaux pour fournir du chauffage. L'Utladal devient ensuite très étroite et presque obs- truée par d'énormes quartiers de rochers, qui tombent chaque année des montagnes et contre lestpiels se brise le torrenl (pii lemplit la vallée de son rugissement. Soudain elle s'élargit de nouveau, et sur la colline on eidrevoit la ferme de Vetli, où le touriste peut s'arrêter une nuit. De la maison, nu sentier en zigzag conduit aux hauteurs et à l'abîme, du bord duquel, eu se couchant à plat ventre, on peut s'aventurer à re- garder dans les profondeurs et suivre la chute du regard. Un autre sen- tier mène dans la vallée et au pied de la Vetti-foss, ou Môrk-foss. Cette superbe chute d'eau est i'ornu''e par un courant (jui vient de deux lacs à la base du plateau de Koldedal, haut de 5,510 pieds. Du haut d'un mur perpendiculaire, formant presque un demi-cercle, le courant se précipite d'une hauteur de plus de 1,000 pieds. Vers la fin de l'été son volume d'eau est si faible, qu'il tombe tout doucement en trans- parente colonne d'embrun, paraissant plus blanche encore par son contact avec les nuns sombres qui forment l'arrière. Je m'étonnai que ce nuage d'embrun ju'it produire nu tel volume d'eau, s'élançant si vio- lemment parmi les rochers, ({ue je ne pus traverser que difficilement de l'autre côté, d'où l'on obtient une meilleure vue de la chute. Le sol et les rochers sont couverts d'une sondjre fongosité et tout contribue à rendre l'embrun plus blanc. Je ne pus voii' de terre au delà; seulement quelques bouleaux sur le sommet. La chute était verticale, une petite partie d'eau seulement frappe les murs rocheux. Pendantque je regardais, la colonne li(piide commença à se mouvoir ; la brise qui se levait la faisait balayer les muis et se balancer comme un i)endule sur un es|iace de 250 pieds; un saut île vent plus fort s'étant fait sentir, toute la masse se répandit en une transi)arenle nappe d'embrun du sommet jusipi'en lias; le vent cessa et elle se recontracla en une blanche colonne. Je demeurai longtem[)s à regarder ce fascinant spectacle, auquel j'eus île la peine à m'arracher. Cette chute d'eau ressemble à celle de Staubach, dans la vallée de Lauterbrunnen, en Suisse, '2H[) I>1-: PAYS Dr SOl.Ell. DE MlNllT et encore, selon les descriptions et les photographies, à la poiiiim su- périeure (le la chute d'Yosemite, celte fameuse vallée de Californie. Cctic dernière toniiic vcriii-alemciil d'environ 1,000 ]iieds dans un pré- cipice de granit et varie en apparence selon son volume d'eau en diffé- rentes saisons; de même aussi sa colonne li(inide est le jouet des vents. Mais la Mûrk-foss a plus d'eau. Ces chutes d'eau, pareilles à des voiles de mariées, se comptent par centaines en Norvège. l'akuland Sur le bord méridional du Sogne,à quelques dix milles à l'ouest de Laerdalsôren, on arrive au grand fiord de l'Aurland. La profondeur de la mer à son entrée dépasse 3,000 pieds et sa largeur n'atteint pas un demi-mille; les approches en sont superbes. Les montagnes qui s'élè- vent de la mer, les ravins, les rochers, les précipices et les forêts se condiinent pour offrir un spectacle rarement égalé. Sur le bord occiden- tal se i)résente le glacier de Fresvik, de la base duquel plusieurs vallées pittoresques s'embranchent dans diverses directions. Quand on a navigué itcndant huit milles, l'Aurland se bifurque : un côté s'appelle le fiord Naerô, mais nous suivrons d'abord le premier. Vue ferme (pie l'on nomme Stege, est perchée tellement haut que l'on se demande comment font les gens pour y arriver depuis le fiord; sur le bord opposé, c'est Nedberge, et, sur le Kajipadal, on dislingue deux fer- mes; les bâtiments sont si éloignés (pi'on les aperçoit à peine avec leurs toits en terre, ils se confondent avec les rochers. La vallée d'Underdal est d'un côté, près de Flenje-Eggen ; de l'autre, c'est Steganaase. A l'est (le la vallée de Skjœrdal, le BlaaskavI s'élève de 5,630 pieds au-dessus de la mer. Le hameau d'Aurland a (piehpies maisons peintes et une bonne au- berge. A quatre ou cinq milles plus loin, on touche à l'extrémité du fiord, qui finit en une étroite vallée renfermant des fermes. Une masse rocheuse d'environ six milles séjiare rAiiiiiiiiJ du finnl Naeri), point culminant de Steganaase, à 5,500 pieds de liauleur. La vue,, à l'ouveilure de ces deux lioids, est magnifi(|ue, et ici la mer a l,i90 pieds de profoiuleur. (Juand on perd la vue du fiord Aurland et que l'on entre dans le Aaeri), h cha(pn^ courbe du terrain, une nouvelle perspective charme la vue; tout est également grand et beau. L'eau est J GASGÀDKS (ilGANTESQL'ES 28.'i si IranspareiUeel si traiiquille, qu'elle ressemble à im miroir et rélléchil tous les objets qui reuvironnent : pics neigeux, images argentés et som- bres forêts. D'immenses masses de granit gris, de gabro et de labradorite s'éièvenl de la mer jus(iu"aux[)ics les plus inaccessibles, et dans leNaerô- iioril, le labradorite repose en partie sur des couches de gneiss visibles le long du bord. A droite, la Haegde se je(te de 1,000 pieds dans la vallée, en une série de cascades toutes blanches d'écume; c'est la seule grande chute que j'aie vue dans le fiord Sogne. La première fois que j'entrai dans le Naerô-fiord, je ne jjus retenir un cri d'admiration; je demeurai stupéfait devant ce iirodigieux païKuama; la sublimité (lu spectacle me remplit d'un sentiment de terreur et de surprise ; à peine pouvais-je croire (pie l'eau sur la(|uelle nous voguions était la mer. Quand on arrive en travers de Dyrdal, — qui est découpé dans le roc, — la scène devient grandiose; de petites fermes, dont les cabanes en rondins de sajjins ont résisté aux ouragans séculaires, en adoucissent l'asjject lugubre. A[)rés (|ue l'on a dépassé Gjejteggen et la ferme de Styve, le liord se contracte soudain, et la profondeur de l'eau n'est plus ipie de 190 pieds. A (piehjues milles de là, la navigation cesse tout à coup, et le Naerôdal s'élève iiresijue imperceptiblement de la mer, con- tinuant son chemin au milieu de ce paysage grandiose, comme le fiord lui-même. J'ai navigué sur ce fiord dans tontes les saisons, — par un beau so- leil, et aussi lors((ue d'épais nuages étaient balayés \r,\v l'ouragan, — mais j'ai toujours trouvé la scène plus belle et i)lus sublime vers la fin d'un jour d'été, avant que le cré[)uscule ait disparu. Il donne une grandeur tellement austère à ces murs gigantesques; leurs contours paraissent tellement fantastiques, que je doute que l'on trouve ailleuis une vue de la mer plus sombre et plus fatale cjue celle du Naerô-fiord. L'entrée de la vallée de Naerôdal est la digne continuation du fiord. Le hameau de Gudvangen est situé au milieu de blocs gigantes- ques qui ont été arrachés aux versants de la montagne ; il semble qu'un jour ou faulre une avalanche doit écraser et recouvrir les maisdus de ses habitants sans défiance. De l'autre coté, tombe de 2,000 pieds la chute de Kils-foss ; à certains moments de l'année elle est formée de trois portions distinctes; à d'autres de deux, et quelquefois d'une; le coui'anl s 284 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT fait un lioinl de ] ,000 pieds sanstoiicluTleroc, sons l('([ncl les portions se rejoignent. La scène est si sombre à Gndvangen \y,iv un jour de iu'umo, (pie l'esprit le plus léger en serait frappé, et, même par un soleil éclatant, on désire s'éloigner de ce spectacle attristant. Près de là, une petite dia- pelle, à hiipielle on arrive par un étroit sentier, domine la mer; en i)ln- sieiirs places, le rocher a été écaillé, et une barrière en fer empêche le piéton de glisser sur la glace et de tomber dans la mer pendant l'hiver. Marthinus Hansen, le maître de la slalion, était un paifait honnête Vinge. homme, au caractère tranquille; sa femme, avec sa bonne figin-e et son bonnet blanc, ressemblait à une madone de l'ancien temps. Une fille nubile, lem- seule enfant, fpi'ils avaient envoyée à l'école à Bergen, les aidait dans les devoirs du ménage; bien qu'elle sût parler anglais, je ne pus parvenir à lui faire dire un mot en cette langue. Il y avait aussi deux servantes, car les voyageurs étaient nombreux pendant celte saison. La petite auberge constituait toute la fortune de la famille, et était des plus confortables; à la vérité, les chambres à coucher étaient petites, mais Hansen disait que, dès qu'il aurait mis de côté assez d'argent, il Le Jui-'lalsimt LA BRECIIK 1)1-; STAI.llEIM 287 ajouterait à sa maison un auln; étage. ^ Et, alors, s'écriait-il avec ciitlidusiasini', les voyageurs amunl des cliauilires grandes et com- modes! » — l^lis il re|)renait tristement : « C'est si difficile de mettre de l'argent de côté! » Son liunnéteté l'ernpècliait de trom|)erou de ran- çonner les voyageurs. Je me suis arrêté |)lusieurs fuis chez le bon vieux Hansen, et plus je l'ai ((iiiiiii, plus je l'ai aimé. — De temps en temps, nous nous écrivdus, et, dans sa dernière lettre, il m'a|i|irenait (pie beau- cou[) de voyageurs s'étaient arrêtés à Gudvangen; je suis sur ipi'ils ont été traités amicalement et honnêtement. A partir du fiord Naern, l'un des grands chemins les plus pittores- ques et les meilleurs de la Xurvége traverse Eide, à la pointe du fiord Graven, sur l'Hardanger, à une distance d'environ 48 milles. Aucnne autre vallée de Norvège, où [lasse une grande roule, ne peut être com- parée en tristesse à la Xaerndil: l'Ile sendile (inir subitement, et on croit ne pouvoir aller jilns loin; une brèche infranchissable en appa- rence barre le chemin; mais on voit au loin les faibles contours d'une route en zigzag permettant le passage : c'est la brèche de Stalheim. Cette œuvre est l'un des exemples les plus remarquables du talent déployé par les ingénieurs de la Norvège; la montée est fatigante, et en hiver, ipiand la glace couvre le sol, elle est dangereuse, et j'en ai fait l'épreuve. Deux charmantes chutes d'eau descendent d'une hauteur de plusieurs centaines de pieds; elles jaillissent en embrun sur les rochers, et forment ensuite la rivière Naero. De la brèche de Stalheim, la vue de la Naerôdal produit une vive impression. Le Jordaisnut [nut — cône), immense masse de granit, surgit comme un dôme gigantesque qui regarde avec dédain l'étroite vallée. De Stalheim vers le sud, le paysage est riant et beau; on est heureux de laisser derrière soi la lugubre Naerôdal. Forêts, lacs char- mants et cours d'eau, vieilles fermes et montagnes couronnées de neige, tout cela, à distance, constitue un magnifique panorama. La dernière fois que je me rendis au sommet de la brèche, une chose me mampia : la figure d'un vieux mendiant de profession, le seul que j'aie jamais rencontré en Norvège. La première fois que je le vis guettant les étrangers, je refusai de lui donner quelque chose; saii.^ se troubler, il se mit à parler du temps, du bel été, et enfin me dit (pi'il était très pauvre et me redemanda de l'argent. Sur mon refus, il devint 288 I.K PAYS 1)1 sol. EU. DE MINIIT furieux, cl tiianl de sa jioilic un sac n'inpli de pclilt' inniinaic il le lit SOUMIT l'ii (lisant: « Tnul li' iikhhIc n'est pas aussi ladre i|ue vous; voyez que d'aitj;eut on ni"a diiuuê! Regardez! ivgardez! » — .le pai'lis d'un éf lat de rire et ceci parut vexer encore davantage le vieux miséra- ble. Quand je m'informai de lui auprès du l'aclenr, il me dit que le vieux drcMe (Mail niorl. Près du hameau de Yinge es! la vieille et bi/.ai're église bâtie en rondins de sa[)ins. il y a deux siècles; le toit est en forme de dôme et parsemé d'étoiles; les murs sont fasiueusement peints; deux croix, l'une en fer et l'autre en bois, étaienl les seuls mcunuiients du cimetière; depuis longtemps oh ne célèbre plus le service divin dans cet édifice. Je connais peu de districts en Norvège, près d'une grande route, où les gens soient aussi nial|ii(i|ires (|u"ici ; la plupart des maisons sont très sales; en voyageant dans l'iiivei', loi'sipn' j'entrai dans une maison, il m'est arrivé de voir des enfants de dix à douze ans complètement nus; à la vue d'un étianger, ils allaient se cacher derrière le poêle ou se sauvaient. Les stations entre Gudvangen et Vossevangen sont misérables, et l'on ne peut s'y procurer de la nourriliu'e mangealjle pour un habilanl îles villes; cependant, on y a de bon cale, et quelipiefnis du lard e( du poisson. Sur la route, au|)rés de la vieille ferme de Triode, pauvre station postale, on voit la Trinde-foss, qui se jjrècipile sur un récif médiocre- ment boisé, de 400 pieds de haut; ses cascades, si elles ne sont i)as grandioses, aiiparliennenl lïu nmins aux plus sédiiisanles de l;i Norvège. Environ six milles plus loin, en passani par luie conlrée pilloresipu', on alleini le hameau de Yossevangen, sur les boids d'un pelil lac; ici, la roule se ramilie vers Evanger et Bolsladôreii, ;i la pointe du liord courbe de ce nom. Les habilanls de la paroisse di' Vosse sont très intéressants, et un .séjour d'un ilimanche en cet endidil com|»ensera grandemeni le relaid. Le service à riiolcj rieischer est 1res lion; l'iiôle parlait anglais et l'endroit m'a paru conl'orlahle ; r'esl le seul où les voyageurs puissent passer une nuit dans leur roule vers Hardanger, (iord qu'il n'es! permis ;i auciui des visiteurs du j)ays de ne pas aller voir. l'as 1res loin de Vossevanuen, au milieu des collines entre les lacs La Ti iiule-fûss. VOSSEVANGEN 291 Rundal et Lionc, ou les dominant, se trouvent des fermes auxquelles, depuis la vallée, on arrive par une montée rapide. Là, l'étranger peut étudier le caractère primitif de Texcellent et intelligent peuple de Vosse. Leurs femmes tissent des couvre-pieds en laine épaisse appelés aakiaecler , qui, depuis des siècles, jouissent d'une grande réputa- tion chez les fermiers, lesquels aiment les couleurs éclatantes de leurs dessins. Les vieilles gens du pays de Graue et de Norheim me traitèrent royalement; car leurs enfants, qui vivent dans l'ouest de l'Amérique, sont mes bons amis, et l'un des petits-enfants du bon fermier de Norheim a reçu mon nom, par égard pour moi. Les meilleures choses du garde-manger furent pour Paul, il n'y eut point cesse de « skal » pour Paul. Dans chacune de leuis fermes, les fdies et les autres membres de la famille, comme c'est la coutume en Norvège, — ont d'énormes coffres à l'étage supérieur, oii elles enferment leurs toi- lettes et autres (d)jets précieux. — Là, chacun avait sa bouteille de vin soigneusement réservée et que l'on n'ouvrait (|ue dans les occasions spéciales, lorsque, par exemple, ils désirent fêter de bons amis. Chacun insista pour me recevoir. Les frères me firent venir chez eux et il me fallut jiarticiper à leur bonne chère. De Vossevangen, la grande route jusqu'au fiord (Iraven, distant d'environ vingt milles, passe par un pays pittoresque où abondent les sapins; on rencontre quelques anciennes scieries, mais la population est faillie. Après une coui'se de dix à douze milles, la vallée supérieure se termine brusquement et une vue magnifique frappe les yeux; la vallée inférieure, plus basse de quehpies centaines de pieds, est enfermée dans de hautes montagnes; une route magnifi(pie contourne le récif et passe à la base d'un immense mur de rochers (jui sur[)lombe. A gauche, un précipice l'orme le centre de ce demi-cercle, et une charmante chute d'eau — la Skafledal — tombe en face du récif; elle court de là sur le roc nu, et va de nouveau se perdre à une pi'ofondeur encore plus grande. Après avoir traversé le pont jeté sur le courant, où la route est gardée par des blocs de pierre, nous continuâmes notre chemin en lon- geant le lac Graven et Ifi rivière, jusqu'à ce que nous ayons atteint le fiord. CHAPITRE XXIII LE RIANT HAUDANGER Le fiord Hardanger. — Ses beaux paysages. — Mekieiskin. — Roscndal. — Tempêtes d'aiilomne. — Un dimanche sur le liord. — Toilctle de la fiaiiccc. — Fiancés en roule pour l'cglise. — Illvik. — Cour de justice. — La ferme Lione. — Accueil amical de Lars. — L'EidIiord. — Fne bourrasque. — Eau merveilleusement phosphorescente — Vik. — Voyage à la Voring-foss. Ine vue superbe. — Le Sor-liord. — Les plus eliarmants liords de la .Norvège. — La Tys- sedal-foss. —Le lac Ringedal. —Eau bleu foncé. — La Skjaeggedal ou Kengedal-foss. —.Norvège. — Belle chute d'eau. Le fiord Hardangerfnil un t^ontraste frappant avec la grandeur lugu- bre du Sogne, avec ses chutes d'eau et ses cascades qui se jettent sur les versants des montagnes; au pied des glaciers qu'ils surmonlenl, les collines sont couvertes de bois et de vergers présentant une ricliesse de feuillage que l'on voil rarement dans les autres parties du pays. Le gai paysage semble avoir imprimé ses traits sur les habitants des fermes et des hameaux situés sur ses bords. Ce fiord est séparé du Sogne par des chaînes de montagnes avec de petits fioids entre elles. Des steamers de Stavanger au sud, de Bergen au nord, en font le tour deux fois par semaine, la durée du voyage étant de trois jours. La côle norvégienne, un peu au-dessous du 59° vers le nord, est littéralement déchiquetée de fiords, et bordée d'un véritable labyrinthe LES TEMPETES D'AUTOMNE 295 d'îles. Le fiord extérieur est connu sous le nom de Bomniel, et formé parla terre ferme d'un côté et une série d'îles de l'autre, lesquelles, par leur position et leur nombre, le font paraître complètement fermé par la terre pendant une distance de 60 milles. Au sud de l'île Bûmmel, à l'entrée du fiord, la mer a 720 pieds de profondeur, mais cette profon- deur augmente rapidement; ainsi à quelques milles plus haut, elle varie de 1,260 à 1,1 20 pieds; puis, diminuant à 408 pieds aux îles de Huglen et de Kloslernaes, elle revient graduellement à 1 ,614 pieds à la partie méridionale de l'île de Tysnaes; à l'entrée du liord intérieur connu sous le nom de Hardanger, elle est de 1,470 pieds; sa plus grande profon- (li'ur ciilie le bord orieiilal de l'ile de Varals et la terre ferme, est de 2,140 pieds. De Bergen, la route du steamer entre l'île de Tysnaes et la terre ferme passe par un canal étroit et courbe, qui me rappela l'Hudson, prés West-Poiiit. Pendant que le steamer continue sa course au nord-est, en traversant de l'autre côté, le panorama de la partie supérieure est magnifique; ce ne sont que montagnes dans toutes les directions, avec leurs cimes neigeuses reluisanl an soleil; les champs de neige et les glaciers du Folgefonn regardeni du haut d'un vaste plateau, et lesfiords semblent ramper à sa base , Après sept heures de navigation depuis Bergen, on arrive à Rosen- dal, charmant endroit, avec le Melderskin, qui s'élève à 4,550 pieds et un vaste espace de terre cultivé, à sa base; en face, sur le bord oriental, le fiord Mauranger s'étend presque jusqu'au pied du Folgefonn. Les feuilles jaunies révélaient la présence de l'automne; les feuilles rouges du tremble et du frêne de montagne rivalisaient de beauté avec le feuil- lage américain à cette époque de l'année, et contrastaient élégamment avec les sombres couleurs des arbres toujours verts. En cette saison le temps est très incertain, et des coups de vent soudains descendent avec une violence inouïe des gorges delà montagne, au grand danger des mariniers. En passant devant le Melderskin, une de ces rafales vint frapper notre steamer. La vue était superbe, car le vent soufflait avec une telle force, qu'en fendant les flots avec nos roues, l'embrun s'élevait si haut, que parfois tout le fiord était enveloppé d'une brume épaisse. DeRosendal, la navigation est belle. Ostensôest un des endroits les plus pittoresques; les maisons sont construites sur les bords d'une baie 2m; LK PAYS DU SOLEIL DL MINIIT qui a presque la foime d'un fer à cheval ; près d'Oslensû se trouve Sam- lekûlleii, eulouré par îles collines bien boisées et de riches prairies. En passant à gauche de Bjûlberg-foss, avec la haute montagne d'Oxen au loin, la scène est remarquablement belle; le lionl l'ait alors un dèldur subit au sud-est, et reçoit le nom de Utne. Je quittai le steamer pour prendre un bateau, et, tandis tju'un vent léger me faisait avancer lentement, j'aurais pu m'imaginer que j'étais dans un pays enchanté, tant l'air était embaumé, le ciel bleu, les nuages argentés et le paysage ravissant, avec les montagnes couverles de neige et de glace. J'enlendis la cloche d'une église juchée sur une colline el regardant la mer; je vis venir de toutes les directions des bateaux chargés de monde; de jolies filles dans leurs pittoresques costumes, le livre de prières en main; des jeunes gens aux visages virils, fiers de ramer pour elles; des mères dans leurs immenses bonnets blancs portés seulement par les femmes mariées; des vieillards el des femmes couibés sous les années, la vue afl'aiblie par l'âge, accompagnés de leurs petils-enfants el arrière petils-enfants. En passant près de moi, ils s'écrièrent : « Amé- ricain, j'ai un fils, j'ai une fille en Américpie. Les- connaissez-vous? Les avez-vous vus ?»Un autre disait : « Mon fils habite en Minnesota ! Ma fille est à Jowa,» reprenait un autre ; et un troisième : « J'ai trois enfants dans leVisconsin!» Ils se rappi'ochèrent, el me saisirent les mains(prils ser- rèrent avec une force dénotant l'iidensité de leurs sentiments. Je lus forcé de leur dire qm je ne les connaissais pas, on que je ne les avais jamais \ns; niaisle lien d'amour était là; ils m'aimaient [)arce que leurs enlanis leur avaient écrit qu'ils étaient heureux dans mon pays, et eux- mêmes se montraient ravis de voiripielqn'un qiu vivait sur le même sol. Lors(pie nous nous dîmes adieu, ils s'écrièrent : « Américain, venez à notre ferme, vous serez bien accueilli ; nous vous montrerons les portraits que nos enfants nous ont envoyés, el peut-être, à votre retour, jtourrez- vous les aller voir et leur dire que vous avez vu les vieux chez eux; que nous pensons à eux chaque jour, qu'ils nous manquent et que nous prions Dieu de les bénir. » Et tous, en partant, me lancèrent un affec- tueux regard. Je continuai ma route et, dans l'après-midi, je rencontrai une noce qui traversait de l'autre côté pour se rendre à l'église; la fiancée, avec sa coui'onne d'argent ipii la faisait ressemblera une reine, et ses vête- Tuik'tlu de la mariée. TROIS TABLEAUX NORVEGIENS 299 nienls aux couleurs vives, était assise à côté de sou fiancé; de nombreux liateaux lemplis de gens qui allaient assister au mariage, suivaient le leur. Deux liummes jouaient du violon, et, dans les intervalles de la mu- si(|ue, on buvait à la ronde un couj) de la célèbre bière d'Hardanger; puis les bateaux reprirent leur course et la musique s'éteignit peu à peu dans réjoignement. Rien ne peut mieux illustrer les dilî'érentes phases de la vie norvé- gienne que les peintures de Tidemand, qui sont d'une scruj)uleuse vé- lilé, et je ne saurais mieux faire que de donner la représentation faite par l'artiste de la toilette de la mariée (p. 297); lanière donne les dernières touches à la luilelle. pendani (pie la grand'mère la regarde et (pie la jeune sieur tient le miidir. Mais, après la noce, les longs cheveux llol- taiils ou tressés seront coupés; ell(> (piittera sa gracieuse coiffure pour prendre un bonnet blanc comme celui de sa mère, et que, seules, les femmes mariées portent. Je suis heureux de dire que souvent de jeunes femmes se récrient contre cette coutume, qui, j'espère, sera bient("it reléguée parmi les choses du passé. Une autre scène représente les mariés sous le [lorche de l'église, prêts à partir, soit dans le bateau ipii les attend pour les transporter dans la vieille deineiire de famille, (tu dans la voiture qui doit les y conduire. Le dimanche suivant, je vis une autre procession traverser le liord, mais celle-là demeurait silencieuse et solennelle ; car c'était un cortège funèbre portant un mort au cimetière. Telle est la vie : hier un mariage, aujourd'hui un eiilerreinenl ; dans une maison, douleur et larmes; n3o° tombe d'une hauteur de plusieurs centaines de jiieds, puis nous traversâmes deux petits ponts sur le déversoir du Ringedals-vand. Comme j'approchais du bord, je fus frappé par l'apparence parti- culière de l'eau, qui était d'une couleur bleu acier tout près du bord, et bleu foncé, (pielques pieds plus avant. Parmi les centaini's de lacs de la Norvège, je n'en avais jamais vu a|)pnicliant d'iui tel bleu, presque niiir; la ]ilus bleue des mers tropicales ne peut se comparer avec la ;jU h pays 1)1' SOLKIL UK Ml.MlT conlour do oo l;n-. i^as plus que los l;u's dos Alpes suissos. Dans un bassin do granit il doniouro à I.SIO jiiods au-dossus do la mor, mais jo n'ai pas ou los nioyons de consl:ilor de combien de pieds il es! an-dessus. PondanI que nous voiinions, la Tyssodal-foss so présenta inopinê- monl à noire vue; ses deux branches formant un triangle s'unissaient on bas on une masse d'oounïo, apri'S une cliule de J .600 pieds, donnant naissance à des nuages ilendinm; l'eau odiappail ensuite au n'gard, car elle pass;iit par un canal courbe dans »m précipice pour former une seconde chute haute de îiOO pieds: à ce point, le granit s'élève jusqu'à 2,;î00 pieds, et sur lui s'appuie une couche de schiste argileux èp.iissede 720 pieds, sur laquelle l'eau so jette. J'avais à peine cessé do métonnor do ce spectacle et nous avancions toujours, lorsque j'entendis le rugissement d'un torrent, et. au môme instant le Skjaeggedal. appelé aussi Ringedal ^nom que nous adopte- rons ;\ cause de .s;t prononciation plus focileK s'offrit à nous, plongeant dans l'abîme au-dessous en faisant un sau! de 800 pieds. Immé- diatement après, il frappe contre une s;iillie de rochers, et ivbondil en milliers »le fragments d'écume d'inie blancheur éblouissante. La masse furieuse, dans s;» course vers l'abime. se jette contre un auliv ivcif. et forme un nuage d'écume et d'embrun encorv plus épais. L'eau se piv- cipile avec tant de vélocité, qu'elle crée un puissant courant d'air qui fait que l'omlu-un juvnd des centaines de formes |»Ihs fantastiques les unes que les a«»tn>s. A un moment, elle est entortillée dans une colonne en spirale. — tR»mbo doau. — so pliant et so repliant sur elle-même, bondissant en avant, ïvculanl. montant, puis descendant, redescendant encore, se brisant, pivnant de nouvelles formes el des transformations indescriptibles: puis soudain, elle est pou.ssée eu bas avec une grande force; elle tlonne contn> un troisième récif el disparait dans une brume compacio ol impénétrable, qui c:iche la partie inférieure do la chute. Cet immense nuage blanc, conslanunont nMuiuvelé des hauteurs, descend en écumani par une gorgi» étroite dans le su|terbo cours d'eau cristal- lin, qui. après avoir coulé pendant deux cents yards, forme une seconde chute d'environ 50 pieds, il'où l'embrun, montant jusqu'au sommet des collines. api^UMit comme une luiuco vapeur notlani dans l'air. J'avais vu dos oenlaines de grandes el des milliers de jHHiles chutes IJ; LnilK DES VOYAGIOL'HS .'H.') cil Norvègf; Ijoriiicoiij) ùliiiciil plus liaiilcs, ni.'iis nnriiiic ne m'a iiii|iros- sioimo par sa bcniilé comme la Hiiigcdal ; je l'ai icj,'ar(lt''(^ pciidanl des lieui'cs cnllèros, et toiijoiiis de nouvelles coiiihinaisons cl des l'oiiiies él(»iiiiaiiles se prodiiisaieiil d'eiles-iiièiiies. Quand je revins à la ferme, on me piésenla le livre des voyaf^enis. Qiiehpies anglais y avaieril inscrit leins noms. Deux gentlemen de Bos- ton étaient venus ici, ainsi ((ue trois dames améi'icaines, les seules femmes étrangères ijui, à ci'lle époque, eussent visité ei'l endi'oil, sa- voir : miss Williams, miss Cutler, miss Z. .1. (JdJei', Maine, U. S., G juillet 1872. Elles saluaient du pays des Pins, .le voulus les IVdii'iter. et, dans un accès d'enlhousiasme ipie le lecleur, je l'esiiére, voudra liien me pardonner, car je suis un admiraleiu' des femmes courageuses, je m'écriai : « llurrali! poiu' les filles du Maine! ». Une heure après, nous étions sur le liord Odde, d'où le touriste ne mampiera pas d'aller visi- ter lo Bucr-Bracen, un des glaciers du Folgefoiui. A une courte distanei' de Odde se trouve le Sandven-vand. lac ipie l'on dit être sans i)oiss(Mi, àcause de la froideur de ses eaux, (|ui descen- dent des glaciers. Non loin de son extièmité inlèiieuie est la vallée de .lordal ; c'est à sa partie supérieure (|ne repose le Huer-Hracen. Un sentier conduisant au bout de cet étroit vallon est d'une ascension facile, gra- dmdle, et dislanl de iIimix milles du glacier. Quatre ans avant ma pre- mière visite dans la vallée, lui énorme monceau de pierres était lf»ml)é en produisant ini luiiil terriliaid, ipii, dans l'éloignenient, résonna C(jmme le tonnerre et répercuta ses échos de colline en colline. A ( haipie [las, il y avait quelque chosi; h remarquer, soit en regardant les nKJiitagnes, soit en suivant de l'œil le couiant lorsqu'il arrive à la chute. A une [ilace, les champs de neige du Folgefonn i{qiosent sur un plaleau for- mant péninsule, lionlé, à l'est, par k lioi'd Sôr, h; lac Sandven et la val- lée qui suit; à l'ouest et au n(»rd, [lar l'Hardanger, et, au sud, eu partie par le lac Aakre. Du coté orientai, comme nous l'avons vu, les monta- gnes tombent à pic. Au nord et au nurd-ouest, les versants sont plus bas, moins abrupts et moins nus. Au sud, vers le fiord Aakre, ils sont encore plus bas, mais en certains endroits très ia[iides el chauves. Le Folgefoiui est liiu'dé de iiondiivnx glaciei's. l'.iriiii les plus inqioi'iauis au nonl-ouesl, il fini cilcr li^ liondhus-Braeen, (pii est beaucoup plus grand que celui ipe- nous venons de déi-rire. 316 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT Les limites des neiges peipéluelles vorieiil, en lalitiule 00° 3', vers l'est, trois mille quatre centquarante pieds; à Blaadalsholmene, 59° 55', laliludc vers le sud-ouesl, lr(ds mille neuf cent i|uai'anle pieds; à Gjer- desdal, 61° 8', lalilmlc veis le nord-oiiest, deux mille qualre ceid quaire- vingt pieds. Le plus haut point de la crête neigeuse est de cinq mille deux cent soixante-dix pieds. On trouve de nombreux petits lacs près des glaciers. Une crête de montagne traverse le Folgefonn dans une direction nord-ouest et sud-ouest, et forme la Swartdal (vallée noire) el la Blaadal (vallée bleue); une autre cièle lurme la Kvilnaadal. Des blocs de pierres mêlés au sable prouvent leur origine incontestable. Le glacier avait atteint ce point il y a de longues années, el s'était retiré; mais il s'avance de nouveau; plus haut, notre sentier continuait |)ai' un bois dans lequel on pouvait voir des quantités de pierres couvertes de mousse, démoiilrant (|ue le glacier n'avait jias atteint cette altitude pendant un très long temps. La vue de cet étroit glacier était imposante; elle faisait conccA'oir l'immense pouvoir destructeur de ce vaste corps de glace mouvante. Dans l'étude que nous avons faite d'autres glaciers qui se sont retirés, nous avons vu comment les blocs erratiques et des pierres plus petites ont élé déposés dans les champs aux é|»oi|ues anciennes, el, par les manjues de la glace sur les rochers, nous avons |)u suivre leui' cours; mais maintenant, devant le Buer-Braeen, nous pouvons comprendre comment les vallées ont élé creusées dans le roc solide |)ar celle forme d'eau la plus destructive, le glacier, (ielle masse immense, irré- sistible, avance lentement et avance depuis longtemps. Mon guide me dil tpie, depuis l'année deriiiè|-e, il ;i marché el s'est avaiic('' de plus de .'iO pieds, en eiilrainanl Ion! a\ec lui. Tiuil |i' long de la base île la glace, il y avait inie crête transversale de terre, dans hnpielle de la verdure fraîche et i\vii pierics étaient mêlées ensendtle; le glacier les avait poussées en avaid en glissant sur les rochers. Sur la droite, une masse énorme de roc avait été déc hirée et comme tordue pai' la pression de la glace (pii s'avance. Le poids ijui a renversé cet oljstacle iloil avoir été prodigieux, car l'évidence de celle l'oice lerrilianle élail là, devant mes yeux. Même les solides murs de montagnes, couqiosés des plus durs rochers, ne pourraient arrêter la marche en avant du terrible glacier. Ce bloc de granit, arraché au côté de la montagne, avait environ 20 pieds d(! ; UNE FERME MAL AVUlSINÉE 319 loiii^' sur 15 (le 1,11'ni'. Il ;i ('[(' lii'isé iiiéi^aleniciit, cl éiail encore couvert (le mousse. Une de ses [larties étnil reconverle de çjlace; la couche supérieure du glacier, ayant un courant plus Inil (|ue rinférieure, le couvrira finalement et le cachera à la vue à mesure cjue continuera la marche en avant. Si le glacier se retirait de nouveau, le bloc serait déposé en un nouveau lieu. Le glacier est descendu par une gorge rapide, sautant lidis couches distinctes de rocher et a été resserré entre des murs solides n'ayant pas plus de 230 à 300 yards de largeur vers l'extrémité. Les moraines que l'on voit plus haut, de ch.npic côté, étaient englouties plus bas dans de profondes crevasses formées parja pression de la glace et des récifs. A gauclie, les montagnes domi- nent; c'est le mont Reina, à o,2IO pieds au dessus de la mer, et le second [loinl le plus élevé du Folgefunii. La glace était d'un bleu magnifique; |;i caverne me p.irul pelile, mais exlrèniement iielle; son cours d'eau était loin d'être aussi bourbeux que ceux des glaciers du Justedal. Plus bas, dans la vallée, pas bien loin du glacier, il y avait la ferme Buer, et du versant de la montagne descendait une cascade d'une hauteur de 700 à 800 pieds. Le propriétaire de la petite ferme était en grande tribulation : il voyait avec anxiélé rapproche incessante de la glace, qui avait déjà détruit une partie de ses pâturages à la pointe de la vallée, et qui, dans quelques années, balayerait probable- ment le [)ctit bois oii nous avions passé ; alors le fermier serait forcé de chercher un refuge ailleurs et se verrait peut-être ruiné. Il avait essayé de vendre sa ferme ; mais personne n'avait voulu l'acheter, dans la crainte que ce ne fût de l'argent perdu. Il ne serait pas étrange, en elïel, ([ue, dans 40 ou 50 ans, le glacier atteignît le bord du lac Sandven ; alors il ne pourrait aller plus loin, car la glace fondrait dans l'eau; mais les glaciers sont capricieux dans leurs mouvements en avant ou en ariiére; il se peut que, dans quelques années, le Buer-Iiraeen recule au lieu d'avancer. CHAPITRE XXIV LLS SAETCliS ' Les saetcrs. É|ioi|UC ilii iléput pour les moiilïisriies. — Préparatifs avant ilc se rendre aux saetcrs. — Hameaux iltscrls. — Départ de Slavanster. — Samson. — La vallée Suledal. — Réception an presbytère. — Ferme de Samson. — Le lac Suledal. — Sur les monlaiînes il Kôldal. - Le Valdal. — Le sacler Valdal. — Une famille de Ilardaii:.'er. — Vie du saelcr. — lilniauclie. — l)opart du iiére pour la ferme. — Hautes munlairnes. — Neige ronge. — Le saelcr Bjûrn-Vand. — Amliji'ir et Marllie. — Adieu au sacler Hjôrn-Vand. Los (I saeltM's » so Iriiiivciit ;iii milieu ik'S imjiil;i.i^iies, loin des l'er- iii(>s. sur les bords de l;ics solitaifes el de rivières, on sur les versants de inanieloiis. au delà des limites où eroil le t;r;iiii. ('e soiil des liultes, coiislniiles en roiidiiis ou eu pieri'es hriiles, oi'i, |ieiidaiil les mois d'élé, les gens iriiiie Terme conduisenl leur hélail an |iàlnra!:i'; ear, dans ces déserlsde rocliei's, heaneonp de places son! cdiiverles d herbes ar(unali(|ues (|ui doiinenl an lail nue riche saveiii'. Bien des saelers soni il lin accès dillicili'; homines el hèles oui à lra\ersei' île hantes chaiiii's lir nioiilai^nes el des llii|ui'S de iieim'. sans ciiin|ili'r les ri\ièies qn il laiil passera iiwr. Solilaire esl la \ ie iiu'nn passe dans ces iiionlai;iies ; une hiisouileuxseidemenl.dnranU'ètè. le lermierv inniile pour voir com- ment vont ceux (pi'il y alaissès,ap|ireiidre des nouvel les de ses Ironpeanx Cl savoir si la saison a été bonne. Quand l'été esl i'roiil on hiimrde, on ■21 MŒURS PATRIAHGALES 323 obtient moins de lait; il faut se rappeler que, pour maint fermier, une abondance de beurre et de fromage est nécessaire, afin de pouvoir, avec le montant de leur vente, acheter les fournitures indispensables pour la maison. Lors de ces visites, ils apportent des provisions et remportent le produit de la laiterie. L;i vie du saeter est aussi très dure; les pâtu- rages son! fort loin des Inities, et, loule la journée, les filles doivent suivre le troupeau, (ju'il pleuve ou qu'il fasse beau, et ne rentrer que le soir, ayant froid, ayant faim, et souvent trempées jnsipi'aux os. Dans certaines montagnes, les pâturages sont très abondants et les saeters nombreux; dans d'autres, ils sont médiocres et éloignés. Presque tous les fermiers en possèdent un; mais ceux (pii ont plus de terrain dans la montagne qu'il ne leur en faut, en louent une [)artie aux moins fortunés. Quoique la famille qui possède un saeter soit quel(|uefois très pauvre et n'ait que trois ou quatre vaches, ses membres montrent la même impulsion généreuse qui caractérise la nation, et ces braves gens m'ont toujours aussi bien accueilli que leurs riches voisins. Dans beaucoup île districts, on part pour le saeter vers le milieu de juin; répocpie varie parfois : mais, généralement, elle ne dépasse pas la Saint-Jean, selon la distance et la hauteur des montagnes à traverser. On revient entre le milieu et la fin de septembre, et, si l'on a beaucoup de hauteurs à franchir, dans la i)remière semaine de septembre. Des jeunes filles, orgueil de leur famille ou du voisinage, resteront toutes seules dans les montagnes, où elles se sentiront aussi en sûreté que dans la maison de leur père ; elles ne craignent pas d'être moles- tées, car elles se fient à l'honneur et à la loyauté du sang bonde. Rien ne m'a plus impressionné en Norvège que cette foi simple et candide. Le jeune amoureux vient une ou deux fois égayer les heures de sa bien-aimée, mais seulement pour un jour; s'ils sont engagés, il est encore mieux accueilli, car, en automne, quand les travaux de la mois- son seront terminés, la noce aura probablement lieu. Bien des amours ont commencé et se sont nouées en ces endroits où le cœur de la jeune fille est rendu plus sensible par la solitude. Quehjues jours avant le départ pour le saeter, une grande animation 3-2i LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT règne dans la ferme; on emballe les seaux à lail, les barattes, les vais- seaux en bois, le grand pot de fer, le moule au fromage, deux ou trois assiettes, une ou deux tasses, une poêle à frire, et surtout la bouillotte à râlé. On n'oublie i)as le sel |huu' le bétail, la farine à mêler au lait érréiiié pour les veaux, le pain et une bande de lard pour le dimanche, le calé, le sucre, et les couvertures ])oar les lits. Les filles prennent leurs habits du dimanche, ainsi que leurs livres de i)riéres; en semaine, elles mettent leurs vieux vêtements; elles emportent aussi luie bonne provision di' laine lilée pour faire des bas, des mitaines, ou des gants pendant leurs heures de loisir, et des morceaux de toile sur lescpiels elles peuvent broder. Le vieux cheval (pii porte la charge est laissé en liberté dans les montagnes pour y paître pendant quehiues semaines; car le labourage est fini, et l'herbe ou le foin de l'année précédente est mis soigneusement de côté. Le malin du départ, les vaches, moutons, chèvres et porcs sont con- fiés aux enfants (pii les empêchent de s'éloigner. Si la ferme est petile. si les gens sont pauvres, toute la famille va au saeter jusqu'au moment de la récolte. On voit souvent une mère portant son dernier baby sur le dos. Avant de jiartir, la fermière i)rè|iare un bon repas pour les ouvriers de la ferme, ou la partie de la famille qui doit accompagner les filles au saeter, — les domestiques louées pour la saison. Ceux qui marchent en tète soufflent dans de grandes cornes dont les sons perçants appellent les animaux, auxquels on donne de temps en temps du sel pour les ama- douer; les enfants les tiennent en ligne. Pendant l'été, les fermes et les hameaux sont déserts; on ne peut se procurer de lail doux, si ce n'est aux stations de relai; la vie domestique fait défaut. En cette saison, j'évitais les grandes routes encombrées de touristes, et j'allais dans les montagnes explorer chaque année un groupe différent; je vivais toujours dans les saeters, où je vais maintenant con- duire le lecteur. Au commencement de juillet, je (piiltai la vieille vilji' de Stavanger. La navigaliiui sui' le tioni fui liés intéressante à cause des maniues de mer gravées sur les cotés idchciix de Slenso, aune hauteur de 150 à 175 pieds. On voyait aussi dans l'étroite vallée de l'Aardal quatre ter- rasses distinctes, les unes au-dessus des autres. Après un trajet de douze heures, nous arrivâmes à l'cxtrémilé du liord Sands, branche du Stavan- LES IDÉES DE MON GUIDE 323 ger; j'y débarquai avoc mon guide, Samsou Fiskekjua, qui m'avait été recommandé comme fidèle et familier avec les montagnes. Samson était un célibataire de quaranle-cinq ans, lionnête quoique peu brillant, et dont j'ai conservé le meilleur souvenii'; bavard et amusant, il con- naissait bien les manières des gens de la ville à la suite de fréiiuentes visites à Stavanger. Samson devait hériter d'une ferme bien fournie à la mort de son père, âgé pour lors de quatre-vingts ans; il la dirigeait et agissait déjà comme propriétaire ; sa mère avait à peu prés le même âge que son mari. Avant d'arriver chez lui, il crut devoir s'excuser sur la sim- plicité de sa maison, qui, disait-il, ne serait pas agréable à un Amé- ricain. Il se les imaginait tous millionnaires et vivant dans le luxe. Ayant entendu parler de la Califoi'iiie et de l'Amérique comme du pays de l'or, naturellement, chacun était amplement fourni de ce précieux métal. 11 commença par dire que les vieux seuls étaient à la maison, et que l'on ne trouverait point de lait, puis(iuc le bétail paissait au saeter; la nourri- ture serait trop simple pour moi, sa mère ne saurait comment la faire cuire et il craignait qu'il n'y eût trop de puces ; linalement, il me suggéra ^^ l'idée d'aller au presbytère. Je lui dis que je ferais mieux de descendre ^^^d'abord chez lui, et ensuite au presbytère, après avoir reçu l'invitation ^^^^ pasteur. Une course de deux heures dans la pittoresque vallée de ^^^Hedal, le long d'une claire rivière, nous fit atteindre sa ferme, où je vis ^^^^■1 père fendre du bois avec une force qui lui promettait encore vingt ^^^nnées d'existence au moins. Le vieux couple me reçut fort bien. Un bon nombre de fermes étaient disséminées prés de là, et non loin de l'église. Je me dirigeai vers le presbytère, oii le pasteur, célibataire de vingt-ciiK] ans, me reçut très frijidement et non pas comme un Nor- végien, bien qu'il n'y eût rien d'impoli dans son maintien. Je fus pas- sablement surpris de cette rècei)tion peu habituelle. Tons mes efforts pour faire sa connaissance demeurèrent infructueux; je lui donnai ma carte : mais cela ne me servit de rien, car il n'avait jamais entendu mon nom, ni vu un de mes ouvrages traduits. A ma question s'il lisait le Skilling Magazine (qui de temps en temps avait donné des récits de mon voyage en Afrique), il ré|)ondit d'une voix sonore : « Je ne lis jamais le Shilling Magazine! » Je perdis donc tout espoir d'une invitation au presbytère et je pensai avec effroi aux millions de i)uces qui viendraient 326 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT s m'assaillir pendant la nuil ; j'avais passé par cette épreuve peu de jours auparavant et je ne me souciais pas de recommencer si tôt rexpérience; je savais que, si Samson s'en plaii^nait, c'est que le nombre en devait être prodigieux; car ces gens n'y font pas alteulidu quand il n'y en a que cinquante ou soixante dans le lit. J'allais me retirer, lorsqu'un autre vénérable ecclésiastique, venant du uoid avec sa femme, entra dans le parloir. J'entamai une conversa- tion avec Un ; mais, quand je loi eus dil que, dans un été, j'avais Iraversé le pays, de la Bailique an cap Nord, cl de Bodûà Lulea, il me contredit netlement, eu disant que cela ne se pouvait pas; en un nujt, le révérend genlleman me traitait de menteur. J'en conclus que ces deux dignes messieurs me prenaient pour quelque chenapan, ou pour un agent d'émigration d'Amérique. Si tel fnt le cas, je ne m'étonne pas qu'ils m'aient mal reçu, car de tels individus ne sont pas populaires. 11 faut (lu'il y ait eu quelque raison de ce genre, car, pendant tous mes voyages, c'est le seul exemple où je n'aie pas reçu le chaud accueil norvégien. Lorsqu'à mon retour chez Samson je lui contai cette histoire, il eu rit de bon cœur. Je m'écriai alors d'un ton triomphant : « Ne vous avais-je pas dil (\n"\\ valait mieux aller au presbytère sans bagages? » Pendant uuin absence, une métamorphose complète s'était opérée dans la ferme, où tout était luisant et jjropre; du pain, du beurre, du fromage et du lait caillé couvraient la table, et les bonnes gens s'excusèrent de ne point avoir de lait doux, parce (pie les vaches se trouvaient dans les montagnes. Je dormis ma porte ouverte, car la nuit fut très chaude; je ne crois pas (jn'ils aient ibunii du toiil, atl(Midu qu'à (piatre heures du malin, ils m'olfrireiil le c.dè en me pressant de manger, parce que j'uvuis une lon- gue route ilevanl nmi. Je partis avec deux bateliers et une femme tenant son enfant dans ses bras. Il n'y avait que peu de temps que nous naviguions, lorsque nous arrivâmes devant une belle maison blanche, résidence d'un Slor- liiingsmand, où nous descendîmes. L'hùle n'était pas chez lui ; mais son aimable fenuue, ipii avait été prévenue de ma visite, m'attendait et parut désappointée (juand je lui eus dit (pie j'avais passé la nuil dans la ferme de Samson. Bien que je lui aflirmasse que j'avais d(qeuné, elle insista pour que je prisse un autre re])as. La vallée du Suledal, prés de rextiémilé basse du lac, est très inlè- DANS LES MONTAGNES 327 ressaiile pour ranli([iiairo en raison dos nombreux tiimuli ou tombes des époques païennes, dont (piebpies-unes sont creuses, de forme cir- culaire, et entourées de pierres; d'autres sont carrées. Eu remontant le lac, nous pûmes voir lessentiers conduisant aux saeters, et des plaques de neige sur les montagnes. Après avoir rnmé pendant quatorze milles, nous prîmes terre à Naes, sur la rive droite, près de l'extrémité supé- rieure du lac, d'oià un sentier conduit aux nombreux saeters placés entre les lacs Suledal et Rôldal. La route qui passe sur les montagnes jusqu'à Rôldal côtoie d'abord un torrent que l'on franchit sur un pont ; on laisse derrière soi de nombreux saeters où l'on nous offrit du lait. Vers la fin du jour, le soleil disparut, dorant de ses derniers rayons les collines et les montagnes couronnées de neige. La nuit nous surprit dans de sombres ravins, pend;int que nous descendions à Botten, oîi nous ne trouvâmes à la maison que la tille, son père et sa mère étant partis pour le saeter. De Rôldal, un sentier conduit par un pays sauvage à la vallée de Valdal. Mon intention était de passer l'été, ou du moins jusqu'à l'ap- parition de la neige, de saeter en saeter, sur les plateaux des montagnes de Hardanger. Le meilleur moment pour gravir les montagnes est le commencement d'août; la plus grande partie de la neige a disparu, les eaux des courants sont basses, on peut les passer à gué sans danger et l'on traverse assez facilement les marais. Je me procurai vm bon guide, qui dut prendre son cheval, non pour le monter, mais pour porter nos provisions. Un cheval n'est point un embarras dans la région du Rôldal; en général, on peut gravir les collines plus vite que le poney; mais, dans les endroits difficiles, un cheval de montagne, habitué à se rendre aux saeters, a le pied très sûr et ne glisse pas sur les pierres ; si on le monte, on n'a pas besoin de le guider, et on peut laisser flotter les rênes sur son col. Les chevaux trouvent leur nourriture tout en marchant; ils peu- vent endurer de grandes privations, la faim et le froid. J'avais un fusil avec moi, non pour me défendre, mais pour me pourvoir de gibier, si possible. Le sentier, en (piittant Rôldal, monte graduellement le long de la rivière Valdal, et, sur la rive gauche, on voit la blanche colonne do la Risp foss; en descendant de nouveau et en traversant le courant sur un 328 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT pont, nous vîmes, sur le bord opposé, le sentier conduisant au lac Staa et à Thelemarken supérieure. Sur la rive droite de la Valdal, on rcnconlre beaucoup de saeters et de sentiers qui s'embranchent dans toutes les directions. La rivière coule pendant quelque temps à travers un pays plat, constellé de beaux pâturages et de petites fermes. Un autre cours d'eau se jette dans la Valdal et forme une magnifique cascade de 1,000 pieds, au-dessous de laquelle le courant est si rapide, (pie notre cheval eut de la peine à se tenir sur ses pieds pour passer le gué. A 12 milles de Rôldal, nous arrivâmes en vue du lac Valdal; les montagnes descendent en pentes douces jusqu'au bord, près duquel se trouvent plusieurs saeters. Des troupeaux de bétail venus des montagnes pour se faire traire, paissaient sur les bords verdoyants, et, plus liant, à notre gauche, était le saeter Bakken. A la pointe du lac. In fumée s'élevait en spirales du saeter Valdal, et nous entendions les cris des filles appelant le bétail qui reve- nait lentement, en broutant le long du chemin. Nous suivîmes le bord du lac jusqu'à son extrémité supérieure ; de tous les saeters, on nous regardait, et l'on se demandait qui nous pouvions être, car on n'atten- dait personne des fermes. A notre arrivée, on nous pria d'entrer dans la maison, qui était aussi confortable qu'une ferme, et les salutations d'usage suivirent; on nous fit passer du lait, et, après y avoir goûté, nous rendîmes le vase avec des remerciements. Quand ils apprirent que j'arrivais d'Amérique, ils me regardèrent avec surprise et s'écrièrent : « Fra Amérika ! fra Amérika ! » Je fus alors d'autant mieux accueilli que Nels, le fermier, avait une fille mariée aux États-Unis. Il était arrivé d(> la ferme la veille pour rapporter chez lui le beurre et le fromage qui avaient été faits; il demeurait très loin, sur le fiord Sûr, une des branches de l'Hardanger. Sa famille était nombreuse, et il représentait le type du Norseman (homme du Nord, norse), hospitalier, mais iicu déinonsli'atif, avec sa bonne et large figure. Trois de ses filles passaient l'été au saeter, — Synvor, Marthe et Anne, — pleines de santé et blondes comme des descendantes desVikings aux cheveux cendrés. Synvor, l'aînée, d'une stature un peu courte, avait di.x-neuf ans; Anne en avait dix-sept; elle était grande, musculeuse, auxyeuxbleus perçants, et très capable de se suffire à elle-même; elle aurait parfaitement posé pour modèle de Valkyrie; Marthe, avec ses LES FILLES DU FERMIER NELS 329 seize ans, ses cheveux d'or, et ses doux yeux bleus, était de complexion délicate. Toutes trois passaient pour les plus belles filles de l'Har- danger et de jeunes fermiers avaient déjà essayé de gagner leur cœur. J'admirai ces filles du Nord, élevées en plein air, nourries simplement, habituées au travail et dégagées des entraves de la toilette à la mode. Je ne connais pas de climat plus sain que celui des saeters en juillet et en août, surtout lors(iu'ils sont à 3 ou 4,000 pieds au-dessus du niveau de la mer. A cette élévation, l'air est plus bienfaisant et plus fortifiant, même pour les Norvégiens cjui vivent sur les bords des fiords ou dans les vallées basses. L'air qui souffle sur le vaste plateau monta- gneux et stérile est particulièrement sec et exhilarant. Les elïets se font promptement sentir: l'appétit augmente et souvent un malade en est revenu chez lui en pleine santé. La vie de la montagne est active, et les filles sont occupées depuis le lever du soleil jusqu'au crépuscule. Les pâturages appartenant à ce saeter s'étendent dans les montagnes voisines et suffisent à 52 vaches laitières, à huit autres, et à quatre chevaux. Le bétail appartenait à trois fermes différentes, y compris celle de Nels ; quelques bestiaux venaient du fiord Sûr, distant de 50 milles ; deux des filles de Nels avaient la sur- veillance de ceux qui ne lui appartenaient pas, et on les payait pour cela. Le lait de chaque troupeau était mis dans les vaisseaux de la ferme d'où venaient les vaches et on faisait de même pour le beurre et le fro- mage. Le peuple est si honnête, que pas un fermier ne craint que les filles favorisent l'un au préjudice de l'autre, ou qu'elles mettent du beurre ou du fromage dans des vaisseaux autres que ceux de leurs pro- priétaires légitimes. Un grand enclos, entouré d'un mur de pierres, contenait une belle prairie, dont on coupait et séchait l'herbe afin de l'emporter sur des traîneaux pour l'hiver. Plus de 20 vaches laitières paissaient dans les saeters de Valdal, outre un grand nombre de génisses, de veaux et de chevaux. On gardait les veaux à la maison; matin et soir, on les nourris- sait avec une mixture de lait écrémé, de farine et de sel; si le lait manquait, on le remplaçait par de l'eau chaude, dans laquelle on faisait infuser des branches de genévrier. A quatre heures du matin, nous fûmes réveillés par le tintement des cloches que certaines vaches portaient au cou; elles venaient d'elles- 330 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT mêmes des montagnes pour se faire Iraiie et les filles se levaient. Aussi- tôt elles se mettaient à l'œuvre, après avoir bouclé autour de leur taille une ceinture à laquelle pemlail une corne remplie de sel que l'on donne aux vaches, aux chevaux el aux moutons, le malin et le soir, quand ils vont aux montagnes ou qu'ils en reviennent. Après avoir fini de traire les vaches, les filles les dirigent par un autre sentier vers de nouveaux pâturages, où elles vont et d'où elles reviennent d'elles-mêmes, ipiand elle connaissent le chemin. A leur retour les filles vont dans la cluuahre au lait, dont elles ont soin de fermer la porte; elles enlèvent la crème qui s'est formée, la mettent dans la baratte et en font du beurre. D'autres emportent les vaisseaux vides à la rivière, où elles les frottent en dedans et en dehors avec le sable fin du bord, puis avec des branches de genièvre, et eidln les rincent dans le couiant. Généralement, les seaux sont en lilanc pin, on les tient propres et sans une tache. Le jour du fromage est aussi une glande occupation, et l'ouvrage se fait de la même manière. La cham- bre où l'on conserve le lait était merveilleusement propre; sur les plan- ches, on voyait plus de 1 oU seaux i)leins de lait, chacun d'environ 20 pou- ces de diamètre et 5 de profondeur, en bois de pin blanc et cerclés; les seaux pour traire étaient siu' Ir plancher, prêts à servir au mo- ment voulu. Plusieiu's barils pour le lait écrémé et le lait de beurre, d'autres pour le beurre, étaient rangés dans un ordre parlait. Le dimanche, quand elles ont fini de traire les vaches, les filles pro- cèdent à leur toilette comme si elles allaient se rendre à l'église; elles mettent du linge blanc, leurs robes et leurs souliers des jours de fête. Celles-ci porlaicnt, comme leiu' mère, des jupons en étoffe de laine d'un bleu foncé, avec des corsages de mém(> couleur. Lesjupons étaient bor- dés tout autour d'un ruban vert; le corsage ouvert laissait voir un mou- choir brodé avec de l'or. Chacune avait pour coiffure un petit bonnet blanc qui semblait n'èlic posé sur la tète que pour tenir les nœuds de leur luxuriante et épaisse ciicvchu-e. On ne procédait à aucun ouvrage, sauf celui absolument nécessaire: un membre de la famille lisait la Bible et chantait des hymnes de louange. Après le dîner, on allait se visiter de saeteren saeter et l'on passait l'après-midi de la manière cou- tumière au pays. Je traversai le cours d'eau pour aller voir des amis de Rôldal, (jui LE BIJOU PERDU 331 avaient leurs saetors de l'autre côté : seulement une petite hutte en pier- res. Le gué fut difficile, car le courant était fort et l'eau profonde, Je dus monter à cheval , et prendre devant moi Anne, que je tenais forte- ment embrassée par la taille, car nous n'avions point de selle. L'animal, qui avait évidemment traversé le gué bien des fois, suivit son chemin avec beaucoup d'adresse. Le soir, après que l'on eut trait les vaches, nous eûmes du beau temps. L'une des fdles voulut s'amuser à courir avec moi; pendant le jeu, je perdis un petit médaillon de ma chaîne de montre, et, quoique nous l'eussions cherché partout, nous ne pûmes le retrouver; c'était un cadeau de Noël, et j'y tenais beaucoup. On furela de tous côtés le len- demain matin, ce fut en vain. L'année suivante, on le retrouva ; on l'en- voya à Samson, qui le remit au consul Rosenkilde, à Stavanger ; celui-ci l'expédia à Christiania, d'où on le fit parvenir à mon ami, Herr Christian Bors, le très estimé consul de Suéde et de Norvège, cà New York, avec prière de me trouver et de me remettre l'objet. Le lundi matin de bonne heure, chacun était debout; on prépara les chevaux pour le retour de Nels à la ferme, et on eut soin de garnir leurs croupes d'épaisses couvertures de laine pour placer les bats; le beurre, le fromage et le lait pour les ouvriers de la ferme ne furent pas oubliés ; le père, d'un air placide et sans embrasser personne, dit adieu à sa famille et bientôt nous le perdîmes de vue dans les détours du sentier. La famille ne voulut pas me laisser partir avant que j'eusse pris un déjeuner substantiel, qui aurait pu suffire pour presque tout le voyage; l'expérience m'a appris que ce qu'un voyageur peut faire de mieux, spé- cialement dans les montagnes, c'est de ne point bourrer son estomac de victuailles. J'étais prêt à dire adieu, lorsque Synvor disparut tout à coup et revint avec un superbe fromage qu'elle me mit dans les bras. (( Pre- nez cela, dit-elle, et mangez-le dans votre voyage, car vous aurez faim; il n'y a pas beaucoup d'endroits dans les montagnes où vous rencon- trerez un saeter. » Quoique je n'eusse point de cheval et que le fromage fût lourd, je l'acceptai pourtant, par politesse. Je serrai les mains à toute la fa- mille; dans celle de Synvor, je mis quelque monnaie et un petit dollar en or. c Non! non! s'écria-l-elie. — Si! si! » réparlis-je; tous me dirent alors: « Quand vous reviendrez à Odde, venez nous voir; 332 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT ne nous oubliez pas, ne man(iuez pas de venir. — Je viendrai, » répondis-je. Et je m'éloignai en hâte. Du lac Valdal, le sentier qui se dirige au nord sur les montagnes est sauvage et triste; au commencement il faut même traverser de "rands amas de neige. Après avoir quitté le lac, nous montâmes par une contrée abrupte au-dessus de la région du bouleau, où le genièvre et les baies arctiques abondaient. Une heure de marche nous conduisit sur les bords du petit lac Visadal-Vand,non hiin duiiuel se trouvait un saeler à l'aspect misé- rable, isolé et construit en pierres sèches. L'intérieur était loin d'être propre; d'un cùté, on avait placé les lits sur la terre nue; de l'autre, la cheminée; dans un coin, un las de branches de genévrier, cinq ou six seaux, un chaudron de cuivre pour faire le fromage et bouillir le lait, un pot à café, et une baratte. L'homme qui occultait le saeter et sa femme nous tirent bon accueil ; l'hommi' i»araissait avoir plus do 80 ans, mais il était bien portant et vigoureux; il avait fait plus de 80 railles pour venir passer l'été ici et fournissait un bel exemple de l'audace de ces montagnards. Ce saeter avait 120 vaches sèches, appartenant à plusieurs fermiers qui les envoyaient au pâturage. Une femme et trois hommes étaient cliargés de soigner ce bélail, et avaient aussi cinq vaches laitières pour leur usage personnel, outre leur nourriture. Nous longeâmes le côté montagneux du Visadal, sur des rochers nus et des plaques de neige, passant devant maintes cascades et chutes d'eau. En continuant notre ascension, — le cheval suivait un chemin et nous un autre, — nous gravîmes une colline rugueuse, en traversant de larges pla(iues de neige pénéliécs jiar des courants. Presque directement au nord, (in voyait Haarteigen, à 5,390 pieds de liaut, constellée de neige, qui étincelait sous les rayons du soleil; Nups- Eggen était à notre gauche. — Ici, le mica repose sur les roches primi- tives. 11 n'y avait pas d'autre apparence de sentiers que les lits dessé- chés des cours d'eau, rem[)lis au prinlemps. Nous passâmes le Steige, Vand, petit lac sombre et sidiiaire, au sommet de la montagne; là le bouleau nain même avait cessé de pousser. Quoique le soleil brillât de tout son éclat, le vent était froid, le thermomètre marquait 48°. De larges taches de neige descendaient jusqu'au bord du lac, surplombant souvent le rivage; le lichen gris réappai'aissait. Nous montâmes LA NEIGE ROUGE 333 encore et nous arrivâmes à plus de 4,000 pieds au-dessus de la mer. Les i'liam|)s de ueige augmeiitaii'iil de pi-npdiiioii, et nous dûmes en traverser un long d'un mille et demi : de Idin cii loin apparaissaient des traces de renne sauvage. Tout à coup nous (niuvàmos une étendue de neige rouge au milieu de la blanche, la première que j'eusse encore vue. Je m'imaginai ipron y avait tué un renne et que la neige était teinle de son sang. « C'est de la gaiiunel snn (de la vieille neige), » dit mon guide. A mesure (|ue nous avancions, les taches colorées de rose devenaient plus nombreuses; queltpies-unes avaient 15 pieds de long ; l'effet en était surprenant. On trouve toujours cette neige rouge dans les grandes fla(jues fondantes, et celte couleur est principalement due à la présence de minuscules organismes végétaux contenant un li(piide rouge huileux, l'algue, connue comme haematococciis (protococcus) iiirt/fis. Seliiii Elircnberg. ce seraient aussi des animalcules qu'il appelle philudina roacula. Puis nous passâmes sur la limite de Vas- dals-Eggen, où les montagnes, largement c(mvertes de neige, vont dans la direction du nord-nord-ouest. Quand nous eûmes parcouru ce plateau pendant environ trois heures , nous vîmes (pi'il descendait vers l'est, et un piétinement l'aliganl dans la neige rouge nous amena en vue du lacBjôrne; du bétail broutait sur' ses bords, et, non loin de là , j'aperçus des s[)irales de fumée sortant d'un pifjp sacter (saeter tenu par une hlle) dans ces montagnes, demeure du renne sauvage . Chaque année, vers la fin de juin, un fermier du tiord Hardanger ou de Rôldal, accompagné de deux filles, avec un troupeau de vaches laitières, traverse ces montagnes. Pendant l'été, on laisse les fdles pour prendre soin du bétail et s'occui)er de la laiterie. Il était tard (piand nous arrivâmes en cet endroit solitaire; les lilles sortirent iioin- voir quels pouvaient être les étrangers, et disparurent soudain à notre approche, afin de mettre leurs plus beaux vêtements pour nousrecev(jir. Elles portaient le costume des filles de Rdidal, avec leurs bonnets coquettement posés sur la tète ; l'une avait des bas rouges, l'autre des bleus. Les petites maisons, en pierres brutes, étaient situées l'une à côté de l'autre; les murs avaient environ 30 pouces d'épaisseur et l'ai'riére s'ap- puyait sur un monticule déterre; les toits étaient formés de grandes 33i LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT dalles soulenues iwr dos planclirs mises en long, largement espacées, avec des madriers en travers; par-dessus, on avait étendu de la terre pour empêcher le vent de s'introduire, et, sur cette terre, l'herbe avait poussé; le plancher se composait de larges dalles de schiste. La che- minée, construite à l'extérieur, était couverte à son sommet d'une pierre plate, pour empêcher l'entrée de la [iluie, et la porle consistait eu bois lourd et grossier. On nous pria d'entrer, et je fus frappé de l'extrême propreté et de l'ordre de la chambre, dont l'unicpie ornement était un petit miroir sur le mur; une seule fenêtre de 20 pouces sur 14, avec cpiatre iietiles vitres, permettait au jour d'entrer; auprès de la cheminée se trou- vaient une poêle à frire et une bouillotte à café ; un chaudron île cuivre, dont l'intérieur brillait comme de l'or et contenant de l'eau, pendait au-dessus du feu. D'un côté, il y avait des planches sujjportant des ran- gées de seaux pleins de lait et devant fournir la crème pour le beurre; au milieu de la chambre, sur le sol, une simple couche de foin cpie des morceaux de bois empêchaient de se répandre dans la chambre; des couvertures en laine et des peaux de mouton servaient de couver- tures; sur une corde tendue en travers, pendaient les vêtements. Dans un coin, on avait entassé une provision de genévrier et de saule pour combustible, dont on usait avec beaucoup d'économie, le bois étant très rare. Les filles ne reçoivent de visite de la ferme iin'iuie fois durant l'été, parce que la route sur les montagnes est fatigante et la distance de 90 milles. Auprès de la maison, il y en avait une seconde un peu plus petite, qui pouvait avoir servi à une autre famille; on y conservait les barils de lait aigre, le fromage et le beurre, et de grandes quantités de branches de genévrier; tout à côté, mais construite bien plus grossiére- remenl, on avait élevé le troisième bâtiment du saeter. L'érection de ces maisons en un tel lieu ne doit pas avoir été chose facile ; car le bois, les solives, les portes, les idanches ont été apportées de longues distances et rassemblement des pierres et la confection des murs ont été aussi des œuvres de patience. Les filles se montrèrent charmées de notre visite, et, quoiqu'elles ne nous connussent pas, elles n'étaient pas effrayées le moins du monde. Ambiôr, la plus jeune, avait dix-huit ans, et Marthe environ BON REPAS ET MAUVAIS LIT 333 vingt-six; elles élaienl filles de fermiers ; — Tune liabilail sur le fiord Hardanger, et l'autre sur les bonis du lac Roldâl. Immédiatement après noire arrivée, elles préparèrent un repas pniir nous; un petit coffre fut converti en table sur laquelle une serviette blanche servit de nappe; elles firent frire des tranches de lard, et placèrent devant nous des pommes de terre (qu'elles me ])arurent bonnes!), restes de leur repas du dimanche, du fromage, du beurre et des galettes. Déplus, elles mi- rent à notre portée un grand baipiet de lait portant une belle crème épaisse, où nous pouvions puiser nous-mêmes. Quand tout fut prêt, elles nous dirent : « Soyez assez bons pour manger ce modeste repas; nous sommes au saeter et non à notre ferme, vous h? savez, et nous ne pou- vons rien vous offrir de meilleur. » Tout me iilut mieux que les i)lals les plus fins d'un banquet, car j'avais graud'faim. Elles firent du café, qu'elles nous servirent après le repas. A peine avions-nous fini de manger, que le tintement des clochettes des vaches avertit Ambiôr et Marthe que l'heure de traire était venue. Elles ôtèrent leurs belles chemises, les remplacèrent par leur tenue de travail, remplirent leurs cornes de sel, et, prenant leurs seaux, furent bientôt occupées avec leurs vingt-deux vaches laitières, qui étaient revenues d'elles-mêmes du pâturage: les animaux reçurent du sel et se couchèrent pendant quelque temps autour des huttes. Samson, mon guide, alla loger mon cheval dans un saeter éloigné de trois milles, et tenu par un homme; il avait été décidé que Paul ne pouvait pas s'y arrêter, parce que ce saeter était malpropre, sans confort, et infesté de puces. Quand vint le soir, on procéda aux préparatifs du coucher. Les fdles enlevèrent les barrières en bois du lit et étalèrent Therbe sèche, sur laquelle elles étendirent les couvertures de laine ; nous nous cou- châmes tous avec nos habits, mais nous ôtâmes nos souliers et nos bas- Il n'y avait qu'un lit pour tous. Samson ronflait si fort, qu'il ne nous fut pas possible de dormir; nous aurions voulu le voir dans l'autre saeter, mais il nous fit rire toute la nuit. A quatre heures, nous fûmes réveillés par les clochetles des vaches qui appelaient les filles pour venir les traire. La contrée environnante était belle; do l'autre coté du lac, on aper- cevait Saucrflol, vaste plateau onduleux. L'aspect de la nature était 336 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT sévère, car la verdure ne venait donner ni couleur ni variété au paysage; les lacs gisaient cachés au-dessous, dans les profondeurs, et les vallées, à travers lesquelles serpentaient les courants liiluitaires ressemblaient de loin à des ravins Idiliieux el smnlires sur ces immenses plateaux rocheux. Une vue grandiose était celle de l'ouest, où les chaînes du Vandal-Eggen, et des Nups-Eggen, s'élèvent à o,530 pieds; leurs pics et quelques-uns des plateaux étaient couverts de neige, et les ravins en paraissaient remi)lis. Je demeurai i)iusieursjours au saeterDiôrn-Vand. parce queSamson élail ;dlé vnii' ini de ses amis dans la niiiiil;igiie. .le passai le temps à Le saiHer Oioin-Vaiul. chasser et à errer seul dans cet espace sauvage ; Marthe et Ambiôr ne ces- saient [)as de s'éliinncr que j'eusse Iraversé le grand Océan. Elles prirent grand soin de inui, tout en n'él.inl pas salisfailes, car je ne buvais ni ne mangeais assez à leur gré; quand je parlais le malin, il s'élevait toujours nue discussion au sujet des provisions dont elles voulaient me charger plus que de besoin. Quand j'étais prêt pour mon excursion de la journée, elles me disaient : « Ayez soin de revenir avant le soir, car vous auriez de grandes dilTicullés à tnaivcr voire chemin dans l'obscu- rité! » et les deriuers mois (pu' j'entendais él.iicnl liuijdnrs : Vel- konimnn lilbacje (Vous serez le liienvenu à votre retour]. Comme toutes les lilles des saeters elles s'occupaient toute la journée. Quand je ren- trais le soir, je les trouvais généralement réparant les filets, qu'elles DEUX LETTRES DE SOUVENIR 337 allaiolit cnsuilc Iriiilcc à l'cniljoiiclnirt' du ]u'(it cours d'eau qui se ji'lail dans le lac, afin d'y inciidi'c des Iriiilcs pour mon déjeuner du lendemain. Frites dans le licnri'e, ces huiles me semblaient délicieuses. Le soir du 8 août, le temps changea tout à coup, et le vent glacial du nord souilla dans les interstices de la Imite. Il faisait si froid sur les hautes montagnes que les vaches revinrent au saeter, qui était plus bas et où il faisait beaucoup plus doux; les clochettes nous réveillèrent. Les lillt's siirlireiil poiu' voir ce ipie cela Vdulail dire et comptèrent les vaches afin de s'assurer (pruii iiurs n'était pas venu mettre le trouble dans le troupeau. Le malin, nous nous aperçûmes (ju'unc gelée blanche couvrait le soi. Le jour de notre départ, ces demoiselles nous servirent un déjeuner substantiel avec deux tasses de café. Marthe, qui avait remarqué que je ne portais que des chaussettes en coton léger, insista }i(jur me donner de gros bas de laine qu'elle me fit chausser en allant au lit. Ambiôr y ajouta de gros gants et un fromage qu'il me fallut emporter. Elles tin- rent à m'accompagner jusqu'au déversoir du lac, que je traversais à gué lors de mes excursions de chaque jour. Nous nous séj)arâmes en cet en- droit, et, lorsque je mis le pied dans l'eau, je glissai dans leurs mains un peu d'argent, en les remerciant de leur amabilité, de leur hospitalité, et de leur confiance en moi. « N'oubliez pas de venir nous voir. Nos pères et mères, nos familles, seront heureux de vous recevoir. Bon voyage, Paul, et que Dieu soit avec vous ! » tels furent leurs derniers mots. De- puis, je suis allé dans leurs fermes et nous avons entretenu une corres- pondance; seulement, depuis quelque temps, je n'ai plus de nouvelles do Marthe; peut-être est-elle morte, ou suis-je oublié. — .l'ai été plu- sieurs fois à la ferme d'Ambior, car elle se trouvait plutôt sur mon che- min. La dernière lettre m'apprenait qu'elle était mariée. Qu'elle soit heureuse, c'est le souhait sincère de son ami Paul. Je clos ce chapitre en donnant au lecteur la Iradiiclinn d'une lettre que j'ai reçue d'elle, et d'une autre de mon guide dans les montagnes. Herr Paul du Guaillu. — J'ai reçu liici- ta ijoniie Jclln' du 21- ctécembre, avec le présent qu'elle coutenait pour moi; acceptes-eu mes plus cordiaux remercie- ments. J'ai vu aussi par ta letlie que tu te portes bien, ce qui me fait grand plai- sir; je puis aussi l'assurer que, mes irens et moi, nous sommes tous dans notre sanlé liabiluelle. Connue il s'était écoulé Ijeaucoup de temps sans nouvelles de loi, 2-2 338 LK PAYS DU SOLEIL DE MINUIT jt' craignais que tu ne m'eusses entièrement oubliée, jusqu'à ce que j'eusse reçu la première lettre du 9 novembre, pour laquelle je te remercie également du lond iluro'ur, car ces lettres et le piéseut luouvent le contraire; tu excuseras ma négligence à répondre à la première. Je vois par tes lettres (pie lu as foi'uié le projet de venir ici au in'intemps (iro- diain; je t'assure que j'allends ce moment avec inq)atience. l't tu me permettras de le demander de m'iiirornier de l'époque on je de\r.\i t'atlendic. lieniis les alTectuenx son\iMiiis de ton amie. AiiBioiî ÂLsnoïTi^u. Hehu Paul du (liiAlixr. — Niels 0. 0\erland. de Sonde, se sou\ieiit coidiale- inent de toi ; c'est pourquoi je prends la plume pour l'informer de ma santé. Je n'oublierai jamais le |ilaislr (pie nous avons en (piand nous étions ensemble aux saeters deHaiiKelid. près Holdal. J'ai conservé connue somenir de ce temps le petit pot d'étain que tu m'as donné. Maintenant je te dirai comme nouvelle que je me suis marié le ^0 juin 1875, à la s(eur d'.\mbior, un peu plus âgée qu'elle et qui ne se trouvait pas à la maison lorsque tn \ Ins. Elle était servante chez mes parents de Sonde. Elle s'appelle Bertlie 0. Il \ a huil jouis, j'ai été a\ec mon lieau- père à Ole-Yraalsey ; j'y ai vu le cadeau que tu as eii\o\é à Ambior. et j'ai lu ta lettre. Je vois que tu as riiiteutlon de \isiler lioldal l'c'lé proiliain, et que tu au- rais \oiilu venir l'aïuK'e passive mais (]iie tu en as été einpéi'JK'': aussi nous espérons te voir l'été i)rocliain. el j'irai alors à Itoldal pour te parler. Dans le cas on lu penserais venir à Ciiiistiania et où tu aurais besoin d'un guide sur la roule, j'irai t'y trouver et je l'acconipagnerai à lioldal ; mais il faudra me dire à quelle époque tu viendras. La famille d'ObvVraalsey m'a chargé de le faiic parxeiiir les compli- ments de tous, el enlin Ambior t'envoie une foule de remerciements pour ton pré- sent qu'(>lle conservera comme un cher souvenir de toi. Ma Koiic (femme) désire le voir et le parler, de ce que tu as (■!('' si bon (suildi |)our sa so'iir Amiiior el lout(! la famille. Ainiiior regrette de ne pas être revenue (i'iJdde à lioldal, [larcc qu'elle aurait pu faire avec loi une excursion à Bergen. Je dois aussi te saluer de la part de Helge II. liabjje, Niels H. Heggen, el du lensmand U. H. Juvel; tous souhai- tent de te voir quand lu viendras à Roldal. Maintenant il faut que je cesse en te saluant amicalement pour moi et pour ma femme. Écris-moi, cela me fera grand plaisir. Ton ami. Niels 0. Ovicur.ANn. C H API TUE XXV r.luistiaiiia. — Latitude de la ville. — Caiacléristiiiue de ses habitants. — .Maisons. — .Manière de vivre. — Peuple hospitalier et lion. — l'oyers délicieux. — Société de Christiania. — Un repas royal. — Convives distingués. — Écrivains norvégiens. — Le palais royal. — L'Uni- versité. — Édilices publics. — Les environs de la ville. — Le liord Christiania. — Oscar Hall. — Le Saeter l'rogner. — Sarabraten. — liépart de la ville. Christiania est située à i'e.xtrénuté interne du iont; li rli;iiin;iiil lioid de ce nom, au pied de collines boisées. L'automne était avancé lorstiue, pour la première fois, j'entrai dans la capitale de la Norvège, bien des mois après que j'avais mis le pieil en Scandinavie. J'étais fatigué de mes excursions estivales. Dans les dernières semaines, le temps était devenu si jiluvii'ux, (pic je brûlais de me refaire ilans une ville pendant quelque temps. Je ])ris mes (|iiailifrs dans rexcclli'iil liotcl Vicloria, toujours plein de touristes en été, mais désert en cette saison. La ville est à une latiliidc de 06° .oo ; 3° 08 nord d'Edim- bourg, et 1° lo, plus au nord que Dnncaiisliy, le point le plii.^ septentrional de l'Ecosse; elle renferme une popuialion de 116,000 âmes. C'est une cité prospère, dont l'importance augmente tous les jours et qui est le siège du gouvernement norvégien. Le roi de Suéde et de Norvège est tenu, d'après la Conslitiilion, d'y résilier trois mois par ■.m. 340 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT L'étranger qui orro dans ses larges rues est frappé du maintien ferme et méditatif des liai)itanls; c'est nn reflet du caractère national, qui me rappela, sous ce rapport, Gôtcborg en Suéde. La ville u'oiïre pas de traits particuliers; les maisons sont généralement enduites de stuc, pas très hautes, couvertes en tuiles, et le peuple habile surtout aux étages supérieurs ; mais, depuis queltpie temps, on a construit un grand noml)re de villas, et, dans la partie neuve de l;i ville, on rencontre de beaux jardins entourant des maisons, et quelques charmantes résidences particulières. Tout offre un aspect de jjrospérilé et de confort; l'ordre et la bonne tenue régnent partout. Le long des quais, les navires chargent et déchargent continuellement leurs cargaisons, les steamers quittent la ville à toutes les heures de la journée pour se rendre aux villes com- merciales, aux marchés (pii se tienueiil sur la côte, ou dans les ports lointains de l'Europe. .l'aime à me rappeler (Ihrisliaiiia, ses habitants si bons et si hospi- taliers, l'accueil franc et c()rdi;il ipie je reçus de mes amis norvégiens. Les personnes à l'aise on! des goûts simples, vivent très confortable- ment el aimeni l;i \ie de f;niiille. On égaie les longs hivers par des réunions joyeuses; le patinage, le canotage, le traînage, les dîners, la danse, la musique aident à passer agréablement la mauvaise saison. La société est aimable. Les dames, comme leurs congénères suédoises, sont bien élevées, habiles dans l'usage des langues étrangères, très attrayantes, sini|»lrs dans li'ur loili'lle, en un mot charmantes. Les genlli'uu'ii sohl coi'diaux, polis, obligcauls; il y a dans leur tenue une liberté el uni' viiililé ipii nToiil loujoiii-s phi. Uc n"i'sl (pic ipiaiid on est admis chez eux, el non ijuaiid on ne les voil ipie de temps à autre; ce n'est (|ue quand ils vous trailenl en ami, que l'on peut se faire une juste idée des nobles et belles cpialités du caractère norvégien. .l'ai n'iiconlié lii'aiiriiii|i d'hommes inslrnils, ipii ont toujours été prêts à me servir et à me donner loiis les reiiseigneini'uls donl j'avais besoin, sans se soucier de l'ennui ou de l'embarras ipie j)ouvait leur occasionner ma demande. L'un m'envoyait un ouvrage ipi'il croyait pouvoir m'èlre utile, l'autre une carte, celui-ci des statistiipies gunver- nementalcs, médisant où je devais aller, soit dansdes buts scienliliipies, ou pour éliiilirr la vie du peuple ifalk-lir), ou [imir voir qiirhpie scène mngiiiliipie; chaipie fois qiir je parlais, on nrapporlail des Icllres |ionr LA SOCIETE DE CIII{IST[ANIA 3il des amis ou des parents, aliii iiue je fusse liien accueilli parloui. Si une personne n'avait aucune relalion dans un district où je devais aller, elle courait chez une de ses connaissances lui demander pour moi des lettres d introduction. Le lendemain di' mon arrivée, j'allai remettre celles que j'avais précieusement conservées. Elle m'ouvraient les portes de bien des maisons où je fus accueilli à liras ouverts et reçu avec beaucoup de bonté. .l'eus bientôt fait des amis, et, pendant les ipiinze jours que je séjournai ici, j'appris ;i connaître ce qu'est riios[ii- talité à Christiania. Ma [iremiére visite fut pour le consul Tho. Jos. Hefige (pii me combla d'obligeances, avant même ([ue je ne l'eusse vu. Le consul est un habile financier, (pii a écrit plusieurs ouviages sur les finances; homme de vastes connaissances et de vues liirurs, malgré ses immenses affaires de banque, il trouve toujours le temps d'être servial)le à un ami. C'est le président et l'un des cinq directeurs de la Tnrist Fôrening (Société des Touristes), cpiia pouroltjel de donnerau peuple le goût des explorations montagnardes. On compte parmi ses membres le roi et la famille royale. Le consul est un infatigable gravisseur et explorateur de montagnes; dans maints districts son nom est connu de Ions; on l'aime à cause de sa géniale bonté, de ses manières simples et sans ostentation; et j'ai souvent entendu des bouder, dire en me montrant sa photographie ; « Voilà un homme qui n'est pas fier. » Personnellement, je lui dois une reconnaissance infinie pour ses bontés, son amitié et ses utiles renseignements. « Vous dînez avec moi demain, me dit-il, et nous causerons de ce que vous voulez faire; en même temps, je vous présenterai à des savants et autres gentlemen dont je désire que vous fassiez la connaissance. » Si j'avais eu l'idée que l'on ne faisait pas à Christiania de réception splendide, j'aurais été bientôt désabusé. La grande et belle maison du consul est entourée d'acres de terrains bien cultivés d'où l'on a une vue magnifique du iiord Christiania. Je montai un large escalier, au milieu d'une petite forêt de plantes tropicales, et de buissons en fieurs qui me rappelèrent les cli- mats les plus chauds. Les effets de lumière étaient superbes. On m'in- troduisit dans un grand salon et mon hôte me présenta à sa charmante femme, puis à la nombreuse société d'hommes distingués (pi'il avait invités : professeurs de l'Université, écrivains, journalistes, savants. 342 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT ol'lii'iors de l'aniU'C et tic la ilullo, (•(iiisuls (■trangors, membres du Slor- tliiiig, ecclésiastiques, etc. Plus de qiiaianle convives prirent place à un somptueux banquet. C'était un repas royal. Après le potage, on remplit les verres, et Thôte portant les yeux tout autour de la table, dit : Velhommen til bonlet (Vous êtes les bienvenus à ma table), manière usuelle de saluer les invités. Telle fut ma première introduc- tion dans la capitale. Ma seconde réception eut lieu chez un manufac- turier distingué, Halvor Schou, liomme aussi fort riche et très respecté de ses concitoyens. Ceux qui m'accueillirent les premiers furent les savants amis que j'avais précédemment rencontrés dans le Nord; entre autres, Peter- Christian Asbiornsen, l'un des écrivains les plus distingués de la Nor- vège, dont le nom est familier dans le cottage du montagnard, dans la cabine des pêcheurs, aussi liien ipie dans la demeure du riche; car, quel Norvégien ne connaît son « Folke Evenlvr», son » Huldre Even- tyr », et beaucoup d'autres de ses contes, où sont si bien racontées les vieilles traditions du peuple? En outre, il a écrit sur l'éducation, sur l'art forestier, et sur bien d'autres sujets. Peu d'hommes de ce pays sont plus respectés que lui; mais aussi peu de personnes ont voyagé autant que lui en Norvège; son énergie est élonuanle, en dépit de ses soixante- deux ans et de sa corpulence. Il a beaucoup pairouru l'Europe, et maintenant il fait tous les ans des milliers de milles dans son pays natal. Sa bonté l'engagea tout d'abord à chercher en quoi il pourrait m'être utile dans mes voyages en son pays, et ses lettres m'ont été fort précieuses. Il est, sous bien des rajtports, le type parfait du Normand (Norvégien). Un autre de ses collègues voyageur en Laponie, le pro- fesseur J. A. Friis, a bien voulu nu^ donner des idiotographies poiu' illustrer mon ouvrage. Les édifices publics ne sont pas rcniaiipialilcs par leur beauté architecturale. Le palais, bâti sur trois cotés d'un carré, est pitto- rosipicmcul situé au milieu de terrains agréables. Le bâtiment de l'Université, qui est massif, contient mie belle bibliothèque, un nuisèe zoologique et gèologi(|ue. La colleilioii d'antiiiuilés septentrionales n'est pas vaste, mais elle reid'ernie des sjiécimens très rares et très pré- cieux, parmi lesipiels se trouvent des ornements d'or et d'argent portés par les anciens habitants à l'époqui' païeiuie, et des monnaies remar- LA HESIDENCE D'ETE DU ROI ;ii'} qiiaLlcs. Dans les galeries de peinture nalionaie, on voit des paysages de toute beauté, œuvres d'artistes norvégiens, dont quelques-uns ont obtenu une célébrité universelle. Le Stortliiug est un bel édiiiee, faisanl face au s(piare Charles-Jean, la plus belle place de Clirisliania. La promenade la plus agréable est au château d'Agerhuus, (|ui défend rapproche de Christiania; on a l'ait de ses remparts des allées délicieuses et admirablement ombragées. La ville renferme de très beaux magasins; ceux des orfèvres argentiers sont particulièrement lenlanls; l'étranger y trouve de superbes objets qu'il achète pour emporter chez lui. Les hôtels sont nombreux mais dis- pendieux. Les écoles publiipies et autres institutions font honneur à la ville. Les environs sont étendus et fort beaux; le fiord est pointillé d'îles et ses bords contiennent des villas, des bois ravissants, et des campagnes riantes. Des routes carrossables conduisent à des endroits charmants, sauvages et i-elirés; les grandes rouies (pii mènent à la campagne |)asseiil pu' des paysages de hiule beauté. Le fiord Christiania a environ 70 milles de long; mais l'étranger qui ne va pas plus loin (|ue Clirisliania ne peut concevoir la grandeur des fiords norvégiens. Oscar's Hall, résidence d'élé du roi, est à une courte dislance de la ville, sin- le bord du lioid. Il s'y trouve des peintures de Tidemand, il- lustration de la vie du ])aysan en Norvège, ([ui son! remarquables. Le saeler Frogner, à 1 ,700 pieds au-dessus île la mer, appartenant au consul Heftye, n'est qu'à queh[ues milles de la 'ville. De là, on jouit d'un superbe panorama du fiord, s'étendant jus([u'à la mer, et si l'on regarde dans la direction opposée, on olilienl la même vue aussi étendue. On en appi'orlie en Iraversant une grande el sondjre forêt par une roule conslruile aux frais du propi-iélaire. Sarabràlen, situé dans une région sauvage, dominant un lac pitlores(pie, est un lieu romantique, appartenant au même propriétaire, dont l'amour pour les scènes sauvages l'a engagé à bâtir dans ces endroits des maisons comme celles que l'on construisait aux lenqis anciens. .Je puis dire avoir passé de l)(dles journées au saeter Frogi\er et à Sarabràlen. Une communicalion directe i)ar chemin de fer existe avec Stockholm l't Trondhjem. Les moyens de sortie de la ville sont divers. En été, les touristes préfèrent sénéralement vovasïer en carriole. De confortables steamers iiartent ■Ail LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT joiinielleiuent pour le'S diiït'iviilos pailics du fionl ol pour Frcilt'rikss- tad, près de laquelle on voit la lielle chute d"eau, la Sarps foss. Ceux qui désirenl l'aire un i)lus long voyage, et voir les scènes de la côte, doivent prendre les vapeurs qui vont à Bergen ou au cap Nord. Le l'asvig. iiivière la jilus seiitiMilrionsIe d'Eurojie. CHAPITRE XXVI l/ilc (le Gollanil. — Wisby. — Son nncieiine imporlance fommerciale. — Saga sur l'ilp. — Restes des anciens temps. — Pierres eommémoratives. — Les anciens liabitaiits wikings. — Fortifications et ruines de Wisby. — Son ancienne prospérité et sa chute. — Vieilles mon- naies. — Marchands princiers. — Églises. — La crypte île Saint-Gr'iran (Saint-Georges). — Saint-Lars. — Saint-Mcolas. — Ruines. — Excursions dans l'ile. — .N'onibreuses églises. — Un pays fertile. Un autre liiver était passé; le beau temps reparaissait, le soleil devenait plus chaud chaque juur, (pioitiue l'air fût piquant; la végéta- lion semlilait plus avancée que Tannée précédente. Les bords méridio- naux de la Suède sur la Baltique étaient, revêtus d'un manteau printa- iiier; les oiseaux et les liirondelles revenaient, et l'on entendait déjà dans les bocages, près de la mer, le ramage du rossignol. Les jours grandissaient à vue d'œil, le soleil se levait vers trois heures et les longs crépuscules ajoutaient au charme du malin et du soir. Le 22 mai, je naviguais de nouveau sur la Baltique; au loin, les contours adoucis d'une île s'élevaient au-dessus de la mer, — c'était Golland. En approchant, la vue devint belle; la ligne étendue était marquée par de jaunes falaises calcaires, ponctuées de bois sombres, de fermes bien tenues et de moulins à vent ; l'ancienne ville de Wisby, avec ses murs massifs ruinés, sur lesquels de vieilles tours se dres- 346 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT saienl comme des sentinelles et semblaient veiller sur la place comme aux jours anliciues, et legardei la mer avec défiance. La ville s'élève en forme d'am|)liithéàtre ; les blanches maisons aux formes bizarres, et les ruines des églises, en partie cachées par des liduipiets d'arbres, fai- saient paraître l'endroil plus vénérable encore au grand soleil. Gotland, l'ile la plus importante de la Balli(iue, est située entre le 56° 53', et le 58° de latitude, presipie au milieu de la mer, en face de la province russe de Courtaude et de la Siualand suédoise. Elle se rapproche davantage de la côte de Suède avec larpielle elle court jtaral- lèlement. Celte île fid autrefois le siège d'une grande puissance, l'entrepcM principal du commerce de l'Europe septentrionale, et elle n'avait point de rivale. La date de son étaljlissement se ])erd dans la luiit des temps, et le seul souvenir que nous ayons de son histoire se trouve dans le « Gotlands lagarne. "que l'on croit être un supplément auxloisdupays. On suppose que cette « saga » a été écrite vers l'an 1200, dans la vieille langue gotlaniIi(pH\ Gotland ou Gutland, signifie la terre de Gotarne ou Gu- tarne (des Gotlis), si l'on croit (pie ces colons appartinrent à la race qui vint de la mer Noire, déborda sur la Germanie et s'établit dans la partie méridionale de la Suède et en Norvège. Aux temps anciens, dit la « saga », une belle île basse et obscure flot- lait sur la meri)endanl la nuit el le peuple la voyait en naviguant çàet là; mais, le matin, au lever du soleil, elle disparaissait sons les vagues pour reparaître avec le soir, tlottant à la surfice de l'Oslersjnn (Balti- que). Personne n'osait y al)order, bien que la croyance générale prélen- dit qu'elle se fixerait si on y allumait du feu. Enlin Thielvar ou Thial- fer, y débarqua avec ses hommes, et y alluma du feu. L'île devint sta- tionnaire, et anjouni'hui une baie s'appelle Thielvarvik, el l'on suppose qu'un monceau de pierics, ipii en est pmche, couvre la toudje deTliielvar; mais la saga ne dit pas à (prelle époi|iie il y aborda ni d'où il venait. Celte saga rapporle encore qu'ensuile la |iii|iiilalion s'accrut lelle- meul, (jue le pays ne pouvait plus la nourrir; on lira au soit el chatpie troisième sortant fut obligé de partir. Ils refusèrent d'obéir et se forli- fièrent dans un lieu nommé Tliorsburg, d'où ils furent expulsés; ils allèrent à F;ln"i, d'où on les chassa encore; ils conslrnisiicnl une villi> à RUINES ANTIQUES 317 Dogu; mais il n'y denieurèreiil pns longtemps avant d'en être expulsés de nouveau; enfin ils se rendirent sur la rivière Diina, en Russie, et voyagèrent jusqu'à ce (pi'ils lussent arrivés dans l'empire byzantin, sur la mer Noire ! Les premiers habilanls de Gotland étaient païens et olïraient des sacrifices humains dans des liocages sacrés, sur les hauteurs. Ils croyaient à Thor et à Odiii, et bien des noms de fermes et de lieux rap- pellent encore aujourd'hui les dieux et déesses de laWalhalla. Le mot toiHierre, dans la langue de Gollaud, veut certainement dire Tlntr (Dieu du Tonnerre), (|ui, lors([u'il était en colère, fiappait de terreur les géants qui habitaient le septentrion. L'ile est un des endroits du Nord les plus riches en restes des anciens temps, surtout la côte de l'est, où l'on voit de nombreux mon- ticules funéraires, ou lumuli, débris en firme de vaisseau, appelés ■slunkers. Un nombre infini d'anliipiités découvertes dans la terre, prouvent (pie la piraterie et le commerce étaient les occupations princi- jiales des habitants, qui s'enrichirent par le pillage. On n'a trouvé que ]>eu de restes des âges de la pierre et du bronze; la plupart de ceux (jue l'on a déterrés proviennent de l'âge du fer. Parmi les plus inté- ressants, sont les pierres commémoralives piulanl des nianpies gros- sières, re[)résentant un bateau de Wikings, avec mâts et voUes et une proue élevée; des hommes sur le pont semblent comlialtre; au-des- siius, on voit des figincs d'hommes et d'animaux, mais si grossière- ment faites, qu'il est difficile de les reconnaître. L'un des délices de l'étranger qui voyage en celte île est de trouver partout ces témoignages du passé datant soit de l'époque païenne, soit des premiers temps du christianisme. Les tumuli, ou lombes les plus anti(pies, comme celles que l'on voit en face, en Ostei'gotland, et dans la jiartie méridionale de la Scan- dinavie, sont très clairsemés en Gotland; il n'y en a que deux. Ici, le plus grand nondjre de lombes sont des amas de petits blocs, au milieu desquels une urne d'argile conticnl des cendres. A côté des urnes, on trouve souvent du (diarbon et des os brûlés. On ne découvre que bien peu de squ(dettes noirs incinérés. Les tumuli de pierre sont par- fois entourés d'une rangée simple ou double de pierres rondes. De petites lombes sont feites de quatre dalles, avec une urne renfermant 348 LE PAYS Dr SOLEIL DE MINUIT des cendres. 11 y a des lalilcllrs. avec des raradèrps riiiiiqiies ; mais récriture est tellement elïacée (|iic l'on ne lient les lire. Ces pierres gravées sont en très j;r;nid nombre. Ou les Inuive debout ou renver- sées; ce furent |uobablciiiciil des pierres commémoialives placées sur les lombes. On reiiconlre aussi des croir counnémoratives, apparte- nant à la période cliréiieiuie; elles dateni du xiv" el du xv' siècle, et portent des caractères rnni(pies. On voit aussi lieauconp d'anciennes Les imirs ilo VN'ishv. forlillcalions, avec une mniaillc ronde en lerre, ou enlourées de pierres brutes. Aulrefdis sans ddulc 1rs liabilauls de l'Ile, c(uuine ceux de la Norvège, du Danciiiark, de la Suéde cl lic la cùlc uricnlale de la Baltique, consistaient principalemeid en Wikings, (pii lireid de longues et dangereuses expéditions; les souvenirs laissés par eux sur l'ile indi(]uent ([ue tous l'urenl de la même race. Mais les Gollandais, étant devenus riches , excitèrent l'envie des pirates ou des chefs voisins des rivages di' la ]{alli(pie; aussi curent-ils à soutenir des guerres continuelles. On est toujours impressionné quand on visite de 'vieilles ruines. Il est rai'c ipie l'iui suit liMilé de i-ii'c ipiand lui erre sous ces nuus (pii r.RANDfirn et décadence de wisby 349 s'effritont, on |i,iinii les pilifi-s (''(■rmil{''s (|iii oui luUr contre les siècles et (|iii liiiii'eiit p.'ir siiccoinher. Ils reiideiit sérieux, car ils l'ont penser :i la petitesse de l'Iiomnie; l'ii sent que ceux qui les ont bàlis, moris depuis lon,c:temps, étaient de même nature que nous; il ne nous es! pas dil'liciic d'imaginer les scènes de la vie dont ils l'nrfiil autrefois les témoins: mais le silence sépulcral (]iii envi- ronne le spectateur ini|ii-inie le respeci el la tristesse. Selon toute apparence, les fortificalions el les vieilles éiilises de Wisby ont été construites en jiierres tirées des carrières creusées sous la ville, dont l'aspect, quaiul ou erre dans ses rues, est étrange. Parmi les plus modernes bâtiments et cottages, apjtarail çà et là une vieille maison lianséatique, ou un magasin de forme ancienne, aux murs croulants, couverts de lierre et dominés par des tilleuls, des noyers, des mûriers et des ormes. Des ruines )iittoresques datant de plusieurs siècles et des cimelières silencieux se mêlent anx demeures des vivants, qui ne se font aucun scrupule de construire les porcbes de leurs maisons avec des pierres tumulaires portant des noms gravés, des inscrip- tions bizarres, ou des sculptures fantastiques. La période de fondation de la ville, de même que l'établis- sement dans l'île, es! incerlaine; mais, qn(dle ipi'ait pu être son bistoirc primitive, elle eut, anx x", xi' et xn" siècles, une grande importance commerciale , et entretini ini trafic très étendu avec les commerçanis d'Angleterre, de Hollande, de Russie, de France, delà Méditerranée et d'aiihes parties de l'Europe. En 1237, le roi d'An- gleterre, Henry HI, permit aux Gotlandais d'importer ou d'exporter des marchandises sans payer de di'oils. Les marchands devinrent énor- mément riches et eurent des rajqiorts d'affaires avec l'.Vsie et différentes contrées d'Europe. Tous les négociants du monde étaient admis dans les murs de Wisby. A cette épo(|ue, le trafic de l'Inde, de la Perse, et des autres [)arties de l'Asie, se faisait [)ar le Volga jusipi'à Novgorod, et le commerce s'accrut lors des guerres avec l'Oricnl. La richesse du peuple devint fabuleuse et la manie de bâtir des églises commença. La ville eut une carrière féconde en évéïn'inenls : idle dut soulenir liien des sièges el fui mise à sac. Les mnrs exislani aujourd'hui on! été édifiés en 1288 ; trente-six loiu's on! éli' éle\ée>|iar les halulants de l'ile, chaque tiiiy (conilé ou |>aroisse)en consiruisil une. Les murs étaient 3o0 LE PAYS DL' SOLEIL DE MINLIT perci's (le meurtrières, et deux tours li.ird.iicnl ch.Knie entrée. Un voit encore les restes des gargouilles |i:ir lesi|uelles la garnison [touvail lancer de l'huile liouillanle, de l'eau chaude, ou du [)lonilj fondu sur renneiui. Outre ces murs et ces tours, trois fossés étaient creusés à l'extérieur. Il reste vingt-huit tours dont l)eaucou|) ont de GO à 70 pieds de haut, et de plus |)etites se dressent encore eidre elles. Ln ville comi»tait autrefois plus de douze mille bourgeois, et des quanlilés d'artisans habitaient hors des murs ipiand la [ilace devint trop petite pour les contenir. La cité était aloi-s indépendante; elle battait monnaie et levait ses propres forces militaires. L'île est surtout riche en vieilles médailles. En 1870, à Sindarve, dans Hemsô, on en a trouvé, dans une seule place, au moins quinze cents, pesant plus de dix livres; c'étaient des monnaies impériales de la partie occidentale de l'empire romain, en argent, dont la plupart y dataient du premier siècle du Ciu'ist. Petites et épaisses, (dles poitaieid des images bien découpées d'emiiereurs et d'impératrices; on les appelait denarii. On trouve souveid d'autres coins, très usés, ce (pii prouve le long usage (jue l'on en avait fait avant qu'ils fussent enterrés. En quelques endroits, on a découvert des pièces romaines eu or, appelées solidi, mais jamais plus de 40 ou 50 ensemble, et généralement elles datent du iv' el du v' siècle. On a aussi mis à joiu' une grande quantité de coins kuli(pn's, venant de Kufa, Bagdag, Samarcande, Bokliara et d'autres villes de l'Asie; ils sont en général grands et ronds, sans elligies, et couverts des deux cotés d'inscriptions arabes; on en a déterré {dus de dix mille dans l'île; les plus anciens sont du \\f et les plus récents du x' sié( le. Des monnaies anglaises, avec des ligure de rois mal exécutées, iW^ ix' et x' siècles, et un grand nombi-e de [lièces allemandes, ainsi (pu- d'antres représentant des évèqnes, des villes, etc. soid de la période ci-dessus. J'ai acheté une pièce d'argent (pi'nn fermier venait de trouver en labourant; elle porte l'image de l'empereur Commode, fils de Maixuis, qui monta sur le trùne en 1 80 après .I.-G. et mourut en 1 92. On a exhumé des ornements précieux, consistant en liagin's unies el onvragées';des anneaux pour le col el les bras, en argent el en or, el (|nel(|iierois décorés de perles; des bijoux de bronze; des boucles de cliairssure; des cein- tures avec ligures; des épingles à cheveux; des lingots d'(M- et d'argent GOTLANDAIS ET DANOIS 331 pirls à rlit' li'aiisformés en luuiiniiic, et serv.iiil itrokiblenuMil comme types de valeur; des cidliei'S d"aiidiiv. de veirc cl d'ari^ile de toutes couleurs; des pei^tiies d'ivoire et Ijeaucoup il'autres objets. On a conservé aussi des sceaux de corporations autrefois i)uissanles et portant le nom d'un saint patron. La ville, au moment de sa plus haute prospérité, possédait dans ses murs non muiiis de quinze églises et deux couvents; hors des murs, une é'dise et un monastère de religieuses; beaucoup ont été construites par lies marchands étrangers résidant en ville. Pendant les xf et xii" siè- cles, jilus de cent églises furent érigées dans lile; presque toutes exis- tent encore et Ton y célèbre le service divin; il en est dont l'architec- hire est Inrt Indle. Cette ville remarquable fut assiégée plusieurs fois, car sa richesse priivoijua l'envie de puissants voisins. Malgré ses fortifications, Wisljy lui prise d'assaut en 1301, par Waldemar 111, de Danemark : depuis longtemps, l'ancien traité était devenu lettre morte, et la Suéde ne put rien contre la puissance du Danemark. Le pillage fut énorme; les orne- luenls d'or et d'argent îles églises en formèrent une grande [lartie. Waldemar entra dans la ville [)ar une brèche faite à la porte du Sud, près de laquelle on voit une croix, élevée en mémoire de ceux qui fu- rent tués pendant ce siège, avec l'inscription latine encore lisible, dont Voici kl traduction : « L'an 1301, après la Saint-Jean, les Gotlainlais tombèrent devant les portes de Wisby, fi'appés par la main des Danois. Ils sont enterrés ici. Priez pour eux! » xMais le butin qu'emporta le roi victorieux n'arriva pas en Dane- mark; les vaisseaux qui le portaient sombrèrent dans une tempête auprès de lile de Carlsô. Leâ ruines racontent l'histoire de la grandeui' et de la décadence de 1,1 ville et iap|ii'llenl l'instabilité des choses humaines. Il y eut un temps, ïians doute, oit les marchands princiers de Wisby Crurent que la gran- deur de leur cité durerait toujours et que ses richesses ne feraient que s'accroître; mais ces rêves sont évanouis depuis longtemps. Les peuples de ces jours sont oubliés; ils gisent inconnus depuis des siècles sous les [lierres tumulaires ou sous le gazon des cimetières. Les souvenirs du passé n'ont point de récit qui raconte le trafic et les fêtes des anciens 332 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT temps; mais les pages de l'Iiisloiiv el les annales des mines croulantes démontreiil que Wishy lui une des villes commerçantes les plus fa- meuses du moyen âge en Europe. Errons un peu mainlenant au milieu de cette étrange ville, res- pirons les i)arl'ums des cerisiers, des pruniers et des pommiers en Heurs; promenons-nous dans ces liabitations el ces magasins lian- séali(pies, autrefois résidences des gouverneurs danois, ou propriétés de riches marchands; (pielques-unes sont encore eultonélat; d'autres, délabrées, semblent gémir sur les bons momenls du passé; entrons Cioix commémoiatives. dans ces maisons pavées d'anciennes dalles, autrefois pierres tumn- laires, sur lesquelles sont gravées des armoiries, des monogrammes, des inscriptions avec dates et rôles; dans ces humbles cottages aux teiièlres envahies |iar des piaules grimpantes, des arbustes et des fleurs; dans ces jardins, au milieu de ces vieux murs bi'auianls, cou- verts d'un lierre plusieurs fois séculaire, de glycines qui tombent en festons gracieux; passons sous les branches des tilleuls, des ormes, des noyers, des érables, des nuiriers, et d'autres arbres. Au delà des nuus cl des tours ap|iaiMisscnt, avec la mer à l'arriére-plau, des bateaux de pècheiii's érlidués sur la ])lage du pclil purl de AVisby. Des aigles de nif'r volent siu' l'eau, guettant leur proie, et 1' uleml les cris perçants des mouettes. Sur le front des falaises, les vagues ont creusé des grottes qui, pendant les chaudes journées de juillet, devien- nent les rendez-vous favoris de ceux qui aiment la vue de la mer. ijaint-î.anroMl. 23 LES EGLISES Di: r.dTF^AND 3oo L'uiiP (les plus licllcs l'iiiiu's do la ville est celle de Sainte-Ca- therine érigée jiar les moines franciscains vers 1233, rebâtie plus lard en couvent. Le corps de l'église est un carré oldong avec douze piliers octo- gones sur deux rangs et un cliœur pentagone. Oiiginairement, l'édi- fice avait été construit dans le style roman; mais, depuis, on l'a transformé en style ogival. Le tint est enlevé et il ne reste que des arceaux (pu semblent sur le point de s'écrouler. L'herbe pousse par terre, la plupart des dalles ayant été enlevées pour faire des seuils de porte; mais j'en ai remarqué une sur laquelle était ciselée la figure d'un prêtre qui tient en main un calice portant la date de 1380. Sous la partie méridionale de l'église, il y a une petite crypte. V Du sommet de l'église ruinée du Saint-Esprit, datant du xni" siè- cle, on a un(> lielle vue sur d'autres ruines et sur l'extérieur de l'église de Saint-George dont la partie basse a 84 pieds de long sur 47 de large, soutenue par quatre piliers d'environ 14 pieds de haut; les fenêtres et les portes sont en plein ceintre. La partie supérieure repose sur (piaire piliers ronds de 10 pieds de haut, et de là jiart un escalier qui coiidnil an toit ; les murs sont percés de profondes crevasses causées, dil-on, par un tremblement de terre survenu en 1.540. Derrière cette église est l'iKjpilal de la paroisse. Non loin du Saint-Esprit, on voit les ruines de Saint-Laurent et de la Sainte-Trinité, éloignées l'une de l'aulre de vingt à trente yards. Saint-Laurent a été construite sous la forme d'une croix grecque, et, comme ses voisines, appartient au milieu du xii° siècle. Une autre église, du même style architectural, se trouve encore en Golland. Intérieurement elle a 106 pieds de long, sur 76 de large. Le long du mur extérieur régne une galerie (pii s'étend sur Irois cù- tés, et à hupiclle (in alioulit par deux escaliers séparés; les arceaux sont ronds. On dit que Saint-Laurent est d'un demi-siècle plus âgée que la Sainfe-Trinitè. Santa-Maria a été consacrée, àce(iue l'on croit, en 122o; c'est la seule église de Wisby, où l'on célèbre un service |udjlic. Elle a 173 pieds de long sur 73 de large; elle est pavée d'an- ciennes dalles de dilférentes périodes, oùsontinsrrilsdesmonogram- 3S6 LE PAYS DU SULKIL DR MINUIT mes, des caractères runiques, tics inscriplions latines, datant du xif au xv" siècle, en vieux gotland. en allemand, en hollandais et en danois. C'est la dernière demeure de plusieurs importants person- nages qui se rattachent à l'histoire du Gotland. et, parmi eux, de Phi- lippe Axelson Thotl. gouverneur danois de l'ile à cette époque, mort en 1464. En face de l'autel, j'ai vu trois fort Itpaux spécimens Kglisc du Sainl-Esjiiil. de ces dalles ; il isl regrellahlc de se dire (|iii' j'usiu'i' conliniiclli' à laquelle ('lies son! e\|ii)séi's. (inira |)ar eil'ai'cr graduellemenl Iciu's anti- ques dessins. Dans le cimetière, (piel(|ues tombes dalenl de i'Mm à 1400: il en est (|ui ont servi plusieurs fois, ainsi (pie cela ressort de la succession des dates. Au|)rès de l'église, on aperçoit les restes d'une baleine, i|ue. dans les premiers temps, on a ciiis èliv ceux d'une vierge géanle ipii aniail ((inslruil l'èdilice. .le deniandai ;mi ddcleni' — mon <-icéi-oni'. ipiel élail le mauvais plaisaiil (pii avail dsé suggérer que ces os étaient ceux d'une baleine : <■ Pus d'aulic (pie Linnée. » me répondil-il. Dans les vieilles chroiii(pies. on rapporle (pie, près de Église Saint-.Mcolas. y ENVIRONS DE WISBY 3S9 VVisby, on prit, un poisson cpii criait comme un homme ; que tous ceux qui l'entendirent et le virent en furent émerveillés, et qu'on le suspen- dit à l'église de Sainte-Marie. De Sainte-Marie j'allai à Saint-Nicolas, construit vers 1240. C'est une belle ruine (|ui était la plus ,unindo église de Wisby. Elle appartenait aux dominicains. C'est un mélange de style roman et ogi- val; la largeur interne est de G5 pietls, et la largeur de 199; dix pi- liers carrés, dont deux endommagés, sont encore debout. Le bâtiment principal a 22 fenêtres ; du côté de l'ouest il y en a trois très gracieu- sement placées. Parmi les églises dont il reste à peine un vestige, il faut citer Sainte-Gertrude, construite par les marchands de Hollande, située au sud-est de Saint-Nicolas; sa longueur était d'environ 0.5 pieds, et sa largeur de 23. Saint-Jean est une des plus anciennes et des plus grandes de Wisby. C'est l'église dans laquelle le premier pasieur [troteslant prêcha, vers 1525; à peine en reste-t-il quelque chose. Saint-Jacob et Saint- Michel ont été entièrement détruites. J'errai de ruine en ruine jusqu'à ce que je les eusse toutes examinées, et, finalement, je me retrouvai auprès des gris et som- bres murs, auprès des tours dont chacune a son histoire. Les rint/- imircn (fortifications et murs) (jui entouraient toute la ville, déter- minaient une surface de 135 tunnland (environ 170 acres). Quittant Wisljy par la vieille Norreport (porte du Nord) flanquée des deux tours élevées pour la défendre, je me dirigeai vers la campagne. Des routes se croisent dans toutes les directions, en sorte que l'on peut aller partout où l'on veut. Quelques fermes semblaient bien aménagées ; mais la population, en majorité, habite de petites maisons plâtrées. Le blé d'hiver (sarrazin) et le seigle venaient bien, et tout le momie était occupé dans les champs ; beaucoup de fermiers plantaient des pommes de terre. La contrée est belle dans beaucoup de districts. Les maisons étaient petites et blanches, avec des toits pointus et les fenêtres garnies de plantes. Les jardins et vergers, les champs et piairies, les plantations de houblon qui les entourent, prouvaient (jue les fermiers étaient en bonne position. Ici, le pays est très morcelé, et les propriétaires 360 LE PAYS DU SOLEIL DE MIXIIT font rendre à leurs petils domaines tout ce (iifils peuvent pro- duire. De temps à autre, nous arrivions à l'une de ces gracieuses églises dont l'île est si riche. Tout est si calme et si paisible autour d'elles, que l'on voudrait y reposer quand on aura IV'i'mé les yeux fiour jamais. Kglisc (le Ci.iiik', clans lile dr linthiinl. Les lilas en pleine lloraison. 1rs violettes au milieu de riierbe, les champs verdoyants et les prairies, l(tiit ajoutait au cliarmr de la prome- nade; plusieurs chênes magniliipics poussaient au bord du chemin, et les prunuMs, les cerisiers, les poiriers et les pommiers élalaient les couleurs délicates de leurs lleiiis. Le priiileni|is semble commencer ici a peu prés à la même ép(i(|ue (|n";i ^■e\v-^(H•k. dans les années ordi- LA MILICE DU PAYS 361 naires. On Iroiive dans lieaucoup de dislricts le bouleaii, le chêne, l'orme, le frêne, le noisetier, le peuplier, le sorbier et le tremble; au sud, le noyer et le mûrier prospèrent. Les fermiers étaient à la charrue, et les oiseaux les suivaient dans les sillons pour se régaler de vers. Presque toutes les maisons de ferme étaient propres mais petites. Chaque fermier a une marque particulière ; les instruments aratoires el autres en sont estampillés. On appelle cette vieille coutume Bo-marken, et loiiles les familles ont hérité de leurs ancêtres de cette marque distinctive. Les paroisses ont X^m Bo-marke. Le long- de la route, dans plusieurs endroits, la chaux affleure le sol. Nous traversâmes des forêts de sapins, de pins, de frênes, el de quelques chênes, et nous rencontrâmes, de temps à autre, des blocs erratiques et des marécages. Des femmes coupaient des ponnnes de terre qui devaient être plantées le lendemain. Les maisons d'habitation, con- struites en pierres calcaires, étaient couvertes de tuiles rouges; d'autres n'avaient pour toit que des iilanches et même du chaume. Ou avait attaché aux arbres de petites boites pour servir de nids aux oiseaux; partout nous entendions chanter les grives, et les alouettes remplis- saient l'air de leurs iKiles stridentes. Le pays prés di' la mer est chai'mant. Les falaises forment de hautes crêtes sur lesquelles on voit des bosquets de pins et d'autres arbres; les fraîches teiides vertes du printemps ajoutaient à la beauté du paysage. En se promenant le long de la baie, l'œil rencontre partout des preuves distinctes et irréfutables du lent soulèvement du pays; dans certains endroits, à uni' distance considêi'.dile du IkuiI. la mer, dans son action incessante, a taillé dans les falaises de grands et hauts piliers de jùerre calcaire qui sont là comme des marques de l'ancien rivage contre lequel venaient battre les vagues. L'architecture de beaucoup d'églises est très gracieuse el celle de Garde doiuie une belle idée du slyle. On a institué une milice spéciale piuir la défense du pays, mais elle ne peut être appelée hors de l'île. Tout lionmie de dix-huit à cinquante ans est tenu d'assister aux manœuvres six jours consécutifs par année ; il fait ensuite partie de la réserve jusqu'à soixante ans. Les chefs de famille, les tenanciers, les hommes qui exercent une profession et. quel- (jues autres, ne sont appelés qu'en cas de nécessité pressante. Les officiers 362 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT commissinnnés sont nommés par le roi; les ollicicrs non-commission- nés sont choisis par les hommes. Le recensement de 1870 a donné une popuhTtion de 53,946 ha- bitants, dont 28,205 du sexe féminin. A celte date, l'He i)ossédait 11,000 chevaux, 8,500 bœufs, 1,000 taureaux, 14,000 vaches, 4,800 génisses au-dessous de deux ans, 38,000 moulons, 700 chèvres, et 5,700 porcs. On exporte du liélail, des moulons et des grains. Le climat est même jihis doux (jue celui de la partie la plus méridionale de la Suède, grâce à l'influence de la mer. Sous ce point de vue, l'île est comme l'Angleterre, comparée aux contrées adjacentes. Les ormes sont très beaux; les mûriers et les chàlaigniers acfpiièrent une grande taille, et la vigne réussit en espaliers. La floi'e est très riche ; elle comprend plus de 960 variétés de plantes. La géologie de l'Ile est aussi très intéressante. En bien des endroits, en remuant le sol à trente pieds, on arrive à la roche calcaire, qui a été polie et striée par les glaciers. La terre superposée a préservé la roche de l'action du temps, et elle est aussi lisse que du verre : elle ressemble à de l'émail. Quelquefois les entailles sont profondes d'un pied. La direction générale de ces entailles va du nord-est au sud-ouest; les glaciers vinrent, sans doute, de Finlande. De Hôgklint (hautes falaises), non loin de Wisby, à 150 pieds au- dessus delà mer, au point le plus élevé de l'île, nous eûmes une vue très développée du pays. On pouvait distinguer, à une longue distance au nord, les bords dentelés et les falaises. La Baltique était par- faitement calme, et ses eaux étaient si claires, que l'œil pouvait pénétrer jusqu'à une grande profondeur, même près du rivage. Entre les falaises se trouvaient d'anciennes baies el des plages n'ayant pas plus de 30, 40 ou 50 pieds au-dessus du niveau actuel de la mer, tandis que dans l'eau, à quehjue distance du bord, on pouvait voir des traces incontestables d'une baie submergée, qui, si l'île continu(^ à s'élever, reviendra à la surface. Il y a des endroits sur file où l'on peut compter 40 ou 50 différentes marques de marée, les unes an-dessus des autres, prouvant sans conteste que le pays s'est soulevé lentement dans le cours des âges. L'origine de la légende que j'ai citée plus haut ne viendrait-elle pas de là? La géologie a démontré qu'il y a eu des alternatives de soulèvement et d'abaissement du sol à diflérentes périodes, en cette ABAISSEMENTS ET SOULEVEMENTS DU SOL DE L'ILE 303 région commo ailleurs : (lémonslrrilioii (|ui conduit l'homme attenlil' à réili'chir sur les grands [irogrès des diUrrentes branches de la science, et pourtant les tentatives faites pitur corriger les idées erronées des anciens temps ont été et sont encore blâmées et méprisées par ceux (jui ont la folie de craindre ijue ces découvertes n'amènent la ruine de la religion. Mais, comme de nouveaux faits viennent au jour d'année en année, le monde nous semble plus beau, et la sagesse du Créateur apparaît plus merveilleuse à notre faible intelligence. Il est triste de penser que la seule récompense de laborieux investigateurs a été souvent le mépris pendant leur vie, et que le bon peuple, à la suite de fausses notions de ce qu'il croyait juste, a trop souvent accumulé les injures sur les hommes dévoués à la science. Heureusement pour la cause de la vérité, ceux-ci no sont [las effrayés par les fréquents conflits dans lesquels ils peuvent être écrasés ; leurs constatations des faits étant irréfutables, le fanatisme irréfléchi est forcé à la fin de s'ap- puyer sur eux. Chacun sait que, sans la dis(;ussion, on ne peut faire de véritables progrès en investigation ; mais le blâme n'est pas un argu- ment, et les dénégations sans démonstration des faits ne jettent aucune lumière sui- un sujet controversé. Les vrais savants ne tendent qu'à élargir le champ des connaissances humaines. Ils travaillent péni- blement et pensent plus péniblement encore ; ils passent souvent les nuits sans sommeil, emportés qu'ils sont par l'intensité de leur enthousiasme; ils oublient les soins de leur santé, et trop souvent ils font naufrage en arrivant au porl. Quel est leur but? S'enrichir? Non; car il aurait mieux valu pour eux et pour leurs familles, qu'ils eussent un peu moins pensé à la science et un peu plus à leur intérêt. Acquérir des connaissances et propager ces connaissances, voilà quel a été leur but, et, de nos jours encore, c'est celui du savant véritable et convaincu. ; > CHAPITRE XXVII Upsal. — Ll'niversitc. — Les .Nations. — La Bibliollièqiic. —La Cathédiale. —La vii'illi:' l'psaL — Les .Monticules du Roi. — Surexcitation en ville. — Les étudiants. — Chant en chœur. — Sérénades aux dames. — Cérémonie de la délivrance des grades. — Diplùmes. — Le ban- quet. — Menu. — Le bal. — Jeunes femmes suédoises. — Le gouverneur de la province. — Sa descendance écossaise. — Le vieux château. — Un concert. — Uiner au château — lue charmante famille. Uitsal est mil' villi' rliri'i' à l;i Siii'ili', non si'iilrmi'iil ;i l'Hiise ilo sa haute antiqniti', mais ciiron' pafci' qii'L'Ht' a été, pemlaiil des siècles, son centre île savoir. Ujisai esl essentiellement une ville universitaire, avec sa population d'environ 16,000 âmes: la rivière Fyiisan la traverse et ses rues larges sont pavées de cailluux. L'I'niversilé d.iie de \1 i9, et sa renaissance sous Gustave-Adolplie. de Kilii. F^oiir \ élie admis, l'étu- diant doit passer un examen dans une îles éléineittars/,()l 1,1 vieille l|isiiL Lo loiidomain i\o mm aiTivéc, j'assistai à la cérémonie de la' gradualion. .\ neuf iieiurs trente du malin, les anciens irfadiiés de l'Université se réunirent et se rendirent en procession ci la catliédrale. Ils étaient venus de Ions les coins du [lays pour faire honneur à leur CEREMONIE DANS LA CATHÉDRALE 369 ulma muter; ou voyait |(,niui eux des gouvcmeucs de provinci', des noliles, des officiers eu uuil'omie. des juges, des avoeals, des uiaicliaiids, des fermiers, et des vieillards ployant sous le poids des années. Ceux (jui neportaient point l'uniforme s'étaient iiiis en grande toilette et en chapeau de soie, — car le Suédois est scrupuleux et inènie formaliste dans les occasions de gala. Par déférence pour la coutume, j'avais endossé l'habit noir, mais naturellement je n'avais point de chapeau à haute forme et je portais un panama. Lorsque je me joignis à la procession, je me sentis mal à l'aise, mais je n'y pou- vais remédier; nous marchâmes deux par deux jusqu'à la cathédrale, à travers la foule épaisse qui remplissait les rues et qui, par la voix ou l)ar le geste, montrait qu'elle reconnaissait les grands hommes du i)ays mêlés dans les rangs. Les étudiants, en grande tenue, suivaient la pro- cession de leurs anciens, et tons enirèreiit dans le vieux bâtiment en Itriques qui constitue la cathédrale d'Ups:il. Le colossal édifice était comble jusqu'à la suffocation ; il y avait là une immense (|uantité de dames vêtues avec goût, mais simplement, selon la mode suédoise; les couleurs nuancées de leurs accoutrements ajoutaient à l'intérêt de la scène. Le vaisseau de l'église avait été ré- servé aux étudiants, qui portaient Ions leur casquette blanche. L'un des commissaires, ayant pour insigne une écharpe rouge, eut la bonté de se charger de moi et me donna une bonne place. En face de l'autel se tenait un corps nombreux de collégiens en toilette de soirée, qui étaient les musiciens en cette occasion. Auprès d'eux se faisait distinguer un groupe brillant de jeunes dames, dont l'une, soliste de talent, était norvégienne. Le chancelier et la faculté de l'Université occupaient une plate-forme d'où ils allaient conférer les grades, et en face d'eux avaient pris place des hommes vénérables gradués diqtuis un demi-siècle. Toutes les classes se confondaient dans la foule; la fUcka, avec son mouchoir sur la tète, coudoyait la grande dame. La cérémonie commença par un clneur chanté par de jeunes dames, renforcéi's de ipielques voix mâles; il dura une demi-heiu'e. Puis, après une courte pause, le recteur prononça un discoins lalin auquel on prêta peu d'attention et qui prit vingt-cinq minutes; c'est une iiar- tie du programme exigée par la coutume. Eu terminant, il posa sur sa tête une couronne en feuilles de chêne. Ce fut le signal d'une dé- 24 370 LE PAYS DU SOLEIL DE MIMIT cliar,i,'i> (le ijuatre canons dont les éclios se répercntèrent sous les ar- ceaux de la vieille cathédrale. Puis retentit de nouveau un grand chœur composé par des étudiants. Lorsciu'on appelait un gradué et qu'on lui mettait sur la tête une couronne de laurier, on tirait un coup de canon; il recevait alors son diplôme Après la cérémonii'. un çhanla encore, et deux des gradués, le Pr'nniix cl le Sfciiiidus^ nKinléicnl sur la plaie- forme, et prononcèrent en laliii le discuurs d'iidieu. En regardant la foule autour de moi, je reconnaissais, à leur face rayonnante, les pères, mères, sœurs et amoureuses des étudiants ipii venaient de passer l'épreuve. Quehpies jeunes gens étaient mariés et d'autres sur le pdint de l'être. Des années d'éliiile avaient été récom- pensées en ce jour, cl les gradués, héros de la fêle, se promenèrent dans les rues avec leur couronne sur la tête. Lcui' vie joyeuse d'étu- diant était tinie, le monieut du dépari venu ; mais ils ne devaient jamais ouhlier leur chère l'psal, et leur iihiia mater. Les Ahnnni élaieid ac- courus de tous les poinis de la Suède, et li'uis casipietti^s iilanches allaient retournei' au nord lointain, dans li's montagnes de la La|toiiie, dans la Finlande suédoise, el dans cliaipie |ii-ovince du l'oyaume. Le même jour, à trois heures précises, j'étais dans la salle Linnée, en compagnie de trois cent quatre autres convives, mangeant le smôr- gas, afin d'ouvrir l'appétit pour le diner. Quand on ouvrit les portes de la salle du hanquet, les arbustes et les plantes dont on l'avait garnie lui donnaient l'apparence d'un jardin ; l'effet en était ravissant. Le chancelier présidait la tèle. dont \oici le menu : tlrdii si)|i|ia s(iii|ii' M'iic . sdi'lc île juliciiiic. (liilijuiiis Siiiiil-.liiiii'ii. de. Slii'ii) |i;ili', .MauiiilKiist' |iala\ iiiia\(iiiiiaist3 (te sauiiidii!. IhuU saiiteriie. Spaetiail u\ lilel ilitet de li(Lnit|ii((iici, Fritiasscrad hinica (langue fricassée), l'cirter. YmA sparris (asperges fraiclies); Ilorlvlii'iincr et eau de Seitz ' Kuivling nied salad ( poulet- de irraiii el salade): I. Les Siii'dois aimenl à liiiiiv de l'i'iiii de Scll/ après les aspcr^rr;.. LE BAXnri:T des ETUDIANTS 371 Cabinet creiiiant (vin tlo Champagne). Glace och krokan (crème glacée et gâteau pyrainidiili. Vin de Porto (vieux supérieur', Sherry ]i;il.', Dessei't et UKiet- liaïKloil. Les plats élaieiil bii'ii préiKiiés et k- scrvici' excclleiil, ce (jui iin' surprit, en raison du grand nombre de convives. IMus le dîner s'av.inra, plus la compagnie devint gaie; car il veut des toasts continuels entre amis au dessert; on porta la sauté du roi, mais sans faire de discours, et l'on proposa encore d'autres toasts. Puis le monvemenl devint géné- ral, le vin ayant égayé li'S ('(ein's. Au delà du poiclie, nous apercevions le jardin botani(|ue, oii |iiiisienrs milliers de personnes s'étaient rassem- blées dans la belle avenue (|ni l'ail face au bàlinu'iit. On y voyait des (lames, des enfants, et toutes les classes du peuple. Ou demanda (pie l'on cliaulàt, et les étudiants enloiuiérent en graïul clneur : i.i: en A. NT lit: i.i:ti hia.nï (^Suéildis. ) Chantons les jouis heiiieuv de l'étudiant, Jouissons du printemps de la jeunesse; Notre cœur liât encore de saines |)ulpitatiuns, Et l'aveiiii- qui point est à nous. Les tempêtes n'ont [las pris encore Domicile en nos esprits: L'espérance est notre amie, Nous avons foi en ses promesses, Nous contractons une alliance Dans les liosquets parl'iiUK'S, (Jù croissent les gloiieiiv lauriers. — Hourra I On servit le café, et l'on versa du piincli suédois, ad libiiuin. L ai- Chevèque d'Upsal, le chancelier et le recteur de l'Uinversité furent pla- cés de force dans des chaises et portés à travers la foule sur les épaules des étudiants, au milieu d'acclamations générales. Les vieux redeve- naient jeunes; anctnie distinction de ratigs; [irofesseurs et élinliants se ijidiui naient liras dessus, liras dessous. Je perdis mes amis dans la 372 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT foule el je ilemoiir.ii lout étonné de celte joie tumtilUieuse; évidemment le inwirii l'iiisnit son effet. Au milieu de la multilude et tout près de moi, je vis un gentleman en grand uniforme, qui me demanda de la manière la plus aimalde, et en excelleid anglais, si je ne m'appelais pas Du Chaillu. Sur ma réponse afiirmative, il se prèsiMil.i lui- même comme le comie llamillon, gouverneur de la h'in d'Upsid. Il m'invita avenir le voir le jour suivant à sa résiilence dans le Slutl, ou ancien palais. Les fêtes du jour Unirent jjar un graml bal (promolions bulcii) dans une des salles de la Carolina-Rediviva, qui renferme la magiùfiiiue bibliothè(jue de l'Uinversitè. .Je fus surpris de ce choix, et il me sem- bla que Ton commettait une grosse imprudence en exposant ainsi celle belle cidieciion ;i un i'is(|ue (rincendie. Plus de deux mille bougies Vieux rliiUeaii dt psal. brûlaient et la s;dle èlail disposée très élégamment; de [ietit{\s fon- taines, à chaque exliéinilé, l;nie:iieiit des jets d'eau et rafraîchissaient l'atmosphère; la salle éliiil comble. Les jeunes dames étaient accou- rues en masse de tous les coins du pays; on voyait là des Ijeaulés suédoises en aussi graml nombre iiue les vioielles dans l'herbe. J'admirai la simplicité de leurs atours; les robes en mousseline blanche garnies de rubans de diverses couleurs dominaient, et la coilïin-e, malgré sa sinqilicité. drmil.iil beaui-ou[i de goût. La sidie se trouva si pleine de monde, que ceux qui voulurent danser eurent à peine de la i)lace. On avidt dû refuser bien des demandes d'invitation, faute d'espace. Je LE VIEUX CHATEAU D'UPSAL 37:$ rencontrai un Américain, auquel je n'étais pas étranger; il avait été étudiant à l'université du Michigan, à Ann-Arlior, lorsque j'y fis des lectures. Il avait entrepris un voyage en Suède, afin d'étudier l'his- toire du pays. Le lendemain, j'allai au vieux cliâleau où je lus reçu avec une amabilité exquise par le gouverneur, la comtesse et les membres de leur famille. J'y trouvai toute une compagnie d'hommes distingués qui étaient venus assister à la cérémonie de la graduation. Chacun par- lait anglais; le gouverneur, la comtesse et leur fdie aînée s'exprimaient extrêmement Ijieu en cette langue; en fait, presque tous ceux qui étaient présents avaient de l'aptiludc à parler anglais, français et alle- mand. Au bout de peu de temps, je me sentis aussi à l'aise que chez moi; il en est toujours ainsi lorsque le tact, la culture et les belles manières prêtent leurs charmes à la réception. Quand vint le moment de partir, je quittai à regret ceux qui m'avaient si amicalement accueilli. La branche suédoise de la maison llaniillon. représentée par le gouverneur d'Upsal, descend de Claudius, baron de Paisley.un des fils de .lames, quatrième duc de Chatelherault. Les fds de Malrolm, arche- vêque de Cassel, entrèrent dans l'armée suédoise de Gustave-Adolphe, en 1624, et se distinguèrent tellement, que le souverain, en reconnais- sance de leurs services, leur permit de prendre le tilre baronnial de leurs ancêtres en Ecosse. Ils sont hautement honorés et respectés en Suéde. La comtesse de Hamilton est la fdlc de l'illuslre historien suédois Geijer. Le gouverneur n'occupe (pi'une partie du vieux château, ijui a un aspect imposant et domine une immense étendue de pays. Certains murs de cette énorme structure en bri(pio ont douze pieds d'épaisseur. Les scènes des siècles passés revivent pour riiistorien lorsipi'il visite cet édifice. Le meurtre de Nils Sture et d'autres, par l'idiot et sangui- naire Erik, qui marque une ère d'effusion de sang et d'assassinats en Suède, est un de ces souvenirs historiques. Le concert des étudiants fut donné le jour suivant. En peu d'iieures, la salle de bal avait été transformée eu salle de concert, et les mêmes étudiants qui remplissaient les fonctions de commissaires du bal se chargèrent de nouveau de cet office. Ils tirent tout ce qu'ils purent pour :j7i LE PAYS Dr SOLKIL DF, MIXllT liicn loccviiir fi'iix (|Mi viiivi'iil h U|is;il. I)i' même (jiie pour le liai, la salle fui linji |ii'lili' |)oui- iKiiivoir admettre ceux (|ui désiraient assister au concert. L'assistance était presijue entièrement composée de dames, les honuues leur ayani cédé leurs places. Le premier morceau du pro- t;ramme lut le chant. « Hôr oss, Svea » (Entends-nous, Suède), suivi (lu « Solvirkniii!^» (Leselïels du soleil) par Kjerull', et <' TlieHi'udefaerdi Hardan,m'r » ( le voyage nuptial à Hardanger,) deux chants norvégiens. Les auditeurs semblaieul froids en a])pai'ence, mais ils accueillirent ce dernier niorcean par des applamlissements enthousiastes. MAIICIIE liKS liTlIilANTS (SiK'ilois.) Enteiuls-noiis, Svea ', ù iioOr iiirrc ; Nous soiiini's pivts il coiiiliultri' ft à iiMiiuir pour loi! Jamais, non jaiiiuis nous no raiiauiluMiicidiis. Accepti' noire srinii'nt, le nirnic dans tous nos destins! Nous te défendrons avec notre sanj;- el noire \]i\ 0 pays liljre, qui es 1(^ nôtre. niiaque Jiartie de riiriila£;e Tu nous l'as donni'e en sai:a el en rlianl. Si la lialiison cl la pei-liilic Te inenaeaicnl de disididi' cl do violence, Nous croirions cneiuc au nom du Seiirneur, (lomme nos aiirctres y crurent aulrelois ; Certes il est liloiieux De vaincre dans la lialaillc ; Mais il est plus lilorieux cncoi-e De mourir ]iour loi, ô nuire mère! I . SvcM. Sucilc. CHANTS NATIOXAIX 373 l.KS EriRTS nr soleil (SOLVIliKMNO) (NorvP!;ii'n. ; Au loin dans li's montagnes, sur les versunls rouverts de |iins Une noble vue sOuvie devant nous; C'est Ifi que passe le sentier du saeter. (Test là que réonme des torrents tombe en rascades! L'air fortiliant est d'un bleu clair, C'est le soleil de la Saint-Jean, c'est le milieu du joui'. Les rayons étincelants se jouent Sur la rivière, et sur ses sombres bords ; L'embrun du brouillard se lève tranquillement, Quand le foss se jette dans les profondeurs. Là, la rivière ])0ursuit son cliemin cacbé. Elle ne connait pas le i)rùlant soleil de la Saint-Jean ; Mais le versant de la niontagne Est enveloppé d'un flot de lumière dorée! Vovez les sapins au sonunel du mont. Avec son cône lu'illaut et sa base ombragée : Sur le sentier tremble avec des rayons d'argent La bruyère florissante, le précipice bordé de mousse. VOYAGE M'I'TIAI. A IIARUANOER L'n et incelant jour d'été luit Et cbaulïe les eau\ du tiord Hardanger: A quelle liauteur vertigineuse et dans quelle trinli' hli'ue S'élève la puissante chaîne de montagnes ! Fjlle reluit depuis le glacier, elle est verte sur les collines La nature s'est revêtue de ses habits de fête. Voyez! sur les vagues claires et vertes filisse un cortège nuptial. Aussi lière que la tille d'un roi d'aulrelois. Avec un collier d'or, et de l'écarlate, Sur l'avant est assise la splendide liancée. Aussi belle que le liord et que li' jour. 376 1>K PAYS DU Si IL El L DE MINLMT lIciiriMix, le Hiincé agite son rliajioau : 11 emmôiip cliez lui son chiT lii'sur: Il voit dans ses doux jeu\, Sa vie comme une fête nuptiale. Tout murmure les cadences enchanteresses Des airs et des mélodies sur les vagues: De montagne en montagne roule le bruit du fusil, Et des éclats de joie répondent de la forêt. On plaisante avec les filles d'honneur de la nwriée Et le chef-cuisinier n'a pas oublié De remplir sans cesse la cruche. En honneur de la maison nu|itiale. Ils vont ainsi, jouant des airs joyeux, Sur la surface éclatante des eaux ; Les bateaux, l'un après l'autre, vienneut les rejoindre. Avec leurs in\ités poussant des cris de joie. La lumière est bleue sur les falaises, elle descend du glacier; Le parfum des pommiers en fleur embaume l'air ; L'église en cet endroit apparaît vénérable, Et les bénit au son du carillon de ses cloches. Nous allâmes ensuile sur In tciinsse d'où nous eûmes une vue magnifique sur la plaine (|ui s'étcndail à nos pieds, fraîche et verte avec ses teintes prinfanières et ses fleurs sauvages qui s'épanouissaient. Les immortelles abondaient; les deux demoiselles de la maison en firenl une couroiuie (pi'olles posèrent stu- ma tèti? en juTseuce de tmile la société; — compliment inattendu et peu mérité. La plus jeune fille, charmante et modeste enfani de Ireize ans, aux yeux bleus, à la taille délicate, me duim.i nu pelil lunKiiiet de a ne m'oubliez pas » et d'im- mortelles, que je mis aussitôt à ma boutonnière, au ravissement de cette aimable enfant. J'ai conservé la ronronne et les lleurs comme un souvenir de cette délicieuse visite, et je me demande quelquefois si celte hospitalière famille se souvient encore de moi. \ CHAPITRE XXVIII Les i^ei (le la jiiene, ilu bionze, et ilii fei' en Scaiulinavic. — Climat ilu premier àgc île la pierre. — Extinction des grands mammifères après le premier âge de la pierre. — Kjôkken- môddinger, ou amas de coqnilles. — Les constrncteurs des tombes de l'âge de la pierre. — Ustensiles grossiers. — Poteries. — Quatre différents groupes de tombes. — Tombes en mon- ceaux de pierres. — Tombes à passage. — Cercueils de pierre. — L'âge du bronze. — Étrange rocber gravé. — Tombes avec des ossements brûlés et non brûlés. — Ustensiles et ornements de bronze et d'or. — Poteries de l'âge du bronze. — Rocher gravé avec chevaux et bétail. — Fin de r:\ge du bronze. Pour faii'e mieux oompiriidi-c le coiilcmi de ce chapitre sur les l'aces préhistoriques de la Scandinavie, il sera bon de donner d'abord la classification usuellement acceptée des « âges » de l'homme primitif. Aucun de ces Ages préhistoriques n'a été nettement défini; ils arrivent par degrés les uns dans les autres. Cette classification ne spécifie pas des divisions de temps, mais des degrés de développement indiqués par les matériaux employés par Thommc pour ses ustensiles domes- tiques et guerriers avant la périoile hisloritiue. Il y en a trois : l'âge de hi pierre, l'âge du bronze, et l'âge du fer; le premier est le plus ancien et le dernier se fond dans la période historique. 1. Pendant le premier dye de la pierre, le climat était plus froid (jur maintenant; alors l'homme co-existait en Europe avec le, mam- moiilh, le rliiiiocéros, l'hippopotame, le bœuf musqué et autres grands SIR LR PAYS nr SOLEIL DE MIXTIT pt petit? mamniiiV'ros. Les iistensilps employés élaiciil de pierre hruto: on ne connaissait ni la poterie ni les mêlanx. Le peuple ilenieurait flans des cavernes, vivant princi[)alenieiil de la chair du renne qui se trou- vait alors dans l'Europe centrale et méridionale: de là, on a nommé les hommes d hommes des cavernes ». et répoi|ue « la période du renne». Dans le dernier àfjO de la ji'ierre. les grands mammifères ont ilis- parn. Les métaux étaient encore inconnus, mais on se servait de poteries faites à la main. A cet àn;e ap]iarliennent les monceaux de débris Scandi- naves (kjâlilie/iini')ddin(/er), (pi(d(|ues demeures des lacs de la Suisse (lacustres) et la jdupart des monticules funéraires décrits dans ce cha- pitre. On continua de se servir de lirossiers ustensiles de pierre, comme, en fait, on agit dans les âges subséquents; mais ]n'esqne tous étaient polis. t. h'ùije du hninze est caractérisé ])ar l'eniiiliti de ce métal et de l'or, de Tambre et du verre pour ornement. La poterie était mieux faite et portait des manpies géométriipies. On coidinua de se servir de la pierre itour poiidi's de lléclies, de lances et pdur couteaux. Les carac- tères des tiiiiiiili el de l('\ii- conleiHi soi:! décrits plus loin. 3. Quant à Vùije du fer, il suflira de dire ici (|ue l'on connaissait l'usage des métaux ordinaires, et (pie la civilisation s'était avancée de l'état sauvage et nomade à celui de communautés agricoles, avec des habitations fixes, des luis, un gouvi'inement, et y\\w l'on entrait dans l'âge historique, mais encore à demi barbare, si nous en jugeons par les types modernes. Les deux races plus essentiellemeid hélèrogènes qui habitent main- tenant la péninsule Scandinave, aj)partiennent à la division aux mâ- choires droites; mais les Lapons sont brachycéphales, tandis que les autres sont doliclioréiiliales. I^i' plus grand munlire de crânes trouvés dans les lombi's de l'âge di' la pieri'e sunl duliclnicépliales, mais beau- coup sont brachycéphales, ou semblables à ceux des Lapons, dénnm- Irant ainsi que deux races diflèrentes doiviMit avoir habité le pays durant cette période. Généralement, les crânes dolichocéphales sont plus allongés (juc ceux du peuple aciuel. On ne [leut que conj(H-turer auquel de ces ty])es appartenaient ceux du piciiiier âge de l;i iiicrre en Scan- dinavie ; car. jusqu'à présent, mi ne connail point de tombes de cette période dans le pays. Il est, par (•onsè(pient. fort douteux iju'il ait eu LES AfiES PHEHISTOliinrES 370 ilrs liMhilaiils |HMidant cet âge éloigné; en IdiiI cas, cela n"a pas été prouvé avec cerlilude. Après la séparation géologiipie de la Scandinavie de rAllemagne du Nord par l'intervention de TOcéan. il n'y eut point de rennes en Suéde ; les kji'lkkenm'iddinger ne contiennent pas leurs os, bien que l'oM iMi trouve dans les tourhiéres du Danemark et de la Suéde, car la migration du Sud n'élail plus possible. L'aurocli y vivait alors et niènie dans l'âge suivant. Les constructeurs des tombes de l'âge de la pierre furent un peuple foi't, vigoureux, babitué à l'usage du feu. ayant du bétail domestique et, jus([u';i un certain point, agriculteur. Parmi les plus anciennes traces de l'homme en Scandinavie, il faut, comme nous l'avons déjà dit, compter les kjokkenmoddinger, ou amas de débris de cuisine. — comme les nwnceaux d'ordures modernes, contenant toute sorte d'immondices de ménage, — d'après lesipiels on peut se former une idée des habitudes de la vie chez ces peuides. Ces monceaux consistent en coquilles d'huîtres et de moules, en arêtes de jtoissons. en os d'oiseaux et de mammifères, tels que le daim, le porc, le lashii'. le phoque, l'aurocli. l'ours, le r(Miard, le liiup. Ir lynx, la marli'e. etc.; avec des débris de vases d'argile. (Cependant, certaines parties de la Suède étaient habitées à l'époque des amas de coquilles danois; cela est prouvé par le fait que Ion a trouvé euSkane iScanie) des ustensiles en silex de la même forme que ceux des kjokkenmoddinger. Ces monceaux affirment (pie les habilaiils du Nord, aux temps pré- liistoriques. et peut-être seulement il y a 3.00(j ans, vivaient dans l'état le plus primitif. Au milieu et près de ces amas, on a trouvé un grand nombre d'ustensiles et d'outils en silex , en os, en corne, et lies fnigments brisés de silex ; on a trouvé aussi des cheminées faites avec quflipirs pierres grossièremml assemblées. — I un des exemples les plus anciens di' l'induslrie humaine. — démontrant qu'à cette é|iiiipie, les hommes étaient exclusivement chasseurs et pécheurs. On Vint une (piantité de ces ustensiles de pierre dans les musées de la Suéde l'I de la Norvège. Les amas de débris dans la péninsule scan- ilinive. (pidique très anciens, sont d'une date plus récente que ceux (pii oui été trouvés en Danemark. 380 I.R PAYS Dr SOI.EIL DE MINl'IT On n'a besoin (|no do comparor les grossiers ustensiles en silex de la première période de Tàge de la pierre en Scanie avec les beaux spé- cimens d'une période plus récente, pourvoir les progrés accomplis par l'homme avant la découverte de l'emploi des métaux. En fait d'usten- siles, on n'a tro\ivé (pic les vases d'argile mentionnés ci-dessus, dont l'un a élé liié d'une (ombe en Scanie ; l'autre vient d'un monticnle l'u- uéraire à Herrljunga, en Vestergôtiand. Les outils trouvés dans les amas de débris sont des plus grossiers, et le progrés pour arriver à les mieux finir a été uaturellement lent. Dans la dernière partie de l'âge de la [)ierre, les animaux domes- tiques sont introduits, comme le démontrent les os de bétail, chevaux, moulons, pourceaux, et chiens trouvés dans les tombes. Peu importe qu'un peuple soit inférieur : il veut des ornements d'une certaine sorte, et c'est pourquoi, dans l'Age de la pierre, on portait des chapelets d'os et d'ambre, comme on en a trouvé dans des lombes en Vester- Uotland. On n'a point déconvert de lombes du premier âge de la pierre dans la péninsule Scandinave , mais il en existe une gi-ande quantité appartenant à la dernière période de cette époque. Ces tombes peu- vent être classées en quatre groupes : tombes en monceaux de pierres [stenriâsai'); tombes à jiassage ou galerie (f/ai)f/(jriftPi')-^ cercueils de pierre isolés [htill/,i>ihir], et cercueils de ]iieri'e recouveris |iai- nn monticule do teri'e on do pioiros, (lénionii'anl luio avanci' considérable pondani la diTiiiéro parlio A^' I âge de la piorr(\ Los t(Mnl)es stendôs sont les plus anciennes, et les cercueils recouverts de uu)iiticnlos les derniers; ils prouvent la transition à l'âge du bronze. L'étude de ces tombes est d'un immense inlérôl, ol je n'ai jamais pu demeurer dovanl elles sans é|)rouver un vif sonlimonl do respect, car l'ilos porsonnilionl la vanilé de la vie hnmaine : l'Inimme vient, s'en va, ol est imblio; la tiimbe révérée aujourd'luii |tai- huit un peuple, est profanée domain par ceux ipii le snivoni dans la mar- che du temps. Les stendôsar, cromlo(dis ou dolmens (jui ont olé découverts, con- sistent en trois dii (pialii' |iiorros élevées en forme de cercle, avec un large bloc au sommet. Ils olaionl destinés à ne contenir (pi'un sou] cor|is enterré dans une position assise, accompagné d'ustensiles et LACE DE LA PIERKE .•J81 d'armes en silex; les murs de la cliambre sont tonnés par de grandes pierres épaisses mises debont. allant du sol an faîle, lisses à l'inté- rieur, mais lirnles extérieurement ; le sol esl de saiilc ou di' i^ravier; le faite est fornn'' |)ar un et ipndquet'ois par plusieurs gros Mocs de pierre également lisses intérieurement, mais autrement irréguliers. La forme de la chambre esl ou carrée, on ovale, ou pentagone, on à peu prés ronde; sa longueur varie de 8 à 15 pieds; sa largeur de o à 7 pieds; et sa hauteur de 3 |)ieds à 5 jneds 1/2. La plupart des blocs giseni à l'inlérieur, ou sur le sommet d'un mon- Vase d'argile de l'âge de la iiienc trouvé dans une tombe en Scanie. Trois liiiitièmes de sa grandcnr récllo. Vase d'argile grossii,'re Irocivo dans un cercueil de pierre eu Vestergôtland. Trois huitièmes de sa graudeur. lienle (pii, presque loujours. pari du l'aile; mais, eu bien des cas, ces chambres sont déciniverles. Le moiiliciilc. ipii est généralemeni rond, (|nel(juefois oblong en Suéde, est entouré à sa base par de grandes liierres. Quand le monticule est oblong, la Unube de pierre se trouve pins prés d'une extrémité cine de l'autre; paifois on rencontre deux tombes de forme oblongue. La tondie de pierre reprodiiile plus loin se lroii\e prés de Haga, en Biduislan; sa longueur sur le sol esl de 7 [lieds, s;i largeur et sa hauteur d'envii'on G 1/2; la plus grande longueur de la pierre servant de faite est de dix pieds. Quand elle est fortemeiil pressée dans un endroit par sa bordure, la grosse pierre reçoit un mouvement de bascule qui produit un sou sourd et étoulfé. ,0n a observé cette ■.iHÛ LI-: PAYS Dr SOLEIL D L MLNLIT liusilioii dans dilïï'i'eiites toiiilus ik' iiicno au iioiil ft dans d'aulii's contrées. Les tombes à galerie (ganggrifter) décrites et figurées ici (elles ont lonles été construiles jtar ih'S races dolichocéphales), l'nreni jiro- hablenient destinées aux familles des chefs et comme devant durer pendant des générations; elles n'ajjpartiennenl donc pas à la période sauvage, (pioiqne étant de Tâge de la pierre. On n'a pas découvert d(! traces d'habitations île celle période, (pii proliabienii'hl furcnl pins ou moins souterraines, i-onslniilcs l'u prlilcs pierres loml)é('s à l'iiilé- rieur, ou en terre (pii a disparu avec le lemps. Ces lombes consistent en une chambre, et en une galerie étroite y conduisant; le tout est recouvert d'un monticule dont la base est généralement entourée d'un cercle de pierres pins grandes ou pins petites. La chamlirr il'une tombe à passage est on oblongne, ou cai'rée. ou ovale, ou prcsipie ronde; les murs ressemblent à ceux des crom- lechs et sont formés d'énormes blocs posés deboul. (las loul à fait lisses, (pioique unis ;i l'inlérieur; généralement, les inlei'slices sont remplis par des fiagmenis de pierre, du gravier, ou du .saide; ipiel- quefois on a foui'n'' de l'écorce de bouleau enire ces blocs. Le faîte est formé d'immenses dalles un blocs plais, lisses en dessous, mais bruis en dessus; les iidei'slices sont biiuclu's île la niènie façon ipie ceux des murs. Parfois, le sol esl couveii de peliles pienes plaies, mais babiluellement de leire. Sur le cùlé le plus long de la rlianibre. ;i l'esl ou au sud, une ouverUne donne accès à un jiassage eonslniil de la inènn' manière ipie la ehandire, mais plus long el plusélinil. (le passage, au nujins dans la pailie iiderne, esl recoiiverl de blocs ressemblant à ceux du faite de la chambre, mais plus petits, l'rés de l'ouverture intérieure du passage et de l'extrémité exiérieui'e de sa [larlie couverte , on trouve fort souvent um^ espèce d'eniboilemenl de poile, consislaid en un seuil de pienr el deux élniils clianibraides. Une lomlie à passage sise auprès de réglise de Karleby el de Falkôping, a été ouverle en \H12; liuil à tail eu dedans du seuil, 'on a trotivé une dalle plaie el presque rectangulaire en |)ierre calcaire, de la même largeur ipie rouverlure exlérieure, ipii servit tiés i)roba- blement de porte, ipioiqu'elle soit londiée. Les londtes à passage LES CEKCLEILS DE PIEIIUK :W3 siiéiloises vnrient beaucoup en dimensions. La longueur de In cliam- bre est de II 1/2 à 23 pieds, sa largeur de o à 10, et sa hauteur de 3 1/2 à 4- 1/2. Le passage est souvent aussi long que la chambre, fn'MjuemnicMl plus long; sa largeur va de 2 à 4 pieds; sa hauteur, de 3 à o. Quelques-unes, dans le voisinage de Falkoping, où ont été trouvées, en majeure p.irlie. les tombes de l'âge de la jiierre, soid [lins grandes; les chambres ont de 30 à 40 pieds de longueur. La plus grande tombe à |)assage, en Suède, est située prés de l'église de Kar- leby. La chambre, ipii est recnnvcrte di' neuf gros lilocs de granit, a 52 pieds 1/2 de liuiguein'. 7 de largeur; la longueur du passage est de 40 j)ieds. Les cercueils de pierre isolés sont formés de dalles plates mises delioul, et ont ([uatre ciMés; mais li's deux plus longues ne sont pas parallèles, ce qui rend le cercueil ]tlns èli'oit ;i nue extrémité (pi'à l'autre. La plupart ont pioli.dilenu'nt été couvei'ls d'inie ou de plu- sieurs pierres, bien (pTen beaucoup d'endi'oils elles aient été détrui- tes ou enlevéï's depuis longtemps; on en trouve encore ([uelquefois H leur place. La direction de ces cercueils di' pierre va presque toujours du nord au sud, et, en général, ils sont entourés d'une col- line en terre mélangée de pierics. Cette forme de tombe est probable- ment venue île la suppressi(tii du [)assage. Il y a aussi [)lusieurs formes intermédiaires, prouvant ipie le passage a diminué graduellement; sou- vent on ne le suit que dans l'étroite ouverture ;i rexiréinilé méridionale du cercueil. On reconnaît cette forme intermédiaire dans une tombe à Vamb-Nedregârden, prés Skôl'de,Vestergi"ttland; du côté oriental s'étend un petit passage, qui, bien que n'étant pas semlilable à ceux des tombes à passage régulier, foiine la conlinii.ilion de la tombe, court dans la même direction, et est à peu prés aussi large (pie la tombe elle-même. La communication entre le passage et la tombe n'est pas formée par une ouverture entre la dalle de la porte et les pierres de côté du passage, mais par un trou presque circulaire d'un demi pied de diamètre, dans le bloc final. La longueur du cercueil, en excei)tant le passage, est de 13 [lieds 1/2. En 1839, on a trouvé dans celle tombe pinsieuis squelettes, ciiKj poignards et fers de lance en silex, deux pointes de flèche en silex, deux pierres à aiguiser en schiste, et une aiguille eu os. 384 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT La lonifueur du cercueil de pierre est iiénéralemeiit de 8 à 13 pieds 1/2, sa largeur de 33 à60 pouces, et sa hauteur ou profondeur de 2 1/2 à 3 pieils. Quelques-uns. spéciaiemeiil eu Veslergôtland, ont de 19 1/2 à 31 pieds de longueur. La plus longue tombe connue de ce genre eu Suède est celle de Slora-Lindskulle, en Vestergolland. Sa longeur est de 34 pieds, et sa largeur de 8. La planche suivaiile représente une spacieuse tombe de cette forme, qui, comme beaucoup d'autres avec des cercueils de pierre, était appelée par le peuple « la maison du géant »; elle gil au loin dans les bois de Skaltencd, en Vestergolland, près Venersborg. Ce sépulcre va du nord-est au sud-oues! ; il a 21 pieds 1/4 de longueur du coté de l'est, ipii est un peu courbe, et 20 pieds 1/2 de longueur du côlé ouest, qui est iires- que droit. La largeur est de 7 pieds 1/2 à rexlrémiié nord-est, où a été placée une pierre plate, et de 5 pieds à celle du sud-ouesl, (pii est ouverte et en face 'de laquelle le cercueil dcvicnl [dus éh((il. La hauteur des pierres est de o à (i pieds; lonles soni jointes ensemble et habilement disposées, de telle sorle tpie chacune, sans troubler l'égalilé, déliasse un peu la précédente cprelle supporte. Des couver- cles en pierre, probablement composés de cinq ou six dalles, il ne reste (pie deux dalles avec un morceau de la troisième; toutes les autres sont écroulées dans la londir. A rcxtrémité sud-ouest est couchée une i)ierre qui appartenait au faite ou qui servait de porte. Le fond du cercueil semble s'être enfoncé d'environ deux pieds dans la terre, et, de trois eûtes, il est entouré d'un monceau de pierres sur le(piel le mur s'élève seulement de (pielques pouces. Presque tous les autirs ceicm-ils de piiMie, comme les lombes à galerie, n'ont point de pierre ;i rcxin'niilé méridionale. Ceci ne peut-être accidentel; c'est un point de (jnelipu' importance, car cetti; ouverture peut être considérée comme luie continuation de l'entiéi' des tombes à passage, qui, elles aussi, étaient tournées vers le sud. Un autre fait vient appuyer l'opinion que les cercueils de pierre étaient ouverts à leur extrémité méridionale; c'est (|ue beaucou[) sont |diis bas et plus étroits vers celle cxlrémilé. Lue remarque à faire en- core sur l'entrée des tombes à passage, c'est l'ouverture qu'on voit quel- ipiefois vers la moitié de la longueur orientale du cercueil de pierre. En 187,3, un cercueil a été e.\aminé ;i Herrijunga, en Vestergolland, Viii.' iIl' iiiulil iriiiii' l"Uilii> il |ii^s:iiri', pus île Kaileby. Plan (l'uni; imulie il passa^'O. I.e< liiîiie; inrgiilici-es tlésigneut la position îles ilalles i|ni ernivienl la tunibc. CHOMLECnS 387 o( on y a trouvé celle oiiverlure de 8 pieJs de largeur; la longueur de la lomlie n'avait pas moins de 30 pieds. Quel(|uefois les cercueils de pierre isolés ne sont pas enlière- ment ouverts à l'extrémité méridionale, et n'ont (|n'une ouverture (arrondie en dessous) de 2 1/2 pieds en hauteur et de 16 pouces en lar- geur. Outre les cercueils de pierre ci-dessus décrits, on en a trouvé plusieurs entièrement couvei'ls de terre ou de jjierres qui, évidennucul, appartiennent à l'âge de la pierre. Ils sont généralement formés de pierres plates mises debout et couvertes d'autres, de la même manière que les cercueils de |)ierre ci-dessus déciils; mais ils sont lialiiluel- lemenl plus jtelils; ils ont de G à 10 |»ii'(ls de long, et sont fermés sur les quatre côtés. Cependant, on trouve parfois à l'extrémité méri- dionale une ouverture comme celle que j'ai déjà mentionnée. Une des plus remarquables de ce genre est située auprès des tombes à passage de Karleby ; elle a été explorée 1874. Sous un monticule de pierres, grand mais pas très profond, on a ouvert une tombe faite de dalles en calcaire divisée en plusieurs chambres, une grande et deux plus petites; le faite était aussi en pierres semblables et de ni- veau avec le terrain environnant. Dans la [)ierre servant de cloison entre la tombe proprement dite et la chambre interne, existe une ouver- ture ronde de 2 pieds de largeur; l'extérieur de cette (uiverture était fer- mé par une espèce de porte consistant en uin' dalle plate plus petite, tenue en place par des pierres rondes. Dans la séparation entre les antichambres intérieures et extérieures, il y avait aussi une ouverture de 2 1/2 pieds de large, laquelle, cependant, était faite dans l'extré- mité supérieure et fermée par une large pierre. La largeur de la plus grande chambre au centre comportait 13 pieds, sa largeur G .3/4, et sa hauteur 6 pieds. Ou y a trouvé plus de GO squelettes, et, à côté d'eux, un grand nombre de poignards, de fers de lance et de flèches, et autres ouvrages en silex, prouvant que cette tombe appartient à une période où les ustensiles de pierre étaient encore en usage. On doit, par con- séquent, attacher beaucoup d'importance à ce (pie l'on a trouvé jtarmi les squelettes, dans la [lartie basse de la tombe, une couple de cha- pelets de bronze et de fers de lance de même métal, prouvant que l'âge du bronze avait commencé en Yestergotland à répo(pie où l'on utilisa cette tombe. Cen'est pas le seul cas où des ustensiles de pierre et de 388 LE PAYS DU SOLEIL DE MINLIT liidiizc ;i|)|)arli'ii;iiil .m iiicmÛT fiiio du hroiizc, ont été trouvés (huis CCS loinlics. Certaines niaïqucs sur la pierre du sommet sembienl incli(iuer ([ne r(iii,'nanl en silex iSuialaïul). Moilif Je sa taille réelle. la coutume (rulfiir des sacrilices au mort prédominait; on voit sur les sommets de quelques cromlec'hs et tombes à i)assage, des trous d'envi- .TOn deux pouces de lari^eur. Il esl iiroliahle (|ue les sacrifices, sous nue lornii' nu sdiis niie .iiilie. luiviil comnnins pendant l'àiJîe de la C.rumlee'h, pivs de Haiça ilkiluislân). pierre. Une semblable tombe avec des trous concaves sur la pierre servant de l'aile a été ouverle prés de Fasmiiriip, en Scanie. Une autre tombe do même sorte esl située prés de réi,dise de Tanum, en Boliusli'in. On a souvent ramené au joiu' des ustensiles de pierre, qui, sans aucun dout(!, lurent soigneusement enterrés dans un but quelconipie. Nous "en donnerons quelques exemples : près Ryssvik, dans le Sma- USTENSILES ET ARMES EN SILEX :w!t land méridioiuil, on n dà'ouvcrl ni 18:21, ([iiiiizo grandes l),iclips bien jiolies, placées en demi-cercle; en 1803, une semblable trouvaille, mais moindre, a été faito prés Bro, en Nerike, où l'on a mis la main sur cinq grandes haches bien polies, placées en ligne, sur le bord du lac à moitié desséché de Mosjcin; ])rés Knem, dans la |)aroisse de Tombe à [jassage Kaileby (VesliTiînIlaiiili. Tauum, en Bohuslân, on a exhumé, en 1843, sept scies, un fer de lance, el un ràcjdir, tous en silex ; sur chacun de ces objet était posée une pierre jilate; prés de Skarstad, en Bohuslan, on a trouvé, en 1843, sous une dalle polie, dix scies en silex île la inênie loiine: dijis la paroisse (h; Scie en sik-x. Bohuslân. Trois liuUièiiics de sa taille. Skee, en Bohuslân, il y a quehiues années, dix scies semblables, enveloppées dans de l'écorce de bouleau, furent déterrées. On a fait de pareilles trouvailles dans des tourbières. Ainsi, en 1803, on a retiré d'un marais, près de Halmstad, vingt scies en silex, déposées tout iirés l'une de l'autre. La province de Vesiergôlland est la plus riche en restes de l'âge de 390 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT la pierre. Celles qui s'en rapproclienl en richesses de ce genre sont : la Scniiie, Blekinge, Hallaiitl, Boluislâii, Dalsland el In partie sud-ouest du Verniland. Dans la plaine (|ui entoure Falkôping, bien que la terre soit labourée parla charrue depuis des siècles, on a trouvé encore, en plus grand nombre que parliml aillcins. des tondtes de i';'iL!c de la |)iiM're; cerlainos parties du Siualand s(»iil de uiéiue riidies eu souvenirs de cet âge, surtout les districts de i'(tuesl cl les alentours des grands lacs et des cours d'eau qui, par les rivières de RIekinjie et de llalland, sont ndiés à la mer. Ce qui semble plus renianiuahie, cesl ipùm n"a pas trouvé une seule Idiube de l'âge de la pien-e sur la cnle de i'csi. el (pie les restes éparpillés de cette période, si nombreux dans les dislricls de la côte occidentale, sont 1res rares sur la cùle orientale au nord de Kal- marsund; il est remarquable aussi (|ue les tombes el les anliqnilés de cet âge sont très rares en (loliand et en Olaiid, si riclies cependanl en restes des périodes plus récenles des lemps ])aïeiis. Il vani la |ieiiie de nienlionner (pu^ les dilTéreiiles aniiiputés el formes de londie ne sonl pas unilormément distribuées dans la parlie de la Suéde ipii élail liaiii- tée pendant l'âge de la pierre. Les ustensiles typicpies du plus ancien âge de la pierre jusqu'ici connus en Suéde, [ont été, à peu prés tous, obtenus en Scanie; on a aussi trouvé dans cette province un nombre cunqiai'alivenn'nl grand de haches en silex aiipai'Ienant an plus l'écent âge de la piei're, (pu sonl rares au nord de la Scanie. Tout cela semble démontrer ipie la Scanie ne fut pas seulement la plus peuplée, mais aussi la parlie la plus tôt habitée de la péninsule. Fins remar(piable encore est la dishilnition des dilférenles fornu's de tombe. Celles déjà menlionnées soni : 1° les sfendôsar ou cromlec'hs; 2° les tombes â passage; ii" les ceri'ueils en pieiMv isolés, el -i" les cerciu'ils en piei-re rouveris de nionlicules de pierres on de lerre ipii apparlienneni à la lin de l'âge de la pierre et furent aussi en usage pendant la [iremiére période de l'âge du lironze. MainlenanI, il arrive (pu' l'on ne trouve de cromlec'hs (pi'en Scanie, Halland el lîohnsh'in et dans l'ile d'Oland, où, cependanl, on n'i>n a déconverl i|ni' ipiaire loul prés l'nn de l'anlre. A i'i'xceplion de ce groupe solilaire, on ne voit le cronilec'h — la plus ancienne forme de Unidie anjonrd'hui connue — qu'en Scanie el sur la lôle occidenlaie; le pins seplenirio- USTENSILES ET ARMES EN SILEX 391 liai en Suède est situé i>ivs (le Masselberg, en Bohush'iu ; on n'en con- nail (|ii'un en Norvège, non loin de la limite du Boliuslân. Les tombes qui se rap|troilient des cromlec'lis comme âge, les tom- bes à jiassage, sont très nombreuses en Scanie, mais surtout en Skara- l)oi'gslân du Vestergôtiand ; on en trouve aussi (iuel(|ues-unes en Bohusiân. Dans les 140 tomlies à passage actuellement connues en Suède, [dus de 110 sont dans b^ Skaraboigsh'iii, et la plu|tarl [irès de Falkôpiiig. La partie du Vestergôtiand appartenant à rElfsborgsh'in, n'ollVe (pic deux tombes à passage planes, et encore elles diffèrent consi- dérablement des tombes à passage proprement dit. Les tombes de pierre qui paraissent être les dernières de l'âge de la jiierre ont une distribution beaucoup plus large que les formes plus anciennes. Les lombes isolées de ces dernières (/i/////,-/stor) sont abondantes en Vester- gi'jtland, spécialement en Elfsborgslan, en Bohusiân, Dan, et le Verm- lanil du sud-ouest. On a trouvé des sépulcres couverts de monticules appartenant à l'âge de la pierre dans presque toutes les jirovinces où se présentent les tombes de formes plus anciennes. Ainsi, eiiBlekinge, Smaland, Oslergmliand du sud-ouest, et dans l'Ile de Tiotland ; — en d'autres termes, dans les environs où l'on n'a jias découvert les autres formes. Les cromlec'lis (sfe/idôsar') — il faut le remarquei- — sont tou- jours près de la mer, rarement à plus de sept milles de la c(Jte. Ainsi que nous l'avons mentionné plus baut, on trouve souvent les autres tom- bes de lâge de la pierre au loin dans rintérieur; mais ])resque toujours 2 LE TAYS DU SOLEIL UE MINllT snil-oiu'sl, dans le voisinaiic de Wiiii^akor. On peut cii trouver l'expli- caliiin dans le fait qu'une Iiranclie de la impulation se rendit des impor- tanls (■■laldissemenls de la partie si'pli'idrionale du Vestertrûtland, [lar Xeiike. dans le Sudcrnianland (lecidental. Il est évident aussi, d'a|iivs Cl' (pii précède, (|iir le piMipIc qui a laissé après lui ces anli- qnilés. ddil être venu du sud, on plulôl du sud-ouest c'est-à-dire du Dant'inaïk. Cette miiiralion du sud-ouest est d'aulaid plus remar- ipiahle. (pie celle du sud-est et des régions à l'est, pendant les périiidi's suivantes el jusipraux siècles plus récents, a été d'une extrême Cercueil de liierrc, jirés Skalloncd, Veslorij'ûllaml. iinpiMiance pour le Jiays. Quand ou se rap|iell(' ipiids n'dcs inipor- lanls ont joui'' Oland cl (lolland |iriiilaiil l'à^r du fer. ou peut s'éton- ner qui' li's restes de l'àtii' de la pieri'c soient si rai'es dans ces îles. Oidre li's antiquités déjà menlioiniées de l'âge de la pierre, ipie l'o'i n'a Irouvées que dans les parties du sud et du milieu delà Suéde,, ou \oil, dans les parties septentrionales, plusieurs antiquités de pierre polie — généralement du scliisie — ipii, elles-mêmes. pioii\enl qu'elles n'apparlieruienl pas à l'âge de la pieiie du .■^uil de la Scandinavie, ni an pi'ujile qiu a coustnul les crondec lis el les tomlies à passage. Ces MOXTICLLE TOMIJAI. 39;i antiquités, appelées « aaliquos », ont élé trouvées principalemenl en Norrland et en Laponie, où les objets de pierre du type Scandinave sont très rares. Les dernières nommées appartenaient à nu peupir différent; c'est ce que prouve le fait que les deux genres n'oiil jamais été trouvés ensemble; que les antiquités arctiques olïrent une grande similitude avec celles qui ont été découvertes en Finlande, et que les Lapons, les Finnois et les peuples de la même race habitaient les contrées septentrionales, où les ustensiles de pierre de mêmes formes et de mêmes matières que ceux de la Scandinavie du Sud sont presque inconnus. l'iMlil irmi iiionticulc tombal près Dominerslorp. 11 n'exisle (pie peu de cas où les pointes de lance el couteaux de schiste particuliers à l'âge arclique de la pierre aient élé trouvés en Svealand ', au sud de Dalarne, et en Gôtiand, el il esl aujourd'hui diflicile d'expliquer ce foit. à moins de supposer que les La|)ons ont habité autrefois, bien qu'en [lelil nombre, au sud de Dalelfven, ou que les ustensiles de schiste furent en usage chez le peuple du sud Scandinave à Tàge de la pierre, el qu'il les recul de ses voisins du Nord. Comme il semlile probable que. dans la péninsule, on a trouvé des restes de deux peuples différents qui y demeurèrent dans l'âge de la pierre, il serait important de savoir en quelle relalion d'époque l'âge arctique de la ])ierre se tient avec la Scandinavie du. Sud. Le [iremier a-t-il commencé plus lot ou plus l.inl ipic li' drrnier"? 1. En Svealauil, au-dessous iW. Dalaruo, |ilus ilc •,',:i(iii uslcusilcs lic |iiurro Scandinaves ont clé trouvés, mais souionicnt 12 fers do laucc li couteaux de schiste; laiidis (jue, dans lu parlie méridionale, où l'on a récollé jilus de 44 000 aiilii|uilés de liierre, on ue connaît qui' cinci fers de lance en schiste. "2. Il n'est pas riouteux ([u'en Scandinavie l'ilge de la [lierre n'ait l'iidjrassé une longue période de temps; ceci est prouvé par le grand nonihre de tomljes, ustensiles, outils, etc., ([ue Ion y a trouvés, el (|iii iudiipieul aussi le perfec- 394 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT Diiraiil l;i diMuière partie de làs^e de la [licrre en Seamlinavie, on lit des progrès considérables [en agriculture et en élevage du hélail, (juoiijue la chasse et la pèche demeurassent encore des occupations très importantes. La connaissance de la i'abrication du bronze arriva sans doute aux peuples de la péninsule, du sud et du sud-est. La planche précédente offre la section d'une grande tumlie, jnès de Dommerstorp, en Halland méridional, appartenant à Tàge du bronze, laquelle a été examinée avec beaucoup de soin, il y a ([uebjues années. Au milieu du fond du monlicule, en a, était construit un grand cercueil de pierre ayant 6 .3/4 pieds de longueur, contenant des restes humains qui n'avaient i)as élé brûlés. A trois autres places, plus haut dans le même monticule et près du Imrd, on a trouvé trois jilus petits cercueils de pierre, n'ayant que 1 à 2 pieds de longueur, remplis d'os brûlés. Près du sommet du monticule, était disjjosé un pot d'argile avec des os brûlés et un cerceuil; en Z», il y avait une pierre plate, couvrant unirou, où se trouvaient aussi des os brûlés. Le grand cercueil, placé au sonunel du monticule, el l'un di's deux autres plus |ietits, renfermaient, outre les ossements, des antiipiilés de l'âge du bronze; indubitablement les trois autres appartiennent aussi à la même période. Il est évident que le grand cercueil avec des ossements non brûlés, au fond du monticule, doit être ])Ius ancien que les autres puisqu'il n'aurait pu être construit sans Ius près du fond que les dernières. Il s'ensuil donc que les tombes de l'âge du Itronze, avec des restes non brûlés, doivent être cousidéréi's comme plus ancieiuies (|ue relies où les ossements sont brûlés. On peut ajouter, c(unme coidirmaliou de ceci, (pie ]»lusieurs lombes avec ossements non brûlés, considérées comme appartenaid à la première période de l'âge du bronze, s(ud 1res semblables à celles de la i)ré- cédenle période de l'âge delà pierre, et que les tombes de la lin de lidimeiiii'dt !j;ni(liicl du pcuiiio. Copemlaul, cd Agi' s'est, imiiorcoptiblomcut I'oikIii dans l'âge du hrouze; car, même après que l'on eut acijuis la couuaissancc de ee métal, ou se servit encore d'ustensiles de pierre pendaul imc période considérable. L'AGE DU BRONZE 395 l'âge du bronze se sont développées d'après celles de son commencement. On peut donc dire (pie la forme des lombes suédoises suit une chaîne ininterrompue de développenicnls, dontle commencement esl la i^rande chambre tombale de l'âge de la pierre, et la fin les insignifiants tunudi couvrant des poignées d'os brûlés. Les plus anciennes tombes connues de l'âge du bronze, en Scandinavie, sont les cercueils de pierre renfermant plusieurs scjuelettes; ces cercueils, finalement, décroissent entaille jusipi'à ce qu'ils ne deviennent pas plus longs i|ue 6 3/4 pieds, ou juste assez larges pour contenir un corps. Ces cercueils de ])ierre, de la largeur d'un homme de taille moyenne, sont intéressants comme indi(piant la Iransilion avec les plus petits (|ui contiennent des os brûlés; quelques uns de ceux-ci, d'une taille calculée pour un corps non brûlé, n'ont contenu que de petiisjlas d'os incinérés, et appartenaient évidemment à la période pendant laquelle la crémation des cadavres prévalut. Beaucoup de ces petits cercueils de pierre sont à peine assez grands pour renfermer un pot d'argile, dans lequel on rassemblait les ossements. Quelipicfois on ne (rouve pas de cercueils, mais seulement des pois d'argile avec des cendres, un petit coulean de bronze, un mor- ceau de scie en bronze, ou quelque chose d'approchant. Enfin, dans quelques cas, les os étaient simi)lement mis dans un Irou jiercé dans le monticule, et on recouvrait le tout d'une dalle en pierre. D'après les traces trouvées dans les tombes de cet âge, il est probable qu'en Scandinavie, les serfs furent quelquefois brûlés avec leurs maîti'es défunts. En fait de mobilier et d'ustensiles, rien n'a été conservé à l'exception de vases d'argile, de bronze et d'or, el, çà el là, quelques- uns de bois, mais naturellement très communs, et cpii ont rarement résisté aux ravages du temps. Les vases d'argile sont diversement façonnés, mais souvent intérieurs à ceux de l'âge de la pierre en ornementation et en i)ureté de la matière employée. Dans deux lombes qui appartiennent certainement à la période en question, .on a trouvé des boîtes rondes en bois mince, avec couvercles, à peu près comme celles qui sont encore en usage. La plupart des vases de bronze oïd la forme ci-dessus décrite, et on en découvre assez fréquemment avec une sorte de couvenlc de biunze, soi! pour- 306 LK PAYS DU SOLEIL DK MINLIT vus ilo doux poigiit'i's. soil ;iv('c des liouhiiis en forme de roue, aux- quels sont attachés les liens qui jitiiini'nl le vase et le couvercle. Ce dernier est toujours d'autant plus pelit, ((u'a|iparemmeid on ne le ààâlaodoi?pooS^^B^^, linl en or (r)li'kinge). rnellait pas immédiatement sur le vase, mais ([u'on l'altachail un peu au-dessus. L'usage auipiel seivaieut ces vases est encore inconnu. I.'nne îles quatre dalles du cereiieil, prés Kivik, en Scaiiie. Seliiii Imile probabilité, les vaisseaux on vases d'dr trouvés eu Blekinge servaient de coupe à boire; ils soni très miiu'es, ornés de ligures en lepnussé, el apparlieiuirul pi'obablcmont à la dernière période de l'âge du bronze. Couvercle du vase. Vase de bronze suspendu, Iroiivé en Veslerg"itlnnd. Ya tU'^ poignards, des liaches, des épieiix (mi lanci's. des arcs el ili's nèclies. et pndtahlemenl .i02 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT aussi des massues et tles froiules. L'arme de défense essentielle fut le bouclier; on peut y ajouter les épées et, dans quelques cas, les heau- mes. 11 l'aul encore mentionner les magnifiques cors de guerre en bronze, trouvés en plusieurs endroits. On fabri(piait généralement les boncliers en bois ou en cuir, et ils sendilent avoir été ornés d'une plaque ronde en linmze avec une pointe dans le milieu: quelquefois ils étaient entièrement de bronze. Plus de 300 épées et poignards ont été trouvés en Suéde. On a exhumé de belles haches de bronze près d'EskiIsluna, non massives, mais consistant seulemeni (>ii une mince coquille di' bronze moulée sur de l'argile qui est encore dans l'inlérienr; elles ne peuveiii donc jias avoir élé employées pour la guerre, mais simplement comme ornements. La même diftlculté pour distinguer, entie les haches de balaille et celles (|ui pimvaient être utilisées comme outils, se présente pendant les âges de la pierri' el dn bionze. L'uni' des |ilaiichi'S suivaiiles représente des navires, d'après un rocher gravé, en Bohuslân. Un rocher semblable à Tegneby, dans la même province, esl de 1res grande taille : vingt-six |)ieds en hau- teur et seize en largeur. On croit (pi'ils ont appai'Ienn à l'âge du bronze à cause de 1° la dilTérence entre en\ cl les pierres runiipies de l'âge du fer; 2" la profondeur de la graviu'e, car les picncs l'U- nicpiesn'en donneni ipie les contours; T les diverses sortes d'épées; 4° les dilfèieiiles formes île navires ; — ceux de l'âge du bronze ont les exirémilés dissemblables l'une de l'antre, tandis que. dans ceux de l'âge du fer, elles sont semblaldes; o° l'absence de rimes (on sail que les l'inies fureni nsili''es pendaul les premières pi''riodi's de l'âge dn l'rr. mais nulle pari on n'en a Irouvé sur les rochers gravési; 0° la dissemblance des signes symboliques religieux : <■ la roue » el la. K croix angulaire ». Sans doute ces deux symboles oui été employés comme tels, quoique à dilfèrenles périodes, l'endanl l'âge du bronze, on ne se servait que di' la roue, et la croix n'a|)parail que durant l'âge du fer. Tout c«da indiqur que les gravures des rochers doiveni avoir été exécutées avant l'âge dn 1er; il n'est, i)ar conséiiuent, néces- saire que de constater s'ils ai»parliennenl â l'âge du bronze ou à la périoile précédente. LA CliKMATION EN SCANDINAVll'] /i.()3 La prt'si'ncc riV'(|iM'iil(' iré])(''OS dans l'es gi'avaves sur les rochers -[H'ouvc (|ii'('lles ii'oiil pas existé pendaiil l'âge de la [)ierre, où l'épée élail ignorée. La plupart des gravures aujourd'hui eoiinues en Suède >f' présentent dans le Boliuslân septentrional, rOslergôtlnid, dans le sud-est de la Seanie et, plus rarement, en Blekingc, Dal, Verniland, et Uplainl; on eu coiiiiait encore deux en Angermanland el en .lemtland dont nue peut-être apjiartienl à la niérnc péiidde (pie celles des jiro- \inces plus méridionales. On a trouvé lécemmenl, en Norvège, hon nombre de l'ochers gravés ]>rincipaiement dans la partie du pays (pii touche au Bohuslân ; — de grandes dilïérences existent cependant entre ces gravures dans différentes parties de la péninsule Scandinave. Celles du Bohushin, par exemple, lepréseiiienl souvent ilt'f. hommes ci des animaux; ce (pii est rarement le cas pour celles d'autres pro- vinces. En Ostergotland, des épées et des boucliers, non portés par des hommes, sont assez fréipn^mment représentés, el c'est à •|ieine si ['{)[[ en vnil sur les rochers du Bohuslân. On reconnaît I.E PAYS DI' soLKH. 1)H MIMIT ri|iiM|iie ;ill;iiii du coiiiiiifiiii'iiii'iil ilf l'i-re clirétieiiiie jusque vers riihiii'i^ i.'lf). rii Sc.iiiilin;i\ir ; 2" le milieu île rà.s;e du fer, de i.'iO à Tilii eiivinin ; 'A° l;i lin de ITii^e i\[\ fer. ou ce ijue l'on appelle le der- nier ;ii,'e du fer. Je Tan 700 ;'i la ileiiiii'ic moitié du xii" siècle. I lie Liraiidi' ipianlilé de monnaies, de vases en liron/.e et en \i'rre, d'arnies, etc.. etc.. el même d'o'iivres d'ail d'iiriLiine runiaine. |iron\i'nl i|iii', |iendanl le dernier iîiic du fer, les Suédois eurent des rapports iiiniiiicrciaiix passaldement élendus. siiil direcli'Uicnt aM'C les Romains, suit avec un peuple rpii comuieiiail avec eii\. l ne des ]»lus remar- i|naldi's trouvailles d'ouvraiies rinnains a élé l'aile en 1SI8. à Fickliuge, pré< \'estvras; là. un a reliri' d'un iin.inlicnle himlial un i^rand vase i\r Iniinzi' CDiilciianl des os liriilés el ipirl(|iics morceaux de \eiri' liiiiilii. Le Mise piirle une inscription disant ipi'il a élé consacré ;i \pidliiii lirannus par Ammilius (^onslans. surintendant ilu templi^ de ce dieu. Ce mauniliipie vase a environ dix-liuit pouces de liaul ; les orne- niriils aul(Mir du hurd snpi''rii'ur smil incrusl(''s d"arj^'enl. Des vases iMiii.iin.s. en hriMi/.c. sans inscripliMH, mil l'Ié di''couverls i^n (înlland. • •n a Iniini'' en Norvège heancdiip d'.ancicnnes lomlies iiininli- ciilrv apparlenaiil à Tàfie du Irr. On \ a déi-iiuverl en 1res i^rand iMHiihre des objets intéressanls. enirr autres une pièce d"orle\rerie en m. Iravaillée en liligrnne, d'un dessin si plein de goùl el si linemenl '■\è,iiiè. ipic c'est sans dmilr le pins lieau morceau Iroiivé dans les iiiniihi-iilcs de la Scandiiiax ic. En outre, l'or esl à peu près |)ur l'I'A ca- lal^ . Dans 1 annexe i paroisse) de Iluviii. près de la slalion du cliemiii de 11'!- à Trugstad, Smaalenenes-Aml. est situé le Halviieliaug imonli- nili- Ar Hakiiei prohahlrmenl le plus grand monticule des rovaiimes MMiidinavrs ; il incsiiic (i(l picils en liaiileiir cl ilOO pieds iMi iliamèire à sa hase. \ l'aide des Iriinvailles de l'ancien âge du fer faites au noi'd. nous I \iins olilenir une idée assez exacte de la vie el de la civilisation en Scandinavie dnrani les siècles où le paganisme et le clirislianisme cdiiiliallirenl l'iui cinilre l'anlrc pour rascendanl sur le monde romain, et iiii les attaques contre les froiilières de l'empire par les nalions ;jenii,iiiiqne>, de\eiines pins frèipienles el plus violentes, linireiil par la victoire des >■ liarliares ". la ruine de Hoiin'. el la deslrnclion i|iparente de l'ancienne civilisation. .JlLl .-^ 4; .'u/..'^ Uoclier gravé, près Backa, en Bolmslân. Muiiticiili; ili' pifrrt's. sur la cOh; di; Culiiislfm. COSTUMES ET USAGES DE LACE DE FEU 115 La plaiiclii' (le lu page 417 (loniu' une idée de la manière doiil se vêtait un chef norseil y a quinze cents ans. La représentation n'est pas imaginaire et peut à hon droit être considérée conàme liisli)ri(|uement vraie. Les vêtements, armes et ornements sont les dessins exacts de ceux trouvés dans les tourbières danoises à Thorslijerg et à Nydam, et dans le Julland méridional. La tourlie a conservé d'une manière étonnante les choses les plus délicates et le plus l'acilement péris- sables, en sorte que nous sommes à même d'avoir, dans un [jarlail état, l'habillement, l'armement, etc., du premier âge du fer. Les vête- ments sont en laine; le tissu paraît plus beau que celui de l'Age du bronze. Les parties principales de l'habillement sont : une longue jaquette avec manches jusqu'au poignet, et des hauts de chausses retenus autour de la taille par une courroie de cuir et rattachés sur les pieds à de longues chaussettes. La chaussure se compose de san- dales de cuir, avec ornemenis liien travaillés. Sur les épaules est jeté un manteau bordé d'une frange. Un manteau retiré de ces tourbières a conservé sa couleur, qui est verte, avec bordures jaune et vert foncé. An commencement de l'âge du fer, apparaît une autre nouveauté : les ciseaux, très semblables à ceux actuellement en usage. Pendant cet âge, les vêlements étaient généralement retenus par des épingles ou des lioucies que Ton a trouvées en grand nondji'e dans les lombes de celte période. On voit rarement des boulons ou des agrafes. D'ajjrés les trouvailles tombales, — la seule source de connaissance pour l'usage de ces boucles et autres ornements, — on a i)u aflirmer ipie l'on portait plusieurs bouclesà la fois. Ainsi, dans unr lunibc rimlr- nant un squelette, on n'en a pas exhumé moins de quatre. On en mettait une au col, une sur (diaipie épaule, et une au milieu dr la poitrine. Les armes étaient à peu de chose [très les mêmes que celles de l'âge du bronze, quoique de formes un peu dilTérenles. L'épée à double tranchant était commune. Durant cette période, les cornes servaient de coupes à boire; on employait aussi les vases de verre, de bronze, d'argent, et aussi de bois et d'argile. Ces derniers, qui, probablement, furent presque entièrement de fabrication domestique, sont beaucoup plus beaux, plus minces et mieux cuils que ceux de l'âge du bronze. La forme ilo F,E P.\Y> Dl" S(il,i:il. DK MINTIT .iiissi ilriiiilr plus ilr tiOi'it. Ls's v.ises (l';iri;ili' ilii pirmieT fr^o ilii IVi-. .iiissi liii'ii (|ii(' ci'nx ilos ili'iix ;\i,'i'S |ir(''céil('iils. ne siinl |i;is vci'iiis. Le M'ni' fiil Irrs ;i|i|ii't''ci('' |iriiil,'iiil cclli' pT'i'ioilc ; un pciil l'in- IV'rci' lie rc ipii'. ihiiis pliisiciii-s Piinhcs, on a li-diivi'' (l(N vnscs il'iii'Liili' i|;iiis li'sipn'ls lin av.iil insi'i'i'' i\r> nioi'coaiiN ilr vorri' cassi'' cnniine oniciin'ii l>. Oiilic les \asi's à Iniin'. nu a pailois ilrli'i'iM'' îles ilrs ri ili's ('l'Ii ii|ui('i>. Sui" nnc picnr ili^'onvcrlc en \ plnnl. cl rnnsci\(''(' Vase roinnin imi iMcni/o, Ininvr pii'S deVi'sInas Wi^liiiaLiliinil aiijiMM-irinii an Musi'c nalidiial ilr SIih-KIiiiIiii. (in vnil nn lialcau de l'ài;!' (In Ici'. Ir(''s scnililalilc à ccnx cncdic en nsaiic sur la ('("île île .\oi'V(!'l;('. sp(''cial('ni('nl en Xiinllaiid. (îi'MK'iali'nicnl, les hmilics de Tàuc dn 1er sont couvcilcs d'un niiinli('ul(' 1(111(1 (111 iiIiIiiiil:. en Iciic (in eu |ii('i'n's. Sduvcnl ils Sdul suiuKiiili's (le iKitildslcnar (pierres luiiiiilaiivsi. Liiaudcs d pnsées deJKinl. (piclipiet'ois ih' iiaulenr considéiaiile. Un des plus vasies de CCS idianips fuui''i'aii'es. eu Scandinavie, esl sihn'' à dridiv. |in''.s Chef norsc ilans sun cûslume iilii plus amii'ii iii;c du fer). l'H'i'ivj iiiuiliahs illniit istcnac , a liivhs, ni l;ll'lu^lâll, LES RUNES 41!) drebbestad, sur la côlc do lîolmslân. Il y a encore plus de ci'iil liii- (|uante monticules, eu parlio ronds, en partie oblongs, tout près l'un do l'anlro, et au sommet de cliacun, ou entre eux, s'élèvent de mas- sifs baulastenar dont le plus haut mesure au moins (pialorze pieds au-dessus du sol. Les baulastenar de cette période sont maiulenanl à |ien jirès illisibles, parce (pie li' souvenir de ceux en rininneur desquels on les a érigés est éteint depuis bien des siècles. Paii'ois l'ini lieux porte une courte inscription donnant généralement le nom de la personne décédée. A Hjorkelorp. en Blekinge. non loin de Konneby. on voit trois magiiiliijues pierres, dont l'une porte une iiiscriplion conlenani une m.déiliclion sui' celui ipii dèlrnirait ce nuuinini'hl. Il y a iranciennes rimes ipii m' ressemlileiil [las à celles des }»ierres d'une période pins récenle. On a trouvé ciii(| arlie la plus ép;iisse, outre plusieurs ornements — probablement pour épées — dont le métal était remanpiablement pur: car il contenait 98 ]iour 100 d'or. De cette magnili(pi(! trouvaille, on n'a sauvé (pTune petite partie poui' l'Élat, le reste ayant élé foiidn iiv.oil ipic les autorités eussent enlemlu parler de la découverlt'. Très souvent, on a trouvi'' des anneaux en spi- rale dans d'autres endroits, el on croil qu'ils ont servi cononesignes de valeur, ou de monnaie. Les plus belles de lonlesles trouvailles d'or de lére païenne soni Irois grands et larges colliers — conservés maintenant au Musée liis- loriipic (le Slockliolm — pesant de uni' livre et demie à deux livi'es chacun. Ils consistent en plusieurs luhes (3, .ï, ou 7) posés les uns sur les autres, couverte d'un liligranc exipiis cl d'autres ornements; il y a par derrière une jointure, cl. (1<' l'ace, le collier esl assemblé par les extrémités des tubes enirani l'un dans l'aulri'. L'un d'eux a élé trouvé sur le versant du inoiil Alleberg, prés Falk(")|)ing; un autre, prés de l'église de .M("ire, à environ dix-se|it milles du |>r(''i'édenl endroit ; el le Iroisième (représenté par la planche ci-contre) a été trouvé en 18G0, à Torsiunda, prés Fârjesladi'u, en Oland. GHxVPIÏRE X} LK DEUNIEU ACE UU FEU OU UE.S VIKINGS. 1.e tloniiev âge du fer ou des vikiiigs. — .\|i]iaiilion subite îles Vikiiigs dans l'Euro]ic occiilciUalc et inéviilionale. — Armes dont se servaient les Vikings. — Eviicditions pacifiques et guer- rières. — Inscriplions intéressantes sur des pierres rnniques. — L'ancien pont de Tâliy. — Ponts avec pierres runiqnes. — Contumes et habitudes des Scandinaves dans la ilernière partie de la période [laïenne. — Manière de bâtir. — Point de cheminées. — Forts île pierre. — Restes il Ismanstorp. — Ustensiles de ménage. — Manière d'enterrer pendant l'époiiue viking. — Une pierre runique remarquable. — Construction de vaisseaux chez les iXorscs. — Grandes Hottes. — Pierre runique expliquant les formes des vaisseaux. — Xrvirc viking trouvé dans la .Norvège méridionale. — Comment on enterrait les Vikings. A |);irlif de 700 .ipivs Jésus-Chrisl eiiviioii, itistin'i'ii 1000, .i|)|t;i- riil, sur les riv.-ii^cs de TEufope occideiilrilc cl iiirrididicdi', un |HMi|ilt;' (|iii fui la lei'i-eur de leurs habilants, car il ne venait ([ue pour piilei'. Les llolles de ces liommes du Nord (Nortlimcn) domiiiaieul sur la mer, el leur |tuiss;iiiee, (jne^pie pari (|u'ils allasseid, semblait presque irré- sislilde. Aprt's un certain temps, ils s'établirent sur jdusieurs poiids lie la cùle ([u'ils avaient cumpiise, el y fondérenl des royaumes. A celle époque, la sociélé. plongée dans le cIimos, ne s'était pas relevée de l'obscurité dans Lujuelle l'avait jetée la ciaile de Rome. Les cbroniipies françaises et anglaises de celle période ne d(jiinent qu'une idée im[iarfaite et même erronée du caractère des Vikings. Il 424 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT nous faut laiipeler (juc cos ivcils oui (Ml' écrits par leurs ennomis jurés, hommes qui ne prolessaienl |)asla uième religion el qui regardaient les viclorieux Northmen comme l'incarnation de la cruauté et de tout ce ipii est vicieux. Mais les Vikings u'élaient ni sans culture, ni sans nobles qualités. Ils furent iiraves et téméraires, el, si nous pesons ini- partialenieid les faits qui sont venus jus(pi';i nous, nous appreiulrons (pic beaucoup de ces puissaids guerriers lircnl pivuve de grande liabi- Iclé. (pi'ils gouveniérent bien les pays conquis par eux. et que. après la l'Iaiinos ilo lironze. avec ligures en rcliel', Irouvées en CMand. bataille, ils se montraient — comme en général tous les braves — gé- néreux envers leurs ennemis vaincus. Les hommes, sans qu'ils s'en doutent, falsilient souvent l'histoire lorsqu'ils sont aveuglés par la haine, le préjugé ou la bigoterie; (pielquefois aussi pour satisfaire leur intérêt. Les nombreuses IronNaillcs faites el les sagas nous donnent d'excid- lentes inf/>rmations sur les armes (pii rendireid autrefois les Vikings si redoutables. Par elles, on voit (pie ce furent en grande partie les mêmes (pie penilant le premier âge du fer, et la planche ci-dessus offre des plaipies de bronze avec figures repoussées, représentant difl'érenies formes de casiines en usage |ienilant celte période. Les armes usitées étaient l'épée, l'épieu, la lance, la massue, l'arc et les lléches. el la 1res redoutée iiache viking. Les l'ers de lance, aussi bien que les haches, étaient souvent incrustés d'or et d'argent. On se servait généralement ' d'arcs et de flèches pour la chasse; mais, dans les batailles navales, ces dernières armes jouaienl aussi un lolo important. ijcs jiliis foiniidables èlaieni les épées à double IranclianI, très PIERRES RUNIOUES 42a estimées par les Norscs anciens. Les Skaldes, dnns leurs clmnts, ont vanté leurs qualités, et les vieilles sagas nous disent comment ces armes passèrent i)ar héritage du père au fils, pendant des générations; on a même fait remonter la possession de quelques-unes jusqu'aux Asagods. Beaucoup étaient (irnées de dessins en or, argent et bronze finement exécutés. Il y a peu d'années, on en a trouvé une l>ien con- servée, en Scanie méridionale; on peut la voir aujourd'hui dans le musée de l'État. Un grand nombre de pierres rnniipies ré[)andues dans diiïérenles parties du pays, témoignent des nombreux voyages entrepris vers l'est Pierre ruiu(|ue à l'exlrémile imnl du poiil de Taby, en rplaiid. par les Vikings, dans des buts pacifiques on guerriers. Sur une pierre rinii([ni'. en Sôdermanland, il es! écril (in'rllc a été érigée pai- Sirid en mémoire de son mari Sven, qui navigua souvent, avec des vaisseaux de prix, vers Semgallen. jirés dr Tuniisnis. Scnigallen est la partie orientale de la Courlande, sur la rivière Diina, et Tumisnis est Domesness, le point le plus septentrional de la Courlande. Sur une autre, maintenant dans une tour du château de Gripsholm, les carac- tères runiques disent : « Tiila a élevé celte pierre à son lils Havalt, frère d'Ingvar. Il s'en alla Inavemeiit à Kul , cl mourut plus loin \-2C> LK PAYS DU SOLEIL DE MINIIT à l't'sl, à K,if:i, au sud do Sj'irkland fpays sarrasin). Eu iralili', ces pit'i-i'ps ruiiiques semblent aiiparlenir à la iiremiére moilié du .\i° siècle. Il en est d'autres qui nous parlent de voyages en Grèce. Dans la paroisse d'Eds, Upland, il y en a une dont les runes ont été taillées par un certain Rai^nvald, (jui fut en Grèce chef de l'armée. A Finkeby, non loin d'UiJsal. une autre a été consacrée par un jiérc à la mémoire de son lils, donl I'imi lui clicf des Vikings iV/'/ri/ii/ar/ii'K cl ipii alla en Grèce, mais ipii nionrul chez lui. On trouve des iiierrcs parlant d'expéditions en Grèce, non seulement dans les provinces de la cote d'L'pland, Sodermanland et Osleriiuiland, mais encore dans les districts lointains du pays. Sur l'une de celles (pii ont été découvertes en Uplaiid, on lit une insciipliou ipii }iarli' d'ini lionuuo nnirt eu Lan^bardceland (Lombardie), dans l'Ilalie septentrionale. A Tj'iby, an noi-d de Stockholm, la route, encore à présent;, conduit à un vieux ])ont ayant sur ses côtés plusieurs grandes pierres posées à dislances égales et f|uelques-unes i)lus jjelites, hirmaid une chaîne d'un bout à l'autre. La grande jtierre, à l'extrémité mnd ilii pont, porte l'inscriplidn suivante : « laiiahanke a i''iigé ces iiicrrcs pour lui-mèiue pendant (|u'il était encore vivant. Il a cunsiruil ce poid imin' le saliil de son àme, et il était propriétaire de tout Taliy. Oue Dieu sauve sou âme ! » La l'oiane de ces runes, aussi bien ipie celle de quehpn's antres trouvées dans le même voisinage, l'I (pii portent également le nom di' larlalianke, nous prouve ipi'il vécid au m'' siècle, cl pliilôl dans la première moitié que dans la seconde. Il y a par consé(pieiit ciivii'ou huit siècles (|ue le pont de Tâliy est eu usage. Dans d'autres endroils de la Suède, ou peut enc(H-c voir des |)onls ilont les |)ierres ruiuipies remontent aux premiers lenqis dn christia- nisme. Lois(|iron reconsirnisil, vers l8o<), le poni ipii passe sur un cours d'eau près de l'église de, Ivullerslad. en Oslergôtland, ou trouva une picric tondièe et oubliée (pie l'on rideva. Sou inscriplion (■(unmencc ainsi : « liakuu a fail ce pont, mais on l'appcdlcra pont de Guiuiar. ■) — « Une pierre à Snndby, prés d'Upsal, nous dit que Turc avait l'ail des sâloliiis (des (piaiiicrs) après la mort de sa femme. De semblables ipiarticrs fnreid bàlis sur le hoid îles chemins soli- MŒURS, COUTUMES ET INDUSTRIE 427 laires. où lo voyageur faliguê no iiduvail Iruiivcr un loit pour aluiler sa tète. La grande masse, })eut-è(re la jiUis grande, de la population de la Scandinavie, pendant la dernière partie de l'époque païenne, vivait 4lans des villages (|ui, en majeure partie, peuvent avoir porté alors les mêmes noms et eu la mèni(> situa! ion qu'à présent, on au moins jusqu'au moment où la nouvelle division du ]tays les lit disparaître. On peut le voir par cotte circonstance, qu'à côté de cliaque village, surtout dans les provinces autour du lac Malar, il existe encore des cliam}»s funéraires où reposent les populations [laïennes do ces villages. Comme l'art de lnùlor la chaux ot les briques ne fut proba- blement introduit dans le N'onl (pi'au temps du christianisme, les maisons de cette époque furent évidemment do la mémo sorte que celles dont on a découvert les ruines à Hiorkou, ou lac Mâlar. Ces ruines, les plus anciennes do la Suéde, consistent en morceaux d'ar- gile durcie qui ont retenu parfaitement leurs formes. C'est par eux que nous |)ouvons dislinguei' outre doux sortes do bâtiments, les huttes de terre et les maisons de bois dans losquollos les jointures entre les solives sont fermées par de l'argile. Los ruines do bâtiments do la première sorte nous offrent des morceaux iFargile de formes irrégu- liéres, habituelloment lisses sur un côté, mais sur l'autre — tourné à l'intérieur — offrant des impressions do brindilles ayant souvent [ilus d'un demi-pouce d'épaisseur. La partie interne de ces maisons consistait généralement en une <'hambre carrée, oblongue, donl les côlés les plus longs étaient bas, souvent moins élevés (pi'uno haulour d'iiouimo, et manquant de fenêtres ainsi que de portos. L'entrée se trouvait à une extrémité, et un porche la protégeait. Loi'S(|iron y ailaiilail luio fouélic, on la plaçait sur lo toit, (pii all.iil on pointe ot r(q)osait sur i\rii traverses portant d'un mur à l'autre. Ils n'avaient point do cheminée, seulement une ouverture dans h' loit ]iar où soitait la l'innée qui s'élevait de l'àtro, situé au milieu de la chambre. Le toit était couvert on paille, en gazon, ou avec des bardeaux. Le mobilier, dans les maisons des paiens, n'était ni abondant ni précieux. Des bancs et des couchettes attachés aux murs, de grandes tables en face de ces bancs, et une armoire ou doux pour conserver les trésors de la famille, tels étaient los articles ■i-2H LE PAYS UL' SOLEIL DE MINUIT priiicipaux du mobilier, sinon loul le mobilier. On a parlé (lucbiiicl'ois (le rliaiscs, mais pas soiivenl. Odin s'exprime ainsi d'après le chant de ll.'ivanial : Slli' hi ciiaisc d'or, (lillilud m'a ilniiiu'' A Iioii'r le coûteux liydiiMiiel. El, dans une sai^a irlandaise, on nons dit conimenl nn liomme loiiilla dans un nioulii-nle lombal de Norvège, eu lUll, el v trouva riiiii' riiiiii|iii' ;ivor li^nres. prés I.evode, en Gollanil. ll("i_ybou (habitant du umuliculei assis sur une chaise, ayant sons ses pieds nue cassette remplie d'or el d'ari^cnt. On a également li'onvè, et d luie façon assez inallenilnc, des restes de coussins de l'èpoipie des Vikings. il y a (|ui'lipies années, on a l'ail uni' seniblalde découvei'le dans nn nmnlii-uli' londial li.ius l;i p.iilii' sud-esl de la Norvège. Il est exIréuienii'Ml |n'obable ipie la niajeiu'e partie des forts en jnerrc! ipie l'on voit siu' les haideius, dans diverses provinces, ont été construits comme refuges et coninn' protection contre les attaques et les incursions des ennemis. Ils S(MiI en grand nombre autour du .M;ilar el d.ins les iles de ce lai'. La planelie suivante repi'éseule un de ces l'orls à Ismanslorp, eu Oland. Le mur, en blocs de granit el en calcaire, est très solide, bien (pie l'on n'y V(»ie auciuie trace de mor- tier; sa bailleur com|torle environ (piinze pieds, et sa largeur neuf au sommet, où il n'est pas endommagé. Plusieurs ouvertures con- nUINES A ISMANSTdHP i2\) (luisent à ce l'oil donl le dinmèlre n'a pas miiins de 400 pieds. On apeiroit encore à rinléiieur les murs de fondation de nombreuses maisons. Pour l'aire du feu, on se servait de sili'x cl de lHi(|n('is en ncier, dont beaucoup oui été Irouvés dans les tombes de cet âge. On peut se former une idée assez exacte des ustensiles employés durant cette période, d'.ipi'és ceux trouvés d.ins les tombes. Une i|uantité de vases Fort à Isiiiansl(ii-|i, en Oliuicl. surtout ont été conservés. Les ustensiles de cuisine élaienl de bronze, d'argile, de pierre ou de fer; les vases ;i boii'e, d'or, d'argent, de verre, d'argile et |)lus généralemeni di' c(n'ne. On se servait de conleaux, et on avait aussi des cuillers de bois et de coi-ne. On a Irouvé lies vêtements en fourrure, en peaux, en laine el en lil. et qnelipn'fois eu soie; les ornements de bronze, d'argent et d'or étaient aussi en usage. Des dés et des échiipiiers ont été découverts et aussi des traces de pièces d'écliecs, (|ni prouvent que ce jeu doil avoir été conini pendant le ix" siècle, sinon avaid. Le mode d'inhumation durant l'éporpii' Viking est démontré par le grand nombre de tombes de cette période ; on les trouve en Nor- vège jusqu'à Lofoden ou sur la terre ferme. On voit par ces tombes WO LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT (|uo l;iiilùl on Iii'ùl.iil les corps et qiio t.iiitùt on l.'s enlerr.iit s;iiis les lirùlei-. Li-s lombes sont m:iniiié:'s soit par des monlicules ou des pierres eu carré, par une li.uure à Irois pointes, ou par les contours (l'un navire. Ce dernii'i- imlicc était probablement sur des lombes de V'ikings. Au sommet des monticules, ou voit souvent des pierres ron- des, a ptrémontées de cercles ou d'autres figures. Prés (le Biôrkon, appelé ;inssi Hirka. on a ti'ouvé hcmcdup de mon- ticules funéraires, pr(dialdi'uienl |ilns (pi"( ii loid anhc lien delà Scan- dinavie; le nombre de ceux encore visibles dépasse douze cents; maison en a énormément détruit pendant les siècles passés. Dans ces dernières années, onae.xaminé avec soin i)lus de cin(| cents de ces tombes ; tout ce (pi'on y a découvert prouve (pielles ont appartenu à la dernière par- tie de l'ère j)aïenne. Une remarquable pierre riniiipie a été trouvée dans l'église de Roks, en Ostergotland. C'est la plus longue inscription iiini(pie sin- la(|uelle ou ait encore mis la main. La voici traduite: Ces runes sdiit laite.-; en iiii'iiioife de Vainod ; Varen, son \mv, les a laiilées Après la iiioil de son lils. Je parle do mon (ils, (pu piil doii/e l'ois un donlile Ijnlin sin- des lioniines dif- iï'cenls. Je dis ceciconinii' l'antre, ecniinient il l'nl entom-i' par ne((r Iroujies tl'enne- niis \eniis de l!edi;ols, et trouva ainsi la mort dans la liataille. Antielois. le roi, Ca|iitaiiie des coinaLiciix N'iiùngS, ili'iliiail sur li's licnds (li''l!ejdsea. (îe roi ^éni'reux Ksi aniK' sur son coursier, 1:^1 sur son ('paide Pend son liouelier. Je dis eeci eoinnie le douzième, Coninii'iit le clieval de A'alkviia Je loup Tron\e du l'ourraiic en (pianliti'' sur les prairies 0('( sont liiudii s \in,;;t rois. Je disceri eonnnele treizièiue, One viii^'l rois sont assis en Zealand Dans cpiatre lii\ers, avec quitre noms, Fils do quatre frères : cinq du noai INSCHIPTIOXS TIMILAIHES 431 De Yalke. lils de Raclulf; cinq Hejdulfur, Fils de Riii-'ulf ; cinq Hairislnr, Fils de Hiiivad ; cinq (ianiMiiinliii', Fils de Oi'ii... Je [larlc de nidiilils, dcsccndunl De lieras : c'esl ^'ilen. Il pi'iit toujours Ti'a>erscr les \agiies: c'est N'ileu. Les Yikini;s l'iiienl. L'arl (le coiislriiifc les vaisseniix élait 1res avaiicé dans le Noi'd el les Norsemen possédaient des navires en grand nombre. Snorre Stur- lasson dil : " Dans une guerre avec le Danemark, le roi Anund Jacob eul une Ibdie de |tliis de 400 vaisseaux. » A une aulre époque, on parle dini nombre plus élevé encore. La saga sur saint Olaf dit : « Dans son allaque contre la Norvège, Kiud le Grand (Canut) arma une Hotte de quatorze cent quarante navires. Ils étaient mus en partie par les voiles, en partie parles rames. Chaque vaisseau n'avait pas plusd'un mal et (finie voile. Ces voiles élaienl liabiluellement en grossière élotre de laine, et quelqucfiiis de soie, avec des raies bleues, rouges et vertes. Le nomiire des rames était souvent très grand et on connaissait la taille d'mi navirefpar la quantité de sièges des rameurs. Le vaisseau d'Olaf Tryggvesson, Oriiicn Luiujc (le grand serpeiil i, le jilns fort de la Nor- vège à cette époque, avait 34 paires de rames, et un éipiipage il'à peu |»ii's KlOO lioinmes. Canut le Craiid possédait un Draf/on (un vaisseau a\i'c iww tète de dragon à la [loiipei qui avait plus de (iO [laires de rames. D'apivs les gravures que jiortent les pierres tumulaires et les rochers en Scandinavie, et d'après les trouvailles, on peut se faire une idée de la forme des vaisseaux dont on se servait aux temps anciens. Dans la paroisse d'Alskog, à Tiângvide, dans la partie méridionale de Tiie de (lotland, se tronvail une pii'ire riinique (renviron cinq pieds de hanl ; elle est maintenant au Musée de Stockholm. A la base, ou voil un vaisseau-dragon avec un seul mfit el lun» seule voile. Sur le poni se lient une rangée d'hommes armés, l't. au-dessus du loiil. un cheval à huit pieds. — représenlalion de Slei|iner. le chi'val d'Odin, — devant leipicl des hommes déposeni des offrandi'S. L'inhumation dans des navires se faisait assez fréquemment au Nord, ilnranl l'agi' \ikiiig: cela es! alteslè par les sagas, el par plusieurs 432 LE PAYS DU SOLEIL DE MINL'IT Irouvailles récentes. Eu Suède, Norvège et Danemark, un a découvert des monticules renfermant des navires dans lesquels les guerriers ont été ensevelis avec leurs armes et leurs chevaux. Dans la saea de Hakou le Grand. Snorre Sturlasson donne le récit -^^.^ -^#7=^^" i^-ï l'ieiTC raiii(iiie à Tjangiide. d'une lialaille (|ui' ce roi livra, en 944, aux fils d'Erix Hloodaxe et à leur mère Giudiild ; ces derniers furent défaits. A c»Mè de Hakou liuuha, avec bcaucou|) d'autres, Eigil Ullsârk. Après avoir remporté la victoire, le roi Hakon s'empara des vaisseaux des fils d'Erik, (pii avaient été tirés sur la plage ; il fit déposer dans un de ces vaisseaux Eigil Ullsark et tous ceux qui avaient succombé à coté de lui. et l'enterra sous un EXHUMATIONS DE VAISSEAUX 433 monticule de terre et de pieries; il ensevelit ensuite ses ennemis dans d'autres navires. On oit encore ces monticules au sud de Frejderbjerg à l'entrée du fiord nord. De hauts bautastenar indiquent la tombe, d'Eigil Ullsârk. Près de Borre, dans le voisinage de Horten, non loin du liord Christiania, on a trouvé, en 1852, dans un grand monticule, les restes d'un vaisseau qui avait eu de 30 à 55 pieds de long, et, dans ce vais- seau, des ossements humains brûlés, les squelettes de trois chevaux et d'un chien, outre plusieurs antitpiités précieuses. Une tradition préleiid Navire vikiinl tioiivo diins im uioiilictilc funéraire à Tune. que ce monticule renfermait les tombes des rois de Vestfold, Oslen et Halfdan, (pii llorissaient à la tin du vm° siècle. Dans un autre monticule, à Ultuna. au sud d'Upsal, on a ramené au jour, en 1855, les restes pounis, mais parlaitemenl visibles encore, d'un vaissi'au dans lequel avait été enterré un homme avec ses armes et ses chevaux. Les chevilles (jui assemblaient les planches se trouvai(Mil encore à leurs places. Le bâtiment semble avoir eu la taille d'un petit sloo]». A côté du corps gisait une épèe avec une magnifique poignée en bronze, superbement ornéi'. ainsi ipn' les rcslcs d'un fourreau en bois et ses moidures dorées. En sus de ces objets, on ramena un c.TSipie avec cimier d'argent, incrusté de lironze, — le seul casque des tenq)s païens découvert en Suéde ; — l.i boucle de fer d'un bouclier incrusté de bronze, la poignée de ce boucliiT, un paquet de pointes de llèches, deux mors de bride, trente-six pièces d'ècliecs, trois dés et des débiàs de deux squelettes de chevaux. A l'arriére du vaisseau, on avait déposé un gril en fer, un jiol faltriqné avec des plaqnes rivées et un manche à 28 434 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT demeure, et des os de porc et d'oies, — restes de la fête fiinélire, ou du festin préparé eu l'honneur du défunt pour son vovrii^e vers la Valhalla. Ou fabriquait ces articles en fer, excepté ipiaud C(da était autrement spécifié. A Nydaui, sur la cote méridionale du Jutland. on areliré d'un ma- rais, en 1803, un jirand et beau bateau eu chêne, (|ui était mis en mouvement |)ar (jualorze avirons de chaque c(jté. Il avait 80 pieds de long, et 11 pieds de large dans sa partie la plus développée; liant et pointu à chaipu' exirémilé; au ccnln'. il plongeait de .'i jiieds dans l'eau, et ressend)iait assez au clippcr de nus jdnrs. Ou l'avail cdii- struit avec onze lourdes planches, cin([ de cliaque cùté, et la dernière placée au fond en forme de (]uille. Les madriers se recouvraient l'un l'autre et étaient rivés ensemble par des chevilles en fer dunl li's (êtes rondes apparaissaient extérieurement ; h's espaces avaient élé cal- fatés avec de la laine trempée dans de la poix. Ces mailrins éliiicnt ajustés d'une curieuse manière aux membrures du bateau ; à chaipie place où ils les touchaient, on avait ajouté une bande longiindinale de chaque côté; un trou était jiercé à travers la membrure el à travers ce trou passait une corde, faite avec la partie ligneuse de l'écincc du tilleul. On donnait de la sorle an lialean ini éiiiiiiciil degré de sou- plesse, très avantageux dans le ressac el dans les uhms houleuses. A chaque extrémilé, une poutre, s'élevant de beauconp au-dessus du ba- jean, retenait les madriers. A traveis la partie supérieure ili'. chacune di' ces poutres, on avait percé un gr.ind h(in, dans hMpicl. ;'i en juger par la manière doni ils siuil usés, on passai! iiroliablenicnl des cordes (piandle liatean devait élrc lin'' snric ri\age. Mênie à léïKupic des Vi- kings, les plus grands navires l'Iaient amenés à Icric |»i'ndaiil l'hiver. Les deux extrémités dn bateau se ressemblent tellement, (pi'il est dif- ficile de décider (pnd est l'avant ou l'arrière. Cette forme rappelle d'une façon frap|)anle la description des navires des Suiones donnée par Tacite, ipuMcpies généralions seulemeid avant la conslruclion du bateau de Nydam, (|ui, selon les monnaies loiuaincs (pie Ion y a trouvées, doit avoir été effectuée environ trois cents ans après l'ère chi- lienne. Tacite dit que les navires des Suiones ne ressemblaient pas à ceux des Romains, car, dans quelque direction que l'on ramât, ils avaient toujours un avant pour aborder à terre; ils ne portaient point LE TUMLLUS DU HOI, A GOLKSTAD «3 lie voiles. Le bateau de Xydam ne |)()iivait avancer ([u'au moyen des rames, et Fou iTa pas liniivi' de (races d'nii mât; les avirons, de même l'orme que ceux maintenant en usage, avaient une longueur de douze ]iieils. Sur un côté du lialean. on a trouvé le gouvernail. i|ui est ('troit et ressemlde plus à une rame iju'à ceux de nos jours. — Les ^gouvernails de la plus ancienne période, et jusqu'à répo(|ue médiévale, étaient attachés à droilc de l'arriére, et non au milieu, comme maintenant. C'est le côté (pie nous appelons tribord. En 1867. on a extrait d'un monticule à Tune, en Smaalenene, Norvège, un vaisseau viking, aujourd'hui au musée de Christiania. €e navire, qui n'avait i)oiiit de [tout, est en chêne; les |danches étaient attachées à la charpente par des chevilles en bois. Le boisage est snpéricnremeni l'ail; la (piille, formée d'une seule pièce, a été ^entièrement préservée. Le Ijateau a environ (|uarante-deu\ jiicds dr long, sur douze de large; sa hauteur ne doit pas avoir excédé (|uatre I)ieds trois i)Ouces ; l'avant et l'arriére sont très pointus et exactement semblables. Le plat-bord étant complètement détruit, les trous des rames manquent, et le nombre d'avirons employés est incertain; mais le vaisseau itortait aussi des voiles, et la partie inférieur!' du mal, qui était en sapin, est encore en |)lace. Le gouvernail, ressemblant à une rame, se trouvait un jti'u en an-ière du mât; cependant, l'appa- rence de la barre du gouvernail prouve (pi'on l'altachail sui' le colè du vaisseau. Ce navire contenail le cadavre non Inùlé d'un cin'f, [dus trois chevaux, des épées, dfs épicnx, des boucliers, etc. Sur les bords dn liord Sande. à l'cnlrée dn liord Christiania, une trouvaille plus remanpiable encore a été l'aile en 1880. Dans la ferme de (iokstad, est situé le cèlèlu'e Kong's Hang (monticule du roil. En creusant à cet endroit, on a ramené au jour un navire bien conservé de l'époipie viking. Sa coque a 70 pieils de long et environ I '(• pieds de large jtar le travers; sa liaulenr perpendiculaire ne peut pas avoir ■dépassé 3 pieds; contrairenieni an baleau de Tune ci-dessus men- tionné, qu'il dépasse de beaucinq) en laille, il est très long, étroit et bas. Au milieu est ajustée une j)Oiilre, dont les deux extrémités sont taillées en queue de poisson; elles servent à supporter le mât, (hnil un morceau existe encore, mais la parlie supérieure, qui a été coupée, gît au fond du navire. Dans ce vaisseau, et à côté de lui, on a déconverl 436 LE PAYS DU SOLEIl. DE MINUIT dos portions de deux ou trois bateaux jdus petits, et aussi des mor- ceaux de voiles, de £;réement. de rames, le gouvernail, (|ui était atta- ché sur le côté du vaisseau, etc. Les plats-bords étaient couverts de boucliers dont les moidures en fer, aussi iiien (iiic les pièces peintes de diverses coulems. (nil été conservées. Hors du vaisseau étaient les ossements de trois chevaux et d'un chien. Quand les Vikings arrê- taient leurs vaisseaux, notamment itendant la miil, ils avaient cou- Restes (lu navire trouvé à Ui'ikstad. tume d'élever des teides au-dessus d'eux pour les proléijer. Sur ce vaisseau, — comme le repos du chef devait durer justpi'à Ragnarok Ha lin des lemps-. — au lieu d'une lente, on avait conslriiil une cliindiir funéraire en Imis. Elle était située un \)Ci\ en arriére du mal et formai! ciininn' le loil d'uiii' di'ini'in-i'. Mallii'tinMisemriil, la [iressioii de la masse de terre ipii le couvrait a brisé les espars (pii soute- naient la siruciure; il est évident aussi (|u'à une époque antérieure, celle chambre a été visitée; celui qui a remué la terre a crevé le fond du bateau, et sans doute dérobé une graude partie du contenu de la LE TUMULUS Dr ROI, A GOLKSTAD 137 tombe; c'est pourquoi on n'y a trouvé que peu de cliose; mais ce peu de chose est néanmoins d'un grand intérêt : débris d'ossements non brûlés, restes de vêtements magnifiques, d'élolïe brochée de soie et d'or, de brides et de liarnais, montés de belb's }ilaques en bronze doré, parmi lesquelles on compte des pièces admirablement Iravai- lées et d'une excessive rareté. Ces trouvailles sont d'une haute valeur, car elles illustrent les récils des vieilles sagas, sur la coutume d'en- sevelir dans son vaisseau le champion décédé. Ce fut sans doute sur des navires comme ceux-ci (]ue les Vikings exécutèrent leurs témé- raires prouesses. CHAPITRE XXXI .Foires en Scandinavie. — Toire à Laerdalsoren. — Arrivée à la foire par hateaiis. — l'ne place enoonibrée. — Coftiinics ilii dislricl de Laerdal. — Articles de vente. — Comment le peuple est loijé aux foires. — Marchandises populaires. — Bons moments. — Paroxysme de la foire. — L'ne foule joyeuse. — Manière de faire la cour. — Arrangement.-. — Scènes d'adieu. Dans loulo In Scandinavie, il se tient des foires, une ou deux fois l'ail, aux endroits les mieux disposti's jiour de grandes agglomérations de gens ; les négociants envoient des maixliaiulises pour ces occa- sions et souvent on bâtit des maisons spécialemenl piuir les loger. Il y a aussi des foires aux clicvaiix et aux hesliaux. el d'aiitics où Ton ne verni (pic des marcliandises et des prodiiils iiiaiiiilacliirés. Nous étions en septembre. De nombreux bateaux vogiiaicnl vers le bord pour se rendre ;ï la foire ipii allait se tenir à Laerdalsoren. localilé située à la pointe du fiord Sogne. Hommes el femmes ramaient; mais, en approcliaiil du rivage, les bateaux s'anéléfetil pmif donner aux rameurs le temps de procéder à leur loilelle avant d'aborder. — Les femmes mirent leurs jupes et leurs corsages sur leurs colilldiis, peignèrent leurs clieveux. ajustèrent leurs lionnets neufs ou (loniiérenl la dernière touclie à leur toilette; car. s'il est une chose à iaipielle tienne particulièrement la femme d'un bonde, LA FOIRE DE LAEUDAL 439 c'est d'être propre et bien aiTaiit;ée ijuainl elle se montre en public. Après avoir débarqué, je trouvai les rues étroites de Laerdalsoren remplies de monde, et surtout d'un liraiid nombre de femmes; elles étaient vêtues de leur mieux. — Les hommes, vestes en drap bleu foncé avec des boutons d'argent, et (juel(|ues vieillards en culottes; les femmes, en robes montantes de laine bleu foncé ou noire, les corsages fermés par des boulons d'argent. Les matrones [)ortaient les coitTures caractéristiques des différents districts, et les dennti- selles des mouchoirs ou de petits bonnets. En atteignant la rue principale, je me vis tout à coup entouré d'amis (pu me souhaitèrent la bienvenue à Laerdal. La foire devait durer trois jours, et chacun était venu pour acheter ou vendre, les fermiers ayant principalement besoin de morue séchée, de harengs, de sel pour le bétail, de farine, de Ihé, de café, de sucre, etc., pour la saison d'hiver ; les femmes désirant des vêtements pour elles et leurs familles. Plusieurs magasins demeurent ouverts toute l'année et sont rem- plis de marchandises envoyées en consignation par les marchands de Bergen. La saison s'ouvrait au moment de ma visite. Les nou- veautés pour l'année — ce qu'on appelait la dernière mode — s'éta- laient à profusion, et, parmi les articles exposés pour tenter l'ache- teur, brillaient au premier rang les châles, les mouchoirs en soie, en laine ou en coton; puis venaient les marchandises en coton de tout genre, et un grand dé|)loiemenl de parapluies, car chatjue femme semblait mettre son orgueil à en avoir un à elle. Quelques joailliers étaient venus de Bergen, et leurs bijuuv alliraient les femmes, les filles et même les hommes. Presque tous avaient apporté leurs provisions dans des boites ovales en bois, souvent fastueusement peintes. Ils logeaient dans des maisons des alentours ; chaque chambre à peu près comble. Ils payaient le logement et le café, iiuelques-uns aussi le repas. Mes amis me présentèrent aux personnes de districts où je n'avais pas encore mis le pied ; bientôt il me sembla cpie je connaissais tout le monde ; une société venait me trouver et faisait une promenade avec moi; une autre s'emparait de moi et m'emmenait; en sorte que^ 440 LE PAYS DU SOL?:iL DE MINLIT nous nous rencontrions et nous séparions plusieurs fois par jour. La manie d'aclieter semblail posséder ces bonnes gens; linale- menl elle me saisit aussi. J'achetai à droite et à gauche, ici un chfdo, là un para}»Uiie ou un mouchoir en soie, en me promenant avec de bons amis et leurs tilles ou leurs sœurs, jusqu'à ce que nous lussions arrivés aux joailliers. Le moment était venu de faire voir que je n'avais pas oublié les bontés que l'dii avail eues pour niiii. Mes compagnons se rassemblèrent autour des vitrines, où llambovail [oui un assorti- Jcune lille de liergcn-SlilV. ment de cuillers d'argent, de cliaiues. de broches propres à satisfaire le goi.t dt's gens de c pays, il de grandes quantités de bagues d'argent ddiil beaucoup étiient ornées de petits cœurs en or, de manis ciiIk lacées; mais ralli'açlioii la plus lorle était produite par les bagues d'or. L'ambition d'une jeune lille est de posséder un de ces trésors, une bague en or uni' étant sou princii)al ornement du dimanche et des jours de l'éti-. Il y avait, en outre, des dés à coudre en argent, don! (jutdques-uus dorés à l'intérieur, et des boulons d'ar- gent que perlent beaucoup les hommes et les femmes de ce district ; les'fenmies suiIomI en nicllenl sur leurs robes. Quelques-uns étaient unp: foulk joyelse au sertis de pierres rouges. On venilait aussi des montres d'argent pour hommes, en ipi.iiililés considérables. J'achetai d'abord une chose, |)uis une autre; ceci pour Brita, et cela pour Ingeborg, Inger, Sigrid, Dorte, Anne, et enfin pour Ole, Lars, Mikkel. Un présent fait à la foire a bien plus (le i)rix qu'en toute autre occasion. J'éprouvai un grand plaisir à faire ces modestes cadeaux et je voulus aussi me donner un joyeux moment en rendant mes aniis lii'ureux. La foire sembla arriver à son pinacle vers cinq heures du soir, lorsque le monde eut dîné et se sentit en bonnes dispositions. — De tous C(Jtés les invitations pleuvaient sur moi. l'iiis le jour avançait, plus nous deve- nions amis; sept d'entre eux me jurèrent une éternelle amitié, et, en effet, jusqu'à ce jour, nous sommes demeurés bons amis. Pendant que je me promenais avec deux demoiselles, un l)rave garçon, qui, évidemment avait ingui'gité plus de boisson qu'il n'en pouvait supporter, voulut manifester son affection à l'une d'elles. Elle lui dit en riant : '< Vous savez bien que je ne vous aime pas ! » Et elle lui recommanda « d'aller trouver Berit, car c'était elle qu'il aimait ». Puis elle me dit confidentiellement : « Paul, ce gaillard-là a fait la cour à Berit pendant plus d"uii an, et mainlenani il vent courtiser une autre fille; mais je ne suis pas cette fille-là. » J'avais continuellement sous les yeux de ces innocentes intimités entre jeunes gens du même hameau. Ou voyait des garçons se promener en tenant par la taille des demoiselles auxquelles ils irélaienl |ioiiit engagés, — la fille d'un voisin, on la sœur d'un ami. — peul-èire le commencement de ce qui finirait par un mariage. Parfois, cependant, une jeune fille repoussait un garçon d'une manière (jni donnait une haute idée de la vigueur de son bras, aux grands éclats de rire de tous ceux qui étaient témoins de la déconfiture du pauvre hère. Ces filles de fermiers sont bien iilus fortes que les jeunes femmes de la ville. Vers la iinil, beancdiqi d'Iiommes élaicnl foitement lancés, ayant bu un peu trop, mais pas une feinnic n'avait (hqiassé la mesure; les fer- miers n'auraient |)as été satisfaits de leur séjour à la foire s'ils n'avaient fini la journée dans la joie. Il n'y eut pas de (pierelle, pas de langage grossier, pas de jurons, car les bouder mirvégiens ne jurent pas. Quand rdbscinilé fui venue, un alluma les lampes dans les magasins et la foule (•(uilinna d'acheter. A huit heures, elle avait déjà dimiiuiéet o M2 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT les femnios s'étaient presque entièrement éclipsées; cliaqne maison île l'enilroit et toutes les l'ermes environnantes re.uorgeaient tle monde. Les logements, ([uoique restreints, sullirent cepenilant à accommoder les étrangers; trois ou ipiaire filles dormirent ensemble dans un lit et beaucoup d'hommes sur le plancher. A neuf heures, cliacun se ivlira et la foire l'ut virtuellement terminée. La maison dans laquelle je dormis était occupée par une armée de paysans, tous mes amis, et ma chandire contenait trois lits qui servirent de couches à tlc^ dormeurs autant (pi'ils purent en admettre. La ]dupart quittèreni la loc.iiité le lendemain malin, et je demeurai seul à regarder chacun sVn aller. Le même senlimcnl ipii m'avait porlé ;i l;i gaieté, m'engageait maintenant à partir, et rien n'aurait pu me retenu' un jour de plus. Si j'avais accepté les invitations de mes amis, j'aurais été occupé pendant plusieurs mois. Au iiiomciil 1)11 jaillis uiiiiiler dans ma cai'riole, un iiean gai'çon me donna une liidie chaîne di' montre en argeni; une lllle vint nu' remettre une bague de même métal avec deux mains entrelacées, comme signe d'amitié, tandis (pi'une autre me présentait une petite boite sculptée, en me disant : " .l'ai deux fréi'cs et deux sieurs en Amériipie, où l'on est lion pour eux. Prenez cette pclilc lioilc : elle m'apparliciil pai' héri- tage l'I ili'piiis des centaines d'années elle est dans ma faniille. Prenez- la, Paul, ciimuic un iiihidr ilémoignage de souvenir) de moi. » Kt elle ajouta : « (Jnand vous irez en Amérique, tâchez de voir mes frères et mes sœurs, et dites-leur ipie Dieu a pris soin de nous tous; que notre père devient vieux, mais que notre mère est bien; dites-leur de ne jamais oublier Dieu, et de l'aimer comme ils l'aimaient eu Norvège. » CHAPITRE XXXII lu su|ht1)0 i.'ranil r.ifniiii. — Eiitiro ilo h I.aenlal. — \.e portail ilc Lysiic. — I.e di'lili' de i;al- (lerne. — Abomlaiico de saumon. — La renne do lliisnni. — Le vieux Hoar Halverseu. — Comment on liérite des noms de famille. — Indépendance du peuple. — Commenl nue ferme ])asse d'un iiére à son fils. — Une lonchanle seène dé famille. — La nonrrilure des distrieis ruraux. — L'ancienne église de Borgund. — .\dieu à Husum et à Laerdal. A Lnprflnlsoi'cii i(Mili'(''t' de l.i Licnliili comnienre l;i siiperlif jir.iiKU' roule (lui relie le linrd Sogiie ;'i l;i ville de ClM'i.- Pnis, avec un regard sup[tlianl, Roar reprit : » 0 père! tous vos enfants et moi sommes souvent peines de vous voir si fatigué quand le tra- vail de la journée est lini; l'ouvrage de la ferme est trop dur pour vous; il est temps que vous vous reposiez el ne fassiez [dus rien. Ueposez- vous dans voire vieillesse. Laissez-moi prendre votre place au haul de la table. » Tontes les figures étaient devenues extrêmement sérieuses, et l'on voyait des larmes dans tous les yeux, c Pas encore, mon fils. — Oh ! si. 448 LE PAYS Dr SOLEIL DE MIXLIT mon père. » Alors toute la famille s'écria : » Le temps est venu de M)us reposer. » C'était dur pour le vieux liomlc. (pii avait été si longtemps le chef (le la famille; mais il se leva, Roar iiril sa jilace, et fut alors le maître. Son père, dorénavant, ne devait plus rien avoir à l'aire, (pi'à vivre dans ime maison confortable et recevoir annuellement un montant 4/ . m Église lie Ikirs-'ninl. sti[iulé de grain un de farine, de pomiues de terre, lait, fromage, beurre, viaiule, etc. Roar, le lils aillé, est un de mes bons amis; intelligent, alioniié à plusieurs journaux, excellent cn'iir el parfait mari. Sigrid, sa femme, est industrieuse, toujoui's occujjée à remi)lir ses nombreux devoirs de ménagère; en été, quand bcaucou|) de voyageurs s'arrêtent pour la nuit, ou pour manger, ces devoirs ne sont pas peu de chose. Presque toutes les grandes fermes norvégiennes ou suédoises 29 CUISINE NORVEGIENNE 451 ont un ceil.iin ndmbre di; j/hnis, ou forj), pelils endruits avec maisons et un peu do Ijonne terre qui en dépend, lesquels sont loués à de cer- taines condiliniis. Les Norvégiens appellent ceux qui les détiennent huf^mucitd, et les Suédois torpare. Ils doivent })ayer par an une somme convenue, ou, plus généralement, travailler un certain nombre de jours par année, comme payement pour le logement et la terre culti- vée dont les produits leur appartiennent. Le mois (l'(jctobre est l'époque de la boucherie. La ménagère alors a beaucoup à faire pour préparer les saucisses et le lard qui doit durer jusqu'à rantomne suivant. La viande est salée, séchée ou fumée'. La môljii, (pie l'on fait avec du sang mêlé à de la farine, se fabrique en grandes tpiantités, et on la conserve dans des vessies ou dans des gâ- teaux; quand on s'en sert on la fait bouillir ou frire. Les Norvégiens ont plusieurs sortes de pains. Le f'Iadbrôd se fait d'une pâte non fermentée de Farine d'orge et d'avoine, souvent mêlée de farine de pois. La pâte est roulée en grandes feuilles circulaires, d'un diamètre de deux à trois pieds et de l'épaisseur d'un papiei- fort ou d'un carton mince ; puis on la fait cuire sur un feu doux ou sur un plateau en fer. La pâte est souvent pétrie avec des pommes de terre bouillies. Ce pain peut se garder au moins une année . Il est beau- coup plus mince {[ue le pain suédois et plus cassant. On fait le kfse de la même manière que le fladln'ôd, mais on ne le cuit qu'à moitié et on le replie sur lui-même quatre fois. On conserve le tladbrod dans le garde-manger, en masses cylindriques, souvent |)endant une demi- année; lelefse, dans sa forme convenable, est utilisé pour les voyages. Le (jrôd (espèce de potage) est le plat journalier du paysan norvé- gien. On le fait (|uel(piefois avec de la farine d'orge et même avec de la farine d'avoine ou de seigle. Quand le grôd a été retiré du feu et qu'il a cessé de bouillir, on y ajoute de la farine pour le rendre consistant; on l'appelle alors naevergraut^ et on s'en sert en voyage, ou quand les paysans sonl à Toiivrageà quelque distance de la ferme. Onmange géné- ralement le grôd avec du lait écrémé, mais on préfère (ju'il soit caillé. La pomme de terre est la nourriture principale; elle pousse jtarfailement et I. On faille qie leliind m f-A\A\\i et séchant i'iiihlemi'iil hi viaiidi', généralement des gigots et (les éjanl's de uKiiiton. 432 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT est lie bonne qualité ; le peu|iio s.iil bien coninicnt l.i cuire. On fait graml usage de poisson ; le liareng salé se mange avec les pommes tic terre, ainsi que la morue sèclie, c|u'on laisse tremi)er tout une nuit dans l'eau avant de la cuire. Sur la c(jte, on consomme beaucoup de ])oisson l'riiis. On .le sert consiiléi.ihlenienl de beurre et de l'mmage comme ali- menls. H y a Mois sortes pailiculiéres de fromage : 1° le iiii/sost, qui est f;iil ;ivec le |ie(il lail restant du fromage commun, bouilli jusqu'à ce que l'eau soit évaporée; on le façonne alors en pains carrés pesant de deux à cinq livres; sa couleur est d'un brun foncé. Il faut (pi'il ail au moins un jour avant d'être bon à manger. On ne le fait que dans les saeters où le liois est aliondanl, car il exige une grande ipianlilé de combustible. On le mange en lr;iiH-hes minces avec du pain el du beurre; les femmes el les enfants en sont surtout friands. Le meilleur es! celui qui est l'ail avec du lait de chèvre. On ])eut à peine le quali- lier de fromage; car il consiste principalement en sucre et en lait. 2° Le (/ammelost, que l'on confectioime avec du l.iil c;iillé, est un fromage l'oiid feruienli', ipic l'on conserve |H'iid;inl des mois diins la cive. 3° Le /lultost est aussi un fromage fermeulé, auipiel on mêle de la graine de cumin; on ne le fornu' jias eu pains, mais (in le consei've dans des lubes en bois. A une courle dislaiice au-dessus de Husum. un iciicuniir un .luIre beau délilé. Viudlielleii. Ici, la nouvelle miih^ siiil aussi la rivière, cl, eu liicn des l'iidi'nils, elle rsl lailli'i' d;iiis le nie. Au delà di' Mmllii'llen. la vallée s'élargit de nouveau el l'iiu ;iirive eu vue de plusieurs fermes el de la vieille église de lîorgnnd. rinii' îles plus inléressaiites de la .\or- vège. Celle curieuse église el celle de llilleidal apparlienueiil ;iu plus ancien style de l'archileclure ecclésiasUipic du pays; celle de Borgund dale pnibalilenieiil du li'Uips de saint Olaf, nu de son fils M;igiius. Sa ciiiili'ur siunbre el sa fin-nie iiarliculiére .illirnil (nui de suite l'allenlinn de l'étranger. Son clocher est surmonté d'une lléclie, et les toits en bar- deaux sont ornés de tèles de dragons el de croix. Une galerie basse et ouverte sur le terrain protège une parlie de l'édilice, dont les entrées sont couvertes par des pon lies. L'inlèrieur, avec ses curieuses décou- pures et ses ai'rangemenis, esl inesipie aussi liizaiir qur l'exlèrieur. Un espace d'environ vingl-ipiaire pieds carrés forme l'enceinle princi- pale et esl enlouré île dix piliers, derrière lesipiels sont des bancs pour L'ÉGLISE DE B(3RGUND /io3 la congrégation. Les anciens fonis baplismnux sont le seul objet en pierre. La nouvelle église, construite pour la commodité des fidèles, — car la congrégation est devenue trop grande pour pouvoir célébrer le service divin dans Tancieiuie, — est si prés de l'autre, qu'elle en gâte l'effet. Les jours passèrent agréablement à Laerdal avec ses bons babi- tants, parmi lesquels je compte beaucoup d'amis, beuroux de me voir et avec lesquels je corresponds quelquefois. Avant de quitter Husum, la femme de Roar m'offrit des gilets de dessous tissés à la maison, en me disant: » Paul, le temps est froid en Norvège pendant l'biver, et je les ai faits pour que vous les portiez. » En même temps, elle me remit une pliotogra[)hie la représentant avec son mari et ses enfants. Après un adieu cordial, et la promesse mutuelle de nous écrire, je quittai Husum pour continuer mon voyage. CHAPITRE XXXIII La feinif ilc Xy^liicn. — l'ne maison île refuge. — Vie ii Nystuen. — Deseente dans Valilers. — Cuslume des liabitants. — Ilosiiilalité à Vaiig. — Éiiiiuette parmi les Bôiidei-s. — Caiactèie du lionde norvégien. — Habilelé des hnnders. — Riles sacrés d'iiospilalilé. — Comment je vins il Vang. — Un Stortliingsniand. — I. 'église de Vang. — Un ecclésiastique modèle. — Travaux du pasteur delà paroisse. — Ferme de llaugen. — Comment les invités sont traités. — Naissance d'un enfant à llaugen. — Ferme de Kertrôst. — Un baptême. — Danse k Yalders. — Amis célibataires. A une distaiico de viiigl-iiiiJili'c milles de l'éiilise de Borgmid, après une excursion romaiiti(|iie, j'arrivai à la ferme montap;neuse de Nysliien, siluée sur les bords Sdiilaires de l'Ulruvand, à il. 102 pieds au- dessus du niveau de la mer el près du poiiil le plus èlevè de la niule. Cet einlidil es! le hienveiiu eu hiver lorsipie, glacé el allamé, le voya- geur atleint sou loit hospitalier et obtient un cordial repas, un verre de vin, une excellente tasse de café et un bon lit.  ce moment de l'année, la foule des touristes a disparu, el, des fenêtres de la chambre chaude, on peiil jduir de la vue du lac congelé et du })aysage hivernal, avec son ciel sans nuages pendant le jour et ses étoiles scinlillanles pendant la nuit; on peut aussi voir arriver une tempête de neige et se féliciler de ces agréables quartiers, ou écouter les sifllements du vent, (jui, parfois, fait trembler les maisons et qui les renverserait, si elles n'étaient con- struites ])arallèlement à la vallée et selon le sens de la lenipèie. UNE N(U'YELLE ARCADIE 453 Les étés sont très courts ici ; le grain n'arrive pas à maturité, quoique riierhe soit ahondante et qu'il y ait assez de pâturage et de foin pour nourrir on liiver beaucoup de vaches et de chevaux. Les longs et rigou- reux hivers ne sont pas solitaires; car, régulièrement, les gens, dans ces endroits écartés, ont de nombreuses familles, et leurs enfants et petils-enfants en font une colonie. Le vieux Kvuit Nystuen était le progéniteur d'une kyrielle de descendants. Il a transmis la station à son lils et occupe maintenant, avec sa digne épouse, une maison où se trouvent à l'étage sujiérieur des chambres pour les invités. Ils ont leurs plaisirs et la paresse leur est inconnue. Les femmes lissent, illeiit ei tricotent; les hommes pèchent et chassent; ils aident aux travaux de la ferme, et vont chercher du bois et du foin, quelquefois à de longues dislances. De Xystuen, la route vers l'est descend rapidement dans Valders, au milieu d'un paysage sombre, animé par la rivière, par des bois de bouleaux, et quelques fermes. A neuf milles environ, on atteint la pointe de Vangs Mjosen, à 1494 pieds au-dessus de la mer. Il est peu de paroisses en Scandinavie dont je me souvienne avec autant de plaisir que de celle de Vang. Je n'oublierai jamais les fermes W'Ojidal, de Tune, NerlKÔst, Kvale, Haugen, Ellingsbo, Bu, Sôyne Kattevold, Baggelhun, Kvam, Lene, Sparstad, Nordland, et autres. Chaque ferme a son nom en Scandinavie; (pielquefois elles ont été partagées soit par héritage, soit jiar d'autres causes, o\ chaque proiiriélaire bâtit une maison sur la partie qui lui appartient, mais toutes [lortent le même litre. Là où le sol est bon, il y en a un certain nombre à de courtes distances l'une de l'autre, reliées par des routes grossières et étroites, où peuvent passer les chariots. Yalilers est un des districts intérieurs les plus romauliiiues de la Norvège. Le panorama toujours changeant, qui au nord est lugubre, devient plus gai quand on descend dans Slidre et Aurdal; dans ce dernier district quelques vues sont exquises, spécialement t[uand la route gravit la pente orientale de la Tonsaasen. par une montée graduelle de plus de sepl milles. La |)arlie septentrionale de Valders est pauvre; car, de même que dans d'antres parties de la Norvège, les pierres y abondent, la bonne terre est rare, et les familles sont nom- breuses; mais les pâturages de montagne sont riches, et les habitants 43G LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT lirciil un moilesle revenu du prodiiil de leurs laileries. Cliaque fdis que j'allais à Yanjj, la seule chose (|ui nreiinuyàl élail de déeider à quelle ferme je rn'arrèlei-ais d'alidid, car je ne voulais pas causer de jalousie; aussi, afin de li'iir faire senlir (|ue je les aimais lous, je faisais une visite à cliaciui. Nombreuses sont les semaines charmantes que j'ai passées dans ce séjour arcadien, où les gens semblaient rivaliser entre eux à qui rendrait leur ami Paul pbis heureux; rien n'élail trop bon pour lui. Feu importait à quel moment il arrivait : jour on nuil. toujours il était le bienvenu; on plaçait devant lui les meilleurs plats possibles. Je ne pouvais faire de visite nulle par! et obtenir la permission de me retirer, sans prendre im bol di' la il, une tasse de café, une }oetite larme de lirânvin, ou manger quelque chose. Impossible de refuser, et souvent je me suis trouvé mal à l'aise pour aviiii' Iriq) Ini et trop mangé. Les culottes de cuir sont passées de mode, et le costume consiste aujourd'hui en une jaquette, un gilet à boulons d'argent, et des pan- talons. Les parties fashionables de la toilette sont l'écharpe en laine et le chapeau de feutre rond, (pie l'on conserve siu' la léle dans la mai- son ou à la danse, dans l'idée que c'est plus comme il fini. Les fem- mes portent les robes habiluelles eu vadmal ou autre tissu léger, ou un mouchoir de couleur sur la tête. Une des particularités du fermier norvégien, c'est que l'étiquette demande qu'un ami qui \ient le visiter ignore que l'on a fait des |iiéparalifs ]ii}ur lui. Le commensal n'est pas plus tôt assis, que le café est mis sur le feu et le manger jirépaié. Lors(]u'il voit (jue ton! va être prèi, il se lève el dil : » Adieul » sur (|uoi on le prie de rester, el, après une faible résistance, on le conduit à l'étage supérieur, ou dans une chambre voisine. Les tasses de café sont toujours remplies de façon à déborder, car autrement cela semblerait jnesipiiii. Une autre coutume m'amusail beaucoup : c'est quand on o lire le lait ou le brânvin; le commensal refuse d'abord, en disant : << Ne le gas- pillez pas pour moi ! » L'iiole insiste ])our ipi'il boive ; alors il lé sirote, et rend le bol ou le veric, en disant : « C'est trop. » Une autre démonstration a lieu, et enfin, à la troisième fois, il avale le contenu du verre. RITES SACRES DTIOSPITAMTK 437 Le iMinde iionéjiion est vigoureux, calmo el l»rave. Sous son exté- rieur grossier, bat le plus noble cœur; froid extérieurement, mais faci- lement amené à l'autre extrême, bon pour la famille et compatissant pour ses bêtes; il faut le connaître pour l'apprécier. Il est véritablement et honnêtement pieux; ses sentiments religieux sont profonds et ont été cultivés dés sa plus tendre jeunesse. Il est rare ipie le fanatisme puisse aveugler son excellente nature et fasse de lui un bigot. Dans le caractère des hommes et des femmes, il y a une veine de sérénité el de mélancolie, résultat dû, sans doute, à la nature austère qui les environne. Les parents sont bons et indulgents pour leurs enfants, et je ne me rnj)pelle pas en avoir vu se servir envers eux d'un langage grossier, ou les frapper. Les membres d'une famille ont beau coup d'affection l'un pour l'autre, iiieu qu'ils soient réservés. Les que- relles sont très rares ; même dans les fermes les plus communes, je n'ai jamais été témoin de scènes de violence entre mari et femme. Les fermiers sont très adroits en tout genre de main-d'œuvre. Quand l'un d'eux veut bâtir une maison, ou faire une addition à sa ferme, il va dans la forêt, abat les arbres et se constitue son propre char- pentier. Il sait aussi, à l'occasion, être tanneur, bourrelier, forgeron, cor- donnier et meunier ; le long de la côte, il construit des bateaux et des navires, et est en outre un pêcheur expérimenté ; il est encore fabricant d'instruments de musique et de meubles, orfèvre et joaillier. Chasseur dans les montagnes, il poursuit l'ours, le renne sauvage et le ptar- migan. Point de contrée en Europe où les rites de l'hospitalité soient con- sidérés comme plus sacrés que chez les Scandinaves. Le voyageur est à la fois surpris et charmé de voir partout ce beau trait du caractère du peuple. Le pauvre même ne permet pas que l'on quitte sa demeure sans qu'il ail olîert (jnelque chose à manger ; refuser serait offenser sa fierté. Partout l'étranger se souvient de ces paroles de l'ancien Edda : Celui qui vient coiuine un liùte A besoin d'eau, de serviette et d'hosiiilalité ; Failes-lui éprouver une disposition amicale ; Qu'il [)uisse parler et répondre. Voici de quelle manière je vins la première fois à Vang. Je voya- /,o8 LE PAYS DU SOLEII> DE MINUIT goais sur l'im dos stonmers qui vonl de Bergen au lloi-d Sogiie. Comme d'Iialiiiinle, je m'étais mêlé au peuple et je liavardais avec les liûiider. l'eiidaiit que je dînais avec plusieurs d'enlie eux, je remarquai \\u homme ([ui nous surveillait et sur le visage duquel passait de temps eu temps un sourire de contentement. Ainsi que lui-même me l'apprit ensuite, il était charmé de voir un étranger si libre, et eu apparence si heureux dans la société de gens qui, comme lui, étaieni des hi'lnder. Au dessert, il s'approcha et me d(>manda si je n'étais pas Paul Du Chaillu ; et, sur ma réponse alïirmative, il me dil ipTil s'appelait Nils Tune, de Vang, en Valders; il ajouta qu'il était membre du Storthing et que je serais le bien accueilli à sa ferme. Il comprit que j'étais veiui pour étu- dier la vie domesli(pie des Scandinaves; il me dit (pi'il me présenterait ù ses voisins et ([u'il était sûr que j'aimerais les gens de Valders. J'acceptai son invitalidii, et, dés mon arrivée, je pus mapeicevdir qu'il avait favorablement ])ar!é de moi. Parloul où j'allai, je reçus, dés la première fdis. un charmant accueil. Ails Tune avait été élu au Stmlliing |iar la po]iulalion de Valders. En Norvège, les constituants ruraux sont les libéraux, et ceux des villes les conservateurs. Il n'y a point de dnule (pi'un sentiment amer ne règne entre eux. C'est ce que j'ai recueilli dans une cnnversalinn avec les Jxjuder, donl beaiicoiq) croient qu'ils sont méprisés par les hcri-cr (sei- gneurs). Ouand ils me parlaient ainsi, j'essayais toujours de les détromper, mais c'était en vain. Un jour Nils, en causant de ce sujet, me ilit, avec des yeux flamboyants de colère : <( Oui, Paul, bien des gens dans les villes ci'dienl (pie mins ne valons pas mieux (pie du liélail. " .le ne mainpiai pas de lui faire des remontrances et de lui ciler des gentlemen de Christiania, qui, il lesavait, ne méprisaient par lesb('Jnder. Entre la grand'route et Vangs-mj(")sen se trouve la vieille église en bois, et près d'elle le presbytère avec de grands et commodes bâtiments. C'était une âme noble que le pasteur Prest Konow. Il se montrait si généreux envers les pauvivs de sa paroisse, que la ferme apiiarleiianl au bénélice de l'église ne pouvait reulreienir, lui et sa famille. Heureu- sement, son père, qui habitait Hergen, était riche et lui envoyait dé l'argent; mais il ne l'avait pas plus l(jt reçu, qu'il en consacrait une grande part à secourir la détresse du pauvre. Il donnait do la manière la plus silencieuse, suivant en cela le jirincipo de la religion (pi'il UN ECCLESIASTIQUE MODELE ioO professait; mais, de temps à aiitic, un homme reconnaissant et chargé de famille, ou une pauvre veuve ne pouvait s'empêcher de raconter ce DU SOLEIL DE MINUIT inviléi' à prentlre un petit voiri' do lnâiiviii; puis on pronoiu-a une bénédiction et les convives s";issiienl à leurs pUices respectives; le (liner commença. Longtemps avant la brune, la majeure ]iarlie des convives était en pleine iiilarité. car on avait bu beaucun|i. On avait servi de tout avec autant d'abondance que dans une fête joyeuse et beaucoup ne dormirent pas. Le lendemain se passa à manger et à boire, et un étranger se serait cru à un banquet de noce et non à une hcijrdrfhc. In bon fiMuiier supposa {|u"i'n Amérique nous devions faire bien autre chose en semblables occasions, le peuple y étant si riche! Quand je lui eus dit que nous ne mangions ni ne buvions rien et que nous rentrions directement chez nous après reuterrement, il s'écria : « Sont- ils donc si ladres dans votre pays? » L'idée que l'on allait aux funé- railles sans avoir rien à manger (mi à boire, le frappa comnie une vilenie, et il tourna le dos en signe de dégoût. Le souvenir de ma dernière visite à Vang est encore vivant en moi, et surtout celui des deux jours (|ui précédèrent mon départ. J'avais à voir tous mes amis, même au delà du lac, el je dus manger partout oii j'allai. Le dernier soir, j'étais absolument abruti; car j'avais du prendre part à trenle l'epas en deux jours, lioire Irente-ipialre lasses de café el autant île skal. Pas moyen d'y échapper; j'avais mangé chez leurs voisins. pounpH)i ne ferais-je pas de même chez eux? N'allais-je pas partir pour rAméri(|ue? ne seraient-ils pas long- tenq)s sans me revoir? Quand je pris congé, la mère et les lilles me tendirent des itas de laine, des gants, des mitaines, ou îles poignets et me dirent : (< l'aul, nous les avons lails pour vous, gardez-les en souveinr de nous. » Souvent mes initiales on les leurs étaient lu'odées sur ces (dijels. Quel(pies-unes me donnèrent une bague en argent, une lu'oche. ou autre témoignage d'amitié. De vieilles matrones se mon- rèrenl plus piatiipies : ce !>anl, direnl-(dles, lu'enez ce fromage t'I ces saucisses. » Les remontrances eussent été vaines; on ré|ioinlail toujours: .. L'Amérique est bien loin, et vous ])ouvez avoir faim pendant la route. » Je fus profondément touché des sentiments douloureux que causa mon dép;u1. Je vis des larmes dans leurs yeux, et la SOUVENIRS DE VANG 465 tristesse de leurs visages (Mail plus élo(|uente i|ue leurs paroles. « Paul, me direiil-ils, ne nous oubliez pas; écrivez-nous irAmérirjue. Vous serez toujours le bienvenu ici; Dieu soit avec vous sur le vaste Océan! » Et ils me serrèrent la main. Quand je (juittai le hameau, John n'était pas chez lui; mais Ole et Lars m'accom- pagnèrent pendant une assez longue distance, dans une tristesse presque silencieuse. Bien des mois se sont écoulés depuis que je n'ai [)kis rien appris de Vang. — Une chose ou l'autre m'a empêché d'écrire, mais je me rappelle souvent les bons amis que j'y ai laissés; leurs excellentes figures sont toujours devant moi et j'entends résonner à mes oreilles leurs exclamations de bienvenue. .Te chérirai toujours le souvenir des jours heureux (pie j'ai passés au milieu d'eux. Bien des jeunes gens et de belles fdles se sont mariés ; de timides lilieltes sont devenues d'a- venanles demoiselles; le temps, dans sa course, a amené force chan- gements, heureux et tristes. Le bon gouverneur Wangensten, deKvam. est mort; bien touchante est la dernière lettre qu'il dicta pour moi à son fils, Iors(|u"il avait à peine la force de signer son ikuu. Il parle sans récrimination ni plainte de ses souffrances et de sa lin prochaine et ajoute : « Quoiqu'il soit probable (jue je ne serais plus IJupiand vous reviendrez ici, ne manquez pas devons arrêter à Kvam; vous v serez bien accueilli par ma famille. » Nils Tune aussi a (piitté ce nu:>n(h', et, sur sa tombe, la rancune politique a été oubliée et pardonnée; il fut honnête et incorruptible. J'aime beaucoup à lire les lettres de mes amis de Vang. Maris, femmes, fdles el fils m'écrivent alïectueusement, et rien ne me charme plus que les missives des enfants. — Sigrid Nesln"»st, la femme de John, me mande : <( La petite Berit (leur fille) pleure parce qu'elle ne peut écrire à Paull » La petite Anna Hangen m'a envoyé, dans une lettre de son père, un cœur et une bague en perles de verre. Ole, qui s'est marié de])uis, m'écrit : " l\'ndant Christmas (Noël), nous avons eu beaucoup de réunions, dans lesquelles nous avons porté des toasts à notre ami Paul, et John a composé deux strophes que nous avons chantées ! » Je les donne ici : 30 46S LE PAYS DU SOLEIL DK MINUIT Maiiileimnl, h la Noi-l, il j a de la joie, Dans le Nord, comme dans le Sud, A l'arbre de Noël et au dîner. Ici le toast à Paul est vidé à fond. Selon la contunie du Nord. Un toast à Paul Du (Ihaillii : Donnons-lui une ainialile (ille, Qui pourra embellir sa vie; Une heureuse nouvelle année. Voilà ce que lui souhaitent Lars, Ole, John, cl tmis, jeunes et vieux. CHAPITRE XXXIV Norvège méridionale. — Un longue grande roule. — La po|iuliilion fermière. — Belles fermes. — Maisons conforlaWes. — Villes de Norvège. — Comment on maintient la paix piibliiiue. — l'ieux excnrsionnisles. —La demeure d'un Juge. — Prestation de serment. — Saelersdal. — Un jieuple de haute taille. — Costumes du Saelersilal. — Vieux Stabburs en Osse. — Ciraotère du peuple du Saetersdal. — Valle. — Paul Panlsen. La Norvège, à son êxlrémitt' méridionale, forme un riuil.icictix pronioiiloiic treiiviron 2(10 milles de largeur dans sa parlic la plus développée, et de 125 milles de longueur, se terminant à Lindesnaes, en latitude 57° 59'. — Ce vaste territoire est borné à l'ouest par la mer du Nord, et au sud, ainsi qu'à l'est, par le SkagerRack, dontl'e.xtrémité intérieure esl, pour ainsi dire, le lîoi'd Christiania, qui court du nord au midi. Les fiords n'ont pas la grandeur de ceux plus du nord. Les seuls lerrains plais de la côte de Norvège, Listerland, Dalaren et Jaederen, se lri)iiv(Mil ii'i. A Listerland, liitis piiares sont loiil près l'un de laiilre, et ont été ainsi construits pour (|u"on les voie séparément en cas de danger. Une grand'route borde la cote de Christiania au cap Tungnaes à ipiehpies milles au nord de Stavanger, distante de 500 milles, où h; liitid Bukiie empêche d'aller plus loin. — C'est une continuation du grand chemin ([ni court le long des rivages de la Suède et de la Norvège, depuis Haparanda jusqu'à Christiania, distance d'environ 468 LE PAYS DC SOLEIL DE MlNLlï 200 milles. On y voit île nombreuses rivières sur les eaux tlesquelles on fait flotter les bois en immenses quautités, car les grandes forêts y sont très communes. Les vallées renferment les meilleurs districts a ratoires de Norvège, et leur [lopnlation fermière est toute dilTèrente de celle (jue nous avons décrite dans les montagnes. Dans les fermes confortables, les maisons sont peintes en blanc et ont des toils en tuiles rouges, à la vieille mode hollandaise. Des pianos, des livres et des journaux }iiouvenl la cidture de ces gens dont les habitations soni enluurèes de vergers et de jardins. Tout le long de la route de Christiania à Dranimen, on a des vues cliarmaides sur la mer et sur le pays, et, en longeant la cùte, le trajet est des plus beaux. La planche suivante, qui représente Hof, donne l'idée des maisons d'une ferme importante. Le dimanche, les fermiers vont à Téglise, avec leurs familles, dans des voitures et des carrioles de fantaisie. Les hommes portent haliituel- lement de hauts chapeaux de soir, on des feutres avec de larges rubans gris ou noirs; en été, ils mettent des vestes de toile. Les femmes, en chapeau, bonnets, châles et jatpiettes, sont velues comme les fermiers de l'Angleterre ou des États-Unis. Après Féglise, ils tiennent des réunions hebdomadaires dans lesquelles les comniéiages vont Inu' train. La Norvège est une contrée particulière, en ce (pie ses cités et ses grandes villes, à (|uelqnes exceptions }n'ès, sont situées sur la cùte. On s'y adonne principalement aux pêcheries et au commerce des bois. Celles (]ui sont consacrées aux affaires de bois sont construites près de remboucliui'e de rivièics et de cours d V;iu i|iii coidenl à ti'avers le pays où l'on trouve de vastes forêts, tandis que celles ipii s'occupent des pêcheries sont localisées daiTis la position géographique la plus avantageuse. Plusieurs villes augmentent d'importance ; d'antres demeurent sans changement, ou t(unbent en décadence, selon ipie le hareng (juitte telle ou telle partie de la côte. La plupart ont été construites pour se conl'ormer aux irrégularités dn bord roilieux on des collines pierreuses (pu les ceignent de tous (•(■)tés, et les maisons sont perchées sur chaque roc en .saillie, ce qui ' produit un singulier elfel. La propreté des rues est remanjuable; les maisons sont en bois et bien peintes. Il n'y a jtoinl de centres niainifaciuriers, in de grandes industries du fer en Norvège. Certaines A H END AL 460 villes, (|iioique petites, son! très i-iches; idiisieiiis maivliands passent pdiir (Mre millioiiiiaires; ils posséilenl de nombreux navires qu'ils envoient dans toutes les parties du monde ; les eiitrepi'ises de transport sont extrêmement importantes en Norvège. La petite ville ([ui m'a produit le plus d'impression par son activité est Arendal. Il y a peu d'années, elle a été détruite par le feu; les maisons en bois ont été remplacées par d'autres en briques enduites de stuc, et les magasins ont des devantures en glaces importées de France. La paix publique est mainleiuie par nn petit corps de pidii'iers; car le peuple respecte la loi; et le brigandage ainsi que le vagabondage son Ferme île Hùf, à Aker. inconnus. La configuration du paysinleidit l'exécution de chemins de fer; c'est-à-dire que, matériellement, on pourrait en établir; mais le cont en serait si considérable qne jamais l'exploitation ne deviendrait rémunératrice. Les communications par bateaux à vapeur sont très dévelop|)ées. J'ai souvent rencontré, pendant les mois d'été, sur les steamers, des troupes de personnes appelées lâsare (piétistes), que le bon peuple regardait comme des espèces de religionnaires fanatiques et senti- mentals. Dés qu'ils étaient montés à bord, ils chantaient leurs hymmes et continuaient ainsi pendant toute la traversée, jusqu'à leur cam- pement. Connaissant l'hospitalité de ce peuple, j':ivais coutume, lorsqu'une maison attirait mon attention, d'arrèler mon cheval devant la porte et i70 LE PAYS DU SOLEIL DE MINUIT d'y tMiIrer. Depuis une couple iriicuics, j'avais (|uitlé Holnipsli-aud, village pilloresque au pied de falaises hoisées, et je venais de passer le hameau de Saiide, lorsque j'arrivai à une belle maison; je mis pied à ■ terre el j'enli'ai. A ma liraiide surju-isc. je fus accosié par deux jeunes femmes liahillées à la dciniére ludde. Je vis sur-ie-rlianip i|ne ce n'étaient pas des filles de fermiers; je m'excusai sur la manière peu ;.*r('monieuse avec laquelle je m'étais approché et je fis mine de me /étirer, mais elles me prièrent de rester. La maison où je fus introduit était la résidence d'un juge qu'une < CHAPITRE XXXVI Tlielemarken suijéiieuie. — Mjiîs-Vainl. — Sn|)ci-l)e Iriiite. — l'ii ('(range (loflciir. — Charme (les voyages il iiioil. — Popiilaiité du l'ille Itemingtoii. — Tûtak-Vaml. — Coslume de Ij Tiicleiiiaikeii supéi-ieure. — Vieux hàtilllcnf^. — Éirlise île lîaudiand. — Lt^ende du cheval hrnn de Fumaes. — Ferme de Raiidland. — Ferme de lierge. — Manière jiriiiiitive de faire la l'onr. La TlielemarkiMi siipr'iii'iin' csl riclio cii paysages sombres ol liigii- ])i'ps dans ses vallées [iroluiHles, el ses iiioiiiaiîiies sont i^ni-seiiiécs de nombreux lacs. Le chasseur erre dans ses forêts en quête de giliier el longueur de 27 milles. Ses bords sont très lirégnlicrs; son exlréniilé méridioiiaii' se divise en deux longues branches élroites, tandis (pie, vers le nord, il se termine au milieu de la scène l;i plus sauvage. A une courte distance de l'église d'Aamotsdal, la ijonne roule fait place à un chemin très raboteux, sur lei|uel cependant peut passer un chariot el qui mène à l'extrémité inférieure du lac, appelé Kromviken, route (|ue > ) ) 48i LK PAYS Dr SOLEIL DE MINUIT j'ai souvent prise. Les bords, en liieii des endroits, sont parsemés de grands espaces appelés mi/r (marécage) cpii oiïreiit du danger ; car souvent ils ne sont couverts que d'une mince croûte d"un sol herbeux trop faible pour supporter le poids duii homme. Vw IVrnii' ;ip|iarail çà et h'i, dahuil incsqui' des âges préhistori- ipii's. Tout pi'és de la ferme dr Hovilen, on a consiruil une école et une chapelle luMive dans laquelle on célèbre le service diviu quelques fois par an. La |»lupart des saeters appartiennent à des fermiers voi- sins (pii en tirent un modeste revenu en les amodiant. J'ai i>assé bien de jours agréables chez les gens de cette région solitaire. Les amusements ne soul p;is nombreux; la danse dans les fermes lien! le jtremier l'ang. Par occasion, ils Imil une délii)iiche de biâiivin. Quand l'un deux va à la ville, tous se cotisent et fournissent une certaine somme pour aclieler le li(piide qui est mis dans un petit baril ; le partage se fait à la ferme. .le ww souviens (pi'uue fois en rentrant à la maison, le fermier nie dil : ■< l'aul. le docteur Dunk est veiuil » C'est le nom (|u'ils ilimnenl an baril. .Ne sarlianl pas ce ipie cela signiliail, j(,' lépondis : « .l'en suis heiu'enx. Es|-il ;il|é chasser dans les nion- Lagues? » Il s'apercnl de ma méprise, mais ne répli(jua ])as. Le soir, je lui dis : « Où donc est le docleur Dunk? je trouve étrange qu'il ne soit pas encore rentré. » D'un ton conlidenliel, il murmura : » Le docteuresl ici ; »et, me coinlnisanl dans une pelile chambre, il ajouta : (c Le voici, regardez. » .le dirigeai mes yeux vei's li' point indiipié et j'aperçus le baril; il continua en l'iant : « C'esl le doclenr Dunk; (juand il ai'iave chez nous, (pii vi\i)ns dans les nionlagnes, il est toujours le liien\enu, cai' il rend nos ca'urs joyeux. » Puis la fête commence; les fermiers s'asseudtleni et ni' (piitlent pas la place avant que le l'nl ne soil \iile, et chacun hoil sa pari. Mais, h( leinlemain malin, un violenl mal de léle ne mampn' pas de faire son a]ipaii- lion, et le fermiei' dil : << Paul, le doclenr Dunk n'esl pas si ai- mable le lemlemain (pie le jour de son arrivée chez nous. " L'ini des gramis charmes du voyage en celle conlire, c'esl de la parcoiu'ir à pied, de qnillei' la grande ronle, di' suivre les senliers (pii conduiseni .in\ passes des monlagnes, ddii l'on olilieni des vues don! (Hi ne peni se l'aire idéi' siu' les roules. Je connais peu de lacs où la huile soil aussi abondanle que Li Riukandfoss. v> LI-: UIFLK liEMINOTON 487 dans ci'liii (le Mji"is-V;iii(l. A pi'ino cxisli'-l-il on Xorvèj^c uni' rivière aux eaux clairt'S ou un lac (ii'i l'on ne Ironvc |)as ce poisson. Il n'y en a réellemenl que deux varii'lés, le snlutn crio.r ol le salmn a/phu/s, ou truite alpine. Dans certains lacs, s[)écialemeut dans ceux de la Thelemarken supérieure, la première atteint une très jjraude taille; j'en ai vu Ijeaucoup pesant de 0 à 12 livres, et, dans des cas rares, jus(pr;'i 20. Ces deux variétés IVèqueuleul les rivières el les lacs; cepemlanl. ou ne trouve la dernière ipi'an nord. En septembre el au commen- cement d"octolir(\ elles remontent les rivières pour frayer et on les prend en ,mand nombre dans des lilets; on les sale pour l'hiver. Ce poisson a une saveur des plus agréables, et sa cliair est d'une belle couleur rose; les fermiers font souvent cuire le frai dans de la crème: c'est un mets délicieux. Le chasseur et le pêcheur doivent savoir où aller. Il y a dans les montagnes des lacs et des rivières qui foisonnent de truites. .l'ai vu des centaines, des milliers même, de rennes sauvages réunis ; mais il fini une gi'aude habileté pour les approcher. On est des semaines sans eu voir un, et le succès d(''pend de la dii-ectimi du vent. Le renne marche toujours contre le vent, et, s'il se |)roduit un change- ment dans son cours, il disparait aussitôt. Rien ne m'otfrait plus de plaisir (pie de m'en aller seul, avec mon Remington, arme légère et splendide, à la recherche de ces animaux. Ce rifle est très [)opulaire chez les Norvégiens, qui semblenl le préférer à timl antre. De Mjôs-Vand, un sentier conduit au lac Tolak, 2170 pieds au- dessus de la mer; il a environ 1 7 milles de long et il est le plus large à son extrémité du sud-est. Ses fiords profonds pénètrent comme des baies dans les sombres montagnes, dont (pudipies-unes s'élèvent à 3tJ00 pieds au-dessus de la mer; le coniraste de l'eau d'un veil loncé avec les rochers produit un effet aussi étrange que sombre. Le coslume de la Thelemarken snpéiieure esl moins grotesciue que celui de la pallie inférieure de la province. Le vêtement des hommes est une jaipielte d'un bleu foncé ou noire, un gilet avec boutons d'argent, et un pantalon de même étoffe. Les femmes se mettent sur la (ête un mouchoir (pi'elles disposent d'une façon particulière el oui un jupon foncé. Maint bâtiment de ferme est très vieux; il eu est ipn sont occupés 488 LE PAYS DL' SOLEIL UE MINUIT par les descendants de familles qui y vécurent lontïtcmps avant l"é- jiO([ue de la peste (13o0) et (jui lurent épargnées par le fléau, lequel parcourut le pays cnnînii' l'aniiê (le la mort. On raconte de timcliantes légendes sur cette époque terrilianli', alors (pie la poi)ulalion de dis- tricts entiers l'ut détruite. Cette peste (|ui désola l'Europe, dépeiqila les dislri( ts de la Suéde et de la Norvège; il y a une tradition ipii prélrmi que, dans la pro- vince de Vermiand, l'épidémie ne laissa en vie tpi'uii liomme el une femme. Le fléau apparu! aussi eu Islande el eu dreenland ((init'nland) ; comme il ne reste aucun souveinr des florissantes colonies de ce dernier pays, on snjqiose ipie la population entière en fut détruite alors. L'église de Raudland est l'orl ancienne. Quand je ipiillai le cime- tière, j'arrivai à uiu' excavaliou ipd me |iarul singulière. C'était le lieu que la tradition assigne comme sépulture àw Dcn hniiu' Funi((es //est (le cheval luim de Fornaes), qui forme le sujet d'une légende des jours de la Soj'/c f/o^/ (peste noire). Le montagnard (jui m'accom- pagnait devint extrêmement sérieux quand il me raconta l'histoire du noble animal ainsi (pi'il suit : La peste noire atteignit la Norvège eu 1349 et I3o0, visita ses régions montagneuses les plus sauvages, el pénétra jusqu'aux districts les plus lointains. En beaucoup d'endroits, les habitants des hameaux et des fermes périrent, el personne ne resta pour raconter l'histoire. Le fléau vint aussi en Thelemarken el passa comme une avalandie sur Raudland et Mjus-Vand. Sur la livi' liu dernier, en face du Hovden, se trouvait la feime de Fornaes, à Li(|uelle le fameux cheval ap|tar- lenait. A cette èpcupie, il n'y avait poinl d éLîlise à Hovdeu , ni de cimetière; les gens devaient aller priei- el se l'aire enterrer à Raudland. Tous les jours, pendanl que la pesie lil rage, le cheval vint au cirneiiére apporlaul les ('(niis des décédés; au bout de (piehpie temjis, il conniil si bien le clieiuiii, iju'il u'eni pins besoin d'èlre guid(''. Rienl(Jt ])ers(inne u'enI plus la force de le suivre; mais (piand le traî- neau avait été chargé de cadavres, il allail de lui-même à Raudland, el, dès (|ue les gens chargés du service du cimetière avaient accompli les rites funéraires, rintelligeni animal nqjrenait tout seul le (diemin de son donncile. Ce fidèle serviteur n'avail iKiint de nqios; car, dès LA LEGENDE DU CHEVAL DE FlItNAES 48!) qu'il (''l;iil ifvfiiu à Mjds-Vand, il r;ill;iit de iiuiivcaii l'inmciier il'.iiilics cadavres; souvcnl il riait si l'atigné, qu'il chancelail dans la ncigo où il enfonçait et avait à peine la force de s'en tirer. Quand la neige était durcie, il allait et venait promptement; s'il faisait doux, il fallait qu'il marchât lentement. Enfin le moment arriva où tous les gens de Mjôs-Vand furent morts, un seul excepté. La peste l'attaqua aussi ; se sachant perdu, il mit des fers à glace au cheval, le harnacha, s'attacha lui-même avec une corde sur le traîneau, et mourut. Le cheval enmena lentement le dernier habitant de Mjos-Vand vers le cimetière de Raudiand; mais, en route, lorsqu'il eut atteint Fal- keriset, à 3040 pieds au-dessus du niveau de la mer, la plus haute colline entre Mjôs-Vand et Raudiand, il perdit un de ses fers. Sentant qu'il ne [murrait aller [dus loin [)arce ipi'il enl'oneait de plus en plus dans la neige, il poussa un hennissement formidable, comme pour ai)[)eler à l'aide. Les gens de Raudiand l'entendirent, lui apportèrent un autre fer, et il put continuer sa route. Quand le corps eut été enterré, le cheval entra dans le cimetière, alla sur les tombes de tous ceux (pi'il avait amenés de Mjôs-Vand et s'airèla un peu devant cha- cune. Il avail fini son travail, les gens ipi'il a\ail cdinius élaienl tous inhumés là, }>ersonne n'avait plus besoin de ses services. Il s'en alla lentement, la tète basse, vers l'une des anfractuosilés entre les mo- raines, un peu à l'est de l'église, et, là, brisant ses fers, il se laissa aller dans le trou, soujiira et mourut. « On appelle encore cet endroit médit le paysan, en me désignant la crevasse, hp$tc dohkcn (le Iruu du cheval), et on se souvient encore chez nous Aç Ft(maes hruitc ; ce fut un noble cheval, et nous aimons raconter cette histoire à nos enfants comme nos [lères nous l'ont racontée, afin ([ue son nom passe aux générations futures. Oui, ajouta-t-il, ce fut un triste temps pour la Norvège; à Odelield, à l'autre extrémité du lac, il ne resta (pi'inie femme mariée. Le presbytère n'était pas aune grande dislance ; le pasteur avait encore la charge de deux autres églises, dont l'une était celle de Mjôs- Vand, où il officiait six fois par an. Il était quelque peu poète et avait [lublié des hymmes; il était franc dans ses manières, libéral dans ses vues, et vraiment hospitalier. L'église luthérienne est l'église nationale de la Suède et de la Xor- /jllO LE PAYS DU S 01. EU. DE MINUIT vège; ce n'est que depuis peu (pic ir.MiIrcs sectes ont été nuloiisées à bâtir (les maisons iradoralion; ccpi'iiihnit, même aujourd'luii, certains offices ne peuveni èlrr cr'lélii'és ipic par des lulli(''i'iens. Non loin de l'église est située rancienne i'eiane de Raudland, avec un stahhur (jue l'on dil avoir été construit vers l'an lOUO. Frés du liord, es! la lerme de Berge, embrassant huit bàlinienls — -la maison d'iiabitatlun est un type de rarcliileclure de Thelemarken. A gauche de l'entrée, il y avait une chamlire de 20 ]tieds carrés environ, avec la cheminée habituelle dan-^ un cdin, meublée d'une grande laide ]i('inle en rouge, d'un banc de bois el lic ipHd(pies (diaises de formes bizarres, faites chacune d'un tronc d'arbre; les fenêtres consistaient en petites vitres de verre. Dans deux coins de la chamlire, on avait construit des lils (|ui ressemblaient à des coques de navire; ces lits étaient peinis en coulcnis vives et ils atteignaient pres(|iie le plafond, qui avait 8 |iieds de haid. Un iiurfel colorié (■(ininie les lils. aussi haut ipie la chambre et scelli'' au mur, contenait des assielles, des verres, des cuillers, etc. Trois fenêtres, dont deux ornées de pois de lleurs, donnaient un jour suffisant. Le plancher était sale, car on ne le lavait que tous les samedis et les gens y entraient sans cesse avec les souliers crottés. En face de la maison d'habitation se trouvait le slalibur, datant sans dnule de |ilus de cin([ cents ans; mais j'ai vu des maisons de bois beaucoup plus vieilles dans diverses parties de la Norvège. La planche de la page 'i7() doiuie une juste idée d'un slabbur..Te montai par une échelle rapide à l'élage supérieur et j'entrai dans la chambre après avoir fait tourner dans la serrure une énorme clef; la |)orte tournait sur des goinls d'une fiirnie (irange, el le jiuir n'arrivait dans la pièce (|ne par uni' ouverture fantasliipu' de la piazza. (Vite cliainluc sombre sentait le moyen âge, car tout y Jtaraissait vieux el très bizarre; les i)rincipaux objets étaient d'énormes armoires porlard les noms de leurs propriétaires; chacune des trois filles de Rickard, le niaili-e de l'endroit, avait son armoiic niaripièe de son nom, et dont le coidemi devait former une pari iuipor- lanle de sa dol, sous fornu' de hardes, vêlements el bijoux. Siu' des traverses pendaient quatorze peaux de mouton blanches comme la neige; plusieurs nappes avec des ouvrages de fantaisie au crochet à chaipie bout, et des couvertures de couleurs Ijariolées de Vossevangen, étaient disposées autour de la chambre. H y avait un lit où dormaient autrefois LE FMirrAdK EN NORVEGE 491 II' iii;iri l'I 1,1 lVimiie;mnis,d('|iiiisi|iii' les lilli's ;iv;iii'iil nr.iiidi.loiilos ocrii- |i;iii'ul li'iii's clianibrcs dans la maison |iivct''di'iiiiiirnl dociilc. La (diambrc du lias coutonail de grands casiers à grain placés I'mii à cuir' deTaiiIre; de plus, des provisions de niouloii el de lard salé, des sacs de farine et iU'<. [laniers de laiiii', doni une parlie était cardée. Rickard et sa femme Sigrid se montraient Imspii.diers au suprême degré, et Torhiôr, Sigrid et Ingeborg, leurs Mlles, élairnt des nnidélcs de [trospéiilé. .le me souviendrai longtemps des belles journées que j'ai passées à Berge. Parmi les anciennes coutumes de la population rurale qui régnerd encore sur bien des points de lu contrée, il faut compter celle appelée fricri, qui signilie en réalité « faire la cour ». .l'ai eu occasion d'en être témoin el ipiehpielnis je m'en suis beaucoup amusé. Le samedi, les parents qui veulent avoir une nuit de bon repos et ne pas être éveillés par des cognements incessants, laissent leurs [tortes ouvertes; car, s'ils ont beaucou[) de fdles, ils peuvent être sûrs ipi'elles auront aussi beaucoup de visiteurs. Les demoiselles demeurent souvent fort loin; conséquemmcul li's amoureux ont à faire des milles, et parfois par des nuits ob'jcures, sur la neige et sur des lacs glacés, ou par des sentiers dangereux quand le temps est très froid ; mais rien ne semble arrêter leur détermination, si ce n'est une pluie battante. Il est généralement convenu (pie l'heure de l'arrivée ne doit soiiiH I' ipie quand les vieux se sont retirés. Un étranger peut à peine croire à celte absence d'artifice dans bien des districts, et il lui est diflicile de la comprendre. Quand je revenais fatigué et mouillé de la chasse, ou d'une excursion dans la montagne, ou de la ferme d'un ami. l'un des membres féminins de la tamiile me mettait au lit ciuiime si j'eusse été un enfant, et bordait ma couverture en me recommandant de bien dormir et en me souhaitant « une lionne nuit ». Le lendemain matin de bonne heure, quand j'étais encore au lit. la mère ou la lille m'apportait une tasse de café. / CHAPITRE XXXVII Songciilal. — l"n orage dans les montagnes. — Chevaux solitaires. — J'arrive il un snotcr. — Course dans la montagne. — Arrivée il liaernnulcn. — L'approche de Ihivcr. — De Crunsçcilal il llaiikelid lielils. — Le lac Stad. — Le sactcr Haukelid. — Une tempête de neige. — Knnt Bi'irgiifscii. — Ferme de Ilavredal. — Lellavredal. — Une fête il ILivredal. — Sur la ronle de liûldiL - lîienvcnne ii liûldal. — A travers le Hardanger. L';is|)'>cl (lu paysage, à rcxtrémitô siipiM'it'ure du Inr Totak, proditil iiiie i)i-ofoiRle impression, car Rauilland fields s'élève de 28 'lO pieds au-dessus de ses eaux irtiii verl loncé. D'ici, l'étmil SiHit^adal, dans un ondroil eidièfemeel iiloqué par des rochers iininenses, jirend sa rmile dans la diierlidn du iinril-ouesl. l'endanl ipie j'errais seul pmu- iii'approclier du lac Songa, dans l'intenlidii d'alleindre la l'ernie nninlagneiise de Raeriinnien, je fus snrjtris par un mage épmivantalde. La pluie élait froide cl le veut siiui'llail |ties(|iie en Icnipèle; le lu'ouillard devenait si épais que je ne pouvais plus reconnaiire les contours des montagnes ipii nu' servaieid de guide, et je |ierdis mon chemin. Tout en maichant cl en essayant de retrouver le sentier, j'arrivai à un saeter oii lo- geaient deu.\ hommes de Tlndemarken inférieure, qui gardaient du bétail. L" MOT KL liUYAL 403 .l'on fus r;ivi, car il so faisail laid. Criaiciil ilo vieilles connais- sances. Gi'anil fnt lenr (Monnemeni lorsque j'entrai dans la huile; ils fireni de leur mieux pour nie hien accueillir, jelèrenl du liois sur le l'eu el me dunnéreul de lii'and cieur leur nourrilure ordinaire. Killel, excellent garçon, me dit en plaisanlani : « Ami Paul, ceci est l'Iiôtel royal. » Nous en rimes beaucoup, car le lieu n'était guère appétissant. De la paille mal|iropre étalée par terre nous servi! de lil, el les peaux de mouton étaient lniii d'èlre appétissantes. Ils s'excusèrent du pauvre logement qu'ils avaient à m'ofl'riret me dirent que, s'il n'avait pas été si tard, ils m'auraient conduit à un saeter tenu par des fdles. « Car vous savez, Paul, ajoulércnt-ils, que ces saeters sont beaucoup plus propres que ceux des hommes. » Le lendemain, le temps s'étant remis au beau, je dis adieu à mes amis et je continuai ma chasse tout seul, le district m'étant bien connu. Tout en marchant, je fus saisi de crainte en entendant un lourd piéti- nement; c'était un groupe de onze chevaux qui paraissaient enchantés de voir un homme et qui arrivaient sur moi en gambadant et en se rémoussant; ils appartenaient ;'i différents saeters où on les avait laissés brouter durant l'été. Pendant une de mes excursions, la briino était venue quand j'arrivai à un saeter, siin|ile hutte en pierre, dans laquelle j'aperçus, à travers les fentes de la porte, la lumière d'un feu qui llambait, et j'entendis des sons de voix. Je frappai en disant : — Ne voulez-vous pas ouvrir la porte à l'étranger? Aussitôt on lira le verrou de lidis, (pii servait à empêcher le bélail d'entrer dans la huile, el je vis deux femmes, une jeune tille d'envimn vingt ans et l'autre |)lus âgée. La hutte me parut propre; un lil élail perché très haut et, sur un coté, on avait établi un foyer; sur des planches, on voyait des vases contenant du lait. La comparaison de ces femmes avec celles ipie j'avais l'eiiconlréi's ilans les saeters de Hardanger ne leur était favoraldi' ni en aspect, ni en i)r(iprelé. Ce saeter avait vingt-six vaches laitières, vingt tètes de bétail et deux chevaux. Il était situé sur la rive d'un cours d'eau, le Valasiô. qui se jette dans la Songa- Vand. Le trajet vers le nord sur le Sauerllot me pnul charmani, car le plateau ondulait, le sol étail ferme sous les pieds, et les marais solides -illi LE PAYS DU SOLEIL DE MLXIIT jini'siiilc (le l;i s^choresse de ri''h''.()ii .iv;iil placé à ilc coiirlos ilislaiiccs df'S hldcs (k' iiicrrc liauls ilv plnsiems pieds, picsipie en vue ruii do l'autre, pour indiipier le cheiuiii, et le [)ays élail enliéiviueiit eou- veit de lichen. Non loin de Songa-Vand se Irouve la ferme solitaire de lîaer- unulen, où je fus reçu avec beaucoup de bonté par la famille. Des coups (lèvent froids et soudains m'avertirent (jiie, dans les ré- gions siipérieui'es, l'hiver arrivait. De Haeiininlen, j'allai dans (Irnnge- dal, et j'arrivai à la su[»erbe gramle roule (pii va de Hardanger à Chris- tiania, avec l'intention de liaverser les Haukelid lields jiisipi'à Ri'ikial, et d'aller de là à Odde. L'obscurité itendanl la nuil, dans les vallées ondiragées par les montagnes, est si intense avant (pie la neige couvre le sol et (piand le ciel est couvei'l, (pie soiiveiil (iii ne dislingiie pas à deux pas de soi;ilm'esl airi\é bien des fois. a|)rés avoir l'ail (pieNpies pas Inirs d'une porte, de ne })lus pouvoir la relrouver, el j'éprouvais la même sensation de frayeur rpie celle (|ue j'avais ressenlie peiulanl une aveu- glanle lempéle de neige. De (iiiiniiedal, pauvre disirici avec ipie|(pi(>s fermer, Li roule moule gradnelleiuenl aux. llaiikelid lields. eu eiiloyaiil inaiiils lacs soli- taires. Sur les lioi'ds de la Yaagslid-Vainl, on voit la ciinfoilahle ferme de lîolneu. el. plus loin, celle de A'aagslid. Le lac le plus élevé el le liliiti(]n-i libn'i. — Écoles l.'i CHAPITRE IV Charles XV, roi de Suède et de Norvège. — Son accueil amical. — Conversation sur dif- férents sujets. — Sa sympathie pour les Français. — Il est opposé à la peine de mort. — Une visite au palais Ulriksdal. — Goûts de Sa Majesté. — Le parc Haga. — Un dimanche en Suède. — Palais de Rosendal. — Un visiteur matinal. — Photographia». — Murt (lu roi Charles. — Regrets sur sa perte :i() CHAPITRE V Appareillage vers le soleil de minuit. — î(avigation à vapeur dan-; la Baltique. — Caracté- ristique des passagers. — Arrangement. — Aspect de la côte. — Débarquement. — Fêtes à bord. — Un liaineau. — Hiparanda. — .Manière de voyager 40 32 498 TABL1-: CHAPITRE YI l,a contrée en dedans du cercle Arcticpie. — Je iinilte Ilaparanda. — Une station finnoise. — I.es moHstiquf'S. — Conducteurs féminins. — Bonté du peuple pour les bètes de somme. — Fermes confortables. — Un hameau. — Le soleil de minuit. — Sattajârvi. — Désir d'aller en Amérique 5!> CHAPITIUÎ VII Deux manières d'aller au nord. — Traversée de la Torne. — Montée de Muonio — l^ne station de bateaux. — Fabrication du goudron. — Fonrmi<. — Mnoniovaara. — Le Palojoki. — Pluie d'orage. — Ferme-; solitaires. — Pècbeurs. — Une maison de refuge. — Descente vers la mer .\rclii|iie ■;.'> CHAPlTiil-: YIII L'île de Magerô. — Gjaesver. — Saleté des maisons de pécheurs. — Charmant foyer septen- trional. — Bétail Carnivore. — Temps pluvieux et changeant. — Fiord verdoyint. — Ascension du cap Nord. ^ Paysage désolé. — Un oiseau errant. — Le soleil de minuit. 11) CHAPITRE I.\ Fusion du lever et du coucher du soleil. — Bodô. r- A travers la péninsule Scandinave. — Vcnset. — Vallée Saltdalen. — Rognan. — Mes voyages africains en Norvège. — Gens simples et contents. — Race primitive. — Hameau abandonné. — Hospitalité. — Filles du village d'Almindingen. — Diner de famille. — Storjord. — Légendes de la côte. — Le précipice Kvaen et la baie de l'Homme mort. — Orage arctique. — Lang-Vang. — Puces Scandinaves. — Skjimstuen. — Fagerli. — Ferme de Larsen. — Candi, billou et baisers. — Moulins à bic. — Préparatifs pour traverser le pays. — Mot) bagage et mes provisions 119 CHAPITRE X Tenue d'été laponne. — Scène aride et désolée. - Sulilelma et son grand glacier. — Campe- ment lapon. — Intérieur désagréable. — Malpropreté et vermine. — Bon traitement.— Pure existence. — Le lac Pjeskajaur. — Passage à gué de la rivière. — Tente laponne. — .\spect d^s femmes et des hommes. — Vases et cuillers, nouvelle manière de les laver. — Arrivée d'un troupeau de rennes. — Le lait et la façon de le traire. — Fro- mage de renne. — Voyage difficile. — Njnngis. -• Qvickjock. — Siavi. — Jock- mock. — Le baron de Dûben. — Feux dévastateurs. — Vuollerim. — Superbes chutes. — Luica. — Prison. — Ivrognerie. — Bécpplion par le gouverneur 133 CHAPITRE XI climat d'été en dedans du cercle Arctique. — Végétation lli^i CHAPITRE XII Les saisons près du cercle .\rctique. — Maisons de ferme. — Chambre de réception et cuisine. — Nourriture habituelle. — Holinsund. — La maison D... et C'". — Sa pré- voyance et sa philanthropie. -- Umea. — Réception par le gouverneur. — Écoles TABLE 49!) d'agriculture. — Un accueil cordial. — In ohariiianl jarilin. — l'Ials natifs. — Scène religieuse. — Jolis noms Ue femmes. — Banques. — L'a cas de fièvre typhoïde. . . . 170 CHAPITRE .Mil Provinces méridionales de NVeslerbollen. — .Ansernianlainl. — L'ne liclie rivière. — Ornskôl- dsvik. — Une cote pittorcsiiue. — Hcrniisand. — Je quitte llcnnisand. — Une route charmante. — Scène rurale. — École d'agriculture à Nordvik. — lîeaux hiitiments. — Quartiers des étudiants. — Règienients. — .\ccueil hospitalier. — Un diner. — L'hù- tesse. — Honnêteté du peuple. — .Vmélioration dans la végétation. — rominiçrs. — Le hameau de .N'ora. — Changements de température. — Une réunion. — La rivière Angermann. — Une belle ferme. — Gi'ande hâssja. — Fabrication du beurre. — Harnianeer. — L'église paroissiale. — Épitaphes dans le cimetière. — Comment on a soin du pauvre. — Funérailles à Njutanger 182 CHAriTHE XIV D''Ostersund en Morvège. — Maisons de fermiers en Jemtland. — Paysage sur la route. — Un troupeau de bétail. — La ville d'Ostersund. — Une confiante hôtesse. — Frôsô. — Fossoyeurs. — Départ d'Ostersund. — Forêts immenses. — Gibier. — Une pitto- resque contrée. — Une cheval intelligent. — Areskutan. — La frontière norvégienne. — Desrente vers la mer. — Scène superbe. — Une ancienne ferme. — Levangcr. — Un district fertile. — Trondbjem. — 192 CHAPITRE XV Fin de la saison du touriste. — Mauvais temps. — Voyage avec une jeune dame. — « Prenez garde k vos courroies. » — Un cheval paresseux et intelligent. — l'ne ferme de montagne. — Les montagnes Dovre. — Destruction des récoltes. — Gelée. — Déses- poir des fermiers. — Une tempête de neige. — Traînage en Septembre. — La Romsdal. — Belle vue. — .Nombreuses chutes d'eau. — Une confortable auberge de campagne. — • Le fiord Molde. — La ville de Molde. — Diner chez le gouverneur. — Routes commodes. 2ll> CHAl'lTRE XVI BEllGEiN Le port de Bergen. -- Fondation de la ville. — Un endroit pluvieux. — Le marché au poisson. — Une vision de beauté féminine. — Une intéressante école industrielle. — La cathédrale. — Confirmation. — Jours de changement des servantes. — Aspect animé du .Strand- gaden. — Hospitalité de Bergen 22S CHAPITRE XVII LES FIORDS Fiords de Scandinavie. — Leurs murs et vallées terminales. — Action des glaciers. — Ter- rasses ou brèches de mer. — Phénomènes et causes. — Lignes de eûtes et marques de la mer. — Élévation et abaissement du pays dans les temps modernes. — Ne peut être utilisé comme mesure de temps. — Vues du professeur Kjcruif sur ce sujet. — Théories de l'iceberg et du glacier. — Mouvements inégaux et intermittents, et longues périodes de repos. — Changements dans le climat et dans la distribution de la vii des plantes et des ani'naux 2.'tS 500 TABLE CHAPITRI^ XVIir LES GLACIEUS DE LA SCANDINAVIE Imiuenses cliain]is (le neiges perpéluelles. — Sources des glaciers. — CommenI on le? apiielle. — Glaciers au nord du cercle Arcticiue. — Glacier au sud du cercle Arctique. — Élu- de sur la naissance et l'accroissemeul d'un glacier. — Causes de sa foruialion 2i9 CHAPITRE XIX LE F I 0 H D S 0 (3 N E Le Sogne. — Kntrée du liurd. -~ Profondeur du linrd. — Les branches latérales et leur profondeur. — Bouder à bord des steamers. — Passagers de troisième classe. — Vallée des fiords. — Le lîord Fjaerland. — Glaciers. — Je quitte le Fjaerland. — Le liord SogndaL — La vallée Sogndal. — Vue superbe du liord. — Lu beau cône. — Le fiord Lyster 2.'j:i CIIAPITHE XX LES s N E B R A E E 11 J L S T IC D A L Les glaciers Justedal. — Vastes cliauips de neige. — La vallée et l'église île .lusteilal. — Le glacier Nygaard. — Faaberg. — .Maisons de ferme malpropres. — Peu engageant. — Draps de lit. — In saeter. — Aspect du glacier Lodal. — Une superbe caverne de glace. — Marche du glacier. — Un glacier, riviéi'C de glace. — Mouvement il'un glacier. — Moraines. — Le glacier .Stegeholt iCO CHAPITliE XXI IieuN agréables connaissouces. — Une iuviUilion ii visilcr Krnkengaard. — Arrivée à ia feiMie. — Un bute vénérable. — Une réunion de famille. — Une dame de llollaiide. — Un jeu de croquet. — Fruits délicieux. — Foyer d'un gentleman. — Vie auprès du liord. — Familles industrieuses. — Hospitalité Scandinave. — Diner d'adieu. — Adieu il Kroken- gaard 2G(i CHAPITRE XXII LE FKtRD AAliDAL Le fiord Aardal. — Sa splendide entrée. — Vallées sauvages des liords. —Bateaux sur le lac. — Betiiur des saeters. — Un lac lugubre. — La ferme Moen. — La lijaelledal-foss et la Hagadal-foss. — La ferme de llofdal. — La ferme de Velti. — Le Mark ou Vetti-foss. — Le liord Anriand. — Le bord .Naero. — Grandeur de la scène. — Gudrangcn. — La .N'aerodal. — La brèche de Stalheim. — Un beau paysage. — Vossevangen. — Le fiord Graven -l't TABLE 301 CHAPITRE XXIII LE RIANT HARn.VXC.EU Le fiord Hardanger. — Ses beaux paysages. — Melderskin. — Itosendal. —Tsiiipétes d'automne. — Uu dimanche sur le liurd. — Toilette delà fiancée. — Fiances en route [lour I enlise. — Ulvik. — Cour de juîtice. — La ferme Lione. — Accueil amical de Lars. — L'EidIiord. — Une bourrasque. — Eau merveilleusement pliospborescente. — Vik. — Voyage à la Voring- foss. — Une vue superbe. — Le Sor-liord. — Les plus charmants bords de la .Norvège. — La Tyssedal-foss. — Le lac Ringedal. — Eau bleu foncé. — La Skjaeggedal ou Rengedal- foss. — Norvège. — Belle chute d'eau 292 CHAPITHE XXIV LES s A E T E R s Les saeters. — É|iOipie du départ pour les montagnes. — Pi-éparatifs avant de se remlre aux saeters. — Hameaux déserts. — Départ de Stavanger. — Samson. — La vallée Suledal. — Réception au presbytère. — Ferme île Samson. — Le lac Suledal. — Sur les montagnes à Rôldal. — Le Valdal. — Le saeter Valdal. — Une famille de Hardanger. — Vie du saeter. — Dimanche. — Départ du père pour la ferme. — Hantes mon- tagnes. — -Neige rouge. — Le saeter Bjôrn-Vand. — .Vmbjtlr et .Marthe. — .\dieu au saeter Bjôrn-Vand 320 ClIAlMTliE XXV Cbrisiiania. — Latitude de la ville. — Caractéristiiiue de ses habitants. — Maisons. — Manière de vivre. — Peuple hosiiitalicr et bon. — Foyers délicieux. — Société de Christiania. — Un repas royal. — dmvives distingués. — Écrivains norvégiens. — Le Palais Royal. — L'université. — Édifices publics. — Les environs de la ville. — Le bord Christiania. — Oscar Mail. — Saeter Frogner. — Sarabriiten. — iJéparl de la ville .339 CHAPITRE XXVI L'ile de Gotland. — Wisby. — Son ancienne importance cummerciale. — Saga sur l'ile. — liestes des anciens temps. — Pierres comméinoratives. — Les anciens habitants Wikings. — Fortibcatious et ruines de Wisby. — Son ancienne prospérité et sa chute. — Vieilles monnaies. — .Marchands princiers. — Églises. — Dixième, onzième et douzième siècles. — La crypte de Saint-GOran Saint-fieorges). — Saint-Lars. — Saint-N'icolas. — Ruines. — Excursions dans l'ile. — .Nombreuses églises. — Un pays fertile 313 CHAPITRE XXVII Cji^iil. — L'Université. — Les Nations. — La bibliothèciue. — La cathéilrale. — La vieille Upsal. — Les monticules du roi. — Surexcitation en ville. — Les étudiants. — Chant en chœur. — Sérénades aux jeunes dames. — Chant. — Cérémonie accomjiagnant la déli- vrance de» grades. — Diplômes. — Le bauiiuet. — .Menu. — Le bal. — Jeunes dames suédoises. — Le (jouverneur de la province. — Sa descendance écossaise. — Le vieux château. — Un concert. — Miner au château. — Une charmante famille 3G4 CHAPITRE XXVill Les âges de la pierre, du bronze et du fer en Scandinavie. — Climat du premier âge de la pierre. — Extinction des grands mammifères, après le premier âge de la pierre. 302 TABLE — Kjrikkenini'pdlinger, ou amas de foi|iiillcs. — Les conslrncteiics îles tombes de l'âge de la pierre. — Ustensiles grossiers. — Poteries. — Quatre ditt'éreiits groupes de tombes. — Tombes en morceaux de pierres. — Tombes à passage. — Cercueils de pieire. — l^'àge du bronze. — Étrange rocher gravé. — Tombes avec ossements brûlés et non brûlés. — Ustensiles et ornements de bronze et d'or. — l'oteries de l'âge du bronze. — Rocher gravé avec chevaux et bétail. — Fin de l'âge du bronze 317 CIL\PITRE XXIX PREMIER, DEUXIÈME ET DERNIER .Vr.E. Les premier, moyen et dernier âges du fer en Su kle et en .Norvi-ge. — Leur durée. — Trou- vailles de coins étrangers. — Rapports conimeiciaux avec les Romains. — Tombes nom- breuses de l'âge du fer. — Intéressantes trouvailles de l'iige du fer. — Beaux objets ou ornements de bronze, argent et or. — .\ccoutremeut d'un chef norse. — Valeur des objets de verre. — Baustasti'nur (tombes). — Les Runes. — Alphabet runiijue. — Runes anciennes et récentes 411 Cil .\ PITRE XXX LE DERNIER .VC. E DU EER OU DES VIKINGS. Le dernier âge du fer ou Viking. — .Vpjiarition subite des Vikings dans l'Europe occidentale et méridionale. — .\rmes dont se servaient les Vikiugs. — Expéditions paciliques et guer- rières. — Insciiptions intéressantes sur des pierres runiciues. — L'ancien pont de Tâby. — Ponts avec pierres ruuiipies. — Coutumes et habitudes des .Scan 2 r- 2 5 > "- >;< o c. n 2>